[Meredith/Chi] Là-haut, dans le ciel !

Les heures de vol avaient endormi Sheyenne, bien qu'elle détestât l'avion. Mais une fois arrivée sur le petit aéroport d'Hawaii, la chaleur tomba sur les épaules de la native et encore plus sur celles de Meredith qui l'avait accompagnée à son grand bonheur. Sheyenne n'aimait pas beaucoup voyager seule alors quand elle était accompagnée, elle était toujours toute contente. Et de plus, maintenant, elle était chez elle, elle avait pleinement confiance en elle. Elle guida Meredith pour récupérer leurs bagages avant de se diriger vers les arrivées en enlevant sa veste de laine.

_ Ces avions sont toujours bien trop climatisés, il y a de quoi tomber malade en descendant !

_ CHICHI !

Elle se retourna pour voir arriver en trombe un homme d'un certain âge à la peau tannée et aux longs cheveux bruns relevés dans un chignon. Aucune ressemblance avec Sheyenne si ce n'étaient ses grands yeux noirs. Elle reçut l'homme dans une étreinte étouffée et se mit à rire en lui tapotant le dos avant de s'écarter. Elle se fit étudier sous toutes les coutures, notamment ses cheveux qu'elle avait faits couper alors qu'elle les portait longs depuis son enfance.

_ Qu'est-ce que t'as fait à tes cheveux ?

_ Je les ai coupés, papa, ça arrive même aux gens biens, tu sais ?

Le paternel roulait parfois un peu des R et il avait un regard étrange, comme un enfant mêlé à ... Bref, quelqu'un qui n'était pas d'ici, d'un autre monde. Sheyenne désigna son amie dans un sourire.

_ Papa, je te présente Meredith. Elle est dans la médecine et elle s'occupe pas mal dans les hôpitaux de Megalopolis.

_ Ah !

Il se racla la gorge avant de reprendre, les sourcils hauts et semblant faire des efforts sur son accent et il tendit la main pour prendre celle de Meredith.

_ Bienvenue... Sur notre île ! Je suis euh... ravi de vous connaître !

- Meredith n'avait pas vraiment dormi dans l'avion. Risquer d'avoir la tête qui tombait sur quelqu'un ? Pas question ! Quoique l'envie de se débarrasser du gros plein de sueur assis à côté d'elle l'ait effleurée...

Une fois l'idée définitivement écartée, elle s'était concentrée sur un livre, un film, un paquet de cacahuètes, histoire de passer le temps. Meredith avait d'ailleurs passé une bonne partie du voyage à jouer du tam-tam sur ses genoux. Elle avait du apprendre la patience et la mesure, d'abord à cause de sa mutation, ensuite pour son travail, mais rester ainsi immobile la rendait à moitié dingue. D'autant que Sheyenne dormait comme une bienheureuse.

Quand enfin l'avion se posa, ce fut avec un soupir de soulagement que Meredith en descendit. Couverte de la tête au pied, elle n'avait sacrifié que les lunettes de soleil à l'ambiance locale. Pas question de chemises hawaiiennes ou de petite jupe pour la jeune femme. Elle portait un genre de pull fin et un peu ample sur un jean tout ce qu'il avait de plus simple, et les cheveux ramenés en arriere dans une queue négligée. Mais le tout avec élégance.
Les mains dans les poches, elle suivi Sheyenne dans le hall d'arrivée et récupéra sa petite valise. -

Oh... ca ressemble à un été à la maison... il ne manquait que la neige, dans cette cabine... Et puis on apprécie que mieux l'atterrissage, non ?

- Elle se retourna vivement en entendant un homme appeler Sheyenne. Sur le qui-vive, force de l'habitude. Elle du faire un effort pour se détendre. A bien regarder, Meredith ne semblait vraiment pas à sa place : elle n'avait rien d'une vacanciere. Pourtant, cette coupure dans ses habitudes lui faisait du bien, mais elle n'arrivait pas à se défaire de sa rigidité coutumière.

Elle regarda donc Sheyenne et son père s'étreindre - avec une pointe d'envie - mais figea quand l'homme lui tendit la main pour la saluer. Elle se fustigea intérieurement : elle n'avait pas prévu ca. C'était pourtant évident qu'elle aurait à serrer multitude de mains... Elle se dit aussitôt qu'elle n'aurait pas du venir...
Elle regarda la main de l'homme, ouvrit vaguement la bouche, cherchant une excuse pour esquiver sans paraitre impolie, mais se garda bien de sortir les mains de ses poches. -

Bonjour... Je... merci pour votre accueil...

_ Papa...

Sheyenne sourit en lui reprenant la main pour qu'il la récupère et elle haussa les sourcils.

_ On évite les étreintes serrées avec les inconnus à Megalopolis. De plus il fait déjà assez chaud comme ça, inutile d'insuffler encore plus ta chaleureuse étreinte corporelle, Mmmhh ?

_ Et alors, elle a pas la peste ton amie !

Oh qu'il était bougon qu'on refuse son affection. Il haussa les épaules et acquiesça.

_ Allons, dépêchons, je déteste cet endroit plein de monde. Ta mère a hâte de te revoir !

Sheyenne regarda Meredith et lui sourit en lui indiquant du menton de la suivre jusqu'à une espère de land rover rouillée par endroits. Le père ouvrit le coffre pour que les filles puissent y ranger leurs bagages.

_ J'espère que tu n'es pas malade en voiture.

Elle lui fit un clin d'oeil avant de froncer les sourcils.

_ Tu n'as pas chaud ?

- Meredith servit un sourire coincé a Mr Kane et à Sheyenne. Elle se sentait proprement idiote et regrettait carrément d'être venue. Quand on ne peut pas rendre une simple poignée de main, pourquoi chercher à socialiser ? Elle aurait mieux fait de rester dans son petit appartement... -

** j'ai peut être pas la peste, mais c'est limite pire... **

- Avec un soupir contenu, elle emboita le pas au père et à la fille pour se retrouver face à une voiture qui avait visiblement connu des jours meilleurs. Meredith n'y voyait guère d'inconvénient. Sortie de sa mustang, les autres voitures la laissait indifférente. Elle jeta sa valise dans le coffre et répondit au père de Sheyenne avec un sourire un peu moins coincé, mais néanmoins timide. -

Oh non, ne vous inquiétez pas pour moi, monsieur. Je n'ai aucun problème avec les voitures...

** lame... **

- Chaud ? Bien sur qu'elle avait chaud. C'eut été son appartement, elle se serait baladée nue. Mais elle n'avait pas vraiment le choix. -

Non, tout va bien... merci !

Sheyenne la laissa monter en voiture avant elle puis elle soupira une fois assise pour regarder autour d'elle, étonnée d'être contente. Le père de Sheyenne ne cessa de parler et sa fille ne cessa de parler de la capitale, comme c'est grand, puant mais qu'elle y a rencontré des gens géniaux de la même trempe que Meredith et curieusement... Elle arrondissait les angles, ne parlant jamais des attaques ni d'où elle vivait, juste, un centre communautaire où le loyer était plus facile à plusieurs, qu'elle avait sa propre chambre et qu'elle avait même eu un petit copain ! Ils mirent une heure pour arriver - soit environ toute l'île - jusqu'à se garer devant une maison... presque entièrement de rondins et de l'animation devant. Ca sentait fortement l'eau de mer et... Le poisson ! Il y avait même une certaine musique à percussion au loin.

La Land Rover s'arrêta et Chi regarda Meredith dans un immense sourire avant de sauter de la voiture pour aller chercher leurs bagages.

_ Papa, tu peux emmener les affaires de Meredith dans sa chambre ? Je vais l'amener faire un tour pour se dégourdir les jambes !

_ Et ta mère Chika !

_ On revient vite !

_ Et ton frère !

Elle pouffa de rire en se rapprochant de Meredith.

_ On arrive. Allez, viens !

D'un coup de menton, elle l'incita à la suivre. Se dégourdir les jambes serait une bien meilleure idée que la confronter directement à autant de personnes.

- Meredith resta muette pendant le trajet en voiture, buvant le paysage des yeux. D'abord trop pauvre pour voyager hors du pays, puis trop occupée, elle n'avait jamais quitté Megalopolis et sa périphérie. Le panorama qui s'offrait donc à elle avait tout de l'exotisme le plus total. Un ciel archi bleu, des palmiers, du sable et la mer bleue WC ? Du jamais vu, à part dans le films, ce qui laissait douter de leur réalité. Et pourtant...

Elle n'écouta donc rien de la discussion entre le père et la fille. Lorsque le véhicule s'arrêta, elle descendit, respirant à pleins poumons l'air de la mer et ... du poisson... Meredith réalisa qu'elle avait faim : elle avait refusé le plateau repas dans l'avion, considérant particulièrement risqué de tenter d'avaler leur simili steak.

Mais Sheyenne semblait décidée à l'emmener d'abord faire du tourisme. Sur place en qualité d'invité, Meredith se voyait mal rouspéter d'une manière ou d'une autre, aussi suivit-elle la jeune femme. Lorsqu'elles furent un peu éloignées, Meredith glissa - de loin - à l'oreille de Sheyenne : -

Il faut que je te dise un truc...

Elle marchait calmement à ses côtés en regardant partout autour d'elle et profitant de ce soleil à qui elle appartenait malgré toutes ses tentatives de lui échapper depuis qu'elle avait quitté Hawaii. Elle tourna la tête vers elle dans un sourire.

_ MMmmhh ?

Sheyenne ne venait pas de la modernité des villes de Hawaii, elle venait vraiment de sa campagne même si on pouvait voir les maisons sur les bords de falaise, on sentait surtout l'odeur de la plage qui frappait le sable à seulement quelques mètres de là. Elle souleva un pied pour récupérer ses chaussures et continuer sans, les gardant dans la main. Cela dit, vu le coin perdu où elle habitait, ça se comprenait qu'elle ait voulu partir. Ou pas.

C'est beau ici...

- Elle embrassa le paysage du regard. C'était apaisant, et diablement plus épanouissant que son quartier de Megalopolis pour grandir. Cependant, Meredith ne savait pas vraiment comment aborder le sujet. Elle savait qu'elle aurait du le faire avant, elle aurait même du s'abstenir de venir tant le risque était important. Et les gens ne manqueraient pas de s'étonner de la voir en pull, même léger, toute la journée ! -

... J'aurais du te le dire avant... Je ne peux toucher personne... Je suis une mutante, et ma... mutation m'en empêche.

La nouvelle intrigua Sheyenne. En voilà une chose étrange, elle était persuadée que Meredith n'était juste pas du genre contacts. Elle fronça les sourcils en la regardant, marchant toujours à ses côtés. Qu'elle fut une mutante ne l'étonnait pas, c'était la suite.

_ Comment ça tu ne peux pas toucher les gens, tu as une sorte de don morbide qui te fait voir les morts des gens, leur avenir ou ce genre de choses ?

Concernant les mutants, Chi n'était pas toujours au fait de tout. Elle en connaissait que peu, au final et ne parlait pas aux trois/quart d'entre eux. Quant aux autres, il n'y avait jamais vraiment eu besoin de leur demander quoi que ce soit. Elle lui sourit et secoua la tête en plissant le nez.

_ Tu sais, le fait que tu sois mutante ça ne me dérange pas du tout et ça ne dérangera personne ici...

- Meredith eut un sourire sans joie. Elle avait entendu parlé de ces mutants psy qui n'étaient actifs qu'au touché. Elle n'en avait pas rencontré, mais elle les enviait. -

Oh crois moi, si ce n'était que ca, mon problème serait beaucoup moins complexe. Ce serait juste un inconvéniant pour moi... Non, je... sécrète du poison. D'une certaine manière, c'est ma sueur qui est empoisonnée. Je ne peux pas le contrôler, et le moindre contact est mortel... trop rapide pour faire quoi que ce soit contre...

- Elle poussa un soupir. Même si elle avait dépassé le stade où l'évocation de son "problème" la faisait pleurer, ca la déprimait néanmoins largement. -

Sheyenne s'arrêta et agrandit ses yeux pour la regarder en face, interloquée. Mais il faisait chaud à Hawaii ! Comment Meredith avait-elle pu vouloir venir dans un pays pareil ?

_ Du poison ? Mais... Comment ça se fait, je veux dire, tu n'as jamais pu l'empêcher ? Des médecins ou des traitements, ce genre de choses ? C'est incroyable qu'on te laisse circuler comme ça librement... Enfin je veux dire, sans qu'on t'aide en quoi que ce soit ! Ca veut dire que tu ne peux vraiment toucher personne ? Même en portant des gants, mais tu... Mais tu m'as déjà touchée et je t'ai vu toucher Noah une fois. Et tu t'occupes de patients ! Ton pouvoir ne peut être aussi dévastateur que tu le prétends, non ?

- Meredith grimaca. Ces questions, rares parce qu'elle n'en parlait que rarement, étaient néanmoins récurrentes. -

C'est seulement lorsque je touche la peau d'une personne directement. Une fois en contact avec une surface inerte, comme des vêtements, ou un objet, une poignée de porte... mon poison devient très vite inactif...

- Elle eut de nouveau un sourire un peu triste. -

J'avais toujours des gants, de même pour mes patients... A l'hopital, je passe pour la tarée hygiéniste, qui a toujours ses gants pour soigner les patients des ghettos...

- Elle marqua une pause en se souvenant des épisodes malheureux qui ont conduits à cette certitude : les malaises de plus en plus graves de sa mère à mesure que Meredith se sevrait, les chats qui mourraient sous ses caresses, et bien sur Tony mort dans ses bras, à cause d'elle. -

Crois-moi, c'est même pire que tu n'imagines, je pense...

Elle la dévisagea un long moment, le front soucieux avant de reprendre.

_ Mais alors...

Elle regarda autour d'elle, visant le soleil d'un index tendu.

_ Qu'est-ce que tu es venue chercher ici, c'est aussi dangereux pour toi que pour les autres ! Les choses ne seront pas différentes qu'à Megalopolis et tu ne connais pas mon frère, je me demande juste... Au final, ce qui t'a décidé à venir ici si tu en connaissais les risques et aussi la frustration. Ma famille est très tactile ...

Elle pouffa de rire en faisant un rond de poignet.

_ Un peu trop, d'ailleurs mais... Meredith...

Elle se gratta la tempe en grimaçant légèrement.

_ On ne peut pas leur dire ça, ils vont paniquer. Ils paniquent déjà quand on se fait une entaille au doigt avec une écharde alors ça ! Ils vont vouloir te faire tester touuuus leurs traitements et ils ne te lâcheront pas d'une semelle !

Elle croisa alors les bras en plissant les sourcils.

_ Qu'est-ce que tu as d'autre pour te protéger, je veux dire en dehors des gants... Tu vas nous faire une attaque si tu continues avec ce jean et ce pull, ici. Au final, ton voyage ici sera un calvaire et non pas un peu de paix comme tu le voulais !

- Meredith eut beau se retenir, elle commenca a virer au rouge cerise. -

A dire vrai... Je ne sais pas vraiment... A en discuter comme ca, avec Noah, ca semblait une excellente idée... Ca fait 3 ans que j'ai eu mon diplome, je n'ai pas pris de vacances depuis. Ni pendant mes études d'ailleurs. Partir ailleurs semblait une bonne idée... Et je t'avoue que... ahem... je n'ai absolument pas pensé à la chaleur... je n'ai aucune tenue appropriée... Mais... On doit bien pouvoir trouver des robes légères, longues et amples avec des manches ? Non ?

- Elle secoua la tête. -

Ou bien il serait peut être plus simple que je reparte... Je ne veux pas mettre ta famille en danger. Je ne pensais pas que ce serait à ce point problèmatique... Tu vois, je pensais rester dans un coin, regarder tout de loin et profiter des plages désertes...

- En gros, elle se sentait ridicule... -

_ Non, Meredith...

Elle pencha la tête, le front soucieux en soupirant.

_ On va trouver une solution, d'accord ? Je vais te prêter... Des fringues à moi et... Et t'en fais pas, tout va bien se passer, il n'y a pas de raisons. S'il faut,on restera chez ma grand mère. On y va là, elle habite plus loin, elle aime le silence et son bout de plage. Viens.

Elle lui sourit et donna un coup de menton pour qu'elle reprenne sa marche à ses côtés.

_ Tu as traversé tous ces kilomètres, c'est pas pour te laisser faire maintenant, non ? Mais tu vas crever de chaud, alors il faut qu'on trouve une solution. Et surtout avant qu'on voit ma mère et qu'elle ne te prenne dans ses bras comme si tu étais sa propre fille !

- Meredith poussa un petit soupir, un peu de désespoir. C'était toute l'histoire de sa vie... -

Oui, il vaudrait mieux éviter... Je ne voudrais pas être responsable d'une mauvaise ambiance pendant le mariage sous prétexte que j'aurais tué la mère du marié...

- tentative d'humour lamentable. -

Désolée... Mais ta grand-mère ne va-t-elle pas réagir pareil ?

Elle haussa les sourcils dans un sourire amusé.

_ Ma grand mère se fait très vieille, d'où le fait qu'elle soit un peu à l'écart. C'est une grande sage, elle est celle de qui je tiens mes racines, tu verras. Peut-être même qu'elle pourra t'aider ! Je me demandais, ce que tu... Sécrètes, tu ne peux pas l'empêcher de sortir ?

Elle marchait néanmoins calmement à côté d'elle sans se presser. Il fallait que Meredith s'imprègne de tout ça pour se sentir bien, Sheyenne voyait bien qu'elle n'était pas à l'aise et en général, tout le monde l'était avec Chi mais la jeune Hawaienne s'inquiétait pour elle.

- Le problème de sa mutation était toujours présent à son esprit. En permanence, elle avait en tête de ne toucher personne, de s'impliquer le moins possible pour éviter les incidents irréparables. Et là, elle s'était jetée dans la gueule du loup : un événement social majeur. Un mariage. Mais à quoi avait-elle pensé ?!

Elle s'autorisa un petit sourire ironique à la question de Chi -

Est-ce que tu peux arrêter de transpirer ? Ma mutation fait que je produis une sueur empoisonnée... Quelle que soit la facon dont je tourne la chose, c'est impossible d'y faire quoi que ce soit...

- Son regard se perdit au loin alors qu'elle se souvenait. -

J'ai fait des tests dans les labos de l'université pendant mes études, mais je n'ai rien trouvé. Même pas un antidote assez rapide pour protéger mes ... proches... Il y a quelques temps, j'ai cru avoir trouvé une solution. Maddie m'avait envoyée voir un industriel qui avait parait-il trouvé un remède... Mais il a refusé, arguant que ce n'était qu'expérimental et beaucoup trop contraignant...

- Elle eut une nouvelle grimace. -

Comme si la perspective de souffrir un peu pesait dans la balance, face au fait de ne pouvoir approcher personne...

Sheyenne garda le silence quelques secondes avant de reprendre.

_ Si tu sécrètes ce poison alors il en recèle obligatoirement l'antidote. Je veux dire par là que je ne suis pas une experte en biologie ou en ce que tu veux qui puisse te donner toutes les réponses que tu attends sûrement depuis des années mais... J'imagine que...

Elle fronça les sourcils et agita un poignet.

_ Est-ce que... Est-ce que tu as toujours tourné le problème dans le bon sens. Le but n'étant pas d'approcher quelqu'un en arrêtant de transpirer mais de... De contrôler ce poison, après tout, il est toi, il est à toi, il te fait toi, ce n'est pas toi qui fait qu'il est poison mais le poison qui fait de toi une mutante. Et pour l'instant, c'est lui qui a le pied sur toi, j'imagine que... Enfin si tu prends le problème de la bonne manière alors tu peux reprendre le contrôle sur ton pouvoir ou sur ton don.

Elle la regarda et haussa les épaules.

_ Peut-être que jamais personne ne t'a appris à ne pas regarder à l'extérieur de ta peau mais à l'intérieur. Tu es mutante. Il n'existe aucun mutant au pouvoir passif. J'en suis persuadée. Dean dit toujours que le moindre pouvoir est utile même s'il n'est pas toujours glorieux ou populaire. Il dit que chaque pouvoir a un côté sombre et un côté lumineux. Peut-être que... Dans ce poison que tu as, de la même manière que certains mécanismes chimiques s'opèrent et bien... Tu pourrais en ressortir un antidote. Mais peut-être que pour ça... Il te faut apprendre à mieux te connaître et surtout à te faire confiance à toi-même et à cette chose qui vit en toi et t'emprisonne.

Chi ou l'art d'amener la spiritualité en plein soleil.

- Meredith écouta Chi attentivement, mais sans y croire vraiment. Pour elle, cette mutation a été une croix toute sa vie, pourquoi cela changerait ? -

Dean, il est mignon, mais je n'y crois pas vraiment... Tu sais qui a un pouvoir absolument passif lui aussi ? Mon frère. Sa mutation consiste à être immunisé à mon poison.

- Elle regarda en coin Chi -

Oh et pas la peine d'y penser, j'ai tout tenté : synthétiser son sang, sa sueur, son plasma, tout ! Aucun n'est assez stable pour en faire un antidote pour les autres ou un antagoniste pour moi...

- Pour finir avec un air dubitatif, sceptique, et pas convaincue du tout - comment ca c'est tout la meme chose ? -

Je ne vois pas vraiment ce que je pourrais faire... je veux dire... Je ne connais personne qui puisse contrôler sa transpiration, ou l'air qu'il expire, ou... La couleur de ses cheveux ! Ca me semble impossible... et insoluble...

- Elle conclut avec un air passablement désespéré et terriblement vulnérable. A croire qu'à se découvrir ainsi, elle pourrait se casser d'un coup. Elle avait déja abordé le sujet avec Maddie, mais elles étaient du même moule, donc pas vraiment du genre à s'apitoyer ou à faire vibrer la corde sensible. Mais Chi, faisait ressortir sa fragilité. -

_ Oui mais personne n'a à la contrôler.

Elle fit tourner son index autour de sa tempe, les sourcils hauts.

_ Allons... Faut pas que tu perdes espoir, comme ça. Regarde, y a pire, je crois. Kyle, si on lui met une baffe, ça lui décoche la mâchoire. Ca ne doit pas être drôle pour lui non plus tous les jours.

Elle soupira en l'observant, visiblement compatissante.

_ Là où la nature nous offre des dons, elle peut nous les reprendre. Non ? Ah, on est arrivées !

Elle remonta une petite pente de sable chaud qui menait à une barraque de bois quasiment ouverte de partout comme un petit ilot japonais. Sur le perron, il y avait cette femme sur une chaise à bascule qui lisait un livre (genre la tante dans Twister *.*)

_ Mama !

La vieille dame tourna la tête et leva les mains avant de reposer son livre pour se lever difficilement. Cette femme ressemblait beaucoup plus à Sheyenne, la même peau tannée, les mêmes yeux marrons foncés qui doraient au soleil. Et cette même forme de visage un peu carrée. Que dira Meredith en voyant le frère aîné. Sheyenne tomba dans les bras de sa grand-mère qui riait en lui caressant les cheveux comme si elle ne l'avait pas vue depuis des siècles.

_ Ma ChiChi ! Je ne savais même pas que tu venais ! Laisse-moi te regarder, tu grandis un peu plus chaque année et voilà tellement d'années que je ne t'avais pas vue !

_ Je suis venue l'année dernière, Mama.

_ Oh !

Elle releva alors les yeux sur Meredith et lui fit un des sourires les plus chaleureux que la mutante puisse connaître. Sûrement ses cheveux blancs et sa peau sombre en plus de son âge et de ses rides qui la rendaient aussi chaleureuse, alors.

_ Bonjour ?

_ Mama, je te présente Meredith, c'est une amie de Megalopolis, elle travaille dans les hôpitaux et s'occupe parfois du terrain communautaire où je vis.

_ Oh ! Enchantée ! Fort bien, fort bien, venez ! Entrez vous mettre à l'ombre ! Je vais vous préparer un bon thé glacé, je crois remarquer que vous descendez juste de cette stupide machine de ferraille qui me dérange de ma lecture !

En disant ça, elle avait porté un sourire taquin à Meredith, faisant référence à son jean et son pull en plein été Hawaiien.

[Owi la tante dans Twister !! Je l'adore elle !]

- Meredith resta légèrement en retrait, ne voulant pas interférer dans les retrouvailles familiales. Avec un pincement au coeur, elle regarda Chi se jeter dans les bras de sa grand mère. Meredith retrouva la pointe de jalousie familière devant ces démonstrations d'affection spontanées. Qui plus est, issue de l'immigration, elle ne connaissait ni ne connaitrait jamais ses grands-parents. Bref, toutes les raisons pour se sentir à nouveau pas du tout là où elle aurait du.

Néanmoins, lorsque Chi la présenta, Meredith s'approcha, retira ses lunettes de soleil, et s'autorisa un petit sourire poli. -

Merci. Ce serait bien... agréable.

- Il est vrai que l'ombre fournissait une petite fraicheur. Meredith se prit à rêver de maillots de bain, mais refoula bien vite cette idée... -

Une fois dans la maison, la grand mère récupéra quelques affaires pour les ranger.

_ Pardonnez moi du désordre, chère amie, je ne m'attendais pas à votre visite !

A y réfléchir, elle avait un sacré accent, la grand mère !

_ Installez vous, jeunes filles, je reviens tout de suite !

Elle disparu dans la cuisine et Sheyenne invita Meredith à s'asseoir dans un grand sourire avant de tendre le cou.

_ Mama ! Tu pourrais prêter à Meredith un de tes paréo ? Tu sais, ceux avec les manches en lin qui laissent passer l'air ! Disons que c'était pas prévu qu'elle vienne et que je ne lui ai guère laissé le temps de préparer une valise décente !

La grand mère revint et posa un plateau avec trois verres,une carafe de thé glacé sur la table et elle leva les mains pour s'éloigner à nouveau. Elle revint à nouveau quelques minutes plus tard et tendit une sorte de kimono à Meredith car Sheyenne lui avait presque obligée à l'accepter en lui disant que tout irait bien. Il y avait de grandes fleurs dessinées dessus, mais le tout aéré de blanc, un vrai paréo des îles qui sentait la fraîcheur à des kilomètres.

_ Vous pouvez vous changer dans la salle de bain, si vous voulez. C'est juste là au bout du couloir. Vous êtes toute rouge, si vous le souhaitez, vous pouvez aussi aller vous baigner mais l'eau est bien chaude, peut-être l'eau fraîche de la douche vous ferait le plus grand bien, ainsi ensuite, vous vous sentiriez bien plus à l'aise là-dedans. Votre peau pourra à nouveau respirer, vous m'étouffer dans votre col et votre machin bleu... Elle respire pas votre peau, vous allez transpirer comme un buffle là-dessous. Allez donc vous changer, vous passer de l'eau sur le visage et revenez boire votre thé glacé, je vais vous requinquer, moi !

- Le sourire de Meredith, d'abord un peu contraint par politesse, finit par devenir un vrai sourire amusé. Le désordre, étrangement, ne la gênait pas. C'était surprenant, dans la mesure où l'appartement de Meredith était immaculé et dans un ordre quasiment militaire. Sur l'invitation de Chi, elle s'installa dans un fauteuil super confortable et dans lequel elle aurait pu faire une sieste.

Elle jeta un regard surpris à Chi lorsqu'elle demanda une tenue à sa grand-mère pour elle, mais après tout, pouvait-elle seulement refuser ? Elle se sentait comme un homard dans une casserole et regrettait largement la neige, le vent froid et les doudounes protectrices. Mais la robe serait la bienvenue. Surtout quand elle vit arriver le vêtement, qui lui plut immédiatement. Et tant qu'elle s'abstiendrait de serrer les mains, tout irait bien. Peut être que prendre prudamment les gens dans ses bras pour les saluer serait d'une part moins risqué, et d'autre part pas trop incongru sur cette île... Encore qu'elle se voyait mal donner l'accolade à une bande d'inconnus...

Elle se leva pour prendre la robe de la grand mère et la remercia avec un large sourire, lorsque cette dernière commenca à évoquer sa peau qui respirait. Meredith partit alors d'un éclat de rire convulsif. Pas un rire amusé, non. Le bon gros rire ironique. -

Oh oui, vous avez raison tiens ! Laissons ma peau respirer... Merci pour la douche...

- et tout en continuant à rire nerveusement, elle prit la direction indiquée.

Une fois à l'abri dans la salle de bains, le rire se calma légèrement, laissant place à l'habituelle amertume. Vraiment, que faisait-elle là ? Elle fit couler l'eau tout en se déshabillant. -

** ma pauvre fille, tu croyais vraiment que tu pouvais faire semblant d'être normale ? D'avoir une vie comme les autres ? Tout ce que tu vas gagner, c'est... Rien... un week-end de stress à craindre qu'on t'approche de trop prêt, à tout faire pour éviter que... ca... ne se reproduise, et c'est tout... La gueule des vacances... Tu es juste bonne à mettre les autres en danger... **

- Elle s'était rapidement frictionnée et rafraichie, et était sortie de la douche nettement plus à l'aise. Elle se passa une serviette sur le corps et prit soin de la reposer dans une corbeille apparament destinée au linge sale. Elle l'enfouit au fond pour faire bonne mesure. Elle savait que son poison se neutralisait vite une fois qu'il avait quitté sa peau, mais on n'était jamais trop prudent.

Meredith s'inspecta rapidement dans le miroir, et resta un instant à fixer son reflet d'un air critique. -

** qui crois-tu donc être ? **

- Elle secoua la tête légèrement, et enfila et ajusta le vêtement, attacha sa masse de cheveux en une queue lâche et sortit de la salle de bains. Bien qu'elle ne se soit pas spécialement regardée, le tout lui allait parfaitement, dans un ensemble de décontraction et d'élégance qui la caractérisait. Et surtout, elle affichait une expression plus sereine, bien qu'elle ne ressentait rien. Simplement le fruit d'années d'expérience à cacher ses véritables tourments.

Elle adressa un sourire paisible à Chi et sa grand mère. -

Merci beaucoup, vraiment. C'est vrai que je me sens bien plus à l'aise.

_ Alors, ma jeune amie, dites-moi, qu'est-ce qui vous amène à Hawaii ?

La grand mère eut un sourire et un haussement de sourcils coquin. Le soleil attirait vraiment beaucoup de monde. Sheyenne laissa Meredith se réinstaller et lui tendit son verre de thé glacé qu'elle posa devant elle.

_ Quelle idée de vivre à Megalopolis ! Je ne regarde pas les informations, je sais que je devrais mais Nashashuk me tient facilement au courant alors qu'il s'inquiète beaucoup pour sa jeune soeur. J'ai l'impression que ça bouge beaucoup par là-bas !

Elle leva les mains avant de soupirer et de s'asseoir.

_ Ah ! Toutes ces histoires de mutants, je n'y comprends strictement rien ! Quand j'étais encore en Arizona, c'était déjà la guerre. Beaucoup de guerres, même. J'ai encore parfois du mal à m'imaginer que j'y ai survécu. Je me dis souvent que j'aurais dû y faire quelque chose mais qu'aurais-je pu donc faire alors que je n'étais qu'une adolescente ! Mon mari et moi avons préféré nous en aller et c'est une chose que je ne regrette aucunement !

Je suis venue pour accompagner Sheyenne...

- Meredith prit le temps de prendre une gorgée de thé glacé avant de répondre à la grand mère, mais lorsque cette derniere embraya en parlant des mutants et sa vie en Arizona, la jeune femme manqua de s'étouffer. Elle reposa son verre en s'essuyant le menton. -

Vous... avez vécu sur le continent ? Pendant la guerre contre le PRD ?

- Elle se reprit, et se redressa. -

Pardon, je ne voulais pas être indiscrète... ca n'a pas du être une partie de plaisir, j'imagine...

La grand mère acquiesça et soupira avant de reprendre d'une voix plus grave.

_ Hélas. J'ai fui quand je me suis mariée. Là où je vivais, on nous mariait encore jeune quoi que j'étais plutôt libre. Nous étions encore loin des explosions de Dallas et San Diego, mais certains ont été touchés par les retombées. Chaque jour, je remercie le ciel de ne pas l'avoir été car sauf votre respect, ma jeune amie...

Elle releva les yeux sur elle et acquiesça lentement.

_ Le dessein que vous portez malgré la bonté de vos parents dont je ne saurais aucunement douter, n'est que funeste et quand bien même des groupes se soient formés pour se battre, ça ne changera rien. Et je ne sais pas si j'aurais pu survivre dans un monde tel que le vôtre. Aux plus grands pouvoirs les plus grandes responsabilités !

Elle haussa les sourcils avant de porter son verre à ses lèvres. On n'entendait plus que les vagues se heurter à la plage et les oiseaux chanter en plus du souffle du vent dans les arbres. Sheyenne regarda Meredith un instant avant de reprendre d'un ton plus gai.

_ Mais beaucoup de choses ont changé, Mama, tu sais ? Il existe des mutants qui commandent et qui savent parfaitement faire valoir leur cause. Chaque mutant est libre, qui plus est !

- Meredith l'écouta parler, mais dans sa tête, une petite sirène d'alarme retentit. D'une manière ou d'une autre, la grand mère semblait savoir qu'elle était une mutante. Ca la déroutait un peu. Elle n'avait quand meme pas déduit ca du fait qu'elle avait failli se noyer dans son thé glacé ? -

Vous... pensez que je suis une mutante ?

_ Et bien... Je le suppose, oui. Megalopolis, c'est à côté de l'ancienne Washington, non ? Ah ! Veuillez me pardonner si je me suis trompée, j'ai peut-être supposé un peu vite et de toute façon, ça ne fait absolument aucune différence. Si vous ne l'êtes pas alors vous avez sûrement eu plus de chance qu'un autre. Enfin ! J'ai entendu parler de certains mutants avec beaucoup de chance, je suis peut-être pessimiste à ce sujet.

Elle tapota le genou de Meredith dans un sourire, à travers la robe.

_ Je ne veux pas vous embêter avec toutes mes histoires de toute manière ! Profitez donc de votre séjour !

Non... Enfin... Oui... Si... Megalopolis abrite beaucoup de mutants...

- Elle n'eut pas le temps de réagir que la grand mère de Chi avait touché son genou. Aussitôt, Meredith s'était raidit, puis déplacée vivement pour se mettre hors de portée de la grand mère.

Réalisant que la grand mère pourrait mal le prendre, elle ferma un instant les yeux avant de faire une moue d'excuse. -

Pardon... Je n'ai pas l'habitude qu'on me touche... Je... Il ne faut pas me... toucher...

- Elle se doutait bien que maintenant, elle allait devoir s'expliquer. Pourtant, elle restait silencieuse, espérant que finalement, ca en resterait là. Elle espérait aussi que le silence était moins gêné qu'elle ne le pensait. -

Sheyenne n'eut que le temps de voir la main se tendre et elle écarquilla les yeux en ouvrant la bouche mais c'était trop tard, sa grand mère avait déjà posé sa main sur le genou de Meredith. Aussitôt cette dernière s'écarta que Sheyenne trouva une excuse.

_ C'est la grippe !

La grand mère regarda sa jeune petite fille d'un oeil perplexe.

_ Meredith a une très violente grippe, c'est pour ça qu'elle est si rouge et qu'elle reste couverte.. C'est une grippe... Virulente qui... Passe aussi par le toucher !

Un silence, long silence.

_ Et ils l'ont laissée monter dans l'avion ?!

_ Euh...

- Meredith regarda Sheyenne, d'abord comme si elle avait fumé, puis avec un expression de reconnaissance. La grippe. C'était mignon. Mais quand la grand-mère souleva l'objection logique, Meredith grimaca et ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle les garda baissés dans son verre de thé glacé. -

Je crois que ce n'est pas la peine de s'enferrer dans des explications tirées par les cheveux. Je suis une mutante, madame. Et je représente un danger. Pas direct, mais néanmoins mortel. C'est pour cela qu'il ne faut pas me toucher... Et...

- Elle se releva et regarda Sheyenne à la dérobée. -

J'avais raison, ce n'est pas raisonnable pour moi de rester. Le risque est trop important.

- Elle jeta un bref coup d'oeil à la grand mère. -

Merci de votre accueil, mais il vaut mieux que je m'en aille.

_ Meredith !

Sheyenne se leva à sa suite.

_ Non, attends !

_ Assise.

Sheyenne se retourna vers sa grand mère dans la bouche de laquelle elle entendait rarement autant d'autorité. Sauf peut-être quand Nasha et elles jouaient un peu trop fort près de chez elle. Les sourcils hauts, elle attendit que sa grand mère se lève et intime à la mutante de se rasseoir expressément d'un geste de l'index.

_ Je n'ai jamais rien fait pour les miens ni pour les mutants ni pour mon pays. Mais il est jamais trop tard pour faire quelque chose.

Elle acquiesça en soupirant.

_ Vous resterez ici, ainsi vous n'aurez pas toute la famille sur le dos constamment. De plus, vous aurez toute la paix qu'il vous sera nécessaire ici.

- Meredith leva franchement la tête pour regarder la grand-mère et se rassit lentement, regardant l'inoffensive grand mere d'un oeil différent. Elle s'installa, assez raide, un bras négligeamment posé sur l'accoudoir, et elle fixait la grand mère, se permettant meme de pouffer quand elle parla d'aider son prochain. -

Je vous remercie, mais qu'espérez vous faire ? Je suis médecin, et je n'ai jamais rien pu faire pour m'aider moi-même. Et vous pensez pouvoir faire mieux ? Pardonnez moi, mais je crois que vous vous bercez d'illusions...

_ Et alors, tu n'as jamais connu de gens atteints de cancer qui continuent de vivre dans le calme et la bonne humeur ? Une bonne alimentation, un bon sommeil et une bonne hygiène de vie prolonge la durée de vie. Prends en de la graine. Bois.

Et elle lui resservit un verre de thé.

_ Tu vas dormir ici, mes enfants sont bien trop turbulents. Ici tu seras au calme ! Tu auras la paix, tu feras ce que bon te semblera, comme si tu étais chez toi.

- Meredith continuait de regarder la grand mère avec un sourire incrédule. Elle était aussi mignonne que sa fille... Pourtant, la vieille dame avait des excuses : elle ne savait rien de la mutation de Meredith. Mais son ignorance, normale dans la mesure où Meredith n'avait rien dit, l'irritait pourtant. -

Les cancéreux sont des petits chanceux... de vous à moi, j'échange ma mutation contre n'importe quel cancer, ce serait un moindre mal...

- Elle secoua la tête avec un soupir et prit une nouvelle gorgée de thé. Les cancéreux peuvent avoir une vie sociale, eux... -

Mais la grand mère insista pour que Meredith reste tranquillement chez elle. Sheyenne était rentrée seule chez elle après une longue balade au bord de la mer pour qu'elles se dégourdissent les jambes. Une petite baignade s'était également imposée et elle avait présenté rapidement Meredith à sa famille, prétextant un malaise dû à l'avion pour qu'elle puisse se retrancher chez la grand mère.

Alors lendemain matin, cette dernière était déjà affairée dans la cuisine à préparer des jus de fruit. Sauf qu'elle n'en avait plus. Elle sortit donc par derrière et le fait de fermer la porte réveilla Meredith bien que le matin fut encore tôt. La seule différence était qu'à la cuisine, avec un journal et des pancakes, il y avait un homme, un homme qui adorait passer ses petits déjeuners dans le plus grand calme de la maison maternelle. Cependant, il était si discret et silencieux que la maison semblait bien vide. Et son visage était pareil à celui de Sheyenne, en plus foncé encore et à la mâchoire carrée.

- Meredith était allée se coucher dans une sorte d'état second. Elle ne savait toujours pas trop ce qu'elle faisait ici, ni ce qui l'avait poussée à accepter d'accompagner Sheyenne, si ce n'est le fort désir de changer un peu d'air.

Avant de se retrancher dans la chambre offerte par la grand mère de Chi, elle avait clairement signifié qu'elle verrouillerait la porte : une sécurité pour toute personne qui pourrait avoir l'idée saugrenue d'explorer la maison et venir la tripoter. Meme si un voleur méritait sans doute une punition, Meredith trouvait que le laisser mourir serait un peu exagéré. Et si quelqu'un devait être touché par son poison, elle préférait que ce soit lorsqu'elle était éveillée. Elle ne se pardonnerait pas de tuer quelqu'un par accident, pendant son sommeil. De plus, la porte verrouillée lui permit de dormir nue sans arrière pensée, la chaleur la dissuadant de dormir avec la chemise de nuit qu'elle avait apportée. Elle dormit d'un sommeil profond jusqu'au matin, où la sortie de la vieille femme la réveilla un peu en sursaut.

Un peu dans le cirage, elle se leva et enfila un peignoir. Elle arrangea ses cheveux et les attacha à nouveau dans une queue lache. Elle s'autorisa à sortir pied nus : la vieille dame n'avait ni chien ni chat, et le risque qu'elle lui fasse du pied était... nul. Elle sortit de la chambre et remonta lentement le couloir menant à la cuisine, finalement plus paisible que la veille. Que d'habitude même.

Parfaitement décontractée, sure d'être seule, elle suivit les odeurs de pancakes et passa la porte de la cuisine... Et sursauta violemment en découvrant l'homme attablé. -

Qu'est ce ... Qui ... Qui êtes vous ?! Qu'est ce que vous fichez là ?!

- Désormais tendue comme un string, elle resserra autours d'elle le col de son peignoir pour cacher un maximum de peau. S'interdisant au passage de penser qu'il était bien mignon, ce monsieur. -

Sachant que Meredith était là, l'entendre marcher dans le couloir ne l'avait pas plus surpris que ça. Il se contenta de lever la tête pour la regarder et haussa les sourcils.

_ J'habite ici...

Il se leva et contourna le comptoir pour aller prendre un mug et le remplir de café avant de le poser sur le bord, pour elle.

_ Meredith, c'est ça ?

Il paraissait d'une froideur déconcertante, rien à voir avec sa soeur.

_ Je suis Nashashuk. Le frère de Sheyenne. On s'est vite fait vus hier mais... Ma soeur a cru bon de vous protéger et de vous emmener loin de la famille.

Mais cette froideur se réchauffa légèrement lorsqu'il sourit en lui présentant le tabouret.

_ Vous voulez des pancakes ?

Vous...

- Elle pointa l'index, désignant le sol de la cuisine. L'autre main continuait à se crisper sur le col de son peignoir. -

... vous habitez ici... right... on aurait pu me prévenir...

- Lorsqu'il se leva, elle eut un léger mouvement de recul, avant de constater qu'elle n'était pas dans le chemin et que donc il n'avait pas besoin qu'elle lui fasse de la place. Elle se gratta vaguement l'arrière du crane avant de hausser les épaules et laisser tomber sa main. -

Oui, Meredith... Désolée de ne pas vous avoir reconnu. Il y avait tellement de monde, hier... Je crains bien d'en avoir oublié la moitié... Même si...

- Elle le désigna de la main. -

Je devrais vous retenir... Enfin... retenir qui vous êtes. Après tout, c'est votre mariage... Cela dit... enfin... Sheyenne ne me ... protégeait pas...

** plutôt l'inverse, je dirais... **

- Elle finit par acquiescer, décidant qu'elle disait trop de bêtises en une fois. Qui plus est, elle réalisa qu'en effet, elle avait faim. -

Merci, je veux bien... S'il en reste. Sinon, je prendrai autre chose...

- D'un pas raide et en prenant soin de largement contourner Nasha, elle alla s'assoir à table. -

Vous vous levez toujours aussi tôt, ici ?

_ C'est rien...

Il reprit son journal pour se réinstaller mais si Meredith faisait la conversation alors pourquoi pas. Pour sa part, il était depuis longtemps habillé d'un jean et d'une veste rouge à carreaux. Et à le regarder, il avait presque en plus de ses racines gravement métissées, un air asiatique que Sheyenne avait aussi suivant la lumière et le sourire.

_ Oui, on se lève tôt. Ma grand mère n'est déjà pas une grosse dormeuse et elle a toujours quelque chose à faire, que ce soit dans son jardin ou sur la plage ou au marché. Quant à moi, je suis viré de chez moi jusqu'au mariage alors je reste là. J'ai passé la nuit avec ma soeur et j'ai l'habitude de venir prendre le petit déjeuner ici.

Il la regarda et lui sourit.

_ Vous avez bien dormi ?

- Assise sur sa chaise, toujours aussi raide, Meredith le regardait d'un air méfiant, prête à réagir à la moindre alerte. Alerte de quoi, ou comment réagir, elle ne savait pas vraiment. Mais elle était prête. Elle avait dans le regard la lueur de méfiance, le genre "je sais pas encore si je te mords ou pas" que pourrait avoir un loup croisé dans la forêt.

Elle prit néanmoins une assiette et se servit un pancake. Elle tira lentement l'assiette à elle, sans vraiment lacher Nasha du regard. -

Viré de chez vous ? Pour quelle raison ? Vous allez vous marier non ? vous devriez pas être ensemble à... préparer les choses ? Enfin... Faire des trucs de couples, quoi ?

- Meredith, ignare. -

J'ai dormi comme une souche. La chaleur est bénéfique pour le sommeil, apparament...

_ Je fais n'importe quoi, je crois, si j'ai bien compris alors il paraît que je suis de meilleure utilité ici ce qui me va très bien. L'agitation générale a plutôt tendance à me porter sur les nerfs et ma grand mère est quelqu'un de silencieux. Tenez...

Il se leva et ouvrit le frigo - entouré de paillasse et de bambou, très écolo et original - et en sortit un pichet dont il versa le contenu dans un verre. Le jus d'orange sentait à des kilomètres ! Il posa le verre devant Meredith avant de refermer le frigo.

_ J'en ai déjà trop bu et ça vous fera le plus grand bien. Elle est partie chercher des fruits pour en refaire, de toute manière.

- Meredith acquiesca légèrement. Fuir l'agitation ? Ca du moins, elle le comprenait. -

Je crois qu'à votre place, je ferais pareil... Surtout si en plus je me fais houspiller parce que ce que je fais n'est pas assez bien... Et c'est vrai que votre grand mère est quelqu'un de calme...

** et autoritaire... **

- Elle le regarda sortir le jus d'orange et haussa les sourcils, surprise d'en sentir l'odeur jusqu'à elle. Elle considéra le verre comme s'il allait se mettre à faire des claquettes sous son nez. Elle leva le nez pour jeter un coup d'oeil interrogateur à Nasha. -

C'est... du vrai jus d'orange ? Avec de vraies oranges ?

- Elle regarda à nouveau le verre. -

Vous savez le prix de ce truc là ?!

- Elle se décida à en prendre une gorgée, la dégustant comme s'il s'agissait du plus précieux des champagnes. -

Il pouffa de rire.

_ J'avais oublié... Non, ici ça ne coûte rien. Alors allez-y... faites-vous plaisir.

Il la regarda faire, particulièrement amusé.

_ A croire que vous n'en avez jamais bu de votre vie. Sheyenne m'a dit que le voyage en avion avait été assez long. Je sais qu'elle s'endort vite mais je l'ai chronométrée hier soir et en moins d'une minute, elle ronflait.

- Meredith continua de déguster son verre, visiblement ravie. -

Du vrai comme ca ? Aussi frais ?

- Elle secoua la tête. -

Au mieux, j'ai bu du jus d'oranges élevées sous serres, en lumière artificielle, dans le sous sol d'une usine quelconque... Sinon, c'est du synthétique...

- Elle prit une nouvelle gorgée avant de répondre. -

Le voyage a été effectivement long. Je n'ai pas réussi à dormir, en ce qui me concerne... Ce n'est pas si souvent que je monte dans ces appareils, et j'étais... Un peu nerveuse...

- euphémisme bien sur. Et à la voir, on dirait que ce n'est pas fini, la nervosité. -

Il sourit en la regardant faire. Il avait du mal à imaginer une vie pareille. Quand il écoutait Sheyenne, c'était comme si elle racontait des histoires pour impressionner. Il ne se voyait plus du tout revenir sur le continent, il était bien trop heureux ici.

_ Vous faites quoi le matin à Megalopolis ? Vous vous levez, vous... Prenez un déjeuner et ensuite ?

ce que Meredith ne faisait sûrement pas, c'était de voir un air aussi clair, un soleil aussi jaune et une eau aussi bleu avec un sable aussi chaud. Bref, une nature à l'état pur qui était à l'extrême opposé de ce qu'elle pouvait voir de sa fenêtre à Megalopolis.

- Meredith posa son verre sur la table et le regarda avec l'ombre d'un sourire amusé. Ce qu'elle faisait le matin, à Megalopolis ? Des trucs fascinants, pour le moins... -

Certainement pas cueillir les oranges directement sur l'arbre...

- Son sourire s'élargit, s'amusant elle-même de son humour qui n'en était pas vraiment. -

Eh bien tout dépend de l'heure à laquelle je dois prendre mon service... Mais... Mettons... Je me lève, je vais... m'entrainer au pied de mon immeuble, si j'ai le temps, avant d'aller à l'hopital. Je me lave, je déjeune. Léger... enfin... ca dépend des jours... Et puis je vais aller aider les gens au service des urgences du Green Hill Hospital... Si j'arrive à faire une pause, je vais courir dans le parc voisin. Sinon je le fais en sortant du travail.

- Elle se mit à regarder par la fenêtre, le regard perdu sur le paysage. -

Et ensuite, je vais rejoindre le... centre, où j'aide un peu et où j'ai rencontré votre soeur et... d'autres gens...

- Elle le regarda à nouveau et fronca les sourcils avant de rire doucement. -

Enfin, si on peut dire...

- Elle continua à rire en regardant son verre et en jouant avec machinalement, réalisant qu'en fait, elle faisait toujours la même chose, et ne voyait pas grand monde. Des amis ? Non. Des connaissances, des relations... -

Rien de bien amusant en somme... Et vous ? je suis sure que sur cette ile, vous devez avoir des journées fabuleuses...

_ Et bien... Quand j'ai lu mon journal et pris mon petit déjeuner chez ma grand mère je vais... Courir ! Je pêche aussi. En ce moment je suis en vacances mais sinon je vais travailler.

Il la regarda faire en souriant, comme attendri par sa manière de découvrir un autre monde.

_ Ca change, n'est-ce pas ? Je suis retourné sur le continent il y a quelques temps et je suis vite revenu ici me réfugier. On ne vit pas sur le continent. On survit.

Il lui sourit avant de fermer son journal et de se lever avec sa tasse.

_ Être ici ne peut que vous faire du bien, je parie. peut-être qu'avec de la chance, vous ramènerez ma soeur à la raison et ferez qu'elle restera ici.

- Elle haussa les sourcils. -

Vous travaillez ? Pardon... C'est idiot, mais... Enfin tout cas donne l'impression que personne ici n'a besoin de travailler. Qu'il suffit de pêcher et cueillir ce dont on a besoin pour vivre...

- Elle regarda de nouveau par la fenêtre. En effet, ce n'était pas le même décor. -

C'est vrai, mais je ne serais pas aussi catégorique. Sans doute parce que je suis née là bas. Mais je doute franchement de pouvoir convaincre Sheyenne de rester là. Moi même je ne le pourrais pas. Il y a trop de gens qui ont besoin d'aide, là bas...

- Elle parlait aussi bien de l'hopital que des mutants qu'elle essayait d'aider, dans un contexte encore difficile. -

Quant à moi...

- Elle se tourna à nouveau vers lui, la distance dans son regard, qui s'était pourtant attenuée, revint en force. -

Bien sur, ce sera reposant, mais...

- Elle haussa légèrement une épaule. -

Ca ne changera pas grand chose...

- Consciente soudain qu'elle racontait des choses qu'elle n'avait pas vraiment envie de détailler, elle se donna contenance en avalant une gorgée de jus de fruit et décida de changer de sujet. Faussement enjouée. -

Et quel est votre métier, alors ?!