[CLOSED] [Ulysse/Maddie/Maybel]

Maddie descendit du taxi devant le motel de Maybel et réhaussa la pile de documents sous son bras avant de remercier le chauffeur. De mauvaise humeur et ça pouvait se voir de très loin, elle balança sa tête pour écarter ses cheveux de son visage avant de venir frapper à la porte du coude.

_ C'est moi !

Elle soupira et souffla sur une mèche, ne pouvant se servir de ses bras. Oh qu'elle était de mauvaise humeur, tout allait de travers en ce moment ! La pauvre Maybel en ferait peut-être les frais si elle les empêchait de se concentrer. Du moins, si elle empêchait Maddie de se concentrer.

Ce fut une Maybel très joyeuse qui accueillit Maddie, riant d'une blague de son frère resté au salon. Elle attrapa la jeune femme par le bras pour lui faire passer le pas de la porte et la déchargea d'une partie de ses dossiers avant de lui planter un bisou bruyant sur la joue.

"Tu as déménagé toute ta maison ou quoi ?"

Elle n'avait pas remarqué la mauvaise humeur qui transpirait de Maddie.

"Il est au salon si tu cherches Ulysse. -elle jeta un coup d'oeil sur les couvertures des dossiers- eeet apparemment c'est le cas. Tu n'as pas l'air d'être venue jouer au Monopoly"

Ulysse apparut sur le pas de la porte et se précipita vers les faibles femmes pour les débarrasser de tout le bazar, un sourire jovial aux lèvres.

"Maybel tu peux aller nous chercher quelque chose à boire s'il te plait ?"

La jeune fille regarda tour à tour Ulysse et Maddie puis disparut vers le coin cuisine de bonne grâce. Ulysse s'approcha de sa partenaire, son front se plissant d'inquiétude.

"Je ne te connais pas bien, mais assez pour dire que tu as la tête des mauvais jours."

Elle désigna du nez le canapé et l'accompagna, posant tous les dossiers sur la table basse et s'installant tranquillement. Il portait un short et un tee-shirt confortable. La tenue pour se détendre quoi.

Elle le fixa avec l'air de quelqu'un qui répondrait "Non, sans rire." les yeux noirs et les cheveux emmêlés de s'être débrouillée comme une grande.

_ Je me suis faite foutre à la porte de chez moi parce que MONSIEUR ne veut pas se balader avec les affaires de bébé. Cela dit, Maybel, il t'attend.

Elle se laissa tomber dans le canapé avant de lever les mains.

_ Il m'énerve avec ce bébé à le tripoter tout le temps ! "Tu est en train de me mettre dehors de mon propre appartement", qu'il me dit. Il voudrait que je privilégie mon couple par rapport à mon travail. Il veut pas comprendre combine ce travail est important pour moi ! Et il m'exhibe ce machin sous le nez en permanence, je deviens barge ! Je suis sans arrêt obligée d'aller bosser ailleurs pour avoir la paix parce que je n'ai pas une minute de silence à moi autrement !

Ulysse l'écouta en hochant la tête de temps à autre, tourné vers elle, un bras appuyé sur le dossier du canapé, le coude plié.

"J'espère qu'il trouvera rapidement une famille pour cette petite. Plus elle restera plus il s'y attachera et plus la séparation sera difficile."

Il s'abstint d'ajouter "et plus votre couple en souffrira" mais son visage était assez éloquent. Maybel revint avec un plateau transportant 3 grandes tasses pleines de trois chocolats chauds fumants réhaussés de crème fouettée.

"Avant d'aller faire du baby-sitting je vais prendre un p'tit remontant."

Elle s'installa par terre non loin de ses deux aînés et sauta sur sa tasse préférée, celle qui était ornée de cœurs roses et de petits chats.

"Ce qui est bien avec Ulysse, c'est qu'on a de l'argent pour s'acheter des trucs bons à manger maintenant."

Ce fut le moment que choisit le poussin pour se ramener en pioupioutant. Il avait déjà bien grandi et ressemblait à une crotte jaune haute sur pattes avec une naissance de crête.

Ulysse s'excusa d'un regard auprès de Maddie pour tout ce bazar et trempa les lèvres dans sa propre tasse tout en cherchant ses mots.

"Maybel..."

Il n'eut pas besoin d'ajouter quoi que ce fut.

"ça va ça va..."

Elle avala sa tasse d'une traite et tira la langue de se l'être brûlée légèrement.

"Je file, je vous laisse, je vous fout la paix"

Elle fila vers la chambre pour attraper un pull et traversa plusieurs fois le salon d'un côté et de l'autre.

"Soyez sages, pas de bêtise et ne faites pas trop de vaisselle. Ulysse ne la fait jamais."

Il attrapa un coussin et la balança vers elle, lui atteignant les fesses. Sa petite soeur gloussa et vint les embrasser chacun leur tour avant de se diriger vers la porte.

"Je vouuuus aaaiiiimmmeeeuuh"

Et hop elle avait disparu. Ulysse soupira et se frotta le visage d'une main.

"En tous cas tu es toujours la bienvenue ici. Je suis pas sure que ce soit beaucoup plus calme mais..."

Il se pencha vers un accoudoir du canapé et sortit de derrière un saladier de plastique plein de pop-corns un peu rassis.

"On a toujours des cochonneries à manger"

Il y piocha lui-même avec un grand sourire.

Quand le poussin arriva, Maddie se retint de hurler et se contenta de fermer les yeux. Elle avait quitté un appartement avec un bébé et en retrouvait un ici. Quand Maybel disparu, elle se contenta de lever une main (la bonne) crispée et vraiment agacée. Sa bonne humeur ne lui était pas communiquée, bizarrement. Une fois seuls, elle soupira avec humeur.

_ J'arrive pas à croire qu'il ait pu faire ça, il ne lâche plus cette gosse. Pourtant je lui ai dit de la laisser tranquille mais il me rabâche sans arrêt cette histoire de "elle a été abandonnée !" S'il devait ramasser tous les MIOCHES abandonnés alors il ouvrirait un orphelinat ! Mais qu'est-ce que c'est que cette mode pour les hommes de la trentaine d'avoir des mômes, un mariage et tout ce qui va avec ! Moi tout ce que je veux, c'est bosser !

Il picora un nouveau pop-corn sans perdre sa bonne humeur mais sans pour autant l'afficher. Elle lui aurait fait la tête au carré. Heureusement, il était à toute épreuve ! En temps que premier enfant d'une "artiste", il avait l'habitude des accès de mauvaise humeur. Et il appréciait assez Maddie pour ne pas lui en tenir rigueur. Il leva tout de même l'index tout en mâchouillant son pop-corn.

"Hey j'ai passé la trentaine et je n'ai rien de tout ça je te ferais dire. Alors ne généralisons pas trop. Et puis je croyais que cette gamine avait perdu ses parents à la suite de l'attaque de l'Underground ? Rien à voir avec un abandon. Elle était aimée cette petite là. Ce n'est pas comme si on l'avait jeté dans un carton dehors entre les restes de pizza et la litière du chat"

Il secoua les mains

"Bon bon bon. Bref. On a assez de dossiers pour s'occuper l'esprit jusqu'au bout de la nuit de toutes façons."

Il saisit le dossier le plus en haut de la liste et le lui agita sous le nez, les sourcils dansants et souriant à la manière d'un tombeur.

"Alors.... heureuse ?"

Elle croisa les bras dans le fond du canapé et loucha sur le dossier d'un air mauvais.

_ Je n'ai pas envie de travailler.

Elle le regarda et se mit à grimacer.

_ Tu sais quoi ? Quand je lui ai dit de venir ici avec le bébé, comme ça Maybel s'en serait occupée avec lui comme il le souhaitait pour faire ses trucs de pères, là ! Et moi je voulais que tu viennes à la maison pour que j'ai pas à me trimballer tout ça, d'autant que j'ai tout le reste déjà sur place ! Et qu'il me sort pas ses histoires de trimballer lit et compagnie ! On lui a pas demandé de venir passer la nuit, non plus ! Je fais tout pour pas l'envahir avec mon travail mais je dois encore faire attention à cette gamine qui n'est PAS la mienne ! Elever mon frère c'était une chose ! Elever une enfant qui n'est pas la mienne alors qu'il y a un orphelinat à l'Underground ! Tout ce que je dis, c'est qu'il se rend pas compte qu'il fait ça juste pour me convaincre. Seulement ça produit l'effet inverse !

Ulysse reposa sagement le dossier et croisa les doigts en l'écoutant avec tout le sérieux du monde. La tête légèrement penchée, le front plissé il ne savait pas exactement s'il devait acquiescer ou au contraire secouer la tête.

"Mais est ce qu'il a bien conscience qu'il ne pourra pas faire de toi celle que tu n'es pas ?"

Il but une nouvelle gorgée de son chocolat chaud avant de reposer la tasse sur la table basse.

"Quoi qu'il fasse, la fibre maternelle ça ne pousse pas sur les arbres et encore moins au fond d'une couche de bébé orphelin."

Elle le regarda avec sa tasse entre ses mains. Elle l'étudia du regard lentement avant d'inspirer profondément.

_ Et bien c'est à peu près ce que je lui ai dit mais peut-être pas avec ces mots-là. Disons que depuis qu'on sort officiellement ensemble, j'ai fait pas mal de choses pour...

Elle moulina de la main gauche dans une moue réprobatrice, la bouche en coeur.

_ Pour tenter d'être cette femme qui veut bien se marier et tout... Seulement...

Elle fronça les sourcils.

_ Je me vois pas en robe blanche, marchant au bras de mon père et un sourire comme une banane après tout ce que j'ai vécu, je ne sais pas. Je me dis que d'ici quelques années quand tout ça sera fini, j'aurais peut-être le temps d'y songer ! Et que j'aurais changé d'avis !

Elle porta la tasse à ses lèvres en haussant les sourcils et le dévisagea par dessus sa boisson.

_ Et toi ? Ton ressentis sur ce domaine, c'est quoi ?

Tiens c'était une bonne question. Il haussa les sourcils et se donna le temps de réfléchir, reprenant sa propre tasse pour se donner une contenance.

"Hé bien je n'y ai jamais vraiment réfléchi. Disons que je me suis toujours dit que si un jour je rencontrais une femme qui en vaille la peine, on aurait fait un bout de chemin ensemble et puis on aurait pu peut-être partager un appartement. Après pour le reste..."

Il haussa les épaules, peu inspiré.

"Le mariage et les enfants, je ne me suis jamais imaginé père de famille. Avec le boulot qu'on fait, une famille c'est une cible."

Il but une nouvelle gorgée, les yeux dans le flou.

"J'ai déjà assez peur pour Maybel comme ça sans m'en faire aussi pour des hypothétiques enfants"

Elle leva la main vers lui, les yeux ronds.

_ That's what I'm talking about ! (et je suis la seule à piger la référence) Au début, quand on a commencé à se voir, je lui disais que je pouvais pas me permettre, avec mon boulot, d'avoir une vie poussée. Qu'est-ce qui arriverait s'il lui arrivait du mal, je serais pas capable de me concentrer, je ne serais même pas objective ! Je m'occuperai plus de lui que d'une autre personne !

Elle haussa les sourcils hauts en acquiesçant, le vécu ressenti.

_ Et puis les gens jasent.

Il fit claquer sa main sur sa cuisse et se laissa aller contre l'accoudoir, s'installant plus confortablement que précédemment.

"Exactement. Si c'est pour créer une famille qu'on rend ensuite malheureuse je ne vois pas l'intérêt. Je ne veux pas me marier et faire des enfants que je verrai le soir entre 19h30 et 20h et un week-end sur deux parce que j'ai des dossiers à boucler. Si c'est pour qu'ils me reprochent d'être nés une fois l'adolescence atteinte, non merci. Et puis on a déjà du mal à nourrir tous les enfants qui sont déjà nés actuellement, quel intérêt d'en faire d'autre ? Je ne me sens pas d'obligation à perpétrer mon patrimoine génétique."

Il but une nouvelle gorgée et haussa les épaules.

"De toutes façons Maybel s'en chargera pour moi"

Maddie écarquilla les yeux et se redressa en posant la tasse sur ses genoux après avoir manqué de s'étouffer.

_ C'est incroyable ! C'est exactement ce que j'ai dit à Noah l'autre jour ! Qu'il y avait déjà tellement d'enfants dans les rues qui avaient faim que je ne voyais pas l'intérêt d'en pondre un autre ! Il veut un enfant à lui et ça je peux comprendre !

Elle porta sa main à son coeur en secouant la tête.

_ Mais pour ma part, je préfèrerais un enfant adopté ! J'ai pas envie de devenir grosse et puante de sueur parce que quelqu'un a insufflé une graine de maïs dans mon bide et que c'est une pastèque qui va sortir de mes narines ! Et puis j'ai pas le syndrome familial.

Dit-elle, donnant sa vie pour son jeune frère.

_ De plus, quand on voit la tare génétique que se trimballait mon père, je t'assure qu'on a du mal à croire que je puisse avoir envie de perpétuer ça !

Ulysse pouffa de rire et piocha une nouvelle fois dans les pop-corns.

"Tu as une vision de la grossesse bien à toi. Mais où est donc passé la petite émotion de la femme vibrante en toi, la corde sensible qui te donne cette envie viscérale de ressentir la vie dans tes entrailles ?"

Il était bien sûr hautement moqueur. Il lui jeta un pop corn avec un petit sourire qui, pour le coup, faisait penser à Maybel. Le dit pop corn rebondit sur son front dans un ploc.

"Bête mutante, va"

Il soupira, le front plissé et les yeux fixés sur la pile de dossiers.

"Enfin je ne peux pas te conseiller, j'ai une vie amoureuse proche du néant. Le boulot y fait beaucoup là dedans je crois. Mais si je devais être totalement honnête avec toi, je te dirais que si vous n'avez pas les mêmes attentes de l'avenir, vous n'êtes pas au bout des problèmes."

[désolée du temps de réponse, j'ai ma chef sur le dos aujourd'hui]

[Frappe la ]

_ Je crois pas l'avoir eu une seule fois. J'ai déjà élevé un bébé jusqu'à l'adolescence alors je te pris de me croire que j'ai pas très envie de recommencer pour l'instant ! Et je n'ai aucune envie de ressentir quoi que ce soit grouiller dans mes entrailles !

Elle se mit à rire en lui renvoyant le pop corn dessus.

_ Bête humain toi même !

En l'écoutant, elle baissa les yeux sur sa tasse, faisant glisser son index sur les bordures arrondies. Ce qui lui plaisait chez Ulysse, au final et c'était la raison pour laquelle le fait qu'il prenne la place de son ancien co-équipier était pardonnée, c'était qu'ils étaient constamment sur la même longueur d'onde.

_ Je sais.

Elle se gratta le haut de la tête avant de soupirer.

_ Ma vie sentimentale approchait le couvent avant que je rencontre Noah. Il faut avouer qu'en prime, notre relation est parti d'un pied plus peu commun dans la mesure où on...

Elle releva les yeux sur lui avant d'inspirer profondément en gonflant les joues. Elle moulina son poignet.

_ Où on sortait pas vraiment ensemble pour faire simple. Mais avant d'en arriver là,

Elle tourna mollement sa main pour montrer la bague avant de tenir sa tasse à nouveau en roulant des yeux.

_ On en a connu des vertes et des pas mûres. Et c'est vrai que maintenant, je commence à me poser des questions. Peut-être un peu tard mais je continue de me dire que ça finira bien par m'arriver... Je vais arriver à... Développer cette fibre maternelle s'il ne m'exhibe pas tous les jours un bébé de force sous le nez, on va dire. Mais avant Noah, c'était le désert depuis...

Elle dodelina de la tête en réfléchissant.

_ Peut-être pas dix ans mais presque ? Je veux dire par là que je me concentrais sur mon travail, sur mes responsabilités au sein de l'Underground, sur l'éducation de mon frère depuis la mort de nos parents. Et pour être tout à fait honnête, je ne voulais pas de Noah. J'ai pas arrêté de lui dire fut un temps que je voulais pas qu'il entre dans ma vie parce que ça allait me disperser et me déconcentrer. J'imagine que dans un sens...

Elle haussa une épaule.

_ On peut pas rester seul toute sa vie.

[Je peux pas elle fait 2 têtes de plus que moi...]

Il pinça les lèvres et soupira avant de se frotter les yeux du pouce et de l'index.

"Tu as raison. Malheureusement, tu as raison. Tu sais, je ne crois pas que l'amour ait grand chose à voir là dedans. Au fait de finir sa vie avec quelqu'un je veux dire. On peut ressentir une grande passion pour une personne, l'aimer à en mourir et ne pas être fait pour vivre avec elle. Le quotidien est une montagne de compromis, de négociations et d'objectifs à tenir. Je sais que c'est pas très romantique mais c'est la dure réalité. Vouloir construire une histoire à deux c'est trouver un partenaire qui ait les mêmes envies que soi ou assez approchantes pour se permettre de les réaliser le mieux possible. Parce qu'au final, nous avons tous une vision égoiste de la vie sinon nous ne viverions pas."

Il s'attendait à la voir protester, aussi enchaina t'il sans lui laisser la possibilité de parler, mais toujours d'une voix tranquille et posée.

"Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas être altruiste et penser aux autres au quotidien. Juste... Qu'on ne vit pas pour les autres. Même pour les gens qu'on aime. Ou on se lève un matin avec la sensation d'un énorme gâchis."

Ulysse laissa courir ses doigts sur le dossier du canapé, les suivant des yeux d'un air pensif.

[Genre t'es petite ! Minimo et Minipo sont dans un magasin. La barbe à papa est en haut de l'étagère, qui est-ce qui reste en bas ?]

Elle s'y prit à deux fois pour réfléchir en soupirant.

_ Je sais...

Elle releva les yeux sur lui en le montrant d'une main.

_ Sauf sur le fait de ne vivre que pour soi. Pour ma part, je ne vis que pour mon frère et ce, depuis des années, il est tout ce qu'il me reste au monde en tant que famille. J'ai bien mon père adoptif mais ce n'est pas pareil, il...

Il réfléchit à nouveau.

_ Mon frère, c'est la même chair que moi, c'est le même sang qui coule dans nos veines, c'est ma vie, mon trésor, c'est l'amour de ma vie. C'est le plus bel homme du monde, pour moi.

Elle sourit doucement avant de pencher la tête dans sa main, accoudée au dossier du canapé.

_ Alors j'ai déjà vécu si longtemps pour lui et malgré que ça l'énerve, je continuerai.

Elle releva les yeux sur lui avec un léger sourire.

_ Mais ce n'est pas si étonnant quand on sait qu'il a été ma seule et unique famille pendant des années. Mais pour le reste.

Elle acquiesça en redressant la tête, fataliste.

_ Je sais.

[C'est sûr que pour toi je suis une vraie géante . Minimo est pendue à l'étagère et Minipo se frappe le front !]

Il l'écouta simplement et soupira en baissant les yeux.

"Et tu n'as pas peur de te réveiller un matin en ayant l'impression d'avoir gâché le temps que tu avais ? Tu es toujours tellement sérieuse Maddison, on a l'impression que tu portes le monde sur tes épaules. Tu as sacrifié une bonne partie de ta propre enfance pour prendre soin de ton frère puis tu t'es lancé dans la protection de tout un quartier ! Tu es quelqu'un de bien. Il en faut des comme toi. Mais... Tu n'as pas l'impression que toutes ces responsabilités te bouffent et que tu n'es plus vraiment toi ? Toi en temps que femme, en temps que personne à part entière."

Il pencha la tête en la transperçant d'un regard.

"Juste toi et un beau sourire qui ne serait ni ironique, ni sarcastique ni forcé."

Elle reçut presque comme un coup au coeur avec ce qu'il disait. Encore une fois, Ulysse disait des choses qu'elle entendait rarement. Alors elle se mit à rougir en baissant la tête pour sourire à moitié gênée et flattée si tant est que l'un n'aille pas avec l'autre.

_ Tu peux parler de responsabilités, toi...

Elle releva la tête en pouffant de rire et la reporta dans sa paume, accoudée au dossier pour le dévisager.

_ J'ai décidé de quitter l'Underground parce que je me rendais compte que je n'avais plus de vie, que je n'avais pas de vie à moi, que je ne faisais justement que vivre pour les autres et que ça m'étouffait. Que je n'arrivais pas à rester calme ni à sourire ni à retrouver cette bonne humeur qu'on me connaissait à l'armée. J'avais beau avoir perdu mes parents et ma famille, et j'avais beau devoir m'occuper d'un bébé d'un an à l'âge de 10 mais...

Elle haussa les épaules en souriant.

_ J'étais tellement pourtant tellement heureuse. J'avais tout ce dont je rêvais : de quoi vivre, des amis, un engagement prometteur. Mes parents me manquaient, bien évidemment, je pleurais tous les soirs, je me sentais terriblement seule mais... Le matin, me lever n'était pas dur. J'avais une grande gueule, je riais beaucoup, je faisais beaucoup de farces, de blagues, j'étais de la même trempe que mes comparses, on faisait les 400 coups ensemble. On m'a reproché de délaisser mon frère même des fois tellement je m'amusais. Mais j'avais 14 15 ans, j'étouffais à trop m'occuper de Logan. Et quand je suis entrée à l'armée, il devenait grand petit à petit avec sa propre volonté.

Elle se frotta le nez en gardant son mug sur son genou.

_ Alors l'autre jour, j'ai eu ce déclic dans ma tête et je me suis dit... "Je veux bien m'occuper de l'Underground mais je ne veux plus y vivre." Alors le soir même j'ai fait mes bagages. Quand Noah s'en est rendu compte, il a voulu venir avec moi malgré qu'on se dispute parce que je partais sans rien dire. Mais je lui ai dit d'y réfléchir. Que je partais toute seule d'abord, que j'avais besoin de me retrouver seule... En arrivant dans la chambre d'hôtel qui était en fait un appartement, tu sais... Je me suis retrouvée seule dans le silence et j'ai eu la peur panique de ma vie ! Alors je suis descendue boire un verre avec des gens qui parlaient, d'autres qui riaient. Et finalement, j'ai eu envie de me vautrer dans un bain et ça m'a motivée. J'ai mis la musique à fond, j'ai chanté dans mon bain chaud, le premier depuis des lustres où je n'avais pas eu besoin d'attendre 3h que l'eau chauffe. Je me suis mise à danser en petite tenue avant de m'effondrer dans un immense lit rien que pour moi, doux et moelleux qui sentait bon le propre ! Je me suis endormie devant la télé, heureuse comme un pape. Et là, j'ai commencé à me retrouver, petit à petit. Je me remets à faire des blagues, je me remets à rire, à dire pas mal de bêtises.

Elle s'humecta les lèvres avant de sourire à nouveau.

_ Après la bataille, quand Noah a été touché, il a passé trois jours dans le coma et ça a été les trois plus longs jours de ma vie, enfermée dans ma chambre à attendre qu'il se réveille, j'ignorais quand alors je ne quittais pas ma chambre. Des amis venaient me rendre visite en m'apportant des cadeaux pour Noah et moi afin de me tenir compagnie et de me changer les idées en plus de venir prendre de ses nouvelles. Et à chaque fois qu'ils étaient là, c'était comme si tout allait bien. On riait, on se moquait les uns des autres ! En plus, ils ont eu une relation alors j'avais matière à me moquer de mon meilleur ami qui a une vie sentimentale proche d'un moine également quoique bien plus active que moi. Ca commence à aller mieux.

Elle acquiesça avant de se mordre une lèvre.

_ Je vais mieux. Petit à petit. Je me concentre beaucoup plus sur mon boulot et ça me fait du bien d'avoir une vie normale.

Elle pouffa de rire en secouant la tête.

_ Je sais même pas pourquoi je te parle de tout ça.

[Désolée pour le tank >.<]

Il lui répondit avec douceur, le sourire aux lèvres et cherchant son regard.

"Parce que je suis un étranger ?"

Son sourire s'élargit et il inclina la tête.

"Il est souvent plus facile de parler à quelqu'un d'extérieur à la situation. Je n'ai pas d'implication dans tout ça. Mais je suis content que tu l'ais fait. Je pense que c'est une bonne chose que tu te sois détachée de l'Underground. Je suis persuadé que pour aider efficacement les autres, il faut déjà s'aider soi-même. Comment aurais-tu pu supporter plus longtemps la pression à travailler du matin au soir et le plus souvent bénévolement ?"

Il secoua la tête.

"Tu as déjà été bien plus résistante que la majeure partie des gens. En tous cas, sache que tu seras toujours la bienvenue ici. Maybel n'est pas des plus calmes et des plus silencieuses mais heureusement elle sera toujours moins casse-pied que la petite Sunny."

Il rit de bon coeur et tendit le bras vers elle.

"Allez viens là espèce de sauvage. Promis j'en profiterai pas pour te tripoter."

Il ne lui demandait son avis que pour la forme car déjà il l'attirait gentiment à lui pour la prendre dans ses bras très fraternellement.

"ça va aller. Je te promets que ça va aller. Les hommes ont parfois l'oreille un peu dure et quand Noah se sera rendu compte que ce n'est pas la bonne technique il laissera tomber. Ne change pas pour lui, Maddison. Reste toi même. S'il t'aime il te prendra comme tu es et vous apprendrez à composer la vie à votre façon."

Il pouffa de rire et appuya son menton sur le sommet de son crâne.

"Oui je sais c'est complètement guimauve comme formulation. Mais quand on y pense ce n'est pas si nul. Vous êtes comme l'huile et la coriandre. En secouant bien je suis certain qu'il en sortira une bonne vinaigrette qui n'aura pas la forme d'un bébé braillard."

Il s'écarta légèrement pour la regarder, franchement hilare.

"Ma pauvre. Je vais t'appeler Miss couche maintenant"

Le fait qu'il la prenne dans ses bras la fit tout de même déglutir, pas habituée à ce genre de choses de la part d'un étranger". Et ça la rendait mal à l'aise mais elle ne dit rien, se contentant de pincer les lèvres en souriant.

_ Je doute pas de la dureté de mon couple, je dis juste que... Ce n'est pas tous les jours évidents quand on sait qu'on a pas les mêmes objectifs. Ou tout du moins, pas la même façon de penser ou alors pas à la même vitesse. Mais... Si je ne décide pas de changer ma vision sur les enfants, un jour je le perdrai.

Elle baissa les yeux en se retenant de dire autre chose mais finalement, elle redressa la tête en souriant.

_ Je préfère encore le surnom que j'ai à l'Underground : la Grande. C'est très moqueur, ce sont mes comparses de l'armée qui m'appellent comme ça ! Et toi, t'avais un pseudo dans ton ancienne équipe ?

Ulysse desserra l'étreinte et la laissa se reculer à sa guise, l'ayant sentie se raidir. Il avait peut-être été trop familier. Pourtant il n'avait pas pensé à mal. Pas qu'elle ne soit pas attractive mais ils n'avaient pas ce genre de rapports. Sans parler du fait qu'elle appartenait à un autre. C'était un gentleman tout de même !

"La Grande.... -il la toisa d'un air amusé- ouiii c'est une vue de l'esprit"

Il se protégea des bras en riant pour éviter les coups avant de s'avachir complètement. Elle était loin d'être petite pour une fille mais il s'amusait énormément à la taquiner.

"On ne m'appelait pas Gros cul maladroit en tous cas. Mais j'avoue que c'était mérité ! Non en fait à Seattle je n'avais pas vraiment de surnom. Un de mes collègues m'appelait Key mais c'était simplement en rapport avec mon pseudonyme de couverture."

Il se redressa en croisant les mains, le coude sur l'accoudoir près de lui.

"Comment préfères-tu que je t'appelle ?"

_ Non, on m'appelle comme ça, en fait parce qu'ils adorent se foutre de moi et des conneries que j'ai pu faire à l'armée.

Elle se repositionna face à lui, assise en tailleur sur le canapé. Elle se pencha pour poser la tasse avant de détacher ses cheveux et d'enlever sa veste pour la poser sur l'accoudoir, plus à l'aise. Elle le regarda de nouveau en souriant, les mains levées.

_ En fait, ce sont des mecs avec qui je ne vis plus depuis des années. On est dans deux quartiers différents, enfin, on était. Et c'est le genre de militaires... Humains avec une descente que je voudrais pas remonter, tu vois le genre ? Et comme je suis sortie avec deux d'entre eux à 5 ans d'intervalles, disons que... Les vannes fusent. Surtout depuis qu'ils ont fraternisé avec Noah, je suis aux anges, t'as pas idées. Tous mes exs réunis face à mon fiancé...

Elle moulina du poignet en écarquillant les yeux.

_ Tu as remarqué cette facilité à dire "fiancé" qui naît sur mes lèvres ? Bientôt, ça deviendra une habitude, je crois que je peux y arriver.

Il acquiesça sans grande conviction mais sans perdre son sourire.

"L'important ce que ça te semble agréable. C'est plutôt une bonne nouvelle en général ce genre de chose."

Il se rapprocha d'un bond en agitant la main comme l'aurait fait une fille ou... un gay. Il espérait la faire rire.

"Allez montre-moi cette bague. Est ce qu'il s'est ruiné au moins ?"

Il attrapa sa main pour la rapprocher de ses yeux, les plissant de concentration.

"Mmmh, pas mal"

Elle sourit progressivement quand il commença son cinéma puis finit par éclater de rire avant de jouer le jeu en portant son autre main à sa gorge et penchant la tête.

_ Et c'est un vrai à faire couler le Titanic !

Elle ouvrit grande la bouche, fière ! Elle avait réussi à la caser sa vanne foireuse !! Puis elle récupéra sa main en riant avant de le regarder avec un grand sourire.

_ Tu as déjà demandé une femme en mariage, toi ?

Il appuya son coude sur le dossier du canapé avec le sourire all bright et tout.

"Bien sûr ! Je deale des bagues et j'en épouse une tous les matins au petit dèj"

Il se regarda les ongles d'un air détaché.

"D'ailleurs j'ai planqué celle de ce matin dans le placard. Elle trie mes chaussettes par couleur, par taille et par usure."

Il leva un oeil, la tête toujours baissée et le front se plissant avant d'éclater de rire.

Elle sourit petit à petit à nouveau avant de le pousser des mains sur les épaules.

_ Mais tu t'arrêtes donc jamais hein !

Elle rit avec lui en secouant la tête puis elle finit par le désigner du menton.

_ Allez... De toi à moi. Y a-t-il failli y avoir une madame Ashkevron ? D'ailleurs, ça vient d'où comme nom ? On peut pas dire que ce soit commun ! J'ai l'un des noms de famille les plus répandu ! Et mon frère aussi. A nous deux on fait dans le banal.

Il inspira en se reculant pour s'appuyer de nouveau contre le dossier et croisa les bras, le sourire en coin.

"Curieuse, va."

Il secoua la tête et perdit un peu son sourire en baissant les yeux vers ses genoux.

"Hé bien pas techniquement. On ne peut pas dire que j'ai eu beaucoup d'histoires dans ma vie. Il y a bien eu Cathy Peters en terminale mais ... -il rit légèrement et poursuivit- non sérieusement, la seule femme que j'ai jamais aimé n'est plus de ce monde aujourd'hui. C'était Ellen, ma partenaire. Nous n'avons jamais eu de véritable relation, tu vois ? J'étais dingue d'elle mais elle semblait me fuir plus qu'autre chose. Elle avait été mariée et divorcée et elle n'avait pas très envie de remettre ça. Pourtant..."

Il pinça les lèvres et serra un poing.

"Maddie, je t'assure que quand elle me regardait je savais qu'elle ressentait quelque chose pour moi."

Son poing rebondit sur sa cuisse sans un bruit à plusieurs reprises et il secoua discrètement la tête.

"Je n'ai pas eu le temps de savoir si ça aurait pu marcher."

Il avait beaucoup de mal à présent à conserver son sourire.

Elle le fixa avec le front plissé.

_ Je suis désolée, Ulysse, ma curiosité me perdra, je voulais pas... Parler de choses qui fâchent.

Elle soupira en se mordant la lèvre, elle n'avait pas connu ça et n'avait pas eu de relation avec son ancien co-équipier, de toute façon. Mais de la même façon qu'il lui avait donné le sourire, elle s'en fit la mission inverse ! Elle lui tapa la cuisse avant de se redresser.

_ Et ben moi je te fais une promesse ! Si jamais je ressens un truc, je te promets de te le dire directement, comme ça, tu le sauras !

Lamentable ? Sûrement. Elle acquiesça dans un mimétisme Williownien assez impeccable même avec un petit sourire.

_ Là, par exemple, si ça peut te remonter le moral, si j'avais pas eu quelqu'un ni fiancée, et bien... Peut-être que je me serais laissée tenter !

Elle le désigna d'une main en haussant les sourcils. Ca non plus ça ne risquait pas d'être glorieux mais Maddie n'était pas réputée pour être douée dans le domaine des consolations.

Il secoua la tête en affirmant son sourire. Après tout elle était venue pour se changer un peu les idées. Ils n'allaient pas broyer du noir tous les deux comme des nouilles trop cuites oubliées au fond d'un plat.

"Ne t'en fais pas, c'est rien."

La suite de ce qu'elle dit lui fit hausser haut les sourcils et entrouvrir les lèvres de surprise.

"Hé bien euh, merci"

Puis le sourire revint irrésistiblement et s'étira loooooooin jusqu'aux oreilles. Il plissa les yeux et se pinça le menton, comme s'il était en train de l'étudier.

"Pas complètement indifférente à ton gros derrière maladroit hein ?"

Il avait envie de rire ! Mais il se retint.

"Faisons un pacte ! Si tu te fais larguer et qu'on se retrouve seuls à 35 ans...."

Il fit danser ses sourcils.

"On se fait une virée dans l'ancienne usine de Ben & Jerry's et on s'empiffre de glace jusqu'à devenir cylindrique pour se consoler de nos vies amoureuses misérables"

Elle ouvrit grand la bouche et haussa les sourcils en levant une main, prête à l'interrompre. Elle commença à secouer la tête en freinant un rire. Mais quand il finit, elle ne put le retenir avant d'acquiescer en se mordant la lèvre inférieure.

_ Ca marche, vendu.

Elle tendit la main pour serrer la sienne.

_ Mais j'arrive sur mes 32 alors tu sais, c'est dans pas si longtemps !

Il lui prit la main et la secoua assez vigoureusement, l'air très satisfait.

"Et moi sur mes 33. Tant mieux, je ne résisterai pas longtemps à la tentation deeee... m'empiffrer de glace."

A ces mots il reprit une poignée de pop-corns et l'engloutit avant de lui tendre de nouveau le saladier.

"Tu es sûre de ne pas vouloir grignoter un peu ? Comment tu vas nourrir les futurs bébés si tu as pas de la graisse autour ?"

Il se pinça le ventre pour illustrer ses propos.

Cette fois, c'était de trop. Elle se redressa sur ses genoux sur le canapé et attrapa le premier coussin pour le flageller avec et tant pis pour les pop-corns. Elle le martela en serrant les dents.

_ C'est pas !! Bientôt !!! FINI OUI !

Elle se laissa retomber sur ses fesses avant de soupirer, néanmoins avec le sourire.

_ C'est pas gentil de se moquer, et tu le sais ! Sale gros cul maladroit !

Le saladier de popcorn vola et finit renversé par terre. Ulysse tentait de se protéger de ses bras en riant.

"Hé bah t'en as mis du temps à réagir !"

Il désigna les popcorn par terre.

"Regarde ce que tu as fait....tsss"

Il secoua la tête faussement désespéré.

"Qu'est ce qu'on va faire de toi agent DeLuca ?"

Il attrapa un dossier et se mit à le feuilleter tranquillement.

"Bon alors on bosse ou on se regarde un film ? J'ai de quoi nous faire un sandwich à trois étages dans le frigo"

_ Oui, tu as raison, bossons. C'est le meilleur soin moral, je trouve. Il faut qu'on bosse, j'ai plein de trucs à t'expliquer. Mais d'abord...

Elle sauta du canapé en remontant son jean.

_ Je vais aller m'occuper de ces sandwichs.

Elle se tourna vers lui en se tenant le ventre, les yeux ronds.

_ J'ai une de ces faims, t'as pas idée. Avec ou sans cornichons ? Mayonnaise ? Tu viens de Seattle, je parie que t'as plein de bons trucs vrais à manger !

Et que déjà elle filait à la "cuisine".

_ Tu sais ! J'ai vraiment beaucoup de choses à t'expliquer, à te briefer, etc. Je t'avoue que je préfèrerais que tu viennes à la maison où j'ai tous les papiers, tous les trucs que je garde. Je fais des copies de tout et je conserve dans une sorte de coffre.

Il la laissa filer vers la cuisine avec un demi-sourire, amusé par ce regain d'énergie. Il parlait assez fort pour qu'elle l'entende de là-bas.

"Double tranche de fromage - lard -cornichons - mayo -moutarde - salade pour moi !"

Il était accoudé au canapé et la regardait faire de loin.

"Dans le tiroir du bas du frigo tu as de la salade et des tomates si tu veux. Le pain de mie est dans le placard à ta gauche. Attention au grille-pain, il a tendance à te cracher les tranches à la figure"

Il se râcla la gorge, prêt à se lever.

"Tu veux un coup de main ?"

_ Non, je suis pas handicapée, non mais ! En tout cas, comme je te disais, ici...

On pouvait entendre des bruits de cuisine alors qu'elle parlait assez fort pour être entendue.

_ Tu vas connaître une sacrée vie et je suis certaine que tu finiras par trouver ton bonheur en matière de fille. Je te jure, c'est incroyable, c'est le monde de la dépravation. Alors faut juste être un peu patient et au détour d'une rue, tu peux rencontrer une fille pas trop laide...

Elle haussa une épaule.

_ Pas trop exigeante et assez originale pour sortir du lot ! Dans le genre grande brune pulpeuse, tu vois ?

Elle revint vers lui avec deux assiettes dont une qu'elle déposa devant lui avant de grimacer.

_ Les blondes sont toutes des grognasses, il faut que je te prévienne.

Il attrapa l'assiette et se suça le pouce d'avoir touché le bord du sandwich plein de mayo.

"Mmmh, mais je ne suis pas pressé de me caser tu sais"

Il croqua dans le sandwich en essayant de ne pas s'en mettre partout.

"Il a eu raigeon Noah gue ke guemanguer gue l'épouger ! k'es bonne à marier"

Ce qui signifiait : "Merci Maddison, c'est très bon" dans le langage courant du GCM. Il mâcha en lui souriant ironiquement, prêt à échapper à une nouvelle attaque de coussin.

_ Tous les mecs sont pressés de se trouver une fille.

Elle se redressa en riant pour aller chercher les verres -de lait- à la cuisine avant de revenir en poussant les dossiers d'un pied sur la table.

_ Je sais pas s'il a bien fait de me demander en mariage, mais en tout cas, il l'aura fait trois fois !

Elle haussa un sourcil en dodelinant de la tête avant de poser les verres sur la table pour revenir s'asseoir à côté de lui.

_ Et disons que je ne sais pas travailler sans rien à boire ou à manger, je suis une... Névrosée gastronomique compulsive.

Elle pencha la tête vers lui avec un grand sourire.

Il acquiesça frénétiquement de la tête en continuant d'engloutir son sandwich.

"Je n'aime pas travailler le ventre vide non plus. Disons que ça nous fait un important point commun !"

Il sourit d'un air jovial et repoussa l'assiette en se laissant aller contre le dossier.

"Névrosée Gastronomique Compulsive hein ? Y a des clubs pour ça ?"

Il rit légèrement et allait enchaîner sur les dossiers lorsqu'on frappa à la porte.

"Excuse-moi une minute..."

Il alla ouvrir et trouva Maybel sur le pas de la porte, les bras encombrés par un gros carton. Cette dernière s'engouffra dans l'appartement avec vivacité.

"J'étais en route pour aller à l'appartement de Maddie mais comme je savais pas jusqu'à quand vous en aviez et que j'ai pas envie de ne pas prendre mes dispositions, je suis revenus chercher des affaires. je vais en profiter pour emmener Joey avec moi comme ça vous serez pas tenté de l'enfermer je ne sais où. Le pauvre est en pleine croissance, il a besoin de se muscler les pattes !"

La tempête Maybel traversa la pièce, attrapa le poussin entre deux âges qui poussa un simple "piou-cot" avant de se retrouver dans sa boite de transport improvisée puis elle fila vers la chambre. Sa voix parvenait un peu atténuée.

"Et puis ça fera surement rire le bébé ! Oh, Ulysse tu n'as pas vu Mr Pedro ?"

Ulysse soupira et haussa les épaules puis croisa les bras.

"Non Maybel je n'ai pas vu Mr Pedro."

Elle reparut tout sourire, agitant une peluche en forme de souris déguisée en mexicain.

"Je l'ai trouvé ! Ce machin chante la cucaracha, ça me faisait mourir de rire quand j'étais petite."

Elle entassa ses affaires dans un sac à dos, l'enfila, prit son carton et s'arrêta pour les regarder tous les deux tour à tour.

"Bon ! Voilà. Je file ?"

Ulysse se pinça l'arrête du nez et lui sourit avec patience.

"Oui d'accord. Passe une bonne soirée, Maybel"

Mais elle ne bougeait toujours pas.

Quand la tempête passa, Maddie ne s'en préoccupa même pas, le sandwich dans la bouche. Elle était heureuse d'avoir eu un petit frère et non une petite soeur. Il avait un doudou mais Logan n'avait jamais été si... Comment dire... Féminin ! Quand elle repassa au salon, enne gonfla les joues, la bouche pleine et se protégea la bouche des doigts pour ne pas cracher. Elle finit par lui sourire en acquiesçant face à la peluche mexicaine qui lui rappelait vaguement quelque chose mais sans arriver à mettre le doigt dessus.

Cela dit, elle se posa une question : à l'heure qu'il était, Maybel aurait déjà dû arriver chez elle... Elle n'était pas si loin, il lui semblait. Si ? Mais elle ne dit rien. Elle n'aurait pas spécialement apprécié que quelqu'un redise quoi que ce soit par rapport à Logan. Mais elle semblait si bien, debout, là, à les fixer. Maddie avait pris ses aises. Son chemisier légèrement ouvert d'où on pouvait voir son débardeur, pieds nus et ses cheveux détachés, elle finit par sourire en levant une main, avec autant de patience que Ulysse puis elle porta son index à ses lèvres pour essuyer la sauce qui avait coulé dessus. Elle pinça les lèvres sans rien dire, finissant sa bouchée mais qu'on la fixe la mettait... Mal à l'aise.

Elle eut un léger sourire crispé avant de pouffer légèrement de rire.

_ Quoi ? Tu... viens faire le guet pour t'assurer qu'on ne copule pas ?

Et elle lui lança un immense sourire. Maddison n'était pas du genre à cacher ce qu'elle pensait.

Maybel gonfla les joues, prise au dépourvu et jeta des coups d'oeil partout pour trouver une réponse appropriée.

"Mais pas du tout ! En fait j'étais bien partie pour arriver jusqu'à chez toi mais je me suis dit que ça se faisait pas de débarquer sans rien. Alors j'ai voulu faire un détour pour acheter un machin à grignoter. Seulement je ne connais pas les gouts de Noah. Alors j'allais t'appeler pour te demander et puis j'ai laissé tomber, j'ai pris des chips et puis voilà. Seulement à peine arrivée, je me suis dit que si ça se trouve vous en aviez pour la nuit et moi je voulais pas me retrouver à puer sans rien pour me changer en attendant. Donc j'ai déposé les chips et j'ai fait demi tour. En plus j'avais peur. Pour Joey. J'ai pas confiance !"

Elle agita l'index en maintenant son carton tant bien que mal.

"Je vois bien dans vos yeux que vous l'engraisseriez bien pour le faire cuire à la broche ensuite"

Elle serra son carton d'un air protecteur.

"Personne ne mangera mon poulet !"

Ulysse hésita entre rire et s'énerver.

"Arrête de faire le bébé. Si tu veux rester tu peux hein. Mais on travaille donc on aura pas le temps de te faire la conversation."

Maybel prit la mouche et plissa les yeux.

"Non merci."

Elle allait se retourner pour sortir et se dirigea finalement d'un pas conquérant vers la télévision pour s'emparer d'une boite contenant un film humoristique. Puis elle prit congé le nez en l'air.

Ulysse soupira et attendit que la porte claque pour revenir s'installer près de Maddie.

"Je suis désolé. Je la soupçonne d'être un peu jalouse."

Maddie rit en secouant la tête une fois de nouveaux tous les deux. Non, elle ne l'énervait pas. La seule était qu'elle préférait être seule avec lui pour parler boulot, sinon pour le reste elle s'en fichait. Et même, elle appréciait quand Maybel était là ou d'autres personnes. Maddison avait le sens de la communauté et s'ennuyait très vite. Elle secoua vivement la tête en souriant, son index entre ses lèvres.

_ C'est rien.

Elle s'essuya les doigts avant de le regarder.

_ J'en connais un autre qui doit être jaloux. Je l'ai vu dans ses yeux mais... Hey.

Elle le bouscula doucement de l'épaule.

_ T'es mon co-équipier. C'est pas pareil.

Il leva le menton en acquiesçant avec le même sourire qu'elle.

"Ouaip. Coéquipière."

Il la bouscula à son tour avant de rire et de secouer la tête.

"Il faut vraiment qu'on s'y mette ou je vais finir par ne plus avoir envie du tout. Je suis une loque passée une certaine heure. Vu que je me lève assez tôt pour aller courir un peu, je ne suis pas un couche tard."

Il fixa la pile de dossier en inspirant à fond, pinçant les lèvres comme pour se donner du courage.

"Allez. Mets moi au parfum."

Elle eut un de ces sourires malicieux en coin en le détaillant mais elle ne dit rien. Ah oui, un petit footing dès le matin ? Décidément... Mais elle se contenta d'inspirer très fort en redressant la tête.

_ Bien !

Elle lui lança un dernier sourire malicieux avant de prendre un dossier. Mais une fois que Maddison était dans son sujet, rien ne pouvait l'en déconcentrer à moins qu'on lui hurle dans l'oreille, qu'on lui pleure ou tout autre chose. Et Ulysse avait intérêt à suivre car elle ne se répèterait pas.

Après trois sandwichs, plusieurs litres de lait, elle avait fini assise par terre, les cheveux relevés en chignon et elle avait fini par rester uniquement en débardeur, le chemisier lui tenant trop chaud. En gros, elle était parfaitement à l'aise après avoir étalé tous les dossiers par terre, sur le canapé, sur la table, sur les genoux d'Ulysse. Elle lui avait présenté tous les protagonistes, toutes les informations qu'elle avait réussi à réunir. Mais après près de 6h d'informations intensives et seulement quelques petites pauses pour manger un morceau et raconter quelques blagues, elle soupira, les jambes écartées sur le sol et elle frappa dans ses mains avant d'acquiescer.

_ Je pense qu'on a fait le tour.

Elle tendit loin devant les bras.

_ Aide-moi à me relever, j'ai le cul comme du béton.

Ulysse était proche de l'écran bleu, du fatal error, du crash de disque dur. Elle avait parlé pendant pratiquement toute la nuit, lui avait montré plus de photos, de dépositions et de rapports qu'il n'en avait jamais vu et lui avait simplement tenté de retenir le plus d'information possible sans crier grâce. Heureusement qu'il y avait assez à manger pour tenir une semaine parce qu'ils avaient une belle descente. Il l'avait interrompu une ou deux fois juste quand vraiment il se sentait perdu mais dans l'ensemble elle avait été assez claire et concise pour qu'il n'ait pas à le faire.

Il soupira et se frotta le visage avant de se lever et de lui tendre la main pour l'aider à se lever. Lui même pieds nus, simplement en short et en tee-shirt était aussi à l'aise que s'il passait la soirée avec sa soeur. Il tira d'un coup sec, assez fort pour la faire décoller et atterrir contre lui. Il amortit donc le mouvement de son autre main dans son dos.

"Désolé, je t'ai pas fait mal ?"

Il y avait des dossiers ouverts partout. Il tentait de les éviter afin de ne froisser aucune feuille et les regarda avec une certaine consternation tout en riant.

"On serait bien comme illustration d'une pub concernant les bourreaux de travail"

Elle lui fit un grand sourire et se laissa tirer dans un "Woups" quand il cala ses reins dans une main pour l'empêcher de retomber en arrière. Nouveau malaise, elle se raidit et ne dit toujours rien. C'était marrant comme les contacts physiques la mettaient mal à l'aise. Du moins, quand ce n'était pas des gens qu'elle connaissait bien. Cela dit, Reese ne pouvait pas vraiment l'approcher non plus. Elle regarda les dossiers avec lui avant de se mordre la lèvre mais quand il lui parla de la pub, elle se contenta d'avancer le menton dans un sourire.

_ Tu pourrais peut-être commencer par me lâcher ? Pas que ça me dérange, mais...

Mais il était trop près ! Bien trop près.

Il retira immédiatement sa main en se reculant, un sourire d'excuse sur les lèvres.

"Oui pardon, j'étais en train de penser à autre chose"

Il se fraya un chemin jusqu'au canapé et s'y laissa tomber de nouveau.

"Combien de personnes sont au courant des tenants et des aboutissants des différents dossiers que tu traites ?"

Oui, lui il était toujours branché boulot même si la fumée lui sortait par les oreilles.

Elle vint s'affaler avec lui dans un gros soupir, son bras sur l'accoudoir.

_ Edison. Son ancienne co-équipière qui a été mutée avant qu'il ne devienne capitaine. Et toi. Concernant l'affaire Donner, il y a aussi Edward King puisque c'est avec lui que je bosse sur cette affaire. Mais elle n'est pas officielle.

Elle regarda sa montre et laissa sa tête retomber en arrière en fermant les yeux.

_ Il va me tuer...

Elle redressa la tête pour le regarder.

_ Je dois trouver quelques jours pour partir en Irlande avec lui, je sais pas comment je vais me débrouiller. Et en prime, il veut que je me trouve une soirée où je bosse pas pour qu'on passe une soirée tous les deux. Il voulait que Maybel fasse la baby sitter. Tant que cette affaire ne sera pas réglée et que toi, tu ne seras pas totalement opérationnel, je ne peux vraiment pas me libérer. De plus, il sait que je suis sensée bosser de nuit, normalement.

La discussion s'orientait de nouveau vers Noah et Ulysse se laissa embarquer de bonne grâce. Après 6h de sérieux et de concentration, il voulait bien essayer de trouver une solution avec elle pour améliorer sa vie de couple. Enfin, autant qu'il pouvait aider.

"Pour la soirée, ça ne devrais pas être trop difficile. Je suis sûr qu'Edison peut te donner un jour de congé ou au pire te permettre d'échanger tes horaires pour te permettre de faire ce dîner. Maybel sera ravie de veiller sur le bébé et moi j'assurerai l'intérim en ton absence. Pour le voyage en Irlande, si c'est pour quelques jours on devrait arriver à survivre ! Tout le monde a droit à des vacances, Maddison."

Il lui sourit avec gentillesse et commença à ranger un peu les dossiers.

"Et je suis sur d'arriver à convaincre Edison de t'ordonner de partir."