[CLOSED] [Lina/Ulysse] I think you just saved my life

Et il lui redemandait, c'était juste surprenant. Alors elle sourit largement comme elle savait si bien le faire et baissa les yeux sur la table quelques instants.

"C'est d'accord. Mais j'invite."

Avant même qu'il réponde, l'australienne le pointa du doigt.

"Pas un mot, on est au 21e siècle, c'est fini les machos. Même si les machos c'est parfois bien, mais c'est une autre histoire. En tout cas, il n'est pas l'heure donc on doit faire quelque chose en attendant, sauf si tu veux être chez toi pour te coucher avec les poules. Enfin le poulet. Joey..."

Oh qu'elle était mauvaise des fois.

"Et on s'arrête là pour la caféine, je vais pouvoir dormir un peu sans bébé pour hurler. Je repars demain après midi à l'Underground donc... j'ai un peu de temps pour moi !"

Il croisa les mains sur la table d'un air très appliqué.

"Hé bien je vous.... je te propose de nous séparer le temps de nous changer. Et je peux repasser te prendre disons, vers 7h?"

Il haussa un sourcil en observant sa réaction et rit légèrement.

"J'ai vraiment besoin d'une douche après une journée de boulot."

"J'ai deux salles de bain chez moi et un homme à tout faire dans l'immeuble si tu veux de nouveaux vêtements..."

Elle retint son souffle avant de reprendre.

"Mais ça ferait terriblement fille facile si je t'invitais chez moi, vous avez tous tellement l'esprit déplacé !"

Ellle roula des yeux en le fixant avant de sortir trois billets de dix dollars de son sac qu'elle posa délicatement sur la table.

"Donc à plus tard. Enfin tu n'as pas mon numéro ni mon adresse donc ça risque d'être compliqué..."

Il rit de nouveau. Décidément Lina était pleine de surprises. Il sortit son calepin de la poche intérieure de sa veste ainsi que son stylo fétiche et se tint prêt à noter.

"Je t'écoute."

Il se pencha vers la feuille avant de redresser la tête pour lui lancer un regard malicieux.

"Si je ne rentre pas chez moi je ne pourrai pas prévenir ma soeur de mon absence et surtout... Je ne pourrai pas mettre mon caleçon porte-bonheur. Ce serait un sacrilège"

Il était un peu taquin. C'est qu'elle inspirait tant la bonne humeur qu'il n'hésitait pas à plaisanter.

Elle éclata de rire en fixant le morceau de papier.

"Caleçon porte bonheur ? Je pense que tu vas un peu vite en besogne..."

Le rouge lui monta aux joues alors qu'elle farfouillait dans son sac pour lui tendre une carte avec son numéro et sa nouvelle adresse. Une belle carte de visite toute neuve du paquet qu'elle avait toujours dans son sac. C'était si utile d'après son agent... la preuve, c'était la première qu'elle donnait.

"Tiens, ce sera plus simple."

Son sac sur l'épaule, elle tourna les talons non sans un dernier regard plein de malice. Mais l'australienne allait oublier quelque chose et se retourna pour le fixer à quelques mètre de lui.

"Et je suis écrivain eu fait."

Et c'était parti pour une prise de tête monstrueuse sur la tenue appropriée.

Il la regarda s'éloigner avec un léger sourire aux lèvres et jeta un coup d'oeil sur la carte avant de remonter de nouveau les yeux vers sa silhouette qui s'éloignait.

"Ecrivain hein?"

Puis il partit en direction de son appartement sans trainer. Il ne voulait pas la faire fuir de son odeur et était plutôt lent à se préparer. Surtout qu'il n'était pas sorti sérieusement avec une femme depuis des mois.

[...]

Ulysse était pile à l'heure. Les cheveux encore humides de la douche, il portait un costume sobre de couleur anthracite et une chemise blanche dont le premier bouton avait été ouvert. Il avait longuement hésité entre un véritable costard ou un jeans confortable et avait opté pour ce qu'il pensait être un compromis. Il s'était également rasé.

La main dans la poche, l'autre sur la sonnette, il sortit la carte de Lina et vérifia une nouvelle fois l'adresse de peur de s'être trompé. Il était un peu nerveux.

Elle s'était retenue de courir pour rentrer chez elle quand ils s'étaient séparés et avait réussi à éviter la crise de panique de peu.

Parce que le dernier garçon avec qui elle avait été, était Maze et tout s'était terminé en un horrible fiasco. Et avant Maze, un an plus tôt, c'était son mari.

Donc niveau rendez-vous, elle ne savait plus du tout comment ça fonctionnait, c'était un chaos total dans sa tête. C'était un rendez-vous, pas vrai ?

Lina s'était rasée les jambes avec application, avant d'utiliser son jacuzzi pour la première fois puis elle avait hésité entre cinq robes. Le choix s'était porté sur une longue avec un décolleté ravageur mais elle ne s'en rendait pas compte tant elle se trouvait dépourvu de poitrine. Un petit bonnet A qui lui allait tout de même bien.

Puis elle s'était maquillée avec application, tout en restant très naturelle et avait remonté ses cheveux comme elle pouvait.

Et il avait sonné et elle avait paniqué juste avant d'ouvrir. Mais ce qui était positif, c'est qu'il semblait nerveux lui aussi.

"Bonjour ! Enfin re-bonjour..."

L'australienne le détailla au millimètre près en se mordant la lèvre avant de s'écarter de la porte pour le laisser passer.

"Est-ce que ça fait trop ce que j'ai mit ? Je sais plus comment ça marche. Tu dois me le dire."

Dansant d'une jambe sur l'autre, elle pencha la tête sur le côté en le fixant.

"Alors ?"

L'immeuble avait été assez intimidant. Avec le portier, l'escalier de marbre gigantesque aux tapis si épais qu'il sentait la semelle de ses chaussures s'enfoncer dedans et cet ascenseur muni de son propre agent de service, c'était lui qui se demandait s'il avait mis une tenue de circonstance. Il attendait d'ailleurs à voir la sécurité l'évacuer d'un instant à l'autre.

Aussi quand elle ouvrit la porte et qu'il découvrit son appartement, il en fut tout simplement muet. Cette femme vivait dans un autre monde, évoluait dans un plan différent du sien. Tout sentait le luxe, il trouvait la chose un peu oppressante. Il prit sur lui et lui sourit d'un air un peu tendu.

"C'est parfait, tu es magnifique"

Il se frotta la nuque avec nervosité et entra dans son entre. Enfin.... son palace ! Ses yeux parcourirent l'espace. Il était bien plus intimidé qu'au restaurant lorsqu'il n'avait pas encore associé ce lieu à son identité.

"J'allais te proposer l'italien à deux rues d'ici mais tu as peut-être"

Il ne pouvait plus l'emmener à l'italien. C'était bien trop modeste, elle le prendrait certainement pour un fauché sans envergure.

"Enfin un restaurant préféré, je sais pas"

Lina sourit et baissa les yeux. Plus rouge qu'elle tu meures !

"Non, non, l'italien c'est bien. C'est très bien. J'adore les lasagnes et le tiramisu me rend dingue. Et tu es vraiment beau toi aussi."

Où était sa foutue pochette ? Ah oui, sur le plan de travail de la cuisine.

"Bouge pas."

L'australienne remonta sa robe jusqu'à ses genoux et traversa son hall en trottinant pour aller chercher tout ce dont elle avait besoin. Et elle reparut, quelques secondes plus tard, une mèche de cheveux lui tombant sur le nez.

"Voila j'ai tout. J'espère qu'ils t'ont pas embêté en bas, tous les résidents sont tellement bourgeois et plein de principes à la noix, c'est limite si on a pas un détecteur de métal !"

Il la regarda s'éloigner et reporta son regard sur l'incroyable décor. Comparé à son modeste appartement c'était le jour et la nuit. D'ailleurs il devait tenir tout entier dans son entrée. Cette idée le fit blêmir. Il n'oserait jamais l'emmener chez lui. En plus il y avait toujours une chaussette de Maybel qui trainait près du canapé, de la vaisselle dans l'évier et des trucs dégueux au frigo.

"Non ça va. Je ne vais pas te dire qu'il m'ont accueilli en chantant mes louanges mais disons qu'ils ont consenti à me laisser monter. C'est déjà pas trop mal"

Lorsqu'elle reparut il sursauta et tourna les yeux vers elle avec un nouveau sourire. Il lui tendit le bras comme un parfait gentleman.

"Prête ?"

Lèvre inférieure mordillée, signe de stress, elle souffla fortement pour se calmer et accepta son bras.

"Prête."

Sa veste noire dans une main et sa pochette sous le bras, elle le laissa claquer la porte et ils se dirigèrent tous les deux vers un des ascenseurs.

C'est bizarre comme d'un coup, les mots sortaient plus difficilement.

"Comment va Maybel ? Elle était chez toi ?"

Il la conduisit et ensemble ils allèrent jusqu'à l'ascenseur tranquillement. Elle était vraiment très séduisante et apparemment pas plus à l'aise que lui dans l'exercice. Ce détail le rassurait un peu.

"ça va. Ce soir elle était décidée à essayer une nouvelle recette de cookies. Je ne sais pas ce qu'elle a en ce moment, elle a la tête ailleurs et elle rougit sans raison."

Il plissa les yeux avant de secouer la tête et de hausser les épaules.

"Et dire que dans moins de 15 jours elle est majeure. Faut absolument que je trouve quoi lui offrir"

L'ascenseur s'ouvrit devant eux et il se pencha en avant, la main tendue vers l'habitacle.

"Après vous, Ma Dame"

L'australienne lui fit une révérence en rigolant avant de pénétrer dans la machine.

"Une fête bien sûr ! Et une bouteille de téquila ou de vodka. Enfin non, c'est pour les humains normaux ça, on est maudits niveau alcool en tant que mutant alors si on veut garder Maybel quelques temps, on va éviter l'alcool, oublie ce que j'ai dit."

Très discrètement, Lina continua de le dévisager, il était charmant et c'était presque suspect qu'il soit célibataire.

"Une poule pour Joey et des objets de déco pour sa chambre à l'Underground. Je n'ai pas bien compris si elle comptait s'installer définitivement ou pas mais je sais qu'elle adore les petits bibelots. Après je ne la connais pas tant que ça. Quant à savoir pourquoi elle rougit, je pense qu'il y a un homme là dessous... mais je dis ça, je ne dis rien... grand frère..."

Pas très féminin, elle lui donna un léger coup d'épaule pour se moquer de lui.

A parler d'homme dans l'entourage de sa petite soeur le fit froncer les sourcils.

"Un homme ? Tu crois ? Noon. Maybel est si jeune, ça m'étonnerait."

Il la voyait toujours comme une petite fille de 6 ans avec deux dents en moins devant et des couettes qui s'accrochait à son bras pour qu'il lui fasse faire l'avion. Il ne pensait absolument pas qu'à son âge il avait une vie intime déjà épanouie. Et puis Maybel était une fille...

"Vous aviez des amoureux à son âge ?"

Son regard la détailla de nouveau d'un air appréciateur. Cette robe lui allait à ravir.

"J'étais presque mariée à vingt et un ans ! Je connaissais mon mari et j'avais déjà eu des copains avant ça. Mais pas tant que ça, on m'a toujours trouvée trop bizarre et puis je n'habitais pas en ville avec mes parents et on avait pas assez d'argent pour que je puisse m'évader tous les week-ends..."

C'était plutot bien, Lina se sentait plus détendue en sa compagnie. Bon signe pas vrai ?

"Et puis je ne veux pas casser tes rêves mais je pense bien que ta soeur a déjà connu des garçons... Belle comme elle est, ce ne serait pas vraiment étonnant."

Elle lui tapota l'épaule d'un air désolé avant de sortir dans l'immense hall de l'entrée de son immeuble en se cramponnant de nouveau à son bras.

Il inspira à fond et fixa le plafond d'un air peu commode.

"Hé bien je leur conseille de ne pas se faire connaître s'ils tiennent à leur nez."

Non mais ho. Maybel n'était pas ce genre de fille ! Elle était pure, délicate et bien trop jeune. Du moins c'est ce qu'il avait décrété.
L'ascenseur s'ouvrit et il lui tendit de nouveau son bras dans un sourire.


Le Luigi's était un restaurant modeste sans être miteux. A la lisière des beaux quartiers. il offrait le spectacle d'un établissement accueillant et confortable. La salle de petite taille était plongée dans la pénombre car la plus grosse partie de l'éclairage était assurée par des lampes tamisées et des chandelles sur les tables. Les nappes étaient dans des tons bordeaux et le mur, un mélange de vieilles pierres et de couleurs méditerranéennes allaient certainement être dans les goûts de sa charmante cavalière.

Lorsqu'ils furent arrivés, Ulysse tendit doucement les mains vers sa veste (à elle) afin de lui enlever comme le voulait la tradition puis un italien bedonnant et moustachu vint les accueillir avec un accent chantant.
Ulysse glissa quelques mots à l'oreille de Lina.

"Je me suis dit que ça vous plairait."

C'était tellement flatteur qu'il lui dise ce genre de choses, il avait choisi l'endroit pour lui faire plaisir, ça lui arrivait rarement alors elle se permettait de le noter. Et sentir son souffle chaud près de son oreille lui avait arraché un long frisson et un sourire.

L'italien les amena à une table dans un coin, tant mieux pour eux, il y avait moins de monde autour. Lina n'était pas spécialement fanatique de se faire remarquer alors si elle pouvait passer cette soirée sans se sentir trop mal à l'aise à cause du regard des autres... ce serait splendide.

"J'adore cet endroit, c'est petit, c'est chaleureux. J'approuve. Merci beaucoup."

L'écrivain pencha la tête en avant pour le remercier et accueillit le menu donné par un serveur dans un sourire.

"Tu amènes souvent des personnes ici ?"

Ulysse tint la chaise à Lina puis l'approcha de la table lorsqu'elle s'installa puis prit lui-même place en remerciant le serveur. Il ouvrit le menu et plongea les yeux dedans avant de les remonter vers elle.

"Non, en fait c'est la première fois. Je ne suis pas sortie avec une femme depuis assez longtemps. Bon à part Maddie mais en général nous allons manger ensemble le midi entre deux affaires, ce n'est pas pareil."

Il déplia sa serviette et l'installa sur ses genoux avant d'inspirer en regardant la carte.

"Mmmh... Voyons. Pâtes ou pizza ? Telle est la question."

"Pâtes bien sur ! On peut commander des pizzas tout le temps, n'importe où, c'est trop commun. Alors qu'on a beaucoup plus de mal à se faire livrer des supers lasagnes ou des supers pâtes à la carbonara !"

Lina lorgna par dessus son menu pour jeter un oeil à son compagnon.

"Avoue que j'ai un point ! Et puis les pizzas c'est toujours trop gros, j'arrive jamais à finir. Enfin quand je commande et qu'il m'en reste, je redescends tout à l'Underground. Je vis dans le quartier militaire alors je suis entourée d'ogres affamés accros à la gachette..."

Elle eut un sourire en pensant à Salvation.

"Je les adore !"

Et tant mieux s'il n'avait pas des millions de femmes dans sa vie !

Il sembla surpris et haussa assez haut les sourcils.

"Salvation ? Je ne savais pas qu'ils acceptaient les civils. Surtout les femmes. Ce n'est pas trop difficile de vivre dans un quartier d'hommes ?"

Surtout que ceux là n'étaient pas connus pour leur délicatesse. Il se demanda malgré lui avec combien d'hommes elle avait passé la nuit depuis son arrivée d'Australie. Les prétendants ne devaient pas manquer.
Le serveur revint pour prendre leur commande, entortillant l'extrémité de sa moustache pendant qu'ils parlaient.

"Tu as choisi ?"

Il lui sourit avec gentillesse et la laissa commander en premier avant de le faire lui même.

"Pour moi ce sera l'escalope à la milanaise accompagnée des tagliatelles de Luigi."

L'intitulé avait l'air délicieux. Il tendit la carte au petit homme qui les remercia, s'inclina devant la dame et s'éloigna puis il se concentra de nouveau sur Lina.

"J'aurais beaucoup de mal à vivre en communauté. Je crois que je suis trop sauvage pour ça"

Après sa commande, elle se reconcentra sur leur conversation.

"Je me pensais sauvage mais pas du tout. Salvation... c'est Reese qui a demandé à ce que je reste avec eux. Présence féminine et tout le tralala. Et je m'y plait. Tout le monde est adorable avec moi, je m'y sens bien. J'ai l'impression de cumuler les boulots d'amie, de maman et de soeur. C'est quand même inédit !"

Lina ne savait pas encore si c'était elle ou non mais sous l'effet de la lumière tamisée et de la lueur des bougies, le visage d'Ulysse semblait bien plus doux. Et il parlait de plus en plus, bon point pour lui !

"Et je me fais bien respecter même s'ils me taquinent constamment, mais on s'y fait je t'assure !"

Il rit légèrement et dodelina de la tête.

"C'est vrai que l'image qu'on a extérieurement n'est certainement pas représentative de ce qu'ils sont vraiment. Et puis ça doit être agréable d'avoir toute une armada d'hommes attentionnés autour de soi. Bon un peu bourrus je suppose mais..."

Une petite serveuse vint apporter une carafe d'eau et deux cocktails. Ulysse saisit le sien et le tendit vers elle.

"Tchin ?"

"Totalement bourrus même mais..."

Lina souleva son verre en le faisant teinter contre celui d'Ulysse.

"Santé. Et tu sais que je bois pas d'alcool... mutation..."

Ou alors il n'avait pas capté qu'elle en était une. Malgré tout, elle but deux gorgées dans le joli verre et le déposa à côté d'elle. Sa tête n'allait pas tarder à tourner.

"Mais toi, tu es humain ?"

Il renifla son verre puis le porta à ses lèvres.

"C'est très peu alcoolisé si ça peut te rassurer. Mais laisse si tu n'en veux pas. Tu veux que je te commande un cocktail sans alcool ? Je crois qu'ils en font des délicieux aux fruits."

Lui même but une seconde gorgée. Il tenait assez bien l'alcool, sa carrure et sa constitution d'humain moyen lui permettait de tenir un peu la route.

"Oui je suis humain. Dans la famille il n'y a que Maybel qui est mutante."

Il marqua une pause avant de sourire.

"C'est quoi ton truc ?"

"Je veux bien du sans alcool parce que sinon ce sera vraiment trop facile pour toi et je ne veux pas regretter demain tout ce que j'aurai fait. Et là, j'ai déjà la tête qui tourne."

Un sourire mutin aux lèvres et la fourchette d'Ulysse décolla de sa place pour tournoyer légèrement devant lui, au dessus de son assiette. Personne ne regardait, c'était vérifié.

"Télékinésie. C'est un cauchemar quand je me relâche un peu parce que tout s'envole de manière anarchique. Ca peut faire peur."

La fourchette reprit sa place initiale et la mutante tapota la main d'Ulysse pour qu'il la regarde.

"Ca va ? Pas trop peur ?"

Ulysse regarda sa fourchette d'un air émerveillé.

"ça doit être sacrément pratique un don pareil. Si tu savais le nombre de fois où j'ai rêvé de voir les objets venir à moi sans avoir à me lever de mon canapé."

Pourtant il n'avait pas l'air avachi et négligé. Il était plutôt actif, sportif même. Il rit à sa remarque et secoua la tête.

"Ma petite sœur crée des illusions, alors tu sais niveau flippe je suis vacciné"

Il héla le serveur et commanda un autre cocktail pour sa jolie compagne de table et en profita pour s'emparer de son verre à elle.

"Je ne me plains pas ça m'en fera plus pour moi!"

Il n'avait pas l'air de souhaiter la soûler, bien au contraire. Le cocktail de fruit revint rapidement et il se remit à boire dès qu'elle fut parée pour l'imiter.

"Ah oui, elle m'avait expliqué dans les grandes lignes. C'est assez génial, moi c'est plutôt... basique. Enfin j'en connais pas d'autre, mais je suis australienne et chez moi, on a pas beaucoup de mutants !"

Un remerciement de la tête au serveur et elle put se délecter de son cocktail qui ne lui ferait pas dire ou faire n'importe quoi. En théorie.

"J'aimerai pouvoir boire, c'est une sacrée tare parfois. Et c'est nul de rembarrer des hommes quand on se fait draguer dans des bars. Enfin je me fais jamais draguer dans des bars donc je m'en fiche en fait..."

Pourquoi elle parlait déjà ?

Il but une gorgée tranquillement.

"Mais tous les mutants ne tiennent pas l'alcool ou c'est une de tes particularités ?"

Il sourit en baissant les yeux avant de les remonter vers les siens.

"J'avoue que je n'ai pas côtoyé beaucoup de mutants à part ma sœur et elle, elle n'a pas encore la possibilité de boire."

"Ca c'est ce que tu crois..."

Elle gigota sur sa chaise, toute contente de sortir une connerie sur la petite soeur.

"Et puis c'est tous les mutants, tare génétique, on ne tient pas l'alcool, de vrais hontes sur pattes. J'ai bu deux fois dans ma vie et ça s'est pas spécialement bien fini..."

Une nouvelle gorgée pour se replonger dans ses pensées.

"Enfin avec ce soir, ça fait trois."

Il commença par froncer les sourcils avant de les lancer très haut.

"Maybel BOIT ?!"

Il leva la main en agitant la tête.

"Non je veux pas savoir, je veux pas savoir. Changeons de sujet, on ne va pas parler de Maybel toute la soirée."

Gorgée de cocktail.

"Tu as des enfants ?"

A leurs âges, c'était une chose qui était tout à fait possible.

"A part Sunny mon bébé à mi-temps ?"

Sa bouche se tordit un peu et son nez se fronça.

"Non... et toi ?"

Elle pouvait parier qu'il n'en avait pas non plus. C'était évident.

"J'ai l'air d'une maman celibataire ?"

Ah les enfants, ça aussi Jonah lui avait beaucoup reproché. Enfin, elle but de nouveau en portant un toast (dans sa tête) à son nom pour la peine !

Il rit légèrement en haussant une épaule.

"Non pas spécialement mais lorsqu'on a passé trente ans comme moi on commence à rencontrer de nombreuses femmes qui ont une petite famille à la maison. Pas que ça me dérange ! Seulement certaines n'en parlent pas."

Il sourit et désigna son verre du nez.

"Alors c'est bon ?"

"Par-fait !"

Elle lui tendit après avoir siroté un peu dedans.

"Tu veux gouter ? Beaucoup de fraises, et ça c'est génial !"

Ulysse était vraiment sympathique, Lina se sentait bien, comme si elle le connaissait sans le connaître.

"J'ai juste Sunny pour le moment mais c'est déjà pas mal ! Et puis j'ai pas encore trente ans ! J'en ai vingt huit ! Je fais si vieille que ça ?"

L'âge, sujet glissant avec les femmes. Il s'empressa de secouer la tête et goûta à son cocktail d'une aspiration dans sa paille.

"Mmmh... Non pas du tout. Mais à 28 ans certaines femmes sont déjà mères plusieurs fois. Il n'y a pas de règle dans ce domaine."

Il but une gorgée du sien ensuite.

"Ma mère par exemple m'a eue à 23 ans. Je ne trouve pas ça très surprenant."

"Oui je sais bien, enfin j'y ai jamais pensé sérieusement jusqu'à il y a quelques temps. Et puis de toute manière j'ai personne pour me faire de bébé donc le problème est réglé."

Elle se fichait de dire son âge, c'était loin d'être un sujet épineux pour elle. Donc il était plus vieux qu'elle...

"Mais j'ai Sunny donc c'est tout comme, ça fait six semaines que je vis avec, que je dors avec. Je m'attache, ça devient dur de me dire que quelqu'un va peut-être la prendre. Et un couple a le droit à ça !"

Son cocktail de nouveau en main, elle planta sa paille dans sa bouche en le fixant.

Il grimaça en acquiesçant de la tête.

"Le temps commence à être long pour elle. Les couples ne se bousculent pas apparemment. J'en avais parlé à l'époque avec Noah et lorsque j'ai parlé des services de l'enfance il s'est un peu fâché. J'espère que vous trouverez des parents rapidement. Le fait d'être ballotée de nounou en nounou sans avoir de famille stable ça peut être très néfaste"

Il leva une main en la secouant, se rendant compte de sa maladresse.

"Je ne dis pas que tu es néfaste pour elle, je m'exprime mal. -il déglutit- Juste que je suis certain qu'elle doit sentir qu'elle n'est pas arrivée pour de bon dans la famille qui va la garder pour toujours. Les bébés sentent ce genre de choses j'en suis persuadé"

L'australienne leva les yeux au ciel pour ne pas avoir à le regarder. Elle passait sa vie avec elle, l'appelait 'ma chérie' ou 'mon cornichon'. Et tout ça allait partir en fumée un de ces jours et elle ne pouvait ni ne voulait y penser pour le moment.

Comment tuer une femme, bien joué Ulysse.

"Peu importe."

Elle déglutit difficilement avant d'arriver à le fixer de nouveau.

"Tu sais ce que c'est une escalope milanaise ? Parce que j'en ai pas la moindre idée."

Il se rendit compte doublement de sa maladresse en voyant sa tête et le front plissé, il tendit la main vers la sienne pour la caresse doucement.

"Pardonne-moi. "

Puis il relâcha sa main et tenta d'accrocher son regard une nouvelle fois.

"Pourquoi tu ne la gardes pas, toi ? Tu as les moyens de lui offrir un avenir brillant et ..."

Il s'interrompit en soupirant et se frotta le front.

"Une escalope minalaise c'est une escalope de dinde dans de la panure et frit à la poêle"

Il soupira et secoua encore la tête. Quel idiot.

"C'est une énorme décision, c'est pas comme si je n'y avais jamais pensé tu sais."

Il l'avait touché, ça valait bien un sourire même léger non ?

"Tu me feras gouter ? Je prends toujours les choses que je connais déjà. A croire que je ne suis pas une aventurière..."

Mais elle en était une pour avoir quitter son île pour Mégalopolis puis l'Underground. Elle se dépassait chaque jour et c'était grisant.

Il acquiesça dans un sourire d'excuse.

"Bien sûr que je te ferai goûter. Je suis sûr que tu vas aimer. On est obligé d'aimer l'escalope milanaise ça passe tout seule. Après la grande question c'est..."

Il leva son verre, l'index décollé du récipient et dressé comme pour souligner ses propos.

"Est ce que c'est réellement une spécialité de Milan"

Et il but une gorgée en souriant légèrement.

Secouant la tête en riant, l'australienne se gratta légèrement la tempe.

"Euh... J'en sais rien, on doit faire des recherches sur ça la prochaine fois qu'on se voit."

Aie la bourde, pourquoi ne tournait-elle pas sept fois sa langue dans sa bouche avant de se lancer.

"Enfin si on se voit... Enfin bref, je pense que c'est inventé, pourquoi les italiens auraient inventés ça ? Ca n'a rien à voir avec les pizzas ou les pâtes..."

Le serveur revint et reposa leurs plats devant eux.

"En fait, j'ai juste pas d'arguments."

Il ne put s'empêcher de sourire plus largement. Cétait au moins une angoisse en moins : savoir à la fin de la soirée s'il y aurait un second rendez-vous. Il fit mine de ne pas comprendre son cafouillage et découpa un morceau de son escalope pour la tendre vers ses lèvres (à elle).

"Peut être qu'à Milan à l'époque il y avait un grand élevage de dinde ? La panure c'était le moyen d'utiliser les restes de pain rassis. On les réduisait en poudre et on l'associait à l'oeuf et à la viande pour faire des plats. Plutôt ingénieux je trouve et très facile à faire à la maison. Si la viande n'était pas si chère..."

Il s'en coupa un bout pour lui même et le dégusta en fermant les yeux.

"Mmh... j'adore."

La bouche pleine, Lina éclata de rire en l'écoutant déblatérer sa théorie. Elle attrapa d'ailleurs sa serviette pour cacher ses lèvres avant de pouvoir parler de nouveau.

"C'est vrai que c'est délicieux mais ta version de l'histoire me paraît quelque peu... improbable. Un élevage géant de dindes à Milan ? C'est tellement adorable..."

Grande moqueuse qu'elle était.

"Pique dans ma carbonara si ça te tente, je finis jamais rien, j'ai un estomac minuscule !"

Il porta une main à sa taille comme s'il s'offusquait de sa moquerie.

"Et pourquoi pas mademoiselle ? Si ça se trouve il y avait peut-être une fête de la dinde comme il y a une fête de la bière en Allemagne ou Thanksgiving ici. Une sorte d'énorme fête de village avec des escalopes sur des feux monstrueux avec des musiciens et des femmes qui se dandinent"

Il sourit très ironiquement avant de piquer dans son assiette pour goûter la dite carbo.

"Voyons cela."

Il leva les yeux au ciel pendant la dégustation, la bouche en cul de poule.

"Ma c'est délitzioso!"

Cette fois elle explosa de rire et lui lança un regard noir de la forcer à s'afficher comme ça dans le restaurant. Une main sur le coeur, elle attrapa son verre et s'envoya une bonne rasade d'eau pour tenter de calmer son fou rire.

"Tu... es... intenable !"

Toujours parcourue de petits spasmes de rire, la brunette lui donner un léger coup de pied sous la table.

"Qu'est-ce que je suis censée faire de toi Ulysse ?"

Il rit à son tour en tentant d'échapper aux pieds vengeurs sous la table.

"En général on me met au coin avant la fin de la soirée, mais c'est à toi de voir"

Il haussa un sourcil en lui lançant un regard malicieux.

"Pas copier des lignes c'est tout ce que je demande"

Il piqua de nouveau dans son assiette, plus sagement pour attaquer ses tagliatelles.

"Ah mais en plus tu ne sais pas écrire ? Mais tu as toutes les tares du monde mon pauvre petit. Il va falloir que je me plaigne à ta soeur de ton manque total d'éducation."

Lina lui fit faussement les gros yeux.

"Surtout à table !"

Et puisqu'il piquait dans son assiette, elle fit de même en le fixant bien, droit dans les yeux.

"Aide moi à trouver une punition parfaite ! Le coin, c'est vraiment dépassé."

Il sourit plus largement , son regard allant de son assiette à ses yeux avec un sourire très charmeur.

"J'aurais bien quelques idées mais ce n'est pas très convenable, surtout face à une jeune femme de ton envergure."

Il rit de ses pensées en se découpa un autre morceau de son escalope pour la manger avec amusement.

"Allons tu ne me feras pas croire que tu manques d'imagination"

"'De mon envergure' ? Est-ce que tu insinuerais que je suis grosse ?"

Lina passa sa langue sur ses lèvres probablement recouverte de crème.

"Je suis un écrivain plutôt connu donc c'est évident que j'ai de l'imagination... Ulysse voyons."

La tête penchée dans un sourire malicieux de petit lutin des bois, l'australienne se racla la gorge prête à parler.

"J'hésitais entre te faire courir tout nu dans la rue pendant dix minutes - mais on ne se connaît pas assez pour ça - ou te faire aspirer des tagliatelles par le nez ou encore t'enduire de panure et te faire griller comme ton escalope. Enfin tu vois ce que je veux dire. Des idées ?"

Il leva l'index d'un air très sérieux.

"Je n'émettrait qu'une objection : on a dit pas les mères et pas les sourcils"

Il but une gorgée de son cocktail (à lui) avant de manger une nouvelle bouchée d'escalope.

"En dehors de ça, je suis prêt à relever tous les gages."

Il lui sourit d'un air carnassier.

"Tu rougiras avant moi ma petite gazelle"