[CLOS] [Maybel/Maze] On the road again

Mars 2074


Le jour se lève et pourtant, je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit. La lueur du soleil commençait à gêner mon champ de vision, alors j’ai baissé la visière de la vitre pour me permettre de continuer à voir la route. La chaleur mélangée à la poussière donnait une atmosphère lourde, comme un voile épais. Je revenais de Chicago, le manque de sommeil ne m’empêchait pas de continuer. Cela était peut-être lié à mes capacités de Positif : l’ultra-résistance. En soit cela ne changeait rien, je n’aimais pas dormir car j’avais l’impression de perdre mon temps, et physiquement je n’en souffrais pas à outre mesure, du moment que je parvenais à caler quatre heures çà et là.

Je devais tenir, pour moi et pour les autres. C’était ma préoccupation, mon rôle.

Lorsqu’un panneau à moitié décroché m’a indiqué « Le Santuaire », j’ai su qu’il ne me restait plus longtemps avant d’arriver à bon port. J’en ai profité pour faire une pause technique d’une dizaines de minutes, mais je ne me suis pas attardé et je suis rapidement retourné à mon chemin.

En arrivant enfin à la périphérie de Megalopolis, les éternels ralentissement routiers du matin se sont manifestés. J’ai soupiré puis fouillé dans la boîte à gants mon portable pour trifouiller un numéro.

_ Allo Maybel ? C’est Maze. Je suis dans les bouchons. Je fais tout mon possible pour arriver au plus vite.

[Pardon pour la gêne occasionnée, un avatar arrivera incessamment sous peu ! ]

Ah, le matin. C'était toujours le même si agréable cirque. D'abord il y avait les petits malins qui vidaient les ballons d'eau chaude, et les autres qui gueulaient à travers les couloirs qu'ils s'étaient douchés à l'eau froide. Puis la sempiternelle bagarre du petit déjeuner. A croire que tous les habitants de Résistances avaient été élevés chez les romanichels ou par des loups dans la forêt.

"Je te jure Kenny, si tu ne remets pas la main dessus..."

Elle n'était pas faite pour garder tout ce petit monde en ordre, elle avait l'impression de faire gardien de zoo. Traversant les couloirs à grandes enjambées, elle alla s'assurer qu'il y avait de quoi tenir jusqu'à la fin de la semaine à l'économat, puis vérifier que ceux qui étaient de service ne lambineraient pas toute la journée. Elle s'était déjà faite avoir en début de semaine, elle ne voulait pas que Maze trouve le quartier à l'abandon à son retour.

Une chaussure non identifiée, un bol de céréales, une signature et un changement de draps plus tard, elle se posait enfin dans la salle commune, prête à regarder les informations du jour. Se tenir au courant c'était primordial, surtout avec l'histoire du petit Novak disparu.

"Monte le son Harry !"

Lança t'elle les sourcils froncés, les yeux rivés sur l'écran. Lorsque sa poche vibra, elle sortit le téléphone machinalement pour le porter à son oreille sans pour autant détacher son regard du présentateur télé.

"Mmmh ?"

Reconnaissant la voix de Maze elle bondit comme un diable hors de sa boîte et quitta la pièce trop bruyante.

"Que Dieu et le p"tit Jésus soient loués ! Je vais en tuer un avant la fin de la journée. Passe par la 6ème si tu peux, il y a un accident au grand carrefour, tu risques d'être bloqué des heures"

Apparemment Maybel semblait débordée rien qu’au ton de sa voix, ce qui me donnait une légère appréhension sur ce que j’allais retrouver en arrivant dans Resistance. Je me créais déjà une image d’un champs de bataille, mais à la place de cratères bombes, des couches-culottes en vrac.

Ma voiture n’avançait pas et j’étais calé entre deux autre, comme un sandwich, ce qui promettait d’être une avancée longue et ennuyeuse. Je me suis pincé les coins des yeux. Dans le pare-soleil déplié, je pouvais voir ma barbe de trois jours et les cernes qui trônaient. En entendant ses indications, j’ai vérifié où je me trouvais en penchant la tête pour voir les panneaux.

« Un accident ? Tu sais ce que c’est ? Le réseau passe mal où je suis et je n’arrive pas à avoir les informations. »

Il me restait de la marge, je n’avais pas dépassé la sortie pour la 6ème avenue. Mais pour y arriver, je devais patienter jusqu’à ce que les dix voitures en face de moi se soit déplacées pour me laisser prendre la bretelle. En voyant l’allure à laquelle j’avançais, environ 50 cm toutes les 2 minutes, je me suis mis à calculer dans combien de temps potentiellement je pouvais y arriver. J’en suis venu à la conclusion d’un quart d’heure, si j’avais de la chance.

«  De ton côté, comment ça s’est passer cette semaine ? Tu t’en sors ? Timmy et Kenny ne t’ont pas trop fait de misères ? Ils peuvent être de vrais monstres. »

Au point où j’en étais, tout ce qu’il à faire c'était attendre. Et quoi de mieux que de demander des nouvelles pour combler le temps mort. L’optimisation était la clef. Je commençais déjà à planifier ce à quoi ma journée de retour à l’Underground allait donner.

Maybel grogna et tourna la tête vers la télévision pour tenter de lire les petites lignes défilantes sous le présentateur. L'info trafic défilait toujours trop vite. Elle soupira et leva les yeux vers le plafond, se laissant de nouveau tomber sur un siège isolé.

"Non, j'ai vu ça à la télé, il n'y a pas plus de détail"

Et Maze, coincé dans sa voiture semblait décidé à faire la conversation. Elle se mit à sourire et se mordit la lèvres avant de reprendre son air le plus sérieux.

"On a eu un gros clash avec les Sliders, je ne sais pas si ça va s'arranger cette fois. Le frigo a lâché, le générateur refait du bruit et on a trois gosses qui disséminent la rougeole aux quatre coins de l'Underground. Je te préviens, si tu ne l'as pas eu enfant, le doc va t'enfermer dans ta chambre."

Il ne fallait pas rire, ne surtout pas rire et prendre le risque de se faire découvrir. Jouer avec les nerfs de Maze ? Mais non voyons ! Elle se mit à enrouler une mèche de cheveux autour de son index, les yeux rivés sur le plafond, la tête affalée contre le dossier, toute à son imagination débordante.

"Pour ne rien gâcher je ne suis tordu la cheville et je boite depuis trois jours. Mais Ben m'a beaucoup aidé. Il est vraiment..."

Elle se mordit la lèvre avec un sourire plein de dents, les yeux roulant coquettement. Ben était arrivé depuis peu. 25 ans, plutôt mignon, il faisait des sourires à toutes les jeunes filles du quartier avec une tendance à la drague assez horripilante. Ca soupirait et gloussait dans tous les coins dès qu'il apparaissait. Jusque là Maybel avait été plutôt glaciale, elle s'était même moquée avec Maze de cette vague de béguins. Elle se demandait comment il prendrait la chose si elle lui avouait avoir succombé elle aussi.

"Enfin il est gentil, quoi."

Point trop s'en fallait, il fallait tout de même avoir l'air crédible.

"Et toi alors, raconte. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?"

Certes, je n’étais pas réputé pour être le mec le plus causant du monde mais, hé ! C’était un cliché, je savais parfaitement discuter quand l’envie me le prenait. Je ne savais juste pas parlé pour ne rien dire. Ce n’était vraiment un défaut, du moins selon moi.

« Non, je crois que je l’ai eu. Il doit bien y avoir des tests pour la rougeole ? »

L’idée de me retrouver infecté de boutons ne m’enchantait pas. J’avais très peu de souvenirs de mon enfance alors je n’aurais pas pu l’affirmer. J’ai ouvert grands les yeux pendant quelques secondes et je me suis gratté la joue.

« Encore un conflit avec les Sliders. Ne me dit pas que c’est encore les même. Ne me dit pas qu’Amber y est pour quelque chose. »

Je n’avançais pas. Dix centimètres tout au plus. Cela me consternait.

« C’est Ben quoi. »

J’ai haussé les épaules, instinctivement. En soit cela ne certain à rien puisque Maybel ne pouvait pas me voir.

« Bien sûr qu’il est gentil. C’est comme ça qu’il arrive à faire son Don Juan. Ne me dit pas que tu es tombée dans le panneau. »

C’était un blanc-bec qui voulait attirer l’attention sur lui auprès de la gente féminine. Je trouvais ça puérile, et j’avais d’autres soucis dans mon esprit.

« Oui, ça n’a pas été facile. J’ai dû fouiller dans les bas-fond de Chicago, défoncer quelques murs aussi… au sens propre comme au figuré, pour trouver l’indic’ que je voulais. Il avait des informations sur le système de surveillance qui étaient capitales. Je pense que ça nous sera très utile pas seulement pour Resistance, mais pour l’Underground. Pour nous permettre de mieux nous protéger. »

S'en était presque décevant. Pas un soupir, pas un couinement, même pas d'inquiétude dans sa voix en réponse aux catastrophes qu'elle venait de lui dépeindre. Soit il lui faisait une confiance aveugle pour gérer tous les détails d'intendance soit il en avait rien à faire. Oh, il était plus plaisant de croire à la première réponse. Ou bien son expérience lui en avait fait voir des biens plus carabinées et tout cela lui semblait emmerdements de pacotille. Tant pis pour sa petite blague. Elle qui le voyait déjà passer la porte tout inquiet et l'asticoter en représailles.

Maybel ouvrit la bouche et la referma finalement, remuant les doigts de pied dans sa sandale avant de reprendre avec plus de sérieux.

"Dans ce cas je convoque les autres pour un briefing ?"

Le boulot, le boulot, toujours le boulot avec Maze. Pourquoi ne lui parlait-il pas du temps qu'il fait, ou de ce qu'il avait mangé à midi ? Et puis...

"Attends, je te rappelles. Ne bouge pas hein !"

Maybel raccrocha le téléphone d'une pression sur l'écran et sauta du canapé souplement. Tout était sous contrôle, et la plupart des gens étaient de toutes façons autonomes. A part quelques affaires domestiques, le grand manitou lui avait laissé les clés avec le frigo plein et le loyer payé. Maybel fila en direction de la sortie et claqua la porte derrière elle.

***

La portière claqua et Maybel se laissa tomber sur le siège passager en soupirant d'aise, un sourire plein de dents à l'attention de Maze.

"t'as raison, ça n'avance vraiment pas dans le coin"

C'étaient de ces petits effets de surprise dont elle était friande. Les derniers jours avaient été bien trop ennuyeux.

Encore pendu au téléphone.

«  Va pour le debriefing et… Oh non, je ne risque pas de bouger. Même pas d’un pouce. »

La voiture en phase venait d’avancer d’un centimètre.

«  Ah si... »

Mon problème était peut être que j’étais peut-être trop sérieux et cela me faisait passer à côté de choses qui en apparence étaient plus légères. Je réagissais très mal à tout ce qui était lié au pathos. Bien sûr, je ne dis pas que ne pouvais pas avoir de l’empathie mais quand ça me touchait personnellement, je faisais un rejet.

J'ai attendu pendant quelque temps jusqu'à ce que Maybel arrive et finisse par ouvrir la portière pour se poster à côté de moi.

«   Ca me surprend que tu sois venu jusqu'ici. L'ennui ? »

Puis j'ai regardé Maybel de haut en bas.

«  Ou as eu une envie soudaine de sentir l'air polluée de Megalopolis ? »

Devant le manque de surprise de Maze, Maybel fit la moue, déçue. Il n'avait pas sursauté, ni même haussé les sourcils de la voir là c'était d'un dommage. Avoir fait tout ce chemin sans arrêter sur la route de ricaner à l'idée de la tête qu'il allait faire pour si peu de réaction c'était même rageant.

La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine et s'installa plus confortablement dans le fauteuil prête à se laisser conduire sur le chemin du retour jusqu'à l'Underground.

"Qu'est ce que je ne ferais pas pour éclairer ton quotidien d'un peu de surprise candide"

Elle lui lança un clin d'oeil amusé et reprit plus sérieusement.

"Je ne travaille pas aujourd'hui, le Waïkiki est en dératisation pendant trois jours. Je ne vais pas voir de cafard courir sous le comptoir avant un moment ! Qui aurait pensé que ces machins survivraient à la technologie de la Ville Haute. Incroyable"

Maybel soupira, fixant l'arrière de la voiture face à eux qui s'était de nouveau arrêtée. Il fallait être philosophe, ce bouchon se désorberait tôt ou tard. Peut-être plus tard que tôt, mais au moins ils pourraient discuter un peu.

"Qu'est ce que ça a donné Chicago ?"

La réaction que j’avais pu avoir manquait peut-être de réaction… mais ce que je ne savais pas contrôler c’était lorsqu’un sourire sincère me chatouillait.

« J’avoue, cela m’a manqué. »

Et bien sûr, c’était un assortiment de dents Colgate blanches. En y réfléchissant, je souriais peu et Maybel était de ces personnes rares qui arrivaient à me décocher un.

« Il faut croire qu’il y a des choses qui sont éternelles… Et le cafard en fait parti. »

J’ai haussé un sourcil. C’était une tentative pour être drôle, mais qui tombait à plat. Mieux valait-il que je laisse cela aux experts. J’ai fixé mon regard sur la route en me raclant la gorge comme si de rien n’était.

« Très franchement, Chicago. C’était lent. Et long. Le trajet en lui même était terrible. Une fois là-bas j’ai dû me mettre à presque faire de la traque pour trouver l’indic’. J’en suis venu à la conclusion que la chasse, ce n’était vraiment pas pour moi. J’ai découvert les bas-fonds de la ville et finalement eu les informations que je voulais. »

La voiture n’avançait que par à-coup ce qui à la longue était particulièrement pénible et cela faisait réduire le niveau d’essence de façon dramatique même si je coupais le monteur lorsque nous étions à l’arrêt. Normalement, cela était suffisant pour arriver à l’Underground.