J’avais besoin de m’en éloigner quelque temps. De Camy, de Maddison, de l’Underground en général et aussi des Positifs. J’avais besoin de me retrouver seul. Skandar m’a supplié aussi de venir avec moi, il voulait voir le monde, le dehors, il voulait voyager… Je comprends, mais j’ai besoin qu’il garde un oeil sur Camy en mon absence. Maze m’a convaincu de partir au moins avec quelqu’un. Pour ma sécurité et sûrement aussi pour se rassurer lui-même un peu. Etrangement, les gens n’aiment pas beaucoup me savoir seul.

Je me suis résolu à emmener Dean. J’ai confiance en lui, pleinement, contrairement à beaucoup d’autres membres de l’Underground, je le connais depuis des années, je l’ai également formé, au même titre que Maddison. Dean est de ceux qui obéissaient aux ordres sans trop de questions, discipliné et loyal. De plus, il est plutôt calme et silencieux. C'est également un Positif dont le pouvoir n’était pas négligeable. Maddison m’a dit un jour qu’enfant, on l’appelait Zapping, parce qu’il changeait les chaînes de télé, juste avec en clignant des paupières. Aujourd’hui, on l’appelle plutôt Switcher. Quand tout le monde hurle, il joue avec l’interrupteur, allume et éteint la lumière à sa guise, jusqu’à ce que tout le monde se taise. Dean a de l’autorité, plus qu’il n’y paraît et il a le mérite de me faire rire.

Emmener Dean revenait à embarquer Skylar avec nous. Mais la logistique pour un chien de sa taille nous a valu pas mal de paperasse. J'aurais très bien pu me passer de Skylar, mais... je crois que ni Dean ni moi ne le voulions. Et puis ça lui ferait du bien aussi. Il fallait juste qu'elle accepte le traitement canin... Ca a été quelque chose... D'intéressant.

Plus que n’importe qui, j’avais besoin, moi, de sortir et de quitter la ville. La requête du Maire m’a un peu laissé interdit. Son soutien est d’autant plus inattendu, par ailleurs. Quand je pense à toute la mauvaise pub que nous avons reçu ces derniers temps, c’est un miracle. J’ai même cru à une farce, au début, j’en ai fait renforcer encore plus - si c’était possible - la sécurité de l’Underground. De là à m’envoyer jusqu’au Pérou…  J’ai vérifié les données avant d’accepter, bien sûr et ce, non sans l’accord de Maze et Maddison. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de les laisser tous les deux à la tête de l’Underground mais je n’ai, pour ainsi dire, pas vraiment le choix. Mais je ne peux pas dire que j’ai l’esprit tranquille.

L’avantage à amener Dean, c’est qu’il a beau être Positif, il est parfaitement en règle et je crois que s’il ne dit rien, il n’en pense pas moi : il avait lui aussi très envie de quitter l’Underground quelques temps. J’ignore combien de temps tout ça va nous prendre, j’espère qu’en 48h la princesse reviendra à la raison et qu’on pourra rentrer. Nous sommes encore dans l’avion et je parle déjà de rentrer alors que ce n’est même pas ce que je veux. Disons que jouer les escortes des fugueuses, ce n’est pas vraiment mon domaine de complaisance. Je ne sais pas comment Dean fait pour dormir aussi profondément, je croyais qu’il était insomniaque. Je l’ai vu prendre des cachets quand on s’est installés, sûrement quelque chose pour passer le trajet. Où que soit la secte, une chose était sûre : elle n’était pas en plein coeur de Lima !

Je n’avais plus écrit un journal de bord depuis des années...

Dean est malade, pour changer. Je nous ai pris une chambre d’hôtel à Lima et pendant qu’il retrouve des couleurs, je vais appeler Elvis. Parti un précipitamment, je n’ai pas toutes les infos en main et Elvis n’a pas réussi à tout trouver en si peu de temps. En survolant toutes les cartes du nord du Pérou, localisation la plus précise que nous ayons réussi à trouver avec les données connues, plusieurs sites lui sont apparus suspects et on ne peut pas dire que j’ai vraiment le temps de tous les visiter.

Skylar s'est assise sur la chaise à côté de moi. Elle n'a pas voulu s'éloigner, qui plus est, un chien pareil dans un pays qu'on ne connaît pas, nous n'aurions pas pris ce risque, quand bien même elle n'avait rien d'un chien "normal".

La chaleur ici est assez insoutenable, je me suis trop habitué au temps océanique de Megalopolis. Je crois que je ne suis pas loin d’être malade aussi. L’avantage du Pérou, c’est qu’il fait partie de l’Alliance, au moins nous n’avons pas perdu de temps en terme de change monétaire. J’ai préféré descendre à la réception, sur leur terrasse, il y a un peu de vent et j’ai quand même du réseau internet pour joindre Elvis.

Je mentirais si je disais que je n’étais pas soulagé du succès d’Elvis sur ce point. Ca ne nous a pas empêchés de passer aux radars les autres zones du nord du pays. Dean m’a retrouvé en fin d’après-midi. Il était encore un peu pâle mais il avait faim, et soif. Autant Maddison était incapable de prendre un avion sans avoir été au préalable assommée et enfermée à double tour dans une malle en fond de soute, autant Dean s’en fichait. Il était juste malade par les transports. Je lui connaissais une petite santé. Plutôt grand, assez fin, pour ne pas dire maigre, je le savais endurent, pour l’avoir vu à l’oeuvre. La volonté faisait son oeuvre. Mais il chopait tous les virus possibles et inimaginables. Ce n’était probablement pas une si bonne idée de l’avoir amené, finalement. Mais Dean était de ceux qui n’abandonnent jamais.

Avec son avis et son opinion, à force de scruter les vues aériennes des régions, nous avons fini par être d’accord : la forteresse de Kuelap était notre destination. L’itinéraire d’Elvis a fait pâlir Dean par anticipation mais je l’ai rassuré. Ce serait un bon voyage touristique jusque là !

Si nous avions encore des doutes sur la justesse de notre point de localisation, notre difficulté à nous y faire conduire nous a confirmé que nous étions sur la bonne voie. Dean était patient, mais pas autant que moi. Quitter l’hôtel lui a semblé être la meilleure idée qui soit. Je l’ai vu rougir de retenue pour ne pas démonter le jeune stewart à l’accueil.  En réalité, si je suis resté calme, c’est parce que Dean s’énervait pour deux. En silence, discrètement, mais je l’ai vu dans ses gestes, le ton de sa voix...

C’est lui qui a décrété pourtant que nous irions à pieds puisque tout le monde refusait de nous y conduire. De rage, il a pris les devants. Et ça m’a fait sourire. J’avais failli prendre Cole, mon meilleur ami et frère d’armes. Mais avec sa femme et sa fille, j’ai pensé que ce n’était pas le moment. Il aurait tant aimé un voyage comme ça. L’armée lui manquait, plus qu’à moi. On bougeait, on voyageait, on vivait des aventures… Dean avait beau faire sa tête des mauvais jours… Je le soupçonne d’avoir choisi la marche à pieds pour en profiter pleinement, avec un retour aux sources des plus naturelles. C’est pour cette raison que j’ai pris la route avec le sourire, et sans rien dire.

Néanmoins, plus de 1000 kilomètres, à pieds, sur des routes inconnues le stop nous a semblé une bonne idée. Cependant, deux américains en backpack, dont un tatoué de partout, personne ne s’est arrêté. On a vu de tout en voitures, en cars, en bus, en camions… On a fini par s’arrêter en fin de journée dans un relai pour dormir et manger. Dean est sorti pour voir s’il trouvait du réseau pour appeler Elvis. Moi… J’ai cherché une voiture avec Skylar

Cette fois, j'ai commencé à m'énerver.

Je n'ai parlé qu'à trois personnes. Chacun m'a fui comme la peste quand j'ai parlé d'où nous allions. Non seulement je trouve ça suspect mais ça commence sérieusement à m'énerver.

Je ne parle même pas de Dean qui a très peu dormi et qui est fichtrement soupe au lait.

Une fois Dean remis de son mal de l'air et de son mal du pays, Skylar s'éclatant comme une folle sur les bords de route pour les pauses pipi, nous sommes passés de voiture en voiture, de chauffeurs en chauffeurs, de bus en car... Atteindre la forteresse s'est avéré un calvaire. Tout le monde refusait catégoriquement de nous y emmener, ni même de nous rapprocher. Nous avons autant roulé que marché et je dois dire que plus la patience regagnait Dean, plus elle me quittait.

La fin de la route ? Nous l'avons faite à pieds avec des chaussures qui endossaient loyalement leur rôle en une semaine lorsqu'en temps normal, cela leur prendrait bien l'année. Le tout à l'aide d'une carte qu'on a bien voulu nous dessiner... Assez subjectivement. Les coussinets de Skylar ont également souffert mais pour ce que j'en sais, elle ne dit rien.

Il fait nuit, nous avons dressé un camp au pied de la montagne que nous nous apprêtons à gravir demain. Dean dort à poings fermés et Skylar lui tient chaud contre son torse. Les journées sont chaudes mais les nuits fraîches.

Je ferais bien de dormir, aussi mais... Quelque chose me taraude. Je verrai demain. Le plus dur est à venir et j'ai besoin de réfléchir.

En levant les yeux, je peux voir les lumières dans la nuit. Je suis adossé contre mon sac à dos et je crois n'avoir jamais vu un ciel pareil de toute ma vie. j'ai pourtant été au Moyen-Orient pendant des années. L'air est différent, ici.

Au pied de la montagne, il y a des ruines de ce qui ressemble avoir été une guérite des années plus tôt. On s'est installés là pour la nuit, protégés du vent et au moins, nous avons de quoi nous cacher. Il y a un chemin qui mène du plateau de la guérite jusqu'à notre point de destination. Par prudence, j'ai pris le premier tour de garde. J'espère bien qu'un de ces types va finir par descendre de sa tour. Ils ne peuvent pas vivre reclus là-haut toute leur vie, après tout.

Tout à l'heure, j'ai voulu partir en reconnaissance mais j'ai réveillé Skylar qui est partie à ma place. C'est assez étrange de la voir s'exprimer alors qu'elle n'a pas l'usage de la parole. Les codes restent les mêmes... Son regard aussi.

En levant les yeux, je peux voir les lumières dans la nuit. Je suis adossé contre mon sac à dos et je crois n'avoir jamais vu un ciel pareil de toute ma vie. j'ai pourtant été au Moyen-Orient pendant des années. L'air est différent, ici.

Au pied de la montagne, il y a des ruines de ce qui ressemble avoir été une guérite des années plus tôt. On s'est installés là pour la nuit, protégés du vent et au moins, nous avons de quoi nous cacher. Il y a un chemin qui mène du plateau de la guérite jusqu'à notre point de destination. Par prudence, j'ai pris le premier tour de garde. J'espère bien qu'un de ces types va finir par descendre de sa tour. Ils ne peuvent pas vivre reclus là-haut toute leur vie, après tout.

Tout à l'heure, j'ai voulu partir en reconnaissance mais j'ai réveillé Skylar qui est partie à ma place. C'est assez étrange de la voir s'exprimer alors qu'elle n'a pas l'usage de la parole. Les codes restent les mêmes... Son regard aussi.

Malgré nos difficultés pour arriver, il s'avère que nous avons plus de chance pour nous frayer un chemin à l'intérieur.

Nous avons éloigné les gardes et Skylar les surveille de près. Elle a l'avantage de s'être réincarnée dans un loup plutôt imposant et au regard menaçant.

Je hais les sectes. Je n'ai jamais aimé ça.

Cette doctrine qui affecte les plus jeunes et les plus naïfs... Tout ça pour quoi ? Des idées. Les idées, c'est bien un truc qui nourrissait les guerres il y a des siècles, mais aujourd'hui, un peu de cervelle ne ferait de mal à personne.

Je sais une chose : je vais clairement manquer de patience face à cette gamine. Ce n'est pas pour rien que j'ai dit à Dean de venir avec moi, il est plus doué 1/ avec les filles et 2/ avec les adolescentes. Il possède bien plus de patience que moi.

Mais avant ça... Il m'a fallu la choper par le col.

En regardant brièvement par-dessus mon épaule, je n'ai plus aperçu Dean. Autant dire que je suis devenu nerveux. Il était mon passemort pour ramener Nausicaa à la maison, et je n'étais pas certain de m'en sortir tout seul. Mais j'avais mieux à faire que m'apitoyer sur mon incompétence à dialoguer avec autrui.

Quand Nausicaa est arrivée à sa chambre, il n'y avait presque plus personne dans le couloir. J'étais on ne peut plus exposé. Mais j'ai fait comme si de rien n'était, le plus possible.

- Qu'este-ce que tu fais ici, jeune homme ? je lui ai demandé. Je suis certain que tu as encore des choses à faire pour ce soir !

Il a filé sans demander son reste alors que Nausicaa ouvrait enfin sa porte. Cette petite morveuse commençait à jouer avec mes nerfs. Elle m'a demandé qui j'étais en me reconnaissant pas, je n'ai pas tourné autour du pot. Elle a même reculé jusqu'à sa table de nuit pour attraper ce que je suppose avoir été dans sa tête une arme.

- Votre père m'envoie. Je suis là pour vous ramener à la maison.

Je ne suis pas doué avec les filles, encore moins les adolescentes.