[CLOS] [Elijah/Angie]Des étoiles plein les yeux.

Mclaren’s , aux alentours de 23h.

Cette soirée était tout simplement énorme. Je n’avais jamais vu autant de monde. Les gens étaient tellement serrés que j’avais l’impression d’avoir sous les yeux une espèce de masse compacte qui bougeait d’un seul mouvement. J’adorais ça. Il y avait une ambiance du tonnerre et ça me boostait d’autant plus.

Cela faisait déjà 2 heures que nous jouions sans discontinuer. Nous enchainions l’énergie de l’électro, le velours du blues, l’intensité des morceaux plus tristes, la légèreté des balades. Mais là où je me sentais le plus à l’aise, c’était dans la puissance du rock. Je n’avais pas une voix à proprement parler exceptionnelle, mais elle était puissante, étonnement puissante d’ailleurs au regard de ma carrure.

Quand à moi, je m’éclatais, tout simplement. Je dansais, jouais avec le micro, me déplaçait sur la scène. Je débordais d’énergie et je la communiquais à nos auditeurs. Notre programme touchait à sa fin. On terminait toujours pareil, un morceau puissant : Radioactive d’Imagine dragons, suivi d’un morceau plus lent, Feeling Good de Nina Simone pour le retour au calme. Les dernières notes du morceau se perdirent dans un tonnerre d’applaudissement et le patron du bar monta sur scène pour nous remercier.

Nous sautâmes au bas de la scène. Je ne savais pas si mes amis étaient là, les visages se mêlaient dans une espèce de bouillabaisse qui empêchait de reconnaitre qui que ce soit. Une fois au sol, ce serait plus facile, sauf que… j’étais plus petite que la moyenne des gens présents dans le bar. Je me laissai entrainer vers le comptoir par mes collègues tout en regardant autour de moi, essayant de capter un visage connu. Tom, le batteur me tenait par les épaules en riant. On était tous fiers de notre performance. On savait très bien qu’un an plus tôt, on en aurait été incapables.

Sans trop savoir comment, je me retrouvai assise sur le bar avec une bière à la main, je soupçonnai Tom de m’avoir hissée jusque là, une de ses habitudes d’après concert. Bah, de là, j’avais un point de vue imparable sur toute la salle. Et je repérai enfin un visage connu. Enfin façon de parler vu que je ne l’avais qu’une fois, plus tôt dans la semaine. Je glissai du bar et me faufilai dans la foule jusqu’à avoir rejoindre Elijah.

- Hey salut ! C’est sympa d’être venu ! Ca vous a plu ?

Je lui décochai un sourire radieux, j’avais encore des étoiles plein les yeux.

Pour Elijah, c’était un exercice plus que difficile. Se mêler à autant de gens d’un coup, tant d’inconnus, dans un lieu qu’il ne connaissait pas.
Mais il était dans une période d’efforts et de changements. Il se devait de le faire et Angie avait été plus qu’Amicale et convaincante pour le coup. C’était un très bon endroit pour commencer.

Le début de soirée avait été horrible pour lui, il avait bien remarqué un groupe d’élèves de son campus avec lesquels il avait déjà discuté, mais une chose à la fois, il avait donc prit place au bar et s’était commandé un verre qui lui avait servi d’échauffement pour le concert à proprement parlé.
La suite avait été un déchainement de musique et de mouvements, de sonorités différentes qu’il s’était légèrement oublié dans la cohue générale.

A la fin de la représentation, Eli s’était gentiment éclipsé de nouveau au bar un peu avant tout le reste du groupe et il avait eu le temps de commander son verre et de s’éloigner de la foule qui arrivait. Mais a vrai dire, ce fut Angie qui le rattrapa avant qu’il atteigne le coin opposé de la pièce.
Elle débordait encore d’adrénaline et arrivait parfaitement à faire partager ce sentiment avec les gens autour d’elle. C’était tellement flagrant qu’Eli lui sourit quand elle lui parla.

- Pas besoin de me remercier, c’est normal. Après tout, vous m’aviez invité à venir non ? Qui aurais-je été si je n’avais pas répondu présent à l’appel ? Et oui, pour répondre, c’était vraiment très bon. Vous jouez vraiment de tout et pour une personne qui ne se cantonne pas que dans un style, c’était vraiment un plaisir. Et je comprend mieux votre réaction quand a Nina Simone.

Il lui fit un clin d’oeil et porta son verre de Whisky à ses lèvres, le liquide ambré le touchant à peine et le réchauffant déjà de l’intérieur.

- Et vous donnez vraiment l’impression d’être différentes parties d’une même entité quand vous êtes sur scène, ça fait plaisir a voir. Certains groupes n’y arrivent jamais. Et ça vaut la peine d’être noté.

Il tendit légèrement son verre vers elle comme pour trinquer à son honneur, son sourire aussi large que celui de son vis a vis.

Il y avait trop de bruit autour de nous. Je n’entendais que la moitié de ce qu’il me disait et encore, en tendant l’oreille. Je captai néanmoins sa raison d’être venue. Je le regardai, un peu intriguée.

- Ben, vous auriez été un inconnu qui aurait préféré ne pas répondre à l’invitation bizarre d’une autre inconnue… un type normal quoi !

Je haussai les épaules et enfonçai ma main libre dans ma poche.

- Et merci pour les compliments.

La suite de ses propos me fit sourire.

- Ca c’est parce que j’ai repoussé les avances de chacun d’entre eux, un par un. Imaginez ce qui se serait passé si j’en avais favorisé un !

Je lui adressai un clin d’œil qui contrastait avec mon ton sérieux. Et puis sans prévenir, je me mis à rire.

- Non je déconne ! En fait, on se connait depuis qu’on est gosses. On a grandit quasiment ensemble. J’imagine que ça rapproche les gens.

Les gens autour de nous continuaient de danser, on avait été remplacés par un autre groupe, des métalleux à les entendre. Et du coup, ça se bousculait pas mal là-dedans. Un mec me bouscula, je manquai de renverser ma bière. La première fois, je ne dis rien, la seconde non plus. Mais la troisième fut celle de trop.

- Ok, je déteste le métal. Ca vous dit qu’on s’éclipse ?

Je n’attendis pas sa réponse.

- En tous cas, quoi que vous décidiez, je sors d’ici. J’ai pas envie de me retrouver par terre et d’être piétinée.

Je rejoignis tant bien que mal le reste du groupe, leur demandai si je pouvais les laisser ranger tous seuls, comme ils étaient aux petits soins avec moi (une fille dans le groupe, on fait attention à elle), ils acceptèrent.  Je revins vers Elijah, l’attrapai par le poignet sans dire un mot et le tirai dans mon sillage en direction de la sortie.

Une fois dehors, je pris une profonde inspiration.

- Ah de l’air !

Je levais les mains vers le ciel, comme si je le bénissais de pouvoir enfin respirer. Puis je m’appuyai contre une benne à ordures et but une gorgée de ma bière. Puis je posai les yeux sur Elijah, je le voyais vraiment maintenant qu’on était dehors. Pas de tâches de cambouis sur le visage cette fois.

- Bah mince alors, je croyais que vous vouliez lancer la mode !

Pour expliquer mes propos, je passai ma main sur ma joue.

Elijah était une éponge à style et a sonorité.
Il lui suffisait d’une fois pour apprécier les bons cotés de chaque de morceaux, donc pour lui le Metal ne le dérangeait pas. Mais il comprenait très bien que certaines personnes soient dérangé par ce genre de sonorité, alors quand elle annonça qu’elle sortait, il la suivit du regard. Ce n’était pas la direction de la sortie qu’elle prenait, mais plus celle de son groupe.
Il resta interloqué un instant, se demandant si elle allait revenir avec son groupe ou pas, mais quand elle leur fit signe et qu’elle revint vers lui, il fut soulagé.
Trop d’effort la même nuit, il ne fallait pas exagérer tout de même !

Il éclata de rire quand elle le prit par le poignet et s’empressa de boire son verre et le posa sur la première table qui lui tombait sous la main avant qu’ils n’atteignent la sortie.
Le positif rit de plus belle quand elle prit sa goulée d’air frais et acquiesça lentement.

- Oui, je dois avouer que ça fait toujours du bien…

Il ferma les yeux un instant pour profiter de la brise.
Il ne faisait pas froid pour autant. Pour une fois, il n’avait ni bonnet, ni veste sans manche avec son armée de pins, se contant juste d’un débardeur et d’un jean trop grand pour lui noir d’où sortait une chaine qui se perdait dans sa poche. Mis a part ses habituels bague au pouce et pendentif autour du cou qui était un simple rectangle en argent, il n’avait rien d’extravagant.

Quand elle lui fit la remarque sur la mode, il replaça de suite la boutade.
Il joua les personnes faussement outré, une main sur le torse et secoua la tête.

- Loin de moi l’idée de lancer des affrontements dans les rues… ce charisme pourrait démarrer des guerres ! Imaginez Edward King ou Nate Waleman s’ils voyaient qu’un simple garagiste arrivait à attirer plus de Paparazzi qu’eux… je ne veux pas ça !

Il rit une nouvelle fois et se posa contre les pierres fraiches du bâtiment.
Cette fois, ce fut à lui de soupirer d’aise de façon exagérée.
Il pointa du pouce la porte qui se trouvait à quelques pas d’eux et fixa Angie avec des yeux curieux.

- Et vous jouez comme ça souvent ? Je veux dire, plusieurs fois par semaines, par mois… ? Parce que ça doit être épuisant à la longue, non ?

Je haussai les épaules.

- Ca dépend des contrats. Y'a certaines périodes qui sont plus remplies que d'autres. Quelque fois on joue tous les week-end pendant plusieurs mois et quelque fois, on est plusieurs semaines sans jouer.  Et c'est pas si fatiguant que ça, enfin pas pour moi. Mais les autres ont un peu plus de mal. Je suppose que c'est une question d'habitude, ou de limites.

Depuis qu'Elijah avait mentionné les noms d'Edward King et  de Nate Waleman, ils me trottaient dans la tête. C'étaient des noms que je connaissais. Je n'étais peut-être pas très au point concernant le monde dans lequel je vivais, mais il était difficile de passer à côté d'eux.

- Je me demande comment ils font, ces gens… Etre sous les projecteurs à longueur d'année ça doit être énervant à la longue.

Je secouai la tête.

- Moi je ne pourrai pas. J'ai trop besoin de ma liberté. J'aime pouvoir faire ce que je veux, quand je veux, même si ça ne plait pas aux gens. C'est déjà pas facile avec mon frère sur le dos alors si en plus je devais me contrôler en permanence pour ne pas faire un geste de travers...

Tout en parlant, je décollai l'étiquette de ma bière, morceaux par morceaux. J'avais du mal à tenir en place. A l'école, on avait dit à mes parents que j'étais limite hyperactive parce que je ne pouvais pas m'empêcher de bouger les pieds sous ma table. Aujourd'hui, je me contrôlais mieux… tant que j'avais quelque chose dans les mains.

- Et bien…

Il porta la main à sa tête et tâtonna le haut de son crane un instant avant de passer a ses poches latérales, puis ses poches arrière pour finalement secouer la tête.

- Je voulais vous tirer mon chapeau, mais finalement, ça sera uniquement verbal. Parce que tenir se rythme plusieurs fois par moi, il faut vraiment avoir des ressources cachées que certains Positifs ne doivent même pas avoir…

Il fronça les sourcils et approcha son visage d’elle pour la regarder dans les yeux avec un air suspect.

- Vous ne seriez pas positive par hasard ? Pas que ça me dérange, attention, mais ça expliquerait beaucoup de choses.

Il reprit sa position initiale et rit, les mains posées contre le mur sur lequel il était appuyé.
Quand elle parla des gens de la haute, il acquiesça légèrement.

- Je vois parfois Edward King. Quand il passe dans le laboratoire ou ma classe et moi suivons la formation a laquelle la king nous a invité et quand il fait ses actions bénévoles. C'est souvent à quelques pas de chez moi. Je lui ai même parlé et il reste très simple. Vu son attitude, je pense que c’est quelque chose qu’ils apprennent à maitriser très tôt. Et a force, ils n’y font même plus attention. Tout est une question d’entrainement je pense…

Il sourit.

- Et puis pour souffler, je pense qu’ils n’ont aucun problème avec ça.

Elijah fit rouler son majeur contre son pouce, son ombre de sourire sur le visage. Il posa les yeux sur les mains de la jeune femme et observa le manège une seconde.

- C’est dommage, j’aurais su, j’aurais pris quelque chose avec une étiquette aussi, ça vous aurait donné de quoi vous vider la tête…

Il point du doigt sa bouteille et lui fit un clin d’oeil taquin. C’état le genre de détail qui l’amusaient et qu’il aimait donc à relever.

Sur le coup, je me demandai ce qu’il me voulait quand il s’approcha pour me scruter. Instinctivement, je détournai les yeux. Mais sa question me fit sourire.

- Vous croyez vraiment que je vous le dirais si je l’étais ?

Je secouai la tête.

- Non, je ne le suis pas. Et parfois, je me dis que c’est dommage. Mais rassurez-moi, vous n’avez pas de micro sur vous j’espère ! Je ne suis pas certaine que les sympathisants pro-positifs soient bien vus de nos jours…

A vrai dire, je ne connaissais pas de positifs. Je n’en savais que ce que mes parents m’avaient appris. Je les imaginais comme des sortes de super héros (bons ou mauvais selon les gens) capables de faire beaucoup de bien autour d’eux. Je ne savais pas trop qu’elle sorte de pouvoir ils avaient. Mais je me disais que dans le lot, qui sait, il y en avait peut-être qui avaient le don de guérir les gens.

Je l’écoutai me parler d’Edward King. J’étais assez impressionnée d’avoir en face de moi quelqu’un qui côtoyait plus ou moins l’un des puissants de ce monde. Moi la personne la plus importante que je connaissais, c’était… J’avais beau me creuser la tête, je ne connaissais personne d’important. Quoique, cet homme que j’avais rencontré à notre dernier concert, ça ne devait pas être n’importe qui, avec son costard de luxe. Qu’est-ce qu’il m’avait dit qu’il faisait déjà ?

Quand il me parla de ma bouteille, je le regardais quelques secondes, interloquée. Mais de quoi me parlait-il ? Et puis il me montra ma bouteille de bière. Je secouai la tête.

- C’est pas pour me vider la tête. C’est juste que… c’est instinctif, quand j’ai quelque chose dans la main, je le triture dans tous les sens. C’est une façon de canaliser mon énergie, je crois…

Pour m’empêcher de continuer, je vidai ma bouteille et la jetai dans la beine à ordure.

Il pointa son doigt vers elle et le secoua lentement.

Pourquoi ne pas en parler si vous l’étiez… ce n’est plus un secret et encore moins une honte de l’être… enfin, il y aura toujours des mécontents ou des gens qui ont peur de ce que peuvent faire les positifs, mais je ne verrais pas de problème à ce que vous me le disiez.

Il croisa les bras sur le torse, conscient de l’hypocrisie de ses mots pour le coup. Il ne le cachait pas, mais il ne le criait pas non plus sur les toits. Bien que depuis les exercices, il devenait plus à l’aise avec l’idée de l’être, il avait vécu des années dans la peur d’utiliser ses capacités.

Elijah sourit quand elle lui raconta la raison du dépiotage de la bouteille et il rit de plus belle quand elle se dégagea de la bouteille pour la jeter dans la bene.
Il secoua la tête, conscient que si il n’avait rien dit, elle aurait continué comme ça encore un moment.

- Et même après un concert comme ça, vous avez de l’énergie qui demande à être évacuée ?

Ses yeux se perdirent sur les tags qu’on pouvait trouver dans la ruelle. Il aimait ce genre d’art quand c’était bien fait. Il avait même hésité pendant un moment à s’y mettre. Pas du vandalisme… enfin, pas dans le sens où on peut le voir partout, plutôt de la protestation artistique, voila, il adorait ce thermes. Il rit tout seul avant de se rendre compte du ridicule de la situation.

- Je ne me moquais pas, notons, je me faisais une remarque sur la majorité des marques qu’on peut trouver dans la ville basse…

Il pointa les tags d’un geste général bien que certains lui attachaient l’oeil.

- Peut-être que je devrais me mettre sérieusement à penser à remonter le niveau des gens d’ici…

Manifestement, je n’avais pas à faire grand-chose pour déclencher l’hilarité d’Elijah. Mais à bien y repenser, je faisais toujours rire les gens sans rien faire de plus qu’être moi-même. C’était une sorte de super pouvoir non ? Et j’en étais plutôt fière. J’aimais voir les gens heureux autour de moi. Alors si je pouvais les aider à l’être, ne serait-ce qu’un instant.

- Disons que tant que je ne m’écroule pas, c’est que j’ai de l’énergie à revendre. Et ma foi…

Je baissai le regard sur moi-même et me balançait d’avant en arrière.

- Il semblerait que je ne sois pas sur le point de m’écrouler. Et pour tout vous dire, maintenant que j’ai jeté cette bouteille, je ne sais plus comment l’évacuer !

Comme il regardait autour de lui, je fis de même. Les murs étaient recouverts de tags, certains faisaient montre d’un semblant de talent tandis que d’autres… nécessitaient que leurs auteurs améliorent leur technique. Et puis Elijah se mit à rire, comme ça, sans raisons. Je me tournai vers lui, intriguée. Riait-il de mon débordement d’énergie ou de ce qu’il voyait sur les murs ?

Je n’eus pas à attendre très longtemps pour avoir la réponse.

- Oh, vous êtes méchant, ils ne sont pas tous si mauvais que cela. Certains sont même très bons !

Je le jaugeai du coin de l’œil.

- Alors comme ça, vous êtes artistes vous-même ?

Il montra une série de Tags sur un mur non loin de la sortie de la Ruelle a quelques mètres d’eux. Ces derniers montraient une série de bonshommes dans une fresque façon évolution, sauf qu’après être passé du singe à l’homme moderne, il y avait une autre série de dessins qui montrait l’évolution qui partait vers des formes diverses et brouillonnes. Eli fit la moue et commenta.

- Peut-être que les Pro-positifs ne sont pas reconnus à leurs justes valeurs, mais les Anti-positifs semblent toujours aussi présent qu’avant.

Il était tellement absorbé par la fresque qu’il ne s’était même pas rendu compte que sa phrase pouvait révéler certaines choses si on savait lire entre les lignes. Il se contenta de soupirer longuement. Et sourit comme pour changer de sujet quand elle lui demanda si il était artiste.

- Mon Milieu artistique est là mécanique. Clairement. Mais à la Nouvelle Orléans, j’ai suivi des cours d’art et je dois avouer qu’on a eu l’occasion de peindre dans la rue certaines fresques qui ma foi nous avaient rendu très fier de nous.

Il gonfla le torse comme il l’avait fait alors, les mains sur les hanches comme un vrai petit super héros en puissance. Le souvenir était teinté de joie et de mélancolie.
Il secoua la tête et reposa les yeux sur Angie.

- Peut-être que je devrais revenir avec une nouvelle bière dans ce cas là, histoire que vous ne vous mettiez pas à arracher la peinture des murs avec vos ongles… quoi que…

Il montra la fresque du bout du doigt une nouvelle fois, légèrement jaune dans son humour.

- Si vous pouviez commencer par là…

Je jetai un œil à la dite fresque et la trouvai détestable. J’étais d’accord avec lui et je ne m’en cachai pas.

- Qu’ils aillent tous en enfer. Je suis sûre que sans eux, le monde serait meilleur. Pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent pas accepter que les positifs sont ce qu’ils sont ? Ce sont des êtres humains, est-ce qu’ils ne peuvent pas les laisser tranquille une bonne fois pour toutes ?

J’étais une négative, c’était certain, mais parfois j’en avais honte. J’avais grandi dans une famille tolérante, ouverte, qui avait fait son possible pour faire de moi quelqu’un de bien. Et j’espérai l’être.  Je pris conscience que mon emportement pouvait être mal compris. Mais en réalité je m’en fichais. Je n’avais pas peur d’Elijah, manifestement, il était comme moi, un pro-positif. Et j’aimais bien cette idée. Je n’aurais pas pu passer une seconde de plus avec quelqu’un qui ne pensait pas comme moi à ce sujet.

- Que je gratte le mur ? Vous êtes fou ? Je vais pas me faire mal aux doigts pour ce… cet espèce de truc là. Nan, je vais trouver autre chose pour dépenser mon énergie.

J’étais en train d’y réfléchir lorsque l’un des mots qu’il avait prononcé me revint en tête.

- Vous êtes allé à la Nouvelle-Orléans ? Comment c’est là bas ?

Je n’étais pas souvent sortie de la ville. Avec mes parents, nous allions en vacances une fois par an, mais on allait toujours au même endroit. Mes grands-parents habitaient dans l’Ohio et on allait les voir. Aussitôt, une autre question me vint.

- Vous avez déjà voyagé ? Loin je veux dire, dans un autre pays ?  J’adorerai partir… je sais pas où, mais j’aimerai voir d’autres choses que cette ville. Mais je crois que je ne la quitterai jamais désormais.

Quand il entendit la verbe d’Angie, il lui fit un sourire. Un vrai, pas un de ceux qu’il a toujours accroché aux lèvres. Comment les différencier ? Simplement parceque lors de ces derniers, on pouvait clairement voir ses dents, voila tout.
Il acquiesça lentement, c’était décidé. Demain, il irait utiliser une partie de ses économies pour acheter des bombes et la première chose qu’il viendrait recouvrir, ça serait ce dessin, il savait déjà ce qu’il allait faire comme ajouts.

- C’est une bonne excuse en effet. Evitons de vous abimer les doigts avec ça. Puis qui sait, si c’est de la peinture maison, ça pourrait rester pendant des semaines…

A cette pensée, il secoua vivement ses doigts.

Elle sembla intéressée par la Nouvelle Orléans, au point de lui demander comment était la région. Il fut légèrement envahi de nostalgie à la pensée de la ville, comme d’habitude, mais quand il ouvrit la bouche, c’était avec une voix amoureuse qu’il parla.

- Magnifique. Tout dépend ce que vous cherchez… mais c’est une de ces villes intouchées par le dernier siècle à quelques détails prêt. Le Quartier est toujours bondé de monde, des touristes, des gens du coin, des groupes qui jouent partout, dans les clubs, dans les rues a coté des peintres… et le centre-ville avec ses immeubles. Autant vous dire que la ville basse et la ville haute sont aussi différentes qu’ici, mais la ville basse fait aussi bon vivre que la ville haute.

Il avait vu l’Underground et même si ces gens faisaient ce qu’ils pouvaient, les gens ne vivraient jamais comme ils le voudraient, comme ils le méritaient.

Quand à la question des voyages il se contenta de secouer la tête.

- Rien de bien folichon. Juste dans le pays. Le sud, bien entendu, l’Etat de Washington de temps en temps, Seatle et Baltimore un peu…

Le souvenir de l’accident lui vint naturellement en tête. Il avait eu lieu lors d’un de ces voyages de vacance. Souvenir heureux qui tournerait mal. Instinctivement il fit la grimace et eu l’impression que ses cicatrices le lançaient. Sa nuque le picotait, mais il connaissait ce sentiment maintenant. Il devait juste se concentrer sur sa respiration et ça finirait par passer.
Il réagit en retard à la fin de la phrase de la jeune femme.

- Angie. Il ne faut jamais dire jamais, c’est vous qui m’avait dit quelque chose comme ça la dernière fois non ? Qui sait, vous qui vivez au jour le jour, demain une personne pourrait vous tirer de force et vous emmener ailleurs que Megalopolis. Vous avez des choses très intéressantes à voir juste en dehors de la ville… enfin, si vous évitez les Appalaches bien entendu, vous aimez le risque, mais là… c’est limite.

Je l'écoutais attentivement tandis qu'il me parlait de la Nouvelle Orléans. Et dans mon esprit se formait une image de cette ville que je n'avais jamais vue, juste avec ce qu'il me disait. Une ville qui n'aurait pas bougé depuis le dernier siècle, ce devait être beau à voir. J'avais vu quelques photos dans mes livres d'histoires. C'était tellement différent de ce que nous avions ici, à Mégalopolis. Et à l'entendre, il avait beaucoup aimé cette ville. Forcément, je me la représentais comme un endroit unique, un peu magique où il devait faire bon vivre.

Tandis qu'il parlait de ses voyages, je visualisai dans ma tête la carte des Etats-Unis. J'essayai de localiser les endroits qu'il mentionnait, mais j'avais quelques lacunes en géographie. C'était un peu contradictoire d'ailleurs, je rêvais de voyager et je ne connaissais même pas mon propre pays, je n'étais pas capable de situer une ville comme Baltimore sur la carte. Et pourtant, quand on parlait de Paris, Londres Berlin, je savais où les situer. Comme si mon propre pays ne m'intéressait pas.

Sa remarque me ramena sur terre et je baissai la tête.

- Oui, je sais ce que je vous ai dit. C'est juste que dans mon cas, jamais veut réellement dire jamais. Même si quelqu'un venait me tirer de force comme vous dites, je ne pourrais pas le suivre. Déjà parce que mon frère ne me laisserait jamais partir, et puis, j'ai des obligations ici, je ne peux pas m'éloigner de la ville.

Par obligation je pensais surtout à mon traitement. J'avais, invariablement depuis 2 ans, rendez-vous à l'hôpital tous les mardis après-midi. Et je savais bien que mon traitement ne servait à rien à part me rajouter quelques jours, ou quelques semaines de plus. Mais je n'arrivais pas à l'arrêter complètement, pas encore. C'était comme si j'espérais toujours que ça finisse par fonctionner.

C’était le genre de choses qui le faisait sourire jusqu’aux oreilles. L’idée d’une escapade l’enchantait. Mine de rien, l’idée de partir quelques jours, de laisser la ville derrière lui et de voir du pays lui plaisait.
Il avait passé beaucoup de temps sur les routes lors de sa recherche du foyer, et il savait qu’il n’y aurait jamais de meilleur place que la Maison. Mais pour lui Megalopolis devenait une nouvelle Maison. C’était sa nouvelle maison. Il était comme un enfant qui vivait entre deux villes sans jamais réussir à décider laquelle était la meilleur et après tout… il ne le voulait pas.
Il prit une longue respiration et soupira.

- J’ai l’impression que je n’ai pas mis les pieds là bas depuis des dizaines d’années…

Techniquement, c’était le cas, même si physiquement, ça ne faisait que Trois ans.

- Rien que pour l’idée d’imaginer votre frère vous courir après, ça m’amuserait à voir.

Il lui fit un clin d’oeil et se mit à rire. Se souvenant du regard de ce dernier quand il avait déposé Angela chez elle.
Il savait pertinemment que c’était purement protecteur et il n’avait pas vraiment l’air méchant.

- Je suis bien placé pour savoir que le Jamais qu’on pense ne jamais changer peut basculer du jour au lendemain. Il suffit d’une rencontre, d’une situation… et vous voila changé.

Pour le coup, sa phrase avait un double sens, mais que lui seul pouvait noter. Il en sourit d’ailleurs, se rendant compte qu’à parler sans réfléchir, son cerveau lui envoyait des messages inconscient.

Ses déclarations déclenchèrent plusieurs réactions en moi. Tout d'abord je lui lançai un regard style "vous êtes sérieux ?". Puis je me mis à rire. Parce que non, il ne pouvait pas être sérieux. Ce n'était juste pas possible.

- Ouais bah… pas moi. Je vous ai dit qu'il était flic ? Alors ajoutez son côté hyper protecteur à son côté "t'as intérêt à filer droit". Je vous assure qu'il ne vaut mieux pas être dans les parages dans ces moments là.

Je haussai les épaules.

- Mais il n'est pas méchant, c'est juste que… Depuis qu'on est gamin, il me protège de tout. IL a toujours été là pour moi, une sorte de garde du corps. Et puis un jour y'a eu ce truc et… Pour résumer, il s'en veut terriblement parce qu'il n'a pas su me protéger. Et j'ai beau lui dire que même s'il avait voulu, il n'aurait rien pu faire, il ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter. Il a tout le temps peur qu'il m'arrive quelque chose. C'est un peu énervant à la longue, mais c'est mon frère et je l'adore.

Je fis un petit sourire dans le vague. Et puis Elijah reprit la parole. Bien sûr, j'étais d'accord avec tout ce qu'il disait. Mais je savais pertinemment que ça ne s'appliquait pas à moi.

- C'est pas faux, c'est juste que dans mon cas…

Je cherchai mes mots. Comment lui faire comprendre que mon "jamais " était définitif, que même si je voulais le changer, je ne pouvais pas. Et il n'y avait pas que mon traitement, mon espérance de vie elle-même m'en empêchait. Comment j'aurai pu partir sachant qu'à tout moment la "bombe" pouvait exploser ?

- Disons que vous n'avez pas toutes les cartes en main pour comprendre ma façon de penser.

Je haussai les épaules et lui fit un petit sourire style "désolée, mais c'est comme ça".

Il écouta attentivement ce qu’Angie lui apprenait sur son frère. Oui, ça lui rappelait beaucoup de choses à lui aussi.
Pour mettre les pensées qu’il avait eu quelques minutes auparavant en parole, il se contenta de se concentrer un instant et ouvrit la bouche.

- Je connais le sentiment.

Il écarta les cheveux qui lui tombaient sur la nuque et montra les marques sur sa nuque. Pour une fois qu’il ne portait qu’un débardeur, il n’avait pas besoin de plus d’effort pour montrer ses cicatrices.

- J’ai eu un accident de la route quand j’étais plus jeune. Mon père est mort là dedans et moi et ma mère sommes resté dans le coma pendant un moment. Des semaines pour moi…

Il n’en dit pas plus. Il savait que sa mère avait fini par se réveiller elle aussi, mais bien plus longtemps après. Et au fond de lui, il s’en voulait de ne pas avoir pu apporter sa présence lors de ce moment ni ceux qui suivirent.

- Après ça, ma soeur a décidé qu’elle allait prendre la place de mes parents et me chaperonnait pour tout.

Il plaqua ses mains sur son torse là où se trouvaient ses poumons.

- A la longue, j’avais l’impression d’étouffer. J’ai fini par partir. J’ai fais Seatle, Washington, New York et…

Il devenait de se rendre compte de ses erreurs. Il allait dire ‘’ Je suis descendu vers Baltimore ‘’ avant de se rendre compte que ces villes n’existaient plus maintenant.
Il secoua la tête et rit.

- Vous voyez, trop d’histoire, j’appelle encore ces endroits comme ils s’appelaient avant les tremblements de terre…

Il se force à rire pour le coup.

- Tout ça pour dire que nous avons tous nos secrets. Plus ou moins lourd à porter et à vivre avec. Je connais ça…

Quand Elijah commença à me raconter son histoire, je l’écoutai. Il n’avait pas dit un mot pendant que je lui parlais de David. Maintenant, c’était à mon tour de l’écouter attentivement.

Lorsque j’avais vu ses cicatrices, j’avais compris au fond de moi qu’il revenait de loin. Et ses paroles me le prouvèrent. Quand il eut terminé, je restai silencieuse un moment. Je savais que ça avait dû être difficile pour lui de se dévoiler comme ça, surtout à une inconnue. Et je savais que quoi que je dise, ça ne changerait pas les choses. Je ne voulais pas non plus qu’il prenne mes paroles pour un élan de pitié. Je détestai ce sentiment, je l’avais moi-même déjà trop vu dans les yeux des gens que je côtoyais. Alors je ne dis rien. Tout juste esquissai-je un sourire en réponse à sa réflexion sur l’histoire.

On m’avait appris que certains gestes pouvaient rassurer et réconforter bien plus que des mots. Aussi pris-je un instant sa main dans la mienne et la serrai. C’était ma façon à moi de lui dire que je comprenais, que j’étais là, que tout allait bien maintenant.

Son histoire m’avait touchée, la confiance qu’il m’avait accordée également. Je me disais que s’il m’avait parlé ainsi, c’était peut-être une histoire de confiance. J’avais peut-être tort, mais je n’allais pas lui demander.

C’est peut-être ça qui m’incita à parler à mon tour. Je lâchai sa main, enfonçai la mienne dans ma poche, donnai un coup de pied à un caillou imaginaire et rajustai ma position, le dos contre le mur. Et enfin, je me lançai, dans un souffle.

- Je vais mourir…

Je ne disais pas cela pour minimiser son histoire. Non, en réalité, je pensais que perdre un être cher devait être plus terrible que ma propre mort. Je ne voulais pas non plus qu’il me plaigne ou qu’il ait pitié de moi. Je disais juste ça parce qu’il m’inspirait confiance lui aussi. J’espérais juste qu’il n’allait pas s’éloigner de moi lui aussi.

- Je ne sais pas quand, mais c’est inévitable.

Le contact. C’était quelque chose qu’il gérait très mal. Quand elle le toucha, il dut faire preuve d’un contrôle de soit énorme. Pas qu’il n’aime pas toucher les gens. Mais depuis qu’il s’était mit à utiliser son pouvoir, il contrôlait mal certains aspect de ce dernier. Alors quand elle posa sa main dans la sienne, son pouvoir s’étendit tout seul à ses alentours et il sentit toutes les pièces métalliques qu’elle portait.
Il frissonna légèrement et quand elle rangea sa main dans sa poche il lui fallut un moment pour rabattre son attention autour de lui.

Quand elle lui annonça qu’elle allait mourir. Il le prit comme il devait le prendre. Au premier degrés. Elle ne lui aurait pas dit quelque chose comme ça après sa histoire.
Il la dévisagea un instant et même si il voulu en savoir plus, il se contenta de rire en lui tapotant l’épaule deux fois.

- Voila qui explique bien des choses. La vie à cent à l’heure tout ça…

Il imita la jeune femme dans sa position et regarda le haut de la rue, vers les nuages et les lumières qui s’y reflétaient.

- Inévitable, c’est un fait. Mais si ce inévitable voulait dire ‘’ prématurément ‘’, je suis bien placé pour savoir que c’est faux. Comme je vous l’ai dis, il suffit d’un rencontre, d’un moment et tout peut basculer. Sans vouloir être plein d’illusions.

Il n’en dit pas plus. Le sujet ne le regardait pas et si elle voulait lui en dire plus, elle le ferait. Peut-être qu’il ferait de même. Mais pour le moment, c’était ici et maintenant.

- Ces dernières années, j’ai vu de ces choses… et je pense que de coté du pays, vous êtes au meilleur endroit pour voir les plus belles choses apparaitre comme les pires.

Son rire était communicatif. Et rassurant aussi. Pendant un instant, j’avais eu peur qu’il ait la même réaction que la plupart des gens : un « oh je suis désolé » suivi d’un silence gêné, puis d’un « je dois y aller ». Mais Elijah lui, non seulement il était encore là, mais il avait ri. A vrai dire, c’était une réaction à laquelle je ne m’attendais pas. Et j’appréciai qu’il n’en fasse pas toute une montagne. J’avais déjà assez de ma famille pour dramatiser. Je lui souris tandis que ses deux tapes me déséquilibraient légèrement.

Je ne savais pas si ce qu’il me disait était destiné à me rassurer, mais pour le coup, je ne le cru pas. Cela faisait 2 ans que je me battais contre cette pourriture qui me rongeait de l’intérieur. Les médecins n’avaient pas d’espoir. Moi, j’étais résignée. Mais je ne rajoutai rien sur ce sujet. J’en avais déjà assez dit pour ce soir. Le reste viendrait peut-être, plus tard.

Je m’étonnai moi-même, je n’étais pas du genre à me confier à n’importe qui comme ça. Pendant un instant, j’eus la sensation que nos révélations à l’un comme à l’autre avaient contribué à créer une espèce de lien entre nous deux. Et je ne savais pas si c’était une bonne chose.

Je décidai de changer de sujet, pour dissiper mon trouble soudain.

- Hey, ça vous dit de voir le plus bel endroit de tout Mégalopolis ?

En réalité, je ne savais si c’était réellement le plus beau de la ville, je ne l’avais pas parcourue entièrement. Mais je savais que si l’endroit était déjà magnifique en plein jour, la nuit il devait être féérique.

- Mais je vous préviens, faut pas avoir le vertige.

Parce que mon plus bel endroit de la ville se trouvait sur le toit d’un ancien gratte-ciel.

Le changement de sujet était bienvenu et Elijah y pensait au moment ou Angie le fit à sa place.
Il sourit et leva le pouce vers elle.

- J’ai toujours tant de choses à découvrir sur cette ville que je ne dis jamais non à ce genre de proposition ! Donc oui. Plutôt deux fois qu’une ça me dirait.

Il fit semblant de regarder ses pieds et écarta ses bras en se balançant d’avant en arrière.

- Et je n’ai pas peur des hauteurs, allez savoir pourquoi, enfin… tant mieux soit dit en passant.

Il se mit à réfléchir l’espace d’une seconde à la raison qui faisait qu’il avait toujours eu le vertige et maintenant, plus du tout.
Il s’était tenu sur la terrasse avec Maddie, montait dans les laboratoires des étages de la tour King et regardait la rue en bas sans avoir cette impression de chute… peut être que c’était son pouvoir qui avait réveillé cette impression de sécurité ou ses expériences récentes. Mais en tout cas, c’était un changement qui était clairement le bienvenu.

Il montra le bout de la rue un instant, puis le bar.

- Vous ne devriez pas les prévenir si vous me kidnappez dans un endroit inconnu ? Dans tout les cas, ma voiture n’est pas bien loin, vous n’aurez qu’à me servir de GPS, la dernière fois, ça a plutôt bien fonctionné alors pourquoi pas maintenant.

Il fit la moue et la regarda droit dans les yeux.

- A moins que ce soit un de ces endroits tellement secret qu’on doive y aller les yeux bandés ? Je comprendrais…

Il ferma les yeux pour imiter une cécité soudaine et secoua la tête en rouvrant les yeux.

Lorsqu'Elijah accepta la proposition, je lui décochai mon plus beau sourire.

- Super ! Vous n'allez pas le regretter.

Sa réflexion sur son vertige inexistant m'intrigua. A la façon dont il avait dit ça, c'était comme s'il s'étonnait de ne pas l'avoir. Comme si c'était étrange.

- Pourquoi ça vous étonne ? Y'a des tas de gens qui n'ont pas peur des hauteurs !

Je lui adressai un nouveau sourire. Moi j'en faisais partie. Et même, j'adorais ça, être en hauteur, ça me donnait l'impression d'être grande ! C'était peut-être pour ça que j'enchainais les sports qui se pratiquaient à une certaine distance de la terre ferme. Ca, et l'adrénaline bien sûr. En revanche, David, lui, avait le vertige. Et je moquais toujours de lui, oh pas méchamment bien sûr, parce que ça ne collait pas avec sa carrure,  ni avec son caractère.

Il m'indiqua le bar, me rappelant que j'avais des amis à l'intérieur. Je secouai la tête. Inutile de les prévenir, je leur avais dit que je ne reviendrai peut-être pas.

- Quand on kidnappe les gens, on ne le crie pas sur tous les toits. Vous avez peur qu'on ne vous retrouve pas ?

La suggestion du bandeau sur les yeux me fit réfléchir quelques secondes. Je fis semblant de le scruter, mes yeux descendant de sa tête vers ses pieds puis remontant aussi avant de se fixer dans les siens, comme si j'étudiais la question.

- Non pas besoin. Je vous fais confiance pour ne pas en parler autour de vous.

Je le pointai du doigt.

- Et ce n'est pas une blague. C'est mon endroit à moi et je n'en parle à personne parce que je n'ai pas envie qu'on me retrouve quand je pars en claquant la porte. Compris ?

Il haussa les épaules en faisant une tête à la limite du pitoyable, une main dans les cheveux et le regard vague.

- Oh vous savez, je pense qu’ils mettraient un moment à se rendre compte que je ne suis plus là déjà, ça vous laisserait assez de marge pour prendre la fuite, il faut en profiter !

Il secoua la tête et se redressa d’une impulsion contre le mur avant de faire quelques pas comme pour se dégourdir les jambes. Pas qu’il en est besoin, mais ça lui faisait du bien.
Il tendit une main vers Angie et secoua son index.

- Vous n’avez aucun soucis à avoir à ce niveau là, j’ai eu un endroit comme ça, je sais que l’idée de le voir envahi n’est jamais agréable, alors si l’information doit filtrer, sachez que ça ne viendra pas de moi.

Il connaissait l’Underground après tout. Et personne n’avait jamais su qu’il y avait été sauf les gens présent là-bas à cette époque. Après tout, il pouvait croiser de nouveaux arrivant aujourd’hui même sans que ces derniers saches qui il était et qu’il savait pour leur repaire. Mais après tout, c’est pour ça qu’il avait prit la poudre d’escampette. Vivre une vie plus facile le temps d’apprendre ce qu’il vivait.

- Alors en route GPS.

Sans attendre de voir si elle suivait - Il se doutait qu’elle suivrait - il s’engagea dans la rue, lançant un nouveau regard à la peinture quand il passa a coté, se disant mentalement une nouvelle fois que cet endroit serait victime d’un ravalement de façade mystère prochainement.
Il pensa la scène un instant, une capuche sur la tête en train de tagueur pour rendre un visage plus amical à la ville basse et il éclata de rire. Comme il l’avait fait précédemment il s’arrêta et se retourna vers Angie.

- J’étais en train de faire un lien étrange entre les tags de la ville et ces héros masqués dont les informations et les gens des quartiers parlent la nuit. Je me suis toujours demandé ce que ça devait faire d’être à leur place. Vous qui aimez l’adrénaline, vous seriez bien copain avec eux je pense.

Je fronçai les sourcils et hochai une dernière fois la tête.

- Bon alors venez. C’est juste à quelques pâtés de maisons. On peut marcher jusque là non ?

Mais le temps que je termine ma phrase, il était déjà parti.

- Hey mais attendez ! Vous ne savez même pas où c’est !

Je le rattrapai en quelques enjambées et là, il éclata de rire, comme ça, sans raison apparente. Je le regardai, un peu étonnée. Il avait décidément des réactions étranges. Mais bah, il avait du penser à quelque chose de drôle. Je continuai à marcher, jetai moi aussi un œil à la fresque, esquissai une moue de dégoût et continuai à avancer.

Et comme il l’avait déjà fait plusieurs fois, il m’expliquait le fond de sa pensée et rien que ça, ça me fit rire.

- Vous savez, vous n’êtes pas obligé de m’expliquer pourquoi vous vous marrez comme ça, soudainement.

Je songeai un peu plus précisément à ce qu’il venait de me dire.

- Oui, j’aime l’adrénaline c’est sûr… mais je ne fais que des trucs à peu près légaux... Avec le frère que j’ai, il vaut mieux que je ne m’écarte pas trop du droit chemin. Cela dit…

Je pris un air songeur.

- Ce qu’il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal !

Je lui adressai un clin d’œil.

Il sourit quand elle le rattrapa en lui disant qu’il ne savait pas où ça se trouvait. Il savait qu’elle finirait par passer devant de toute façon, autant prendre les devants.
Quand elle lui dit qu’il n’était pas obligé de lui expliquer les raisons de ses hilarités il tordit la bouche dans un rictus mi-amusé, mi-géné.

- Je préfère que les choses soient claires en général, on ne sait jamais de ce qui peut naitre sur un mal entendu. Être clair comme l’eau de roche pour certains sujets, c’est toujours plus agréable pour vivre des échanges. Enfin, c’est peut être idiot, mais c’est mon point de vue.

Ell fini par rebondir sur le sujet des masques, deux sortaient du lot pour lui, le troisième touchait plus de la légende urbaine pour lui. Mais après tout, pour ce genre de sujet, chaque personne avait sa propre façon de penser, pour certains ils seraient des héros, pour d’autres des criminels.
Il tourna la tête vers elle sans s’arrêter de marcher, souriant à sa remarque.

- Je suppose que c’était la manière de penser de tout les Héros au début de leurs carrières. Ce que ne sait pas ma famille ne pourra pas leurs faire de mal. Cette façon de penser, on a retrouve chez beaucoup de gens, les héros, les Positifs, je pense que cacher certaines différentes qui pourraient mettre les autres en danger ou exposer son flanc est toujours un risque qu’il ne faut pas prendre à la légère.

Ils remontaient un pâté de maison qu’il ne connaissait pas. Ce coin de la ville basse, il ne l’avait jamais vraiment visité. Après tout, il ne connaissait pas grand chose a part son chemin habituel. Il faudrait qu’il se prenne par la main un jour pour parcourir certaines de ses rues… mais de jour, éviter les agressions c’était toujours plus agréable pour faire du repérage.

Je m’arretai net, les poings sur les hanches façon super héros.

- Wow, je vais peut-être devenir une super héroïne, vu que je pense déjà comme elles !

Je me remis à marcher, gardant mon sérieux tant que possible.

- Je me verrais bien en…  Rah j’hésite…  le costume de wonder woman est vraiment pas terrible. Il m’irait pas du tout… mais ses pouvoirs sont hyper cool. Ou alors… en batwoman. J’aime le fait qu’elle n’a pas de pouvoir. Ah ouais mais non, j’aime pas les filles, ça le ferait pas. Oh je sais ! Lara Croft. Elle est vraiment classe. Bon c’est pas une super héroïne au sens stricte du terme, mais mine de rien, elle sauve le monde en empêchant les méchants de mettre la main sur des artéfacts magiques.

Je hochai la tête, décidée.

- Ouais c’est ça, Lara Croft.  Et vous tiens, vous vous verriez bien en quel super héros ?

On avait fini par arriver devant l’immeuble en question. Il était complètement désaffecté mais intact. J’attrapai l’escalier de secours et pesai de tout mon poids dessus pour le faire descende. Suite à quoi, j’entrepris l’ascension. L’immeuble n’était pas si haut que ça. A vue de nez, j’aurais dit 150m, tout au plus. Monter au sommet était essoufflant, mais faisable pour n’importe qui.

Arrivée en haut, je m’avançai jusqu’au bord du toit et grimpai sur le muret. La vue, de nuit, était tout simplement magique. La ville basse s’étendait directement sous mes pieds. Puis plus loin la ville médiane. Si on regardait bien, on pouvait apercevoir le reflet des lumières dans la baie de manhattan. Et tout au fond, on voyait la ville haute. Chaque partie de la ville était bien marquée. La ville médiane était plus éclairée que la ville basse et la ville haute paraissait être en plein jour. Et on voyait, au loin, les silhouettes des grands immeubles de la ville haute qui se détachaient sur le ciel. Il faisait trop noir pour qu’on distingue vraiment les différentes architectures des 3 parties mais en plein jour, c’était édifiant.

Debout sur mon muret, je me sentais grande, puissante, comme si rien ne pouvait m’arriver. J’avais l’impression d’avoir le monde à mes pieds.

- Alors, qu’est-ce que vous dites de ça ?

Tandis qu’elle se cherchait des pouvoirs, lui pensait aux siens. La façon dont il pouvait les utiliser, dans quel but…
Quand elle se fixa une Héroïne, ses lèvres s’étirèrent d’une oreille à une autre.

- Pas besoin de super pouvoirs pour être un héros après tout. Ce que vous faites de vos journées peut vous faire passer pour une superhero aux yeux des gens vous savez…

Quand elle lui posa la question, il en eu trois qui lui vinrent en tête. Il fit la moue et se contenta de hausser les épaules, indécis.

- J’y répondrais plus tard…

Quand ils arrivèrent devant le bâtiment, il se contenta de siffler un coup, se tordant la nuque pour regarder vers les ténèbres pour essayer de voir le haut de l’immeuble.
Il sursauta même légèrement quand elle fit descendre l’escalier de secours, mais a suivit sans broncher.

En effet l’ascension n’était pas des plus aisées, mais il la fit sans broncher et malgré les crampes qui lui venaient au niveau des poumons quand ils arrivèrent au sommet, il fut content d’y être allé.
En effet la vue était superbe et il ne se demanda même pas ce a quoi ça pouvait ressembler de jour, pour lui, la nuit avait toujours été plus intéressante, sa ville natale vivait la nuit et il en avait prit le rythme également.

Quand elle lui demanda ce qu’il en pensait, il siffla et leva le pouce vers elle, il avait même prit le temps de s’installer sur une des vieilles bouches d’aération du bâtiment pour en profiter plus calmement et s’arrêter sur les détails. Il voyait les jeux de lumière et ça lui plaisait énormément.

- C’est magnifique, en effet… Merci.

Il lui sourit et soupira longuement avant de se décider.

- Pour répondre à votre question de tout a l’heure… disons que c’est quelque chose a laquelle je n’ai jamais vraiment réfléchi. Je n’en ai jamais pris le temps. Je pense malheureusement que ça a fait partie des choses qui ont fait prendre peur aux Negatifs quand le Virus à provoqué les premières mutations…

Il secoua ses mains dans tout les sens.

- Oh mon dieu, mais a quoi va ressembler le monde si des gens peuvent faire exploser des écoles et des faubourgs juste en perdant le contrôle, tuons les, puçons les comme des animaux, catégorisons les et parquons les dans des camps pour monstre…

Se rendant compte de son emportement, il se contenta de poser ses mains qui étaient en l’air sur ses genoux relevé et profita de la vue un instant, en silence.

- Si vous aviez vu ce qu’ils faisaient aux gens de l’époque… les gens se plaignent des positifs, mais à l’époque, c’était bien pire…

Il savait qu’il jouait avec le feu, qu’il pouvait faire passer ses connaissances pour ses études en histoire et c’est ça qui le réconfortait et qui lui permettait de s’ouvrir sans trop de risques.

Je secouai la tête.

- Nan, les super héros, ils font ce qu’ils peuvent pour aider les autres. Moi, je suis un peu égoïste sur les bords. Ce que je fais de ma vie, c’est pour moi, uniquement pour moi. Je n’aide personne.

Quand il commença à parler des positifs et de ce qu’ils avaient vécu, j’étais encore debout sur le muret, les pieds au bord du vide. Il y avait un peu vent sur ce toit. Il était peut-être plus prudent que je redescende. Je m’attardai encore quelques secondes pour profiter de la sensation. Puis je sautai au bas du muret… du côté du toit bien sûr, pas du côté du vide, je n’étais tout de même pas suicidaire !

Je m’approchai d’une bouche d’aération, fouillait à l’intérieur et en sortit une couverture. C’était ma cachette secrète. J’étalai ma couverture sur le sol et m’allongeai dessus. Je pouvais passer pour une folle, mais je m’en fichais. Les étoiles étaient très visibles ce soir là. Et, sans trop que je sache pourquoi, les contempler m’aidait à réfléchir.

- Je tiens à être claire, je ne cautionne absolument pas ces agissements mais… Je crois que je peux les comprendre. La peur rend les gens fous. Mettez vous à la place des négatifs qui, tout à coup, se rendent compte que certains d’entre eux ont effectivement des pouvoirs très dangereux qu’ils ne maitrisent pas toujours. Je ne suis pas une experte, je n’ai jamais rencontré de positifs donc je n’ai pas pu discuter avec eux mais je pense que pour maitriser ces pouvoirs, il faut beaucoup d’entrainement. J’étais trop jeune à cette époque pour bien m’en rappeler, et il faut dire que mes parents ont fait leur possible pour me cacher le contexte dans lequel je grandissais. Mais je me souviens d’avoir surpris des conversations entre les gens. Je me souviens qu’ils avaient peur.

Je fis une légère pause.

- La première fois que j’ai vu un positif, on sortait du supermarché avec ma mère. Il était au milieu d’un groupe de militaire qui se donnaient à cœur joie de le massacrer. Ma mère était figée sur place, elle était tellement choquée qu’elle n’a pas pensé à moi, à l’effet que ça pouvait avoir pour une petite fille de 6 ans. C’est ce jour là que j’ai appris l’existence des positifs. C’est ce jour-là aussi que j’ai commencé à avoir honte d’être une négative. Je ne comprenais pas comment la peur pouvait pousser les gens à agir de la sorte. A mes yeux, les positifs étaient, et sont toujours, des êtres humains qui n’avaient rien demandé à personne et qui se retrouvaient tout à coup à la place de l’ennemi public n°1. Aujourd’hui, je comprends un peu mieux, parce que ce n’est pas la première fois que des choses comme ça se produisent dans l’histoire. Mais j’ai également de plus en plus honte de faire partie de ces gens.

Je me tus un moment. Je m’étais déjà largement exprimée sur le sujet, je ne savais pas vraiment quoi rajouter d’autre. Je continuai à regarder les étoiles en me demandant si un jour, positifs et négatifs vivraient enfin ensemble, en toute cordialité.

Il l’écouta, les yeux perdu dans le noir au dessus de leur tête. En silence, il appréciait la majorité des choses qu’il entendait, il ne voulait pas la couper, visiblement, elle s’ouvrait beaucoup et il appréciait ça, c’était une certitude.
Quand elle eu fini, il tourna la tête vers elle quand il la vit avec sa couverture. Il rit légèrement, l’idée était bonne et on voyait qu’elle avait fait de cet endroit son sanctuaire privé.
Il joua du bassin pour arriver jusqu’à elle et lui prit la main, retirant sa bague d’un geste pour lui mettre dans le creux de la main.

Il se redressa et fit quelques pas pour se réchauffer sur le toit, profitant de la vue, mais n’expliquant pas son geste pour autant. Il savait qu’elle allait forcément se demander ce qu’il était en train de faire et pourquoi il avait déposé sa bague dans le creux de sa main.

Eli remplaça Angie à son ancienne place sur le muret. Regardant en contrebas et levant les yeux petit a petit, comme pour faire une route de vol entre l’endroit où ils étaient et la plus haute tour de la haute ville, laquelle était-ce d’ailleurs, la Waleman ou la King ?
Il sourit à cette remarque, se disant que c’est une question que les deux magnats avaient dû se poser au moins une fois.
Il prit une grande inspiration et détacha son pouvoir, étendant sa perception autour de lui, il accrocha toutes les sources autour de lui, le métal sous le béton, les tuyaux et il trouva finalement ce qu’il cherchait, sa propre bague, elle avait une signature si familière qu’il aurait pu la retrouver au milieu d’un bijouterie.

Il redressa sa main par dessus son épaule sans même regarder Angie et ouvrit les doigts. La jeune femme pu sentir une légère vibration dans le creux de sa main avec qu’un léger son aux sonorités lourdes se fit entendre. La bague s’envola littéralement de sa paume vers celle de d’Eli, comme si elle l’avait lancé de toutes ses forces sans faire un geste.
Il pouffa de rire et la replaça sur son pouce.

Quand j’ai eu fini de parler, le silence s’est installé entre nous. Le regard toujours tourné vers le ciel, j’étais en train de penser que je ne connaissais toujours aucune constellation. Pourtant, je venais souvent ici, quand ça allait mal, pour réfléchir. Je m’allongeai sur ma couverture et je regardai les étoiles. Quand j’étais en colère, elles m’aidaient à me calmer. Quand j’étais déprimée, elles me rassuraient. Sûrement le fait qu’elles étaient toujours là, tellement immobiles. C’était peut-être pour cela que je n’étais toujours pas capable de les reconnaitre, parce que j’étais trop accaparée par mes pensées.

J’entendis Elijah remuer à côté de moi mais je n’y prêtai pas attention jusqu’à ce qu’il me prenne la main. Il déposa un objet dans ma paume et s’éloigna. Je tournai la tête vers lui puis vers ma main. Il s’agissait de sa bague. Je fronçais les sourcils intriguée. Qu’était-il en train de faire ? Je refermai le poing sur la bague pour me redresser et le voir. Il se tenait sur le muret, à l’endroit où j’étais quelques minutes plus tôt. J’allais parler, lui demander ce qu’il se passait, mais une petite voix dans ma tête me disait qu’il valait mieux que je me taise, que j’attende la suite.

Je sentis alors la bague vibrer dans ma main. Etonnée, j’ouvris le poing pour la regarder et puis tout à coup, elle s’éleva dans les airs et retourna à son propriétaire. Je la suivis du regard, les yeux grands ouverts, la main toujours levée paume vers le ciel. Durant quelques secondes, c’était comme si mon cerveau s’était arrêté de fonctionner et puis le déclic se fit dans ma tête. Je crois que je commençai à faire le lien. La véhémence d’Elijah à l’encontre des anti-positifs m’avait invitée à penser qu’il était comme moi, un négatif qui défendait les positifs quoiqu’il arrive. Mais ce qu’il venait de faire…

Je me relevai lentement et le rejoignis sans pour autant monter sur le muret.

- Vous êtes positif ?

Ma question me semblait idiote, et pourtant j’avais besoin de sa confirmation. Je le lui avais dit, c’était la première fois que j’en rencontrai un, vraiment je veux dire. J’en avais sûrement croisé déjà, sans savoir qu’ils étaient positifs.

- Vous déplacez les objets par la pensée ? Un peu comme un télékinésiste ?

Et bizarrement, alors que beaucoup d’autres à ma place auraient sûrement été inquiets, auraient prétexté n’importe quoi et seraient partis, je restai là à côté de lui. Je fixai la ville haute au loin en souriant.

- Vous n’avez pas peur que je révèle votre secret ?

Je tournai la tête vers lui. Je ne dirai rien, c’était évident, mais comment pouvait-il savoir que ce serait le cas ? Je veux dire, n’importe qui était capable de se dire pro-positif tant qu’il n’avait jamais été contact avec l’un d’eux mais une fois que c’était fait, certains prenaient peur, comme si c’était un secret trop lourd pour leurs épaules.

Quand elle posa la question, ses yeux se tournèrent enfin vers elle, mais c’était de l’amusement qu’elle pouvait y lire, pas de l’étonnement ou quoi que ce soit. Son status n’était pas un secret, il n’avait pas honte de ce qu’il était, il avait connu un monde de peur et de paranoïa quand au fait d’être un positif. Mais ici, maintenant, c’était différent. Oh… pas que les positifs soient mieux accepté qu’avant, mais disons que les choses se passaient plus en douceur.
Il lui sourit, accompagnant même son changement d’expression par un clin d’oeil.

- Vous êtes observatrice, qu’est-ce qui a bien pu vous faire arriver à cette conclusion ?

Il pencha la tête sur le coté et se massa la nuque, encore une fois, juste au niveau des cicatrices, puis ses yeux se posèrent de nouveau sur les différents niveaux de la ville.

- Non, ce n’est pas vraiment ça, vous auriez eu un anneau en cuir dans les mains, je n’aurais rien pu faire du tout. C’est… magnétique. Le métal, les choses comme ça.

Il ouvrit sa main lentement et regarda ses doigts et plus exactement sa bague. Il apprenait à utiliser son pouvoir de mieux en mieux et avec le moins d’effort. Comme quoi les entrainements avec Maddie portaient leurs fruits. Pourquoi cette bague avait une signature si particulière ? Il fit la moue haussa les épaules.

- Je pense que je suis assez doué pour juger les gens. On partage un secret comme ça… et pour répondre, j’ai vu des choses a faire frémir les plus endurcis… vous voyez votre souvenir avec ce positif et les gens de l’état… le PRD… c’était clairement pas des anges. Bien au contraire. Si on pouvait faire une comparaison historique… pour moi, ils ne valaient pas mieux que des SS ces gens là.

Il fit la moue à cette pensée, il ne l’avait jamais vu comme ça, mais à l’époque… c’est ce qu’ils étaient.

- Alors, pas de hurlement et pas de course au bas des marches, les bras en l’air, hein ?

Il bascula légèrement sur le muret pour se retrouver la tête en bas, les pieds le retenant au muret, du coté de l’immeuble bien entendu, pas du coté du vide. Lui non plus n’était pas suicidaire.

Sa boutade me fit sourire davantage.

- Hey, quand on a un master de microbiologie, on sait additionner 2 et 2 !

Ah mes fameuses études. La plupart des gens ouvraient des yeux ronds quand je leur disais que j’avais quand même été jusque là. C’est vrai que quand on enchaine les petits boulots comme moi, les gens ont tendance à se dire que c’est parce qu’on n’était pas capable d’aller plus loin. Ce n’était pas mon cas. J’avais terminé mon Master avec d’excellents résultats. Avant même que j’ai terminé mes partiels, j’avais déjà ma place en doctorat. Mais parfois, les choses ne se déroulent pas comme on le souhaiterait.

En réponse à sa question, je gardai mon sérieux. Mais qui me connaissait pouvait deviner, rien qu’à mes yeux, qu’il était feint.

- Non, je ne suis pas du genre à fuir quand quelque chose me fais peur, je l’affronte. Pour l’adrénaline, vous savez.

Et puis je me mis à rire.

- Evidemment que je ne vais pas descendre ces escaliers en courant ! Attendez, je me trouve pour la première fois de ma vie avec un positif. Ou du moins quelqu’un que je sais être positif. Vous réalisez mon plus vieux rêve là !

Certes, j’exagérai un peu. Mon plus vieux rêve, s’était envolé en même temps que j’avais abandonné mes études. Je le regardai tout en indiquant l’escalier de secours avec ma main.

- Mais si vous y tenez, je peux le faire. Mais pas les bras en l’air, même pas en rêve. Je veux bien être froussarde pour vous faire plaisir mais pas hystérique. Faut pas poussez non plus !

Son corps basculait lentement contre le muret. Pas comme une personne qui fait des exercices pour renforcer ses abdominaux, bien entendu, mais plus pour s’occuper, comme il battrait du pied si il devait rester assis.
Il secoua la tête et montra les escaliers à son tour.

- Non, pas besoin de faire tout ça, puis avec la lumière qu’on à, il ne manquerait plus que je doive expliquer à votre frère comment vous en êtes arrivée à vous casser la jambe en descendant les escaliers d’un immeuble désaffecté.

Rien qu’à imaginer la scène, il feinte des frissons avec le bruit de bouche qui allait avec. Il aurait même mit ses mains contre ses biceps si ils ne lui servaient pas a garder son équilibre.
Il rebondit cependant sur une chose qu’elle venait de dire. Il leva la nuque pour la regarder en contreplongée.

- Votre plus vieux rêve ? Pourquoi… ? En quoi est-ce une matière à rêver ?

Il n’y avait rien de mauvais dans le ton employé par Elijah, juste de la curiosité, alors il espérait qu’elle ne prendrait pas mal la question.
Il était en effet rare que les gens réagissent avec autant de joie quand des Positifs se dévoilaient. Après tout… il avait grandi à une époque ou c’était puni par la mort, c’était ça sa référence. Il n’avait pas croisé beaucoup de Positifs ouverts sauf quelques uns à la télé. Maintenant qu’il se faisait la remarque, pourquoi les gens en avaient encore honte ? Faisait-il une erreur ?

Je haussai les épaules

- Bof, ça serait pas la première fois.

Je pris le temps de lui expliquer un peu le sens de mes paroles.

- Je fais de la slackline avec des amis dans cet immeuble. Au dernier étage, il y a une salle gigantesque qui occupe tout l’étage et qui est très haute. Du coup, on peut fixer la slack plus en hauteur, c’est plus difficile et plus grisant aussi. Bref, un jour, je suis tombée de la slack, elle devait être à… je sais plus deux mètres de haut je crois, et je me suis cassée la cheville. J’ai eu droit à la plus belle engueulade de toute ma vie.

Je me lançais dans une imitation plutôt réussie de mon frère.

- « Non mais tu te rends pas compte, une chute de 2 mètres, en plus c’est un immeuble désaffecté, il devait y avoir  des trucs dangereux sur le sol. T’as eu de la chance de te casser la cheville, ça aurait pu être beaucoup plus grave. Je te défends d’y retourner quand ta cheville sera guérie ».

Je repris ma voix normale

- J’en ai fait hier encore. Et la slack est à 3 mètres maintenant.

J’adressai un clin d’œil à Elijah.

- Alors une chute de plus ou de moins... Mais bon pour l’instant, j’ai pas l’intention de le descendre cet escalier.

Sa question me fit rougir, heureusement qu’il faisait noir.

- S’il vous plait, ne vous moquez pas. Quand j’étais gamine, je pensais que les positifs étaient des sortes de super héros, vous savez, avec des super pouvoirs, qui pouvaient s’en servir pour sauver le monde (ou le détruire comme le font parfois les super méchants). Mais je préférais voir le côté gentil. Et qui n’a pas rêvé un jour de croiser un super héros, un vrai ?

Je haussai les épaules.

- C'est juste un rêve de gosse. J'au eu d'autres rêves depuis.

Eli sourit à Angela, mais en la regardant dans les yeux pour bien lui montrer qu’il n’y avait aucune moquerie. Il l’écouta attentivement, se retrouvant dans certains de ses propos.
Il prit une décision et la laissa finir tranquillement. Quand ce fut fait, il prit la parole.

- J’ai eu les mêmes rêves quand j’étais gosse. J’entendais parler des Positifs et je m’imaginais déjà des gens avec des capes a défendre la veuve et l’Orphelin… mais il ne faut pas croire, il y en a eu. C’est juste que l’état d’esprit de l’époque à empêcher l’expansion de ce genre de personnes et l’envie d’en faire partie je pense. Tout a l’heure, on parlait des héros nocturnes, c’est exactement ce qu’ils sont, non ? Et qui sait, si faut ils sont juste normaux… pas positifs, juste des gens comme vous qui veulent protéger leur quartier et leur prochain…

Il fixa sa main de nouveau, se demandant ce qu’il pourrait bien de bien si il avait eu ce genre de motivation. Enfiler un masque et parcourir les rues de nuit pour les rendre plus sure, en voila un rêve de gosse qu’il avait encore…

- Mes pouvoirs… je rêvais de ça avant qu’ils apparaissent.

Il frissonna légèrement et se laissa tomber sur le sol pour retourner sur la terre ferme. Enfin, dans le bon sens disons. Il se posa a coté d’Angie et reprit.

- Quand j’ai eu mon accident, j’ai… j’ai réussi à lever une voiture sous le coup de la peur. Juste avant de perdre conscience et de tomber dans le coma, je me souviens avoir vu les phares s’envoler de dans notre voiture comme si un enfant avait prit son jouet pour le soulever après avoir fini…

Il pouffa légèrement dans sa barbe (si il en avait une).

- J’ai eu peur des les utiliser pendant des années…

Je l’écoutai m’expliquer qu’il avait les mêmes rêves, enfant. Au fond, cela ne m’étonnait pas plus que ça. Depuis que je l’avais rencontré, j’avais l’impression qu’on se ressemblait. Pas dans notre façon d’agir, de vivre notre vie, non. Mais dans notre façon de penser. Il me semblait que nous posions le même regard sur le monde qui nous entourait. Nous avions finalement beaucoup de points communs. Et pourtant, nous appartenions à deux mondes différents, les négatifs et les positifs.

- Vous n’avez pas eu vos pouvoirs tout de suite ? J’imaginais que c’était quelque chose qui se manifestait dès la naissance.

Je ne savais pas grand-chose sur les positifs et j’étais avide d’en apprendre plus. Mais je ne voulais pas non plus déranger Elijah avec toutes mes questions. J’attendais qu’il m’en dise plus de lui-même. Je ne voulais pas forcer ses confidences.

Il descendit de son perchoir et atterris à côté de moi. Lorsqu’il me parla de cette voiture qui s’envolait dans les airs, j’essayai de visualiser la scène. Comment aurai-je réagis si j’y avais assisté ? J’aimais bien Elijah et j’étais persuadée que, même s’il ne contrôlait pas son pouvoir, il ne pouvait pas faire de mal parce qu’il n’en avait pas l’intention à la base. Mais cette voiture dans les airs et lui qui perdait connaissance. Elle avait bien dû retomber quelque part.

Je plongeai mon regard dans le sien. Je comprenais sa peur. J’aurais eu la même à sa place. Je frissonnai parce qu’il commençait à faire froid mais je ne bougeai pas.

- Qui n’aurait pas eu peur à votre place ? Ce ne doit pas être facile d’avoir ce pouvoir qu’on ne contrôle pas.  Qu’est-ce qui a fait que maintenant vous n’avez plus peur ?

Parce qu’il venait d’utiliser son pouvoir devant moi donc maintenant il le maitrisait et puis il avait dit « j’ai eu peur », il parlait au passé. Quelque chose avait dû le faire changer d’avis. Au moment où je posai la question, je me rendis compte qu’elle était peut-être trop personnelle.

- Je suis désolée, ça ne me regarde pas. Vous n’êtes pas obligé de répondre.

Le jeune homme se dandina d’un coté et de l’autre, il n’était pas gêné, mais la discussion l’emmenait invariablement a un chose.
Il allait devoir dire à voix haute des choses qu’il n’avait jamais dite à personne. Pas que ce soit un secret important ou quoi que ce soit, mais il n’avait jamais eu cette conversation avec qui que ce soit.

- Mes pouvoirs… je suppose qu’on arrive dans ce monde avec ce don. Mais chez chaque personne, il apparait différemment. Pour certain, c’est inné, ils ne l’ont pas contrôlé et depuis leur plus jeune âge, ils savent ce qu’ils peuvent faire. D’autres, il arrive plus tardivement, peut être parce que le corps n’est pas prêt aux changements, pour certains, comme moi, il arrive lors d’un accident, traumatisme ou chose du genre. Donc techniquement, vous avez raison, nous sommes positifs depuis la naissance, notre corps est prévu pour ça. Pas comme certains.

Il joua avec sa bague, la faisant tourner autour de son doigt. Puis, quand elle posa sa seconde question. Il haussa les épaules, incertain lui-même de la réponse. Mais elle s’excusa d’avance de l’avoir posé. Il se reconnu là dedans et lu fit un geste de la main pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas de problème avec l’idée de lui répondre.

- J’ai encore peur de ça… mais j’apprends à vivre avec. J’ai une personne qui m’apprends à gérer les choses, elle m’a convaincu qu’avoir peur de ce qu’on pouvait faire, c’était comme si nous refusions de marcher parce que l’on pouvait tomber. Autant connaitre son équilibre, ça ouvre beaucoup de nouveaux horizons…

Je l’écoutai m’expliquer ses pouvoirs, comment il les avait découverts, comment cela pouvait se passer pour les autres positifs. Ce qu’il m’apprit m’étonna quelque peu. Durant mes études, j’avais étudié Yu. Il se trouvait présent dès la naissance des personnes « infectées ». Du moins pour celles qui avaient été touchées par la bombe. Comment se pouvait-il qu’il ne se manifeste pas de la même manière chez tous ? Se pouvait-il que cet agent se comporte parfois comme des gènes récessifs ? Y avait-il des positifs qui ignoraient encore qu’ils l’étaient ?

J’arrêtai de me creuser la cervelle. La microbiologie était derrière moi désormais. Il fallait que je passe à autre chose.

- Votre ami est de très bons conseils, je trouve. Je vous aurais donné le même si vous m’aviez posé la question. Les choses sont ce qu’elles sont, à nous de les accepter pour continuer à avancer. Ma mère dit tout le temps que Dieu ne nous impose que les choses que nous sommes capables de surmonter. Je ne crois pas en Dieu, mais je pense qu’elle a raison. Nous sommes capables de survivre à tout ce que nous rencontrons. Il ne tient qu’à nous d’effectivement survivre à tout ça.

Je pensai à ma propre expérience. Beaucoup, dans ma situation, baissaient les bras, se laissaient porter par les événements, restaient chez eux à se morfondre, à attendre la mort. Moi j’avais pris une toute autre route. Et aujourd’hui, je n’avais plus peur de la mort, je la défiais sans cesse, je lui montrais que je ne la laisserai pas venir sans me battre. C’était un combat perdu d’avance bien sûr, mais c’était mon instinct de survie je crois. J’avais également décidé qu’elle ne m’aurait pas par surprise, et que ce serait moi qui choisirai mon heure.

- Vous avez de la chance d’avoir un ami comme ça. J’espère qu’un jour, vous parviendrez à vivre pleinement votre vie sans avoir peur de perdre le contrôle. Comme je vous disais l'autre jour, la vie est courte, ce serait dommage de ne pas en profiter.

Il la regarda s’expliquer, un grand sourire aux lèvres. Il fini par faire de nouveau quelques pas sur le toit, passant d’une zone à l’autre à présent.
Eli disparu derrière une bouche d’aération un instant et tout ce qu’Angie pouvait entendre de lui était le bruit de ses pas sur le sol. Jusqu’à ce que sa voix amusée s’éleva de derrière la bouche de métal.

- Vous savez, je vous ai demandé. Indirectement, vous m’aviez répondu. La dernière fois, quand je vous ai ramené en voiture. J’aime bien faire ça…

Il rit et passa un oeil sur le coté de la bouche d’aération pour regarder, cherchant à savoir si elle se souvenait et surtout si elle ne prenait pas mal qu’il se soit indirectement servi d’elle sans qu’elle le sache.

- La peur est quelque chose de très bon pour l’homme. Nous sommes une race destructrice… avec un potentiel énorme, mais voué à la destruction… avoir peur de mes pouvoirs, c’est une forme de contrôle sur moi-même. Je n’ai pas envie de voir mes pouvoirs me contrôler, me dicter comment vivre et m’apprendre que je n’ai quasiment aucune limite. J’aime a penser que je suis une personne normale et je veux juste vivre normalement… je ne veux pas me considérer supérieur.

Il fit le tour et se planta devant elle, les poings sur les hanches.

- J’ai vu des Positifs se laisser dominer par leurs capacités. Malheureusement certains pouvoirs tendent à ça… ce qui ne me plait pas, c’est que j’ai un de ces pouvoirs là.

Il ouvrit et referma le poing.

- Je ne veux pas détruire une ville, une école… j’ai vu assez de choses comme ça pour ne pas avoir envie d’en être l’acteur.

Elijah se mit à déambuler sur le toit jusqu’à ce qu’il disparaisse de ma vue. L’avantage de ce toit était qu’il présentait une vue à 360°. J’imaginai qu’il était allé en admirer une autre facette et je fixai de nouveau mon regard sur ce que j’avais devant moi. Ce lieu avait beau être toujours le même depuis que je le connaissais, je ne m’en lassai jamais.

Sa voix, s’éleva derrière moi et je tournai la tête dans sa direction pour le regarder. Mais il était toujours invisible. Je fouillai dans ma tête pour me rappeler ce dont nous avions discuté dans la voiture l’autre jour. Malheureusement, le traitement était passé par là. Il agissait sur mon cerveau, entrainant des effets néfastes tels que des pertes de mémoire. J’essayai, en vain, de me rappeler ce moment de la discussion où j’avais, semble-t-il apporté une réponse à une question qu’Elijah ne m’avait pas vraiment posée. A chaque fois que je prenais conscience qu’il me manquait des choses, j’étais envahie par une espèce de peur. Mes yeux, dans ces moments là étaient tellement expressifs que David s’en rendait compte dans la seconde et tentait de me rassurer. Mais cela ne marchait jamais parce que je me demandais combien de choses encore j’allai oublier. En arriverai-je un jour à ne plus savoir qui j’étais ?

Quoi qu’il en soit, je restai silencieuse. J’aurai pu réagir, lui dire la vérité, ou bien la cacher en m’indignant qu’il se soit servi de moi comme ça, mais ce ne fut pas le cas. J’étais dans mon moment « prise de conscience » et je n’avais plus vraiment conscience de ce qu’il se passait autour de moi.

La voix d’Elijah me ramena à la réalité.

- Mais vous êtes une personne normale, ce pouvoir que vous avez, est une sorte de don. Vous êtes capable d’agir sur le métal. Ce qui signifie que vous êtes à même de vous en servir pour aider les autres, à condition que vous le décidiez. Je me trompe peut-être, mais je pense qu’en ayant peur de votre pouvoir, c’est lui qui vous contrôle. Si vous apprenez à le maitriser parfaitement, il n’aura plus aucune emprise sur vous, vous n’aurez plus de surprise.

Je haussai les épaules.

- Mais ce n’est que mon avis, et je suis loin d’être experte en la matière. Bon après, certains positifs se laissent peut-être griser par le pouvoir, mais je ne pense pas que ça serait votre cas. Vous semblez être quelqu’un de bien. Et si jamais vous commenciez à prendre la grosse tête, vous pouvez compter sur moi pour vous remettre à votre place !

Je lui adressai un clin d’œil et souris.

Il l’écouta attentivement, avoir des points de vue différent était toujours bon. Et surtout le point de vue d’un Negative. Pas que le point de vue de Maddie ne soit pas le bon, mais elle avait une histoire, elle avait ses pouvoirs, avoir un point de vue neutre était peut être la chose qu’il lui fallait de temps en temps, c’est peut être pour ça qu’il lui avait parlé de son pouvoir après tout, elle avait l’air plus que fiable et elle n’avait pas la langue dans sa poche.
Il s’approcha de l’escalier de secours qu’ils avaient utilisé pour monter et il regarda en contre-bas en se suspendant à la rambarde.

- Je garderai ça dans un coin de ma tête à l’avenir. La peur de la petite blondinette me fera surement me tenir à carreau, merci.

Il lui lança un regard à la volée et indiqua le sol du bout du menton.

- Je me posais la question… comment vous étiez venue ici ? Avec votre groupe ou avec la voiture… ?

Il ne lui demanda même pas si elle marchait, il le savait.
Il avait dû reprendre le camion de Bruce pour reconduire la voiture d’Angie jusqu’à sa propriétaire. Même si elle n’avait pas été d’accord, il avait juste déposer la bête devant chez elle et avait mit les voiles, c’était le meilleur compromis qu’il était a même d’accepter.

Il indiqua sa montre du bout du pouce.

- Je pose la question pour savoir, pas parce que je m’ennuis de vous, notons. Mais si vos amis ont mis les voiles et vous on laissé seule… je m’en voudrais de notre escapade, aussi beau que cet endroit puisse être.

Il rit tout seul en continuant de se balancer d’avant en arrière. L’avantage de son pouvoir était qu’au contact d’un métal, il savait parfaitement à quoi s’attendre et il savait qu’il pourrait faire subir les pires sévices à ces barreaux, il ne céderaient pas. Après tout, il avait bien projeté un couteau de lancé à haute vitesse dans un pilonne en béton armé comme si ça avait été du beurre.
A cette pensée, il frémit tout de même.

- Y’a pas de quoi ! Si je peux vous rendre service…

Je retournai vers ma couverture et la remis dans sa cachette. L’observation des étoiles n’étaient plus à l’ordre du jour. Je rejoignis Elijah à l’escalier de secours et m’appuyai à la rambarde. Je regardai, moi aussi, en bas. Cela devait faire un sacré moment qu’on s’était éloigné du bar tous les deux. Il était temps de rentrer.

J’en avais conscience et en même temps, j’aurai bien prolongé un peu cette soirée. Le lever du soleil devait être magnifique vu d’ici. Et puis j’aimais bien Elijah. Je savais que ce n’était pas une bonne idée de trop me rapprocher de lui, mais j’aimais bien discuter avec lui.

- Avec ma voiture. Les garçons rentrent toujours trop tôt pour moi. Je veux pouvoir profiter de la soirée au maximum.

Je lui décochai un sourire. Les garçons rentraient toujours directement après les concerts. Moi, j’allais en boite et je dansai jusqu’au lever du jour. En rentrant à la maison, je croisais souvent David qui partait travailler. Invariablement, il me disait 2 choses. La première était « bonne soirée ? » et la seconde « bonne nuit ». Au début, il s’inquiétait bien sûr. Mais maintenant, il avait l’habitude. Il savait très bien que si j’avais un problème, je l’appellerai.

- Vous n’avez pas peur que ça lâche ? C’est quand même un immeuble désaffecté. Un peu de prudence voyons !

Cette remarque me fit rire. C’était moi qui parlais de prudence ? Moi qui me baladais régulièrement sur une sangle à 3 mètres de hauteur à l’étage juste en dessous.

La remarque le fit rire et il s’écarta de l’escalier pour la laisser passer.
Il ne l’avait pas vu ranger les affaires, mais il se doutait bien que si elle était venue jusqu’ici c’est qu’indirectement sa remarque avait mené à la fin de la soirée sur le toit. Il se suspendit avec une main et se pencha vers elle en faisant une grimace.

- En fait. Quand je suis en contact avec une surface comme ça, j’arrive à sentir chaque centimètres de sa surface. Et dans ce genre de situation, je pourrais vous dire exactement où se trouve la faille. Comme…

Il chercha un instant, les yeux vers le ciel et les ouvrit grand quand il trouva l’image, c’était amusant qu’il n’y est jamais pensé avant, c’était pourtant un bon parallèle.

- C’est comme si je voyais une radio d’un os cassé. Même si c’est une légère fissure, j’arriverais à voir où elle se trouve… sauf que c’est au contact que ça se fait et ma radio est…

De sa main libre, il se tapota la tempe.

Il décida tout de même de prendre les devants, elle avait été devant à la montée, il n’y avait pas de raison qu’il la laisse aussi descendre la première. Il se mit donc à faire la descente lentement.
Elle était bien plus simple que la montée, plus reposante qu’autre chose.
Quand il arriva au niveau de l’échelle de secours il se laissa tomber avec elle. Elle fit un bruit sourd dans la ruelle en touchant le sol.
Habituellement, on devait garder un poids constant sur ces échelles pour qu’elles restent immobile, mais il voulait faire un test… vu ce que lui avait dit Angela, il était temps de mettre certaines choses en pratique. Il garda un pied sur l’échelle et se concentra un instant. Il n’avait pas a étendre sa perception bien loin pour toucher l’échelle. Une fois que ce fut fait, il recula le pied et tenta de retenir l’échelle uniquement avec ses capacités.

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Le membre 'Elijah Monroe' a effectué l'action suivante : Jet de dés

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Le vrombissement sourd se fit entendre quand son pouvoir toucha l’échelle.

Elle avait commencé son mouvement de retour avec un bruit de raclement quand elle s’arrêta à mi-chemin et se mit à faire le chemin inverse sans aucune pression physique.
Contrairement au moment ou Elijah avait mit les pieds dessus, elle s’arrêta juste avant de toucher le sol.

Il avait réussi. Il avait déplacé cette échelle alors qu’une force opposé l’attirait vers le haut sans plus d’effort que ça…
Il en rit tellement il fut surprit.
Mais il ne perdit pas le fil pour autant, il leva les yeux vers Angela et lui fit signe de descendre.

- C’est a votre tour… je vous attends.

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J’écoutai Elijah me parler de son pouvoir, m’expliquer une de ses facettes, comment il fonctionnait. C’était très intéressant.

- Oh je vois ! Ca peut-être utile comme pouvoir… J’ai pas d’exemple de situation là tout de suite, mais je pense que ça peut servir.

Et puis l’exemple me vint et je claquai des doigts.

- Ah mais si bien sûr, pour réparer des voitures !

Je ne me moquais pas de lui, pas du tout. J’étais juste une fille qui prenait toujours tout avec humour. Et comme je l’ai déjà dit une fois, j’aimais bien charrier les gens. Et puis, il se servait de moi pour obtenir des réponses à ses questions sans même les poser, il me devait bien ça. Je lui adressai tout de même un petit sourire en coin, histoire de montrer que je plaisantais. Avec le peu de lumière, on ne savait jamais, ça pouvait être mal pris.

Il passa devant moi et commença à descendre l’escalier de secours. Moi je jetai un dernier coup d’œil à la vue et commençai à le suivre.

L’échelle fit un bruit sec lorsqu’elle toucha le sol et Elijah rejoignit la terre ferme. Mais, fait étrange, elle ne remontait pas alors qu’Elijah ne la touchait plus. Je fronçais les sourcils et compris rapidement de quoi il retournait.

- Trop aimable, merci ! Il ne manque plus que le tapis rouge et je pourrais croire que je suis une princesse, ou une star de cinéma.

Et je me mis à descendre l’escalier façon princesse, avant de trébucher sur la dernière marche et de retrouver l’équilibre une fois les deux pieds sur le sol. Et je ne pus m’empêcher de rire.

- Ouais bah… il semblerait que je ne sois pas faite pour ça. Tant mieux, je préfère rester une anonyme !

Je me mis en marche pour retourner vers le bar.

- Allez, en route mauvaise troupe !

Quand elle manqua de tomber, il eu un mouvement réflexe et s’approcha d’elle, mais quand elle se reprit d’elle-même, il se contenta de rire. Et quand elle fit la remarque, il acquiesça lentement, le sourire aux lèvres.

- Qui sait, un diadème c’est toujours beau sur une tignasse comme la votre…

Il fixa ses cheveux de façon fort peut discrète, mais c’était clairement le but, montrer qu’il se posait vraiment la question.
Quand elle le déposa, il se contenta de pivoter sur lui-même et il la suivit dans la rue. Il commençait à se faire tard et les rues étaient désertes maintenant. Peut-être qu’autour du bar il en serait autrement, mais pas pour le moment.
Cette pensée fit se tendre Elijah et il se mit à regarder autour de lui comme si il attendait que quelque chose leur tombe dessus. En tout cas, pour le moment, rien ne vint et il en était très content.

Il prirent à droite pour remonter une longue rue qui les menait dans une rue perpendiculaire a celle du bar. Le jeune homme se racla la gorge et leva les yeux vers le ciel, maintenant qu’ils étaient retourné à la lumière des rues, les étoiles étaient presque invisible.

- D’ici, c’est de suite moins impressionnant…

Il sourit et retourna sur le plancher des vaches avec Angie.
Mine de rien, il avait eu pas mal de bonnes idées ce soir et le fait de se forcer à sortir lui avait fait beaucoup plus de bien que de mal…
Il avait socialement autant apprit ce soir que lors de l’entrainement de ses pouvoirs avec Maddie. Peut-être évoluait-il au final…

- Merci.

Instinctivement, je passais la main dans mes cheveux. Je ne les avais jamais voulus courts à la base. Mais le traitement me les avait fait perdre complètement. Pendant plusieurs mois, j’avais eu la boule à zéro, pas un poil sur le caillou. Et puis, ils avaient repoussé, lentement. Maintenant, ils en étaient là et j’avoue que j’aimais bien cette coiffure. Elle me donnait un petit genre garçon manqué, rebelle selon certains, qui collait bien avec ma personnalité et ma façon de m’habiller au quotidien. Malgré tout, je regrettais un peu l’époque où je les avais longs mais je ne pouvais rien y changer.

Tandis que je marchais dans l’allée, je voyais Elijah du coin de l’œil. Il regardait à droite, à gauche, tout autour de lui comme s’il surveillait les alentours.

- Vous avez l’air inquiet. Ne  vous en faites pas, tant que vous restez avec moi, il ne vous arrivera rien. Je suis un repoussoir à problèmes. Je sais que les gens ont toujours peur de se promener tous seuls dans la ville basse, surtout la nuit, mais aussi bizarre que cela puisse paraitre, il ne m’est jamais rien arrivé. Je dois avoir de la chance !

Nous continuâmes à marcher, restant en silence quelques instants puis Elijah repris la parole. Comme lui je regardai les étoiles et acquiesçai. Son merci me décrocha un sourire. J'avais moi aussi passé une bonne soirée. Je pensai que c'était pour cela qu'il me remerciait et j'estimai qu'il n'avait aucune raison de le faire.

- Je vous avais dit que vous ne regretteriez pas de monter là haut !

Je baissai les yeux et les posai sur Elijah.

- Vous savez quoi ? Je vous donne l’autorisation d’y retourner quand vous voudrez. A condition que vous n’y emmenez personne d’autre. Vous êtes la seule personne en dehors de moi qui connaisse cet endroit et je tiens à ce que ça reste le cas !

Elle le fit éclater de rire. Il se posa même une main sur les cotes. Il ne s’attendait pas vraiment à ce genre de remarque et surtout pas venant d’une Demoiselle comme Angela.
Il posa ses yeux sur elle, des larmes sur le bord des yeux.

- Je dois reconnaitre que celle-là m’a bien amusé. Je ne m’y attendais clairement pas, c’était bien trouvé et placé pile quand il fallait.

Il tendit une main devant lui et fit semblant de trembler en agitant le bout de ses doigts.

- Mais c’est juste que ce quartier n’est pas sûr, même si vous pensez le contraire, j’ai toujours l’impression qu’on nous observe où quelque chose dans le genre…

Quand elle lui dit qu’il pouvait y retourner quand il voulait, il acquiesça lentement.

- Je garde ça dans un coin de ma tête, il est fort possible que je vous prenne au mot. Et rassurez vous, je ne le dirais à personne, sinon ça n’aurait plus rien d’un endroit secret, pas vrai ?

L’attention d’Elijah fut attiré vers l’avant. Il voulait rajouté des choses, mais n’en fit rien, il entendait bien des éclats de voix vers l’avant après le croisement qui les ramènerait vers le Bar.
Il lança un regard en coin à Angie et s’avança d’un pas. Juste avant d’atteindre le fameux croisement, tout les deux purent entendre un claquement aigu et strident.

- Cours, cours ! fit une voix tandis que deux personnes passèrent en courant dans leur champ de vision avant de disparaitre dans une ruelle.
- Qu’est-ce que c’est que ça… ?

Il prit le virage et se figea au milieu de la rue.

A une vingtaine de mètres de là se trouvait quatre hommes visiblement en train de se battre. Il avait d’abord penser à une dispute de bar qui avait mal tourné comme il y en avait beaucoup a cette heure-ci. Mais l’un des hommes agitait dans les airs une barre de métal, donc dispute de bar ou pas, ça allait beaucoup trop loin.

A ce qu’il pouvait voir, ils étaient trois contre celui qui était au centre, clairement le plus musculeux du groupe. Il devait dépassé le mètre quatre-vingt dix des tatouages sur les deux bras qui disparaissaient derrière un débardeur noir.



Ce dernier arrêta le poignet de l’homme avec le bâton, ce dernier hurla et se coucha littéralement sur le sol, se tordant dans tout les sens sans que rien d’autre que la parade ne lui soit arrivé.
Les deux autres reculèrent un instant, ils se regardèrent et se mirent a rouer de coup de pied le tatoué qui fini a genoux, disparaissant sous les coups de ses deux assaillants.

C’est a ce moment là que la lumière du quartier se coupa. Pas toute l’électricité, car en fond on pouvait toujours entendre les basses du bar qu’ils avaient quitté quelques temps auparavant, à l’intérieur tout avait l’air normal, mais toutes les lumières de la rue s’étaient coupé, plongeant la scene dans l’obscurité la plus totale.

Elijah était perplexe, il aurait foncé dans le tas pour séparer tout le monde, mais les lumières, l’homme qui venait de tomber… rien de tout ça n’était normal. Et il était avec Angie. Il lança un regard par dessus son épaule pour regarder où était cette dernière.

Et bah, je faisais généralement beaucoup rire les gens, mais là. Bon, c’est vrai, j’avais de la répartie et un humour bien à moi. Mais je n’avais jamais les gens rirent à en pleurer quand je leur disais quelque chose de marrant.

- Je devrais peut-être me lancer dans les one man shows, qui sait, j’aurai peut-être du succès !

En tous cas, il avait beau dire, je ne m’inquiétais pas. Je savais bien qu’il pouvait être dangereux de se promener dans ces quartiers, les journaux étaient replis d’informations portant sur des agressions ou autre. Mais je n’avais pas peur. C’était quelque chose d’étrange, mais depuis que j’avais appris que j’allais mourir, je n’avais plus peur de la mort. Peut-être tout simplement parce que je savais que ça arriverait un jour où l’autre, quoi qu’il arrive. Et à vrai dire, je préférai encore mourir maintenant, à l’apogée de ma jeunesse et de ma forme, si on peut dire, que plus tard, quand la maladie aurait fait son œuvre et que j’aurais atteint le stade de légume. Parce que je savais que ça allait se terminer comme ça.

J’allai acquiescer à sa dernière remarque lorsque, comme lui, j’entendis une espèce de boucan qui venait d’une rue au devant de nous. Aussi curieuse que lui, je le suivis dans la rue suivante. Trois hommes étaient en train de se battre contre un autre et malheureusement, le pauvre était dans une situation pas franchement terrible.

Vous savez, moi, l’injustice me fait toujours bouillir le sang et dans ces cas là, j’ai la fâcheuse habitude de m’interposer avant et de réfléchir après. Je m’avançai dans leur direction d’un pas décidé.

- Hey mais qu’est-ce que vous faites ? A 3 contre 1, haha, la belle affaire, ça vous aide à vous sentir plus forts c’est ça ?

Ce n’est qu’après avoir balancé ça que je me rendis compte que ce n’était pas une bonne idée.

- Ho ho…

J’avais oublié Elijah, debout derrière mon dos. Je ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose par ma faute. Je me tournai légèrement vers lui.

- Courez !

"Ben voyons, comme s'il allait me laisser là".

Sauf que moi, j'étais confiante. Qui pouvait taper sur une fille de ma carrure ? Sans compter que si je devais faire la course avec eux, aucun doute que je les battrais. J'étais fluette, mais rapide.

- Allez, courez, je vous rattrape dans un instant !

Disons que pour le coup, la seule réaction qu’eu Eli quand Angela lui demande de courir fut de s’approche d’elle pour vraiment se mettre dans son dos.
Il connaissait ce genre de situation et on ne savait jamais ce que ça pouvait donner. Il lança un coup d’oeil derrière lui pour regarder dans le sens opposé de la rue, il avait bien vu deux personnes partir en courant. Il ne savait pas avec qui ils étaient, mais dans un cas comme dans l’autre, ça voulait probablement dire qu’ils ramèneraient du monde quand ils trouveraient ceux vers qui ils avaient prit la fuite.

Quand les lumières ses coupèrent, Eli eu un frisson tellement violent qu’il lui donnait mal aux muscles.
Il prit l’épaule d’Angie pour attirer son attention et secoua la tête, quelque chose n’allait pas avec cette coupure de courant et pourquoi son propre pouvoir s’emballait comme ça tout a coup. Sans pour autant s’activer ou quoi que ce soit, la coupure avait mit ses sens en éveil.

L’homme qui s’était couché au sol quand l’autre lui avait prit le poignet ne bougeait plus à présent. Il était roulé en boule à quelques mètres de là ou ses amis étaient en train de cogner le tatoué.
Eli décida que c’était assez et dépassa Angie pour s’approcher d’eux. L’injustice en général, même si il n’était au courant de rien, ne l’enchantait pas plus que la Négative.
Sauf que quand il se retrouva épaule contre épaule avec la jeune femme, un nouveau claquement se fit entendre. Il n’arrivait pas a définir le bruit, mais c’était un son que toute personne avait entendu au moins une fois dans sa vie.

L’un des assaillants se retrouva projeté en arrière et fini son vol contre une borne d’incendie. Cette dernière ne bougea pas, mais l’homme projeté non plus.
C’est a ce moment là que le tatoué se redressa. Il était mal en point, mais étrangement, il souriait.
Le dernier homme debout se pétrifia, hésitant visiblement entre la fuite et l’affrontement. Il décida d’opter pour la première option quand le tatoué le rattrapa par l’épaule et lui assena un violent coup de poing dans la mâchoire, ce qui, a défaut de le projeter sur le sol, le fit tourner sur lui-même pour s’arrêter à quelques pas d’Angela et Elijah.
Il ne semblait pas avoir entendu la remarque d’Angie précédemment, ou alors il avait décidé de l’ignorer, bien plus concentré sur le tatoué que sur les deux nouveaux arrivant.

Le solitaire par contre, passa de son opposant à eux. Le regard sombre, la respiration lourd. Il était difficile de savoir si il les voyaient ou passait au travers d’eux.
Mais quand ses yeux passèrent d’Angie à Elijah, ils purent savoir qu’ils avaient été remarqué et pour le coup, Eli n’arrivait pas a se décider si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

Au lieu de se mettre à courir, Elijah s’approchait de moi. Est-ce qu’il se planquait derrière mon dos ? Ah les hommes !

Quand les lumières de la rue s’éteignirent brusquement, je levai les yeux vers le lampadaire. Ca c’était bizarre. Une coupure de courant ? J’entendais encore la musique provenir du bar. La main d’Elijah sur mon épaule me fit tourner la tête vers lui. Manifestement, lui aussi trouvait cela étrange.

- Mais qu’est-ce qui se passe ?

Je ne comprenais pas grand-chose à la situation. Et en plus, maintenant, je ne voyais plus grand-chose. Juste les 3 hommes qui continuaient à se battre, mais sans pouvoir dire qui était contre qui.

Elijah sortit de derrière mon dos pour s’avancer vers eux. Il n’avait pas eu le temps de faire 3 pas qu’un autre claquement se fit entendre. Et sans prévenir, un homme s’envola pour atterrir violemment sur une benne à ordure. Ne restai plus que 2 hommes. Je fis un pas en arrière pour éviter de me prendre celui qui se rapprochait de nous, au cas où. Mais c’était comme si nous n’avions pas été là. Il était bien trop concentré sur son adversaire.

Son adversaire en revanche, le tatoué, posa les yeux sur nous. Je sentais qu’Elijah était tendu, mais moi, ça allait. On était venu à son secours. Enfin, moi, j’étais venue à son secours, Elijah m’avait juste suivi. Il serait peut-être intervenu, mais moi et ma grande gueule, on l’avait fait avant lui. Bref, s’il avait un minimum de principe, il n’allait pas nous faire de mal !

- Bon bah, il semblerait qu’il se débrouille très bien tout seul en fait.

J’enfonçai mes mains dans mes poches. J’avais conscience que je pouvais passer pour rien de plus qu’un ovni. C’est vrai quoi, j’étais juste une fille et je n’avais pas peur ! J’aurais définitivement pu être Tomb Raider. Mais j’étais comme ça, du moins pour parcours, mes expériences avaient annihilé une grande partie de mes peurs. Et puis, ce genre de situation, ça faisait monter l’adrénaline !