[CLOS] [Maddie/Maybel] Hey you...

Megalopolis dégoulinait de pluie. Dire qu'on pataugeait était un véritable euphémisme et l'eau s'infiltrait partout dans la ville basse, faisant déborder les égouts mal entretenus ce qui avait tendance à toucher l'Underground. Il y avait presque un mois maintenant qu'on avait pas vu le soleil si bien que l'humeur de tout le monde s'en ressentait sensiblement. Les toux traînaient plus que de nature, on ne comptait plus les rhumes et autres affections de la mi-saison. Les habitants entraient là tout imbibés de pluie et dégageaient assez d'humidité pour que dans la chaleur du sous-sol l'Underground prenne des airs de climat tropical.

"Qui a encore joué avec les génératrices ?!"

Maybel venait de passer la tête dans le couloir pour vociférer à tue-tête. On suait à grosses gouttes. Pas étonnant que tout le monde tombait malade. Dehors, la petite laine était de mise sous le ciré mais dans les couloirs, on se baladait en débardeur et on shootait dans des sceaux.

Elle planta son stylo dans son chignon informe, ferma son calepin d'un petit mouvement sec et quitta sa chambre pour se mettre en quête d'un coin frais.  La cuisine semblait être une bonne destination. Elle participerait à l'élaboration du repas du soir pour l'infirmerie s'il le fallait, tant qu'on lui laissait la place devant le frigo et lécher les plats du dessert.  Elle avançait donc dans le couloir principal, absorbée dans ses pensées.

– Générateurs. On dit des générateurs.

J'avais passé la journée sous la pluie ou presque. Je n'avais même pas pris la peine d'une douche en me changeant, je savais que ça n'aurait servi à rien. Les cheveux mouillés devant les yeux, le teint pâle défiguré par la dépression que causait cette météo atroce sur la ville. J'ai descendu la fermeture de ma veste en regardant Maybel d'un air blasé avant de soupirer et de reprendre ma route. Mais au bout d'un moment, je ne trouvais pas la raison de ma présence dans ce quartier qui n'était pas le mien. Un morceau de papier coincé dans la pomme de ma main et mon casque coincé sous mon autre bras, j'ai arrêté Maybel d'une main sur l'épaule. Je n'avais aucune patience, elle avait intérêt de me répondre rapidement. La chaleur semblait être tellement pire ici que chez nous. Nous avions un brèche dans un des murs qui permettait de faire entrer de l'air et dans le cas des jours actuels : un peu de fraîcheur. Surtout en comptant la mauvaise isolation.

Ce n'était pas que je n'aimais pas Maybel mais je n'avais aucun atome crochu avec elle. Sûrement parce que je la trouvais trop jeune pour diriger un quartier comme celui-ci, même si Maze en était le leader principal. Et j'avais horreur de devoir rendre des comptes à une gamine pas plus âgée que mon propre frère. Lui au moins avait la majorité absolue.

– Où est Maze ? J'ai besoin de lui parler, c'est important.

Sous-entendu : je ne traite pas avec les sous-fifre. D'accord, j'étais peut-être un peu condescendante à l'époque. Je sentais les perles sur mon visage, ce n'était pas de la pluie mais de la transpiration. Vous savez, quand vous vous cogner 5 ans de Moyen Orient mais que vous risquez plus souvent votre vie sous le soleil dans une région où la température descend facilement à -10 en plein hiver, c'est à se demander ce qui tourne pas rond dans ce monde. Sûrement une question d'humidité ou je sais pas quoi. Ou bien mon organisme qui a le sens de la blague. J'ai reniflé brièvement, sentant quelque chose venir doucement me bloquer les narines. J'ai levé le menton pour regarder autour de moi.

– HEY ! Quelqu'un serait assez aimable pour baisser le chauffage pour l'amour du ciel ? Vous voulez tuer Santa Claus avant qu'il descende par la cheminée, ou quoi ?!

Spoiler:

Maddie n’était pas exactement la personne avec qui Maybel s’entendait le mieux et le fait qu’elles ne partagent pas plus le même quartier que d’atomes crochus n’arrangeait guère la situation. Mais, enfin, la plupart du temps elles se supportaient placidement. Aujourd’hui la Slider avait l’air spécialement de mauvaise humeur ce qui avait tendance à lui hérisser les poils des bras. Son don devait y être pour quelque chose et elle tenta de ranger son empathie génétiquement programmée dans un petit coin de son esprit. Elle grimaça néanmoins légèrement.

"Quelque part entre la Ville Haute et Chicago je dirais. Si tu veux je te prête une chambre en attendant, il devrait être de retour dans trois jours si tout va bien"

Bien, si elle voulait voir Maze… Elle avait l’habitude d’être prise à la légère à cause de son jeune âge, et c’était même tant mieux car elle s’en servait éhontément lorsqu’il fallait engager d’âpres négociations ou tester un potentiel nouvel habitant. Qui se serait méfié d’une frêle jeune fille aux immenses yeux océans non moins capable de ressentir vos plus intimes sentiments ?

Et à juger par le regard pénétrant qu’elle lançait à Maddie –et le sourire qui s’étirait peu à peu sur ses lèvres un poil provoquant- elle sentait bien que son interlocutrice était agacée.

Samael a écrit:

Au second cri –celui de Maddie donc- une tête jaillit d’une porte entrouverte, masculine, basanée, vingt-cinq ans environ et l’air blasé, les cheveux un peu en l’air.

"Arrêtez de gueuler comme des putois, on bosse dessus."

Et il balança dans la direction de ces demoiselles un chiffon plein de cambouis avec un sourire en coin mutin avant de disparaitre à l’intérieur de la pièce.

Maybel sauta de côté pour éviter le tissu dans un grognement et tourna la tête de nouveau vers Maddie.

"A chaque fois qu’ils font un nouveau test on sue à grosses gouttes."

Elle secoua la tête et soupira.

"Il te fallait autre chose ?"

La chaudière et les générateurs se trouvaient au plus près de Résistance, les plus épargnés étant Salvation et c’était tant mieux. Ceux-là étaient particulièrement pugnaces quand ils étaient de mauvaise humeur.

– Chicago...

J'ai froncé les sourcils. Pourquoi était-il parti à Chicago ? Trois jours, je n'aurais pas pu attendre si longtemps. Sortie de mon interrogation, j'ai attrapé le chiffon entre deux doigts, gardant les autres serrés sur mon morceau de papier. Mais ça ne m'a pas empêchée de me faire entendre alors que je haussais le menton vers eux.

– HEY ! Des manières !

Il n'y avait pas à dire, ils étaient vraiment particulier du côté de Resistance. Un peut trop autonomes et indisciplinés si vous voulez que je vous dise le fond de ma pensée. J'ai secoué la tête face à ce genre de petit merdeux. Bientôt, ce ne seraient plus des grosses gouttes sur mon front... mais des cloques de chaleur. Me retournant vers Maybel, j'ai soupiré. Vous savez, ce genre de soupir abyssal quand vous abdiquez.

– Ok, ça ne peut pas attendre trois jours. On peut discuter dans un coin plus frais avant que je ne tombe dans les pommes et qu'on me séquestre dans cet enfer et que je meurs dans d'atroces souffrances parce que personne ne comprend que la chaleur, c'est vraiment pas mon truc ?

J'ai montré une direction du pouce avant de remettre en marche. En d'autres termes : Maybel n'avait pas le choix que de me suivre. J'ai regardé le chiffon entre mes mains et je me suis tournée face à quelqu'un qui venait de me dépasser.

– Attrape !

Et dans un sourire moqueur, je l'ai envoyé à ce quidam qui n'a pas su ce qui lui arrivait. En tout cas, on n'avait jamais que les petits plaisirs qu'on s'offrait dans la vie, pas vrai ?

Ce qu'ils étaient doudouilles à Sliders... Certes il faisait chaud, soit l'ambiance était moite et désagréable mais tourner de l'oeil pour si peu ? Maybel ignorait tout du point faible de Maddie et se garda néanmoins de faire tout commentaire. Elle haussa les épaules et s'apprêtait à lui indiquer un bureau éloigné du générateur et un peu plus au frais lorsque son interlocutrice prit la direction des opérations. Elle lui emboîta le pas donc non sans lever discrètement les yeux au ciel derrière son dos.

"Le bureau de Maze est accessible, sinon on peut toujours mettre la tête dans un congèl'. Ca dépend si tu préfères un truc formel ou non"

Si Maddie avait quelque chose à dire et au dirigeant de quartier de surcroît, la chose devait être importante. Maddie ce n'était pas Coco l'Asticot. Maybel accéléra pour caler son pas sur celui de la Slider, les sourcils froncés, juste au moment où elle envoyait le chiffon sale à un passant. Elle cambra le dos pour éviter de se le prendre en pleine figure comme si c'était la chose la plus normale du monde. Effectivement à Résistance c'était très souvent un beau bordel.

"Ou une chambre vide équipée d'un ventilo qui marche"

Elle s'arrêta net devant une porte et la désigna du pouce. Il y avait encore quelques piaules de libre, certaines comme celles-ci, destinées à recevoir des invités, d'autres pour de futures recrues.

La tête dans le congélateur n'était pas du tout une mauvaise idée quand j'y pense. Mais peu pratique à transporter quand on en avait besoin. Et je n'étais pas vraiment du genre à montrer ma faiblesse. Une pièce plus fraîche que ces couloirs de feu me suffisait amplement. J'ai suivi Maybel jusqu'à ce qu'elle s'arrête et il ne m'a fallu qu'une seconde pour réfléchir et accepter. En entrant, j'ai attendu qu'elle referme la porte derrière elle en allumant la lumière. Un peu plus au calme, j'avais l'impression de presque devenir sourde tout à coup.

J'ai inspiré à nouveau profondément avant de regarder le papier dans ma main. J'ai posé mon casque sur une chaise et l'ai déplié pour le défroisser. En tant que leader de Sliders, j'en avais déjà parlé à moi-même. Sans trop savoir quoi dire aux autres, j'aurais d'abord voulu un conseil de Maze dans la mesure où cela ne concernait pas vraiment Salvation pour l'instant. Au bout d'un moment, je me suis décidée à tendre le papier à Maybel.

– J'ai trouvé ça à l'abri de ma visière de moto en sortant du poste tout à l'heure.

Je me suis grattée le cou avant de croiser les bras.

Une femme m'a un jour appris à survivre mais aussi à vivre. A respirer et à savourer le moment présent. Elle m'a également enseigné que le temps file à grande vitesse, mais que j'en étais le pilote.

Cette femme a un jour risqué sa vie et bien plus, pour sauver la mienne. Pourtant, elle m'a aussi dit qu'on ne pouvait changer l'histoire. Mais, aujourd'hui, j'ai encore besoin d'elle. Dans la pléiade de gens extraordinaires sur cette planète, il en existe d'autres d'autant plus uniques. Rares et précieux comme les perles roses du Japon, des puissances ont la main mise sur eux. La plupart d'entre eux ont succombé à leur captivité mais il en existe encore pleins de ressources et de surprises. Tim Novàk est un exemple unique, doté d'un don de Dieu qui sert de pion entre les mains mal intentionnées de jaloux profiteurs.

Trouve le, protège la population, sauve le monde.

J'ai écarté une mèche de ma joue avant de montrer la note d'un index.

– Le début ? C'est genre ce que je répète à mon frère depuis des années, depuis qu'il connaît son pouvoir. Je veux dire que la personne qui a écrit ça n'est pas mon frère ni qui que ce soit que je connaisse. Et c'est typiquement le genre de note que je laisserais à un double de mon passé. Sauf qu'il semble évident... Que ce n'est pas de moi. De deux choses l'une : ou bien quelqu'un nous fait une farce gigantesque, ou bien nous avons du pain sur la planche.

J'ai haussé les épaules avant de renifler.

– J'ai fait une brève recherche sur le nom mais juste en surface et je n'ai rien trouvé. J'ai demandé à Elvis de tenter de son côté, sans lui parler du mot, ni de comment je l'avais eu. Personne ici n'a reçu ce genre de message récemment ?

Maybel avait pris le temps de relire le mot à plusieurs reprises, les sourcils froncés de concentration. Elle ne connaissait pas assez Maddie pour savoir si ce bout de papier était un simple canular ou un véritable ordre de mission. Néanmoins, même les petits enquiquineurs de Résistance n'auraient osé lancer un chef de quartier sur la piste d'un inconnu. Un pétard dans le casque, un faux mot d'amour à la limite, mais rien ressemblant à ça.

Elle soupira, plongée dans sa réflexion et sauta souplement pour venir poser ses fesses sur une petite table. Elle contemplait le bout de papier tout en se mordillant la lèvre inférieure et finit par remonter les yeux vers Maddie.

"Non pas à ma connaissance. Et ici les secrets se savent vite, il y a plus de pipelettes que de gens capables de garder un secret. Nous avons donc un Positif avec un don particulier exploité, peut-être pour de l'argent et enfermé quelque part."

Elle tendit la main pour lui rendre le papier.

"C'est vague !"

Le ventilateur s'était mis en route en même temps que la lumière, balayant d'un courant frais la pièce et les cheveux des deux protagonistes à chaque fois qu'il pivotait dans leur direction. Mettre les ventilateurs en route à cette époque de l'année, ça n'était pas arrivé depuis la dernière canicule exceptionnelle.

"Si ce mec n'a pas été arrêté, tu peux oublier les fichiers de la police. Après... S'il est recensé, les fichiers du PRD doivent l'avoir en mémoire quelque part. C'est ce que tu as demandé à Elvis ? La difficulté c'est s'il est pas sur le territoire américain, ou bien s'il y est mais n'a aucune existence officielle."

Elle fronça les sourcils.

"Novàk ça sonne pas très yankee"

J'ai doucement secoué la tête.

– Non. Mais Ashkevron non plus.

Pas plus que DeLuca. J'ai inspiré profondément en reprenant la note pour la relire. Quelque chose clochait. J'étais certaine que je ratais une information. En relevant la tête, j'ai haussé les épaules.

– Oui, j'ai demandé à Elvis d'éplucher tout ce qu'il pouvait avec ce nom. Je n'ai pas attendu qu'il trouve même un indice avant de venir ici. Enfin, je suis passée par Salvation d'abord mais il n'y a personne à cette heure-ci. Ils sont sortis, j'imagine.

Ils sortaient souvent le soir. Fatigués ou non, ils semblaient avoir toujours plus besoin d'air que nous. je me suis humectée les lèvres et lui ai remontré la note en la levant dans ma main.

– Quelqu'un sait où je travaille, mes horaires et ce que je conduis. Quelqu'un savait. Ce quelqu'un est un Slider, j'en mettrai ma main... à...

Les yeux dans le vague, j'ai réfléchis un instant. Est-ce que mon frère avait pu écrire cette lettre ? Et si son pouvoir avait évolué ? Le mien mutait au fil des années, pourquoi pas le sien ? Et s'il m'adressait ce mot du futur ? Pour une raison inconnue, je n'aurais pas pu venir me parler alors il y serait allé à ma place ? Voilà qui commençait à virer à l'obsession. Un nouveau regard à la note mais ce n'était pas l'écriture de mon frère. peut-être d'un frère plus âgé ? Dans un geste vif, j'ai plongé ma main dans mon pantalon pour en sortir mon portefeuille et regarder à l'intérieur, à la recherche d'un mémo de liste de courses que j'avais gardé de mon frère afin de comparer les écritures. J'ai vivement secoué la tête.

– Ca ne correspond pas, ce n'est pas mon frère.

J'ai montré Maybel d'un index en récupérant mon casque.

– Je veux que tous les Sliders chez vous écrivent la même chose pour comparer les écritures.

Cela m'apprendra à sortir dans une telle hâte. En heurtant quelqu'un, mon casque a cogné mes côtes et j'ai poussé un léger cri de surprise avant de lever les mains.

– Ca va ?

Maybel fronça de nouveau les sourcils, visiblement peu convaincue par les consignes de Maddie et sa manière de mener les investigations. Et puisque cette dernière semblait décidée à s'en aller, elle se leva pour la suivre, non sans lui faire part de ses doutes :

"Pourquoi un slider de l'Underground t'aurait écrit un mot plutôt que de venir te trouver ? Sans parler du fait que c'est quelqu'un qui te connaît apparemment très bien. Et même si c'était l'un de nos sliders, ou l'un des tiens qui dans le futur -elle souligna cette affirmations en faisant des guillemets avec ses doigts- aurait appris à te connaître aussi bien que ton frère et serait revenu pour te livrer cette note, s'entretenir avec sa version actuelle ne nous avancerait pas à grand chose..."

Maddie semblait vouloir faire quelque chose à tout prix, lancer les investigations pour ne pas rester dans l'attente. C'était honorable de sa part mais engager beaucoup d'énergie pour un résultat très incertain. Maybel serra les dents et préféra ne rien ajouter de peur de se bouffer le nez avec la jeune femme. Elles avaient toutes deux de forts caractères et des idées bien arrêtées, il était inutile de heurter leurs orgueils respectifs.

"Ah, on ne pourrait pas avoir un Positif qui sait identifier l'origine des choses, voilà qui serait pratique. Plus personne ne passerait plus son temps à se demander qui n'a pas fait sa vaisselle dans la salle commune"

Alors que Maddie sortait, Maybel juste derrière elle, un garçon d'une quinzaine d'années la heurta de plein fouet. Le gosse s'appelait Adam, il avait rejoint sa mère, membre de l'Underground assez récemment.

Adam a écrit:

Adam fit un bond de côté en levant les mains et bredouilla des excuses inarticulées. A son contact il semblait impossible de lui en vouloir pour quoi que ce fut. Maddie avait-elle déjà vu un garçon à l'air si gentil et agréable ? Il avait de grands yeux couleur d'orage, une peau laiteuse et douce, un sourire... Ah ! Ce sourire. Il donnait envie de le serrer dans ses bras, de le protéger, de rester près de lui tout simplement.

Dérouté, les yeux du gosse allaient de Maddie à Maybel.

"Elvis vous cherchait, y a un truc important à la télé !"

Et rougissant violemment il se détourna et détala dans le couloir. Instantanément l'impression s'envola et il ne restait plus que des interrogations à propos de cette fugace rencontre.

Maybel lança à Maddie un regard énigmatique, haussa les épaules et se précipita  avec elle vers la grande salle commune où un écran constamment allumé attirait en général les discussions des plu banales aux plus animées.

Et dans la salle, ils étaient nombreux amassés devant les infos.

– Parce que tous les Sliders ne sont pas comme moi, Maybel et que beaucoup partent du principe que j'enfreins des règles en communiquant avec moi-même de la sorte. C'est leur point de vue et je le respecte. Ca peut aussi être un Slider du futur qui est lié à moi comme... Une nièce ou un neveu, j'en sais rien.

Remarquez comme à aucun moment je n'ai pu songer, pas même un instant, qu'il pouvait s'agir de ma propre progéniture. En tout cas, je n'ai pas développé plus les craintes des Sliders. Trop en dévoiler sur le futur peut modifier les événements et personnes ne sait encore ce qui se passe aux gens qui cessent simplement d'exister à cause de Sliders. Alors, le fait de ne pas me rencontrer était sûrement très légitime ! Mais je ne pouvais expliquer tout ceci à Maybel, Dieu seul sait ce qu'elle aurait pu penser de moi. Je n'étais pas comme ce jeune homme qui n'était pas sans me rappeler Dean alors que mes mains étaient restées ouvertes comme si je m'attendais à ce qu'il tombe. Tout le monde ne m'aimait pas. Les yeux ronds, je l'ai dévisagé en train de me parler. Il rougissait à vue d'oeil. J'ai cligné des yeux, ne pouvant me détourner de lui. Il me rappelait un peu Dean. Ce grand timide aux immenses yeux bleus que tout le monde adore parce qu'il est... Si simple. Pourquoi je n'ai jamais su être si simple ?

Je l'ai regardé partir et j'avais presque envie de le rappeler pour qu'il revienne, que je puisse à nouveau sentir ce qu'il y avait de bon dans ce monde, c'était si rassurant ! Mais très vite, ma curiosité se reporta sur Elvis et sur cette télé. J'ai suivi Maybel sans réfléchir et nous nous sommes arrêtées avec les autres dans leur salle commune.

– ...Kidnappé ou simplement fugué. Tim manque énormément à ses parents

J'ai froncé les sourcils, non sans un bref regard intrigué à Maybel et j'ai croisé les bras en écoutant la déclaration des parents.

– Tim, mon chéri, papa et maman t'aiment si fort, si tu savais ! Je vous en prie, rendez-nous notre enfant ! Nous ferons ce que vous voulez !

Une photo du garçon et sans la regarder, j'ai montré le verso de la note à Maybel où mon visiteur du futur avait dessiné un visage pour qu'elle constate la ressemblance. Un numéro de téléphone s'est affiché à quiconque verrait le petit Timmy mais j'ai d'autant plus froncé les sourcils quand je me suis aperçue qu'il s'agissait d'un numéro dans le Washington, à Seattle.

– Ils ont sûrement déjà passé la frontière à cette heure-ci. Reste à savoir ce que la police du British Columbia voudront accepter de faire.

Quelque chose me dérangeait. Alors que les membres de Resistance s'insurgeait du kidnapping d'un enfant sans raison - et que d'autres se demandaient pourquoi il aurait fui avec des parents aussi aimant - pour ma part, je n'avais toujours qu'une partie du puzzle. Ce soir, Maybel et moi étions les seules responsables au sein de l'Underground. Logan était parti s'entraîner avec Dean, Reese et Camy étaient à leur sortie hebdomadaire et Amber et Maze étaient partis pour Chicago. J'ai tourné la tête vers Maybel pour la dévisager quelques secondes.

En arrivant dans la pièce, Maybel embrassa du regard les présents puis elle tourna elle-même la tête vers le poste pour écouter les informations. A l'écran, un bandeau rouge défilait en bas d'image, donnant d'importantes informations sur le fameux enfant disparu, ainsi qu'un numéro pour l'appel à témoins.

La jeune femme grogna les bras croisés et poussa quelques uns de ses compères pour avoir un bout de fauteuil sur lequel s'asseoir à proximité de l'endroit où Maddie se tenait debout. Lorsque cette dernière lui montra le portrait griffonné, le doute était totalement dissipé : A n'en pas douter ce môme était le fameux garçon qu'il leur fallait retrouver.

"Si ce gamin a bien été enlevé, effectivement. Après, il a peut-être décidé de s'en aller de sa propre volonté"

Ok, ces parents semblaient aimants. Mais quel pré-ado ne s'était pas fâché contre sa famille même si elle l'aimait profondément ? Une dispute, une incompréhension, un mal-être né d'une quête de soi et il était aisé de vouloir fuir loin d'un univers qui tout entier semblait angoissant.

Maybel se leva dans un petit bond et se tourna vers un jeune homme, claqua dans ses mains et les leva.

"Vas-y envoie."

Sans plus d'explications, il lui lança un téléphone et elle composa le numéro qui s'affichait à l'écran avant de faire signe à Maddie de s'approcher. Elle plaça le combiné entre elles deux alors que la tonalité monocorde se faisait entendre. A l'autre bout, une opératrice décroche.

"Euh... Oui bonjour. Je vais de voir à la télé.... Ma télé fonctionne mal j'ai pas tout entendu. Cet enfant, comment il s'appelle ? ........... Ah, d'accord. ......... Oui de Megalopolis.......... Non, je reviens de Seattle et je voulais être sure de ne pas pouvoir aider............. Il a disparu dans quel quartier ? ............ Ah, j'y suis passé en soirée................. "

Elle fit signe qu'on lui apporte de quoi noter.

"D'accord, je vais essayer de rassembler mes souvenirs et je vous rappelle si je me souviens de quelque chose........... Oui, pas de problème. Au revoir !"

Elle raccrocha et soupira.

"Ok, les parents habitent le quartier de Queen Anne, ce qui veut dire qu'ils ne manquent pas d'argent loin de là. On y trouve les plus belles barraques de la ville, et de loin les plus chères. Ce serait un enlèvement avec demande de rançon que ça m'étonnerait pas."

Elle releva la tête vers Maddie et se mordit la lèvre.

"C'est quoi son nom de famille déjà ?"

Les autres s'étaient amassés autour d'elles pour suivre l'affaire. La jeune brune tendit le stylo à son propriétaire après un bref merci et fit un signe de tête à Maddie afin qu'elles s'éloignent un peu.

"Mon frère Ulysse bosse à Seattle. Il est enquêteur là-bas. Si y en a un qui peut avoir des infos à propos de cette affaire c'est lui"

– Novak.

En parlant, j'avais suivi Maybel en nous éloignant, reprenant une discussion de quartier.

– D'accord. Dès qu'on trouve quelque chose, on envoie quelqu'un le chercher. Je veux ce gamin. J'ai connu des foyers d'adoption bien riches et je te jure que pour rien au monde tu serais restée. Je dis qu'on se méfie de cette famille. C'est incroyable ce que les caméras peuvent rendre les gens particulièrement gentils. La plupart des gamins ici pourraient sûrement te dire la même chose, d'ailleurs. Ils ne sont pas si peu nombreux à venir de la Ville Haute.

– Je confirme.

Elvis nous a rejointes à l'embranchement des couloirs alors que j'ouvrais la bouche pour répondre à Maybel. Lui-même venait de la Ville Haute, il avait décidé de quitter sa famille pour se consacrer à l'Underground, aux Positifs dans le besoin. Il avait toujours voulu mettre ses pouvoirs à profit avec nous et il n'avait jamais failli. Néanmoins, ce sacrifice le rendait assez souvent morose, silencieux et distant, mais ça ne gâchait rien à son travail qui était toujours excellent. Il soupira, un carnet dans les mains et nous regarda tour à tour pour répondre à Maybel.

– Ce ne sera pas utile. J'ai mis la ligne de l'appel à témoins sur écoute, Evan analyse les communications et certaines proviennent de Megalopolis. Il a été aperçu il quelques jours à peine. Plusieurs personnes ont pu confirmer la description. Il est déjà ici.

– Je ne comprends pas, l'alerte est nationale, ils n'ont pas pu attendre quelques jours pour la lancer.

– A moins qu'ils aient attendu pour avertir la police. Si effectivement le gamin a été enlevé, alors on a pu faire chanter les parents avant qu'ils ne se décident à agir.

– Ce qui écarte la théorie de la fugue.

– Seattle-Megalopolis, ça fait quand même vraiment un foyer hyper flippant pour couvrir tant de kilomètres afin de mettre de la distance.

– Autre époque, autre moeurs, on a bien des Positifs qui viennent du Mexique, de Russie, certains même d'Angleterre ! - J'ai secoué la tête en changeant mon casque de bras - Il faut que je retourne travailler. Si ce gamin est quelque part par ici, tous les flics vont être à sa recherche et je veux être celle qui va le retrouver.

– Maddison, il fait nuit. Une partie du Queens est à nouveau sous les eaux à cause du temps qu'il fait. On verra demain. Il ne traversera pas l'Atlantique dans un laps de temps si court. Les aéroports sont contrôlés dans le cas d'un enlèvement, les trains, les ports... Un enfant ne passera pas inaperçu.

– On a plus de chance de le retrouver quand les patrouilles sont sous effectif !

– Maddie. Demain. De toute façon, s'il a effectivement été enlevé, les ravisseurs ne sont pas en train d'errer dans les rues. Laisse-moi en savoir plus et on voit demain ce qu'on peut faire.

Elvis a levé une main vers moi, les sourcils hauts et a porté un regard bref sur Maybel avant de s'en retourner à notre quartier. J'ai passé mon pouce sur ma lèvre en réfléchissant. Elvis avait raison. Mais je n'avais plus envie de dormir, je n'étais plus fatiguée, il fallait que j'agisse. J'ai à nouveau regardé la note que j'avais reçue, comme si un indice était quelque part. Je ne l'avais pas reçue par hasard, bien sûr que le gamin était déjà à ma portée. Mais pourquoi ne pas me dire déjà où il était ? Ca n'avait pas de sens.

– J'ignorais que tu avais un frère.

J'ignorais beaucoup de choses sur beaucoup de personnes...

"Même si ce gosse est déjà à Mégalopolis, c’est un mineur non émancipé. On ne peut pas juste le retrouver et le mettre là dans un coin de l’Underground parce que…"

Maybel baissa le ton et murmura à l’attention de Maddie.

"Parce qu’une note du futur dit qu’il faut sauver le monde."

On n’était pas dans une bande dessinée fantastique où le super héro recevaient des missions de première importance pour la survie de l’humanité. Le monde était déjà assez bizarre comme ça.

"Il va falloir qu’on aille rendre une visite à ses parents et qu’on comprenne la raison de leur silence. Si c’est un enlèvement ou tout autre chose, et si leur petit cinéma de famille en larmes est un véritable ressenti ou du chiqué."

Elle leva les mains en guise d’innocence.

"Je pourrai sentir s’ils nous mènent en bateau mais ça ne marche pas à distance. De plus, il faut quelqu’un de doué pour poser les questions et ça c’est pas spécialement dans mes cordes. Alors, je pourrais demander à Ulysse mais…"

Elle désigna la note d’un petit mouvement de tête discret.

"Faudrait que je lui en dise un peu long parce qu’il ne se gênerait pas pour me cuisiner."

Maybel adressa à Maddie un grand sourire radieux. Ulysse c’était le grand frère idéal, du moins dans les souvenirs de la jeune fille. L’idée de lui rendre cette visite la plongeait dans un état d’excitation presque palpable.

"Ouais, mon frère aîné. Il a quitté la maison y a un moment, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu. Faut dire, il est toujours fourré je ne sais où en planque, il n’a pas spécialement envie de m’avoir dans ses pattes. Je suis sure qu’il saura nous dire qui sont ces parents et tout ce qu’ils voudront pas nous lâcher comme petites infos croustillantes."

Elle fronça les sourcils et ses yeux allant d'Elvis à Maddie, elle dodelina de la tête.

"De toutes façons si effectivement on le retrouve, il va falloir qu'on sache si on peut ramener Tim chez lui sans danger. Pendant qu'une équipe s'occupe de mettre la main dessus, rien ne nous empêche de se charger de cette collecte d'informations"

J'ignore pourquoi. Je vous assure que je n'en sais rien. Quand elle a mentionné son frère avec cet immense sourire sorti de nulle part, je l'ai fixée, interdite, avec l'impression d'une groupie face à moi. Et Dieu seul sait combien je détestais les groupies. J'étais pas quelqu'un de très marrant, je le reconnais et on me le reprochait parfois. Comme si notre monde était marrant. Je crois même que j'ai eu un semblant de grimace. par tous les Diables, ne me dites pas que je ressemblais à ça quand je parlais de mon petit frère. Cependant, cette histoire d'aller à Seattle commençait à me donner mal à la tête. Je l'ai secouée en fermant les yeux un instant et je me suis gratté l'arcade en recommençant à marcher.

– Je n'en sais trop rien, c'est totalement inutile, pourquoi ne pas se contenter de l'appeler et de voir ce qu'il a à dire ? Faire le déplacement, je veux dire... On n'est pas non plus du FBI !

J'ai roulé des yeux en pensant à Camy, le nouveau bras droit de Reese. Ce n'était pas que je ne l'aimais pas... C'est juste que c'était bizarre. Si toutefois je mettais la puce à l'oreille de Maybel avec cette histoire de FBI, je n'en ai eu aucunement conscience. Rien qu'à l'idée de penser sortir de la ville avec un moyen de transport autre qu'une moto ou une voiture - voire un train mais il n'en existait plus qui travaille le pays de la sorte - j'en avais le vertige et la nausée d'entrée. Et je refuserais qu'un Jumper - si toutefois quelqu'un puisse couvrir une telle distance sans finir sur le carreau - me prenne par la main. Il n'y avait rien de plus désagréable qu'un voyage avec un Slider quand on était pas le pilote ! Mon corps se souvenait des picotements et des frissons d'électricité qui me couraient le long de l'échine. Erk. Et vous vous doutez bien que je refusais que Maybel parte seule, c'était mon affaire, finalement. Donc...

– Contente-toi de l'appeler, qu'il voit avec les parents du gosse s'il trouve quelque chose d'anormal. On mènera nos propres recherches ici. D'abord, on le met à l'abri. Ensuite on posera les questions.

C'était peut-être parce que Maddie avait dit ça sur le ton d'un ordre, peut-être juste pour la contredire et montrer qu'elle avait envie de faire les choses à sa façon. Ou bien peut-être que cette histoire de gosse était juste une excuse pour aller retrouver Ulysse qui lui manquait terriblement. Toujours est-il qu'elle secoua doucement la tête les sourcils froncés et les bras croisés.

"Je connais mon frère. Si je l'appelle en lui disant "salut, tu peux me balancer tout ce que tu sais de la famille du petit Novak ?" il va m'assaillir de questions et rien lâcher. Ulysse est du gene parano, l'idée de me donner des infos sensibles au téléphone sur une ligne qu'il n'a pas vérifié au préalable me semble très improbable."

Elle pinça les lèvres et se remit une mèche derrière l'oreille.

"Et puis, si j'y vais et que je m'arrange pour rencontrer ces gens moi-même, je serai en mesure de savoir s'ils mentent, ou ce qu'ils ressentent réellement face à la disparition de leur fils. Alors, je sais que ça ne vaut pas de bons vieux faits tangibles, mais ça pourrait tout de même être utile. Et mon pouvoir ne marche pas à distance"

Et sur ces entrefaits elle leva les bras.

"Ok, je commence par un coup de fil mais si ça ne donne rien..."

Si ça ne donnait rien c'était une excellente excuse pour se tirer de l'Underground quelques jours ! Bien entendu il lui fallait attendre Maze, lui demander son avis et son aval, mais quand Maybel avait quelque chose en tête il était difficile de lui faire lâcher son morceau de bifteck.

"On se tient au courant"

La discussion était close. Et c'était une relativement longue discussion pour ces deux-là.

Bien sûr que je voulais le faire à ma façon. C'était à moi qu'on avait délivré le message. C'était mon futur à première vue. Ce gamin avait quelque chose à voir avec moi sinon pourquoi ne pas le donner à quelqu'un d'autre ! Comme Maybel et son cher et tendre frère, par exemple. D'autant que des Sliders, je n'étais pas la seule. En tout cas, il y avait une bonne raison et il fallait à tout prix que je trouve laquelle. Génial, un frangin parano. J'étais restée immobile, au milieu du couloir, le casque sous le bras à dévisager Maybel, attendant qu'elle ait terminé son laïus. Que vouliez-vous que ça me fasse ce qu'elle pensait ? Même mon frère était plus âgé qu'elle ! Pourquoi n'étais-je pas capable de m'entendre avec les autres ? Etait-ce quelque chose que je dégageais ? Je les repoussais sans le vouloir ? Alors quoi ?! J'ai haussé un sourcil sans rien dire, me demandant quand allait elle enfin se taire et laisser les adultes décider. C'est à ce moment-là qu'elle a levé les bras.

J'ai plissé les paupières et penché la tête de l'autre côté avec une moue. Enfin, elle m'écoutait. Mais si ça ne donnait rien ? Ca ne donnerait rien. C'était certain. Il était hors de question que je prenne l'avion pour aller là-bas et il était hors de question que qui que ce soit parte sans moi. Finalement, j'ai acquiescé, et sans un mot, je l'ai contournée pour rentrer chez moi me prendre une bonne douche. C'était effectivement la discussion la plus longue que nous n'avions jamais eue. Maze serait tellement fier de moi.

Sur ces entrefaites, Maybel quitta Maddie avec la ferme intention de tenter le coup de fil... Et d'en faire aussi un peu à sa tête si ça ne donnait rien. Laisser les Sliders se charger tout seuls de l'humanité n'était peut-être pas l'idée du siècle. Oh, bien sûr elle n'avait rien contre les habitants de ce quartier, mais la répartition des taches et des pouvoirs évitait les conflits avant toute chose.

Maybel attendrait le retour de Maze pour lui parler de cette affaire et tenter de le convaincre du bien fondé d'un petit voyage à Seattle. Après tout ce n'était pas comme si elle n'avait pas de famille là bas et qu'elle n'était pas têtue comme une bourrique.

[CLOS]