[CLOS] [Leaders] Sous le signe de l'unité

Mai 2074

Sliders avait pas mal de passage et la Résistance connaissait trop de bruit et trop de personnes. Du coup, les réunions de l'Underground se faisaient plus souvent à Salvation, bien plus calme et le moins peuplé. Mais trouver un moment pour les trois têtes de l'Underground n'était pas une mince affaire. Les horaires de Maddison étaient pénibles et les devoirs de Maze et Reese envers leurs propres quartiers ne coïncidaient pas. Finalement, les réunions étaient décrétées 6 mois à l'avance... En exagérant à peine.

Reese entra dans la large pièce dans laquelle se trouvait une simple table, des chaises, un tableau et un ordinateur pour garder un lien avec Evan si besoin était. PLutôt austère mais c'était un endroit qui ne servait à personne et elle n'était jamais occupée, le strict essentiel, donc. En arrivant, Reese jeta une pizza devant Maddison comme on jète un morceau de viande à un lion. Elle se tremoussa en enlevant ses pieds de la table et se redressa en l'ouvrant pour humer l'odeur qui s'en dégageait. Mais Reese ne fit que peu de cas d'elle.

Il s'était passé tantde choses ces derniers temps. Entre l'alerte au gamin disparu, l'arrivée de la mystérieuse Sam, et un certain Archibald avait réussi à entrer dans le système de l'Underground en contournant Evan... Reese avait sonné l'alerte mais les deux autres avaient répondu avec autant de vivacité. Il commençait à se faire tard mais tous les trois avaient autant d'énergie qu'une pile neuve. Néanmoins, Reese avait la mine sombre et ce n'était pas à cause de la fatigue que lui causait Sam. Celle-ci commençait à se calmer depuis qu'elle avait pris conscience de son pouvoir. Mais il restait encore du travail. Si Reese s'adressait à Maze comme à un copilote, il semblait bien plus froid et à cran quand il s'agissait de Maddison et ce, malgré la pizza pour calmer la bête. Mais elle était de moins en moins là, laissait de moins en moins entendre où elle se trouvait, avec qui et ce qu'elle faisait. Voilà de quoi porter sur les nerfs de Reese. Non qu'il cherchait à la contrôler mais il sentait qu'elle cachait quelque chose. Il la connaissait depuis suffisamment longtemps pour le savoir.

_ J'aimerais que quelqu'un m'explique comment un petit malin a pu s'introduire chez nous, comme ça, d'un claquement de doigt, alors que Evan n'est pas capable de remettre la main sur ce gamin que toute la ville recherche pour en savoir plus.

Maddison releva la tête pour regarder Maze et Reese tour à tour.

_ Je vous ai dit que je voulais le recruter ?

Reese leva les mains et tourna les talons en soupirant, sûrement pour rester calme. Maddison jeta un regard à Maze, les yeux ronds, et haussa les épaules sans comprendre. Ou du moins, fit-elle semblant.

_ Quoi ?

Le temps défilait trop vite et se retrouver à trois n’était pas si simple finalement, mais peut-être aussi qu’aucun d’eux ne souhaitait réellement ces réunions tripartites ?

Maze avait passé une journée sans heurts par chance et donc il était armé de son potentiel de patience maximum, ce qui n’était pas énorme mais cela devrait suffire non ? Il avait répondu sans sourciller à la requête de Reese, parce qu’avec lui il n’avait finalement pas de réel problème de communication, ils avaient des méthodes très différentes mais tous deux savaient ce qu’était l’armée et cela faisait une bonne base.

Maze était dans la pièce avec Maddison à qui il avait à peine adressé un « salut » en entrant.

Reese jeta une pizza devant Maddie, comme on jette de la viande aux fauves, pour calmer ses appétits, il aurait pu en rire mais savait que c’était forcément une bonne chose pour que le conciliabule soit à peu près correct.

L’entrée en matière fut rapide et la réponse tout autant.

- Ce mec passe nos pare-feu, se fout de nous ouvertement, se joue d’Evan sans le moindre souci et tu veux le recruter ? comme ça ? T’as fait des recherches sur lui au moins ? On sait ou se trouve la faille ? Evan bossait dessus mais j’ai pas eu son rapport. Perso savoir qu’un étranger peut agir sur notre réseau ça m’inspire pas confiance. Le recruter je dis pas non de base mais j’aime pas aller dans l’inconnu pour ma part et faire entrer le loup dans la bergerie ça me plait pas du tout.

Il y avait d’autres sujets du même genre d’ailleurs.

- Et l’amnésique c’est pareil, pas savoir ce qui se cache dans sa tête ça me pose problème, elle peut être n’importe qui. Je sais qu’elle est sous surveillance mais ça fait beaucoup de nouveaux avec des points d’ombre.

Maze de mon côté, voilà qui m'aurait étonnée. J'ai roulé des yeux. Je m'attendais à ce genre de réponse et la mienne était déjà toute prête. Je l'avais préparée pendant des heures, non pour réussir à coincer les deux autres leaders de l'Underground, mais parce que j'avais toujours appris à fournir des réponses construites. Je comprenais aussi l'inquiétude de Maze, comme l'exaspération de Reese. Quoique furent nos différends, nous avions toujours mis un point d'honneur à la discussion. C'était bien pour cela que nous organisions avec précaution ces petites cellules d'isolement pour mettre les choses au point.

Reese a arrêté Maze d'un simple geste de la main. Aborder le sujet de Samiha était bien entendu inévitable mais il avait encore besoin de temps. S'il ignorait pour l'instant que les deux choses étaient liées, je n'en ai rien dit. Je ne savais rien de Archibald, mais je savais beaucoup de choses de Sami. J'ai regardé l'un puis l'autre alors que Reese reprenait. Il passait plus de temps avec elle récemment que moi les premiers jours. Maintenant qu'elle connaissait son pouvoir, il devenait plus facile pour moi de l'appréhender. Et pour Reese également. Je l'ai vu dans ces yeux... Elle commençait à prendre sa place au sein de Salvation. Une place que Maze ne verrait sûrement pas d'un bon oeil. Et en sachant qui elle était, je ne pourrais pas lui en vouloir.

– Je sais. Mais j'ai encore besoin de temps. Son amnésie n'est pas feinte, c'est une chose certaine. Pour le reste, on ne peut rien faire de plus pour le moment.

J'ai ouvert les mains sur la table, une part de pizza entre mes doigts et j'ai écarquillé les yeux en observant Maze. J'étais d'accord avec lui et le rapport d'Evan n'aurait rien changé. Alors, je me suis contentée de hausser les épaules.

– Ca te vient pas à l'esprit qu'on pourrait avoir besoin de quelqu'un comme ça ? Evan subit des attaques tous les jours. Et de plus en plus. Nous nous développons, nous nous agrandissons. Nous recevons de plus en plus de personnes au point qu'il va un moment falloir songer soit à fermer nos portes, soit à nous agrandir géographiquement. Evan ne peut malheureusement pas tout gérer. Peu importe la faille, elle est colmatée, à présent. Je songe à recruter ce type, Evan est à sa recherche en ce moment-même, parce que s'il avait voulu nous faire du tort, il l'aurait déjà fait. Il n'était pas là pour nous attaquer. C'est un cyberpathe. Evan a reconnu sa marque, il ne s'agit pas d'un hacker comme les autres. Il est bien plus poussé, doué, agile et malin. S'il voulait nous attaquer, il l'aurait fait. C'est un allié, Maze...

J'étais du genre pragmatique et c'était sans nul doute la façon qu'avait Maddison de présenter les choses plus que le fond qui me foutait souvent en rogne. Et la si je pouvais parfaitement comprendre que les recherches, le travail de compréhension puisse demander du temps, cela m'agaçait qu'elle réponde en repoussant le sujet d'un simple revers de la main.

J'inspirais profondément avant de répondre.

- Soit, Paris ne s'est pas fait en une journée dit-on. Mais si les réponses ne viennent pas à moi j'irai moi même en chercher, pour l'heure je vous laisse en charge de Samiha je sais qu'elle est entre de bonnes mains.

Nul mauvais jeu de mots ou allusion grivoise c'était un fait simple et avéré, j'avais confiance autant en Reese qu'en Maddison en réalité c'était ça notre force. La suite bien sûr que j'y avais songé mais malgré je trouvais cela dangereux.

- Ne me prend pas pour un simple d'esprit Maddie, je sais qu'Evan réalise une oeuvre titanesque au quotidien je dis juste que ce n'est pas parce qu'un mec aussi génial soit-il parvient à passer nos défenses qu'il faut absolument le recruter, qu'il est notre allié. Cela tu ne peux le certifier, oh bien sûr tu vas me sortir ton instinct, ton empathie et tout le toutim mais moi je me base sur les faits. Evan a colmaté la brèche ça ça me parle c'est factuel et précis. Evan galère de plus en plus aussi ça me parle, on a besoin d'un nouvel allié aussi. Mais faire le raccourci direct non, on doit d'abord savoir si ce mec est digne de confiance et si il ne va pas juste venir faire mumuse ici et partir ensuite ailleurs.

Le reste c'était plus problématique, notre extension.

- Maybel a commencé à réfléchir a un plan pour nous permettre de produire certaines denrées, elle travaille avec les ingénieurs pour voir pour mettre ça en oeuvre mais c'est un fait on fait penser à l'avenir. Et si je rêve de vivre la haut, je sais que c'est pas pour demain et que des gens dans le besoin qui ont besoin de nous il y en a tous les jours hélas.

J'ai roulé des yeux.

– Je ne dis que tu es un simple d'esprit, Maze, je te rappelle simplement les fais. Et oui, je suis désolée mais je fonctionne à l'instinct. J'ai toujours fait comme ça. Mais je n'ai pas non plus parler de le recruter aveuglément, je ne suis pas stupide.

Je parlais calmement. Je n'avais pas l'intention de me mettre en colère, ni de pousser Maze à bout, contrairement à ce que tout le monde pouvait imaginer. J'étais parfaitement capable de tenir une discussion sans m'énerver. Bien plus souvent qu'on ne me l'accordait. Reese s'est installé à mes côtés dans un soupir mais n'a rien dit. Il mesurait les paroles, les possibilités et les différents scénarios qui se présentaient à nous.

– Ce que je veux dire c'est que s'il avait voulu nous attaquer, Evan se serait agitée bien plus que ça. Je... Je suis désolée, je n'arrive pas à y voir une attaque. Mais il a trouvé une faille dans notre système et s'y est engouffré. D'une certaine manière, il est presque plus puissant qu'Evan. Maze... Je n'ai pas envie de savoir ce type dans la nature, capable de nous attaquer un jour si l'envie lui prend. Il était curieux de nous, il nous a touchés. Je préfère l'avoir à l'oeil. Ici. Vous voyez ce que je veux dire ?

J'ai tourné la tête vers Reese qui conservait le silence. Les yeux bas, il a suivi ma part de pizza jusqu'à ma bouche mais n'a encore une fois rien dit. Je me suis humectée les lèvres avant de reprendre.

– Quant à nous étendre, ça me fait peur. Notre avantage est que nous sommes un point discret dans une immense ville. Si nous agrandissons ce point, j'ai peur que quelqu'un ne réussisse à nous trouver... par hasard. Est-ce que tu vas finir par ouvrir la bouche ou tu vas attendre que Maze et moi prenions les décisions sans toi ?

Reese a relevé la tête en haussant les sourcils. Je le désignais d'une main et il a porté son attention sur Maze avant de le reporter sur moi. Il a cligné des yeux et haussé les épaules.

– Je n'en sais rien. Je comprends ton point de vue. Je suis d'accord avec Maze. Pour ce Cyber, j'entends. Quant à nous étendre, j'imagine... Que c'est un risque à prendre. - J'ai haussé les sourcils en me penchant vers lui. Nous attendions toujours que ce soit lui qui prenne la décision finale. Mais cette fois, il semblait ne pas avoir d'opinion arrêté. Il a secoué la tête, agacé - Je n'en sais rien, d'accord ? C'est un pari risqué ! Ce n'est pas aujourd'hui qu'on pourra décider catégoriquement si oui ou non on peut recruter ce type. Je fais confiance à Evan mais nous avons besoin de plus d'informations. C'est trop léger.

Les images et sons pornographiques qui avaient abasourdi l'Underground restaient dans ma mémoire, je le reconnaissais. C'était une farce, oui, mais d'un goût douteux.

Malgré moi je souris devant les yeux ronds de Maddie. Je restais un instant silencieux avant d’ajouter.

- Je sais comment tu fonctionnes la n’est pas la question et je sais que ça te réussit bien, seulement moi pour avancer j’ai besoin de certitudes je veux juste être certain que tu ne vas pas agir simplement foncer tête baissée mais soit. Je pense que Reese sera d’accord pour que tu te charges d’enquêter et de te renseigner sur lui avant de l’approcher et le recruter éventuellement si il peut se révéler fiable et de confiance. Pour ma part je file un gars qui pourrait potentiellement être intéressant, c'est du stade de l'observation pour le moment mais il pourrait être une bonne recrue de ce que j'ai vu de ses compétences. Mais je vais suivre le protocole, étudier, analyser, ses faits et gestes avant de le confronter et le tester, la routine en somme.

Visiblement Reese partageait mon point de vue, son silence était aussi parlant que de grands discours.

Reprenant le sujet de l’extension, ce n’était pas tant que je le souhaitais mais que nous allions finir dans un mur si nous continuions à recueillir du monde sans chercher des solutions. Mieux valait prévenir que guérir.

- Nous étendre est dangereux mais vivre entassés, va devenir dangereux aussi d’un point de vue sanitaire, et voler des ressources, des medocs, ça va un temps mais cela ne suffit pas. On va devoir y réfléchir sérieusement.


Reese avait toujours eu le cul entre deux chaises, car c'était exceptionnel que Maddie et moi ayons le même point de vue, du coup il devait trancher, chose que nous acceptions sans cri au final, un triumvirat fonctionnait ainsi, deux voix contre une ou un accord total pour une décision d'importance.

– C'est déjà ce que je fais, j'ai pas attendu que tu me le dises. Je le suis ton protocole.

Maddison soupira en jetant le trottoir de sa pizza dans la boîte et elle s'est frottée les mains, son dos repartant dans le dossier de sa chaise, et ses pieds sur la table. Elle croisa les bras en regardant Maze. Reese était conscient combien elle avait horreur qu'il la regarde comme ça. Ca avait tendance à l'insupporter. Il lui donnait l'impression de ne pas être aussi douée que lui ou plus immature que lui... Reese leva simplement une main pour calmer le jeu, posant son regard dans le sien. Maddison secoua la tête pour regarder ailleurs, exaspérée de s'entendre passablement réprimandée alors qu'elle n'avait encore rien fait - techniquement.

– On sait. Mais on décidera de ce qu'on fait quand on aura eu suffisamment d'informations. - Il reporta son attention sur Maze - Quant au reste, je suis d'accord. Beaucoup d'entre nous ont un travail mais le pourcentage de salaires ramené au budget n'est pas suffisant pour couvrir tous les besoins de l'Underground. On va devoir songer à des ressources extérieures, de manière plus légale, aussi. - Maddison reporta les yeux sur Reese en fronçant les sourcils - Comment fait Liberation à votre avis ? Ils se font financer. Qui, on l'ignore mais à un moment donné, ils obtiennent de l'aide quelque part. Le découvrir ne fait pas partie de nos missions mais... - Il soupira en acquiesçant - Un peu de soutient de la Ville Haute ne serait pas du luxe. Les foyers d'adoption, les cliniques... Ce n'est pas suffisant. Ce ne sont que des échanges de bons procédés. Nous étendre n'est peut-être pas une bonne idée. Du moins, pas en souterrain. Peut-être que ce que nous devons étendre, ce sont nos partenariats. Plutôt que de ramener à nous les gens dans le besoin, il serait de meilleur ton que de les diriger dans des chemins de confiance. Et ainsi, réguler nos entrées et sorties. Nous commençons à être connus. Et reconnus. On nous cherche et ce, de plus en plus activement. Sans le vouloir, nous mettons de plus en plus de personnes en danger. - Il leva une main avant que Maze ou Maddison ne cherche à l'interrompre et il s'humecta les lèvres pour reprendre - Je pense que nous allons devoir arrêter de recruter.

– Mais !

– Laisse-moi finir ! Je veux dire par là que nous devrions arrêter d'héberger la veuve et l'orphelin. Ce n'est pas pour les aider. Ni eux, ni nous. Nous ne pourrons pas sauver tout le monde. Nous ne pourrons sauver personne si nous n'avons plus de visibilité sur qui nous avons à protéger. L'Underground n'est pas un foyer d'adoption. Je pense... Que si nous devons frapper, et frapper juste, nous devrions changer notre ligne de conduite. Et nous recentrer. Comme pour ce gamin que tout le monde cherche. Notre but n'est pas de l'avoir chez nous. Mais de le rendre à qui de droit. - Reese leva les yeux sur Maze - C'est qui ce type que tu files ? Qui est-il, que fait-il, que peut-il nous apporter à nous comme au reste de la ville ? Tu vois, ce sont ces questions que nous devrions nous poser au lieu de simplement prendre sous notre aile des personnes dans le besoin. Les couver n'est pas dans leur intérêt.

Sur le coup j'avais bien envie de lui répondre que ce protocole qui semblait la gonfler était partie intégrante de notre sécurité mais je n'avais pas envie de rentrer d'entrée de jeu dans un conflit stérile. Étonnamment, j'arrivais toujours à me comporter comme un sale môme quand il s'agissait de "débattre" avec Maddie, il fallait que je cherche le dernier mot quel qu'en soit la raison ou le prix.

Reese se décida enfin à intervenir et je l'écoutais en silence, mesurant ses mots comme toujours. Il avait raison en effet mais cela me dérangeait de ne pas pouvoir aider ceux dans le besoin, qui étions nous pour faire des choix sur qui aider? Moi je voulais ne faire aucune discrimination mais je savais que c'était problématique d'ou le sujet mis sur le tapis, seul je n'avais pas les réponses, à trois c'était plus simple d'envisager des pistes.

- Je comprends ton point de vue Reese, il est le fruit d'une logique sans faille mais ça me déplait totalement de me dire qu'on va choisir qui on peut aider au final et ne pas donner la même chance à tous. C'est ça notre vrai job après tout, aider ceux qui en ont besoin et prendre à nos côtés ceux prêts à nous aider. Les partenariats sont une bonne idée oui mais se faire financer? J'aurais l'impression de me prostituer et de bosser de nouveau pour une organisation.

Et ça c'était pas possible, j'endossais un costard pour escorter des riches mais que notre monde soit sponsorisé par un riche? Ca me donnait la gerbe littéralement.

Le pire? Sur ce coup Maddie aussi en désaccord que lui c'était assez nouveau.

- Si on essaye pas de sauver tout le monde personne ne le fera et ils crèveront la bouche ouverte, on est en guerre contre le système oui mais pas au détriment des nécessiteux. Je suis avec toi pour agir et frapper quand et ou tu veux mais je continuerai d'aider ceux qui peuvent pas se défendre.

Avec ou sans l'aval des autres, c'était une certitude, je ne transigerai pas la dessus.

- Ma recrue potentielle coutera rien, c'est un ancien soldat autonome, un mec qui a des couilles et qui pourrait me seconder dans des missions ou je ne veux pas mettre Maybel ou Amber en danger tout simplement. Rien n'est fait mais j'ai bon espoir qu'il puisse correspondre au rôle que je souhaite lui donner.

Revenant sur le sujet du gamin par contre j'avais des questions.

- Ok ce môme, que sait-on exactement? d'ou viennent les infos sur lui, d'ou vient la rumeur, qu'avons nous exactement sur lui? Quand et ou son existence a commencé à se faire connaître? Et si on le trouve, on le rend à qui de droit, c'est beau ça, mais c'est qui ou quoi? Personnellement je n'ai rien sur ce sujet de concret et il serait peut-être que je m'y mette car pour l'heure je suis hors course et cela me déplait !

J'ai froncé les sourcils en étudiant Maze. Etait-il possible que nous soyons d'accord sur quelque chose ? Ce n'était pas impossible, ce n'était toutefois pas bien fréquent, suffisamment rare pour être noté sur un calendrier au feutre rouge. Quoiqu'il en soit, j'ai acquiescé. Notre mission première n'était pas de jouer les héros mais de protéger les nôtres et ceux dans le besoin. Pour nous, pour faire valoir notre héritage, du moins le mien. En voyant ma tête, m'associant de ce fait à Maze, Reese a levé les mains en fermant les yeux. J'ignorais pourquoi il n'était pas plus combatif. Ensuite, je n'étais pas non plus totalement d'accord avec Maze. Sur plusieurs points, je rejoignais Reese. Mais le fait que celui-ci ne se battait pas m'a mis la puce à l'oreille. Il a soupiré et passé son index sous son nez alors que Maze reprenait ses interrogations. Tout ce qu'il a répondu, c'est une mise en stand-by en levant les yeux vers mon comparse.

– Nous verrons selon ce que nous décidons. Ce n'est pas comme si personne ne pouvait t'assister dans ce rôle. Quant au reste...

Il m'a désignée à nouveau d'une main et j'ai soupiré à mon tour alors que son dos retombait dans le fond de sa chaise. Pourquoi avais-je toujours l'impression d'être considérée comme une gamine ? Je respectais Reese car il était mon supérieur. Mais sa façon de présenter les choses laissait à penser que tout ce que je disais n'était qu'une fable. Je n'avais clairement pas besoin de ça avec Maze. Il semblait fatigué, aussi, je n'ai pas décidé de jouer sur ce terrain glissant. J'ai laissé mes pieds retomber de la table et je me suis tournée vers Maze en croisant mes doigts sur la table. Reese s'est frotté les yeux et j'ai repris.

– On ne sait rien. Pas plus que ce que Maybel t'a rapporté. Ce gamin a disparu à Seattle et la dernière fois que quelqu'un l'a vu, c'était ici. Le frère de Maybel a débarqué en ville, c'est un détective et–

– Ce n'est pas ça qu'il veut savoir, Maddison.

Reese a relevé sa main pour me regarder et il a haussé un sourcil, attendant que j'en vienne à l'essentiel. Bien sûr, Maze voulait connaître le rôle de l'Underground dans tout ça... J'ai roulé des yeux en soupirant un peu plus et j'ai repris, me résignant à parler de mes... fantaisies à un type qui n'en avait rien à faire. Le fait que Reese soit le seul à qui je ne pouvais pas répondre avait tendance à m'énerver mais je n'osais jamais le montrer.

– J'ai reçu une lettre. Visiblement du futur. Mais c'est pas signé. Je sais juste que ça s'adresse à moi. On me demande de retrouver ce gamin et de le protéger. Il y avait un dessin avec, un portrait robot. Ca correspondait au gamin qu'on a vu aux infos.

Reese a tourné les yeux vers Maze pour étudier sa réaction. Personnellement, je n'étais pas impatiente de la connaître. Je n'avais pas peur de Maze, mais je n'avais pas non plus envie qu'il s'oppose à moi à ce sujet. Mon pouvoir n'était pas vu d'un très bon oeil. J'étais capable de changer les choses, j'étais capable de modifier le cours du temps, de jouer au petit Dieu qui s'ennuie. De la même façon que le pouvoir de Samiha me mettait mal à l'aise, je pouvais comprendre que le mien inquiète les plus forts d'esprit... Comme Maze.

Je ne cédais que rarement à la colère au final, j'énervais les gens justement à cause de cela, mon calme et ma froideur la majorité du temps mais la j'avoue que cela commençait à faire beaucoup et surtout je voyais bien que Maddie s'était déjà confiée à Reese et que sans son intervention elle n'aurait jamais lâché le morceau, c'était ça son concept de l'unité et du partage? C'était quand ça l'arrangeait? Je retins une phrase cinglante quand au fait que bien sûr on pourrait assister Maddie, mais encore fallait-il que madame daigne demander de l'aide, la proposer en permanence ça me fatiguait, elle savait qui était la et dispo, à elle de faire la requête parfois non?

Pour la suite, je serrai mes poings à m'en faire blanchir les phallanges, parce que la sérieusement c'était se foutre de ma gueule ouvertement. Ne pas cogner sur le mur pour passer mes nerfs cela ne servirait qu'à casser des briques qui n'avaient rien demandé. J'inspirai profondément, le silence plana pendant de trop longues secondes avant que je ne réussisse à parler.

- Une lettre du futur, pour toi? C'est ton écriture ou pas? Je peux voir ce message au moins et connaître son contenu exact hormis qu'il y a un portrait robot? Dans tous les cas, celui ou *celle* qui a envoyé ce message a joué avec le temps et donc a voulu changer le futur ou le passé et donc jouer à Dieu...

Je réfléchissais passablement en colère du coup.

- L'enquête du frère de Maybel a-t-elle progressé? Ce prof quia disparu quelqu'un a des pistes ou lui aussi s'est évanoui dans la nature? Et a-t-on compris ce qu'il s'est passé les deux heures entre la découverte de la disparition du gamin Novak et quand les parents ont été prévenus? Ca avance? D'ailleurs j'y repense, pour l'amnésique, vu que sa puce a été enlevée, à mon avis son accident est du a des activités particulières et c'est du côté de Liberation qu'il faut chercher, le fait qu'elle soit invisible, inconnue de tous les systèmes je ne vois pas d'autre explication. Mais c'est pas la question du moment, ce môme donc.

Je tendais la main pour voir la note qui devait forcément être la non? Et je continuais de réfléchir, après tout on était la pour ça non? Echanger nos infos et cogiter à trois.

J'ai fixé Maze. Longuement. Je n'avais pas besoin de parler, mes yeux le faisaient pour moi.

- Une lettre du futur, pour toi? C'est ton écriture ou pas? - J'ai soupiré. - Non. Je peux voir ce message au moins et connaître son contenu exact hormis qu'il y a un portrait robot? - J'ai pris sur moi pour rester calme. - Maze... - Dans tous les cas, celui ou *celle* qui a envoyé ce message a joué avec le temps et donc a voulu changer le futur ou le passé et donc jouer à Dieu... - J'ai frappé du plat de la main sur la table. Je savais reconnaître une attaque de Maze quand j'en voyais une. - Hey ! J'en sais pas plus que toi, d'accord ?

Une seconde, j'ai cru que Reese plaiderait en ma faveur mais il s'est contenté de ne rien dire en écoutant les questions de Maze. Si ce dernier pensait avoir été évincé, je me demande ce qu'il pensait du fait que sa charmante petite protégée avait fait de même avec moi.

– Je ne sais pas où en est le frère de Maybel. Je n'ai pas été mis au courant.

L'air peu aimable, je n'ai pas quitté Maze de mon regard noir. - Moi non plus. Je suis allée le trouver dans son motel mais le dossier qu'il m'a montré est le même que celui qu'a eu Maybel. Vu qu'elle avait omis de me tenir informée ! - Mon ton avait monté et Reese s'est chargé de me rappeler à l'ordre. J'ai soupiré et j'ai croisé les bras sur la table. C'était Maze qui voulait savoir, après tout... - Quand j'ai eu cette note, je suis venue vous voir tous les deux en priorité. Mais toi, tu étais à Chicago à ce moment-là. Si ta brunasse est pas capable de faire passer les messages, c'est pas mon problème, moi j'ai fait mon travail.

– Maddison !

Devais-je notifier qu'en plus de Amber, j'avais un problème avec Maybel ? En considérant Maze, il portait à croire que j'avais un réel contentieux avec tout Resistance. Mais parler de Liberation ? Franchement ? Depuis quand Maze les soupçonnait ? Et depuis quand est-ce que je me levais, les mains à plat sur la table pour opposer ma taille à celle de Maze ? Reese m'a imitée en levant les mains. Si bagarre il devait y avoir, il s'en mêlerait. A coup sûr.

– Ce n'est pas parce qu'il lui manque sa puce qu'elle est obligatoirement de Liberation. Tu as la tienne et tu n'en fais pas partie, il me semble ! Quant aux autres, elle ne serait pas la seule dans l'illégalité, je te ferais remarquer et encore une fois, toujours pas de Liberation. Arrêtez de faire cet amalgame : pas de puce = Liberation. Sinon, je vais arracher la mienne, ça va vous faire passer l'envie de confondre !

J'ai soulevé mon pull pour lui montrer ma poitrine derrière mon débardeur, le tout avec une gracieuse grimace. Non, je n'avais pas cette note sur moi en permanence. Et c'était aussi ma façon de lui dire d'aller se faire mettre. Ce à quoi Reese a roulé des yeux en se demandant quand allait sonner la cloche de la récréation. Ces réunions étaient toujours pénibles. Autant pour lui que pour nous.

– Ca lui disait juste de retrouver le gamin dont le gouvernement se servait. Rien de plus. Juste un détail qui fait penser qu'on s'adresse bien à Maddison mais ce n'est pas signé. Je doute que ce soit une farce. Mais nous n'avons rien pour le moment. Toute la ville est à sa recherche, les forces de police font choux blanc. Si quelqu'un a retrouvé ce gosse, il le garde bien au chaud. Il eut été intéressant que ton contact nous dise de quoi il était capable pour être à ce point recherché.

– La récompense a encore augmenté. - J'ai lâché Maze du regard pour reporter mon attention sur Reese. - On n'en parle plus aux infos mais sa photo est accrochée dans tous les services de polices. Les Paramedics, les pompiers, les hôpitaux. Si quelqu'un le voit... Il ne pourra pas le louper. J'ai fait analyser la note, le papier était quasi neuf, à croire qu'il a été écrit d'ici. L'encre était fraîche et l'écriture n'a reçu aucune concordance. C'est ce qui me fait penser que ça vient du futur, peut-être même d'une personne qui n'existe pas encore. Ou que je n'ai pas encore rencontrée. Qui qu'il ou elle soit, il s'est bien gardé de me donner des indices. Cependant, il est vrai que sans cette note... Je n'aurais pas eu l'idée de mettre autant de monde sur le pont.

J'observais chacune des réactions de Maddie, après tout c'était elle la porteuse de la lettre et de la nouvelle, le fait que Maybel ait omis de m'en parler me mettait en rogne et fallait pas me pousser trop sur ce sujet.

- Je pose les questions Maddie pour essayer d'avoir le maximum d'information, désolé si ça t'emmerde d'y répondre pour la nième fois je n'y suis pour rien. Maintenant tu as des contentieux avec toutes les filles visiblement non? Que ce soit Amber ou Maybel et ce sont vos affaires je m'en contrefout, par contre crois moi bien, Maybel va entendre parler du pays pour avoir omis de me parler de votre conversation et me faire passer pour un con sans information.

Ca elle allait m'entendre, bien sûr elle jouerait de ses grands yeux pour tenter de m'apitoyer mais bordel, c'était visiblement pas une simple affaire d'enlèvement ou de fugue de gamin, si quelqu'un, quel qu'il soit prenait le risque d'envoyer un message du futur alors c'était important, même si je ne le reconnaitrais pas forcément devant Maddie, Reese seul ok je l'aurais fait. Parfois je me disais qu'on se comportait comme deux mômes avec Maddie mais je ne voyais pas comment faire autrement, ça venait des tripes, elle me gonflait.

Le sujet des puces, je restais un instant silencieux. Oui j'avais ma puce mais mon passé je n'en avais parlé à personne et surtout pas à elle, savait-elle que j'étais un candidat? Visiblement oui, elle avait du faire des recherches forcément, soit.

- Vas y arrache la tienne, te gêne pas par contre tu pourras plus être flic je te le rappelle et t'as ça dans le sang ce serait donc juste totalement stupide.

En soit comme elle était tout sauf bête, elle ne le ferai jamais non?

-Quand à ma propre puce c'est pour emmerder le monde que je la garde, pour montrer que je suis la sous leurs yeux et qu'ils peuvent rien me faire finalement.

Oui j'avais de la confiance à outrance, bien sûr je ne savais pas encore ce que le pouvoir de Samiha pourrait me faire si elle venait à m'en vouloir.

- Et si je parle de Liberation, c'est pas un mot tabou que je sache même si ça a le don de provoquer des crises ici. C'est parce qu'en général ceux qui enlèvent leur puce et font disparaitre toute trace d'eux et fuient le système finissent par rejoindre cette faction non? J'ai pas dit c'est un membre, j'ai dit on pourrait regarder de ce côté là, ça te fiche la trouille cette idée? Dommage ça reste une possibilité, j'ai pas de probabilité, faudrait demander à Evan de calculer ce genre de trucs si tu veux mais c'est pas impossible faut le garder en tête c'est tout.

Reese par chance avait le don de calmer ou apaiser le jeu et ces paroles me firent me concentrer de nouveau sur le petit Novak, ok soit, j'avais confiance en lui de toutes façons.

- Et les organismes d'état n'ont donc pas plus de pistes que nous c'est bien ça au final? On est tous bloqués par un mur, le môme est arrivé à Megalopolis par on ne sait quel moyen et plus la moindre trace depuis? Les orphelinats et foyers sont aussi sur le coup? Le prof qui a disparu en même temps, des recherches ont été faites?

Reese plaça une main devant Maddison qui se redressa. Un peu plus, elle sautait à la gorge de Maze. Etait-ce si compliqué que de tenir une réunion à trois sans avoir ces deux là en train de s’écharper ? Deux têtes, aussi fortes que les leurs, bien remplies et pleines. Deux personnalités aussi charismatiques et intelligentes, et ils n’étaient pas capables de s’intéresser l’un à l’autre plus d’une seconde d’affilée. Reese était pourtant intimement convaincu que ces deux-là pourraient parfaitement bien s’entendre. Si Maddison était capable d’éprouver des sentiments particulièrement intenses pour Abel, il allait sans nul doute qu’elle en était aussi capable pour Maze. Et il se souvenait de comment elle se comportait avec lui quelques années plus tôt. Il savait que Maddison ne s’énervait jamais sans raison. Même quand tout le monde croyait que le souci n’était que Maze, Reese était toujours conscient qu’il y avait… Autre chose.

Il roula des yeux et soupira, exaspéré et repoussa Maddison d’une main sur sa gorge. Maze commençait à la provoquer sur son terrain et la faire taire deviendrait bientôt plus compliqué si le leader de Resistance n’y mettait pas un peu du sien. Le sujet de Liberation n’était pas tabou mais à chaque fois sujet à discordes. Et encore plus depuis quelques temps que d’ordinaire. Sans le savoir, ils avaient instauré une faille au sein de l’Underground. Une fissure que Reese avait du mal à colmater quand ces Maze et Maddison jouaient au plus méritant.

Maddison silencieuse, Reese inspira profondément et tourna la tête vers Maze. - Elle marque un point. De plus en plus de personnes trouvent le moyen d’extraire leur puce sans pour autant être affiliées à Liberation. Je pense même qu’on peut commencer à parler d’effet de mode, comme un signe de reconnaissance. On ignore combien ils sont et leur fonctionnement, mais on ne peut pas déduire si aisément que l’absence de puce soit un signe de Liberation. Ce serait trop nous restreindre. Là où Maddison marque un autre point c’est que si Evan n’a encore rien trouvé, peut-être que demander de l’aide à un autre Cyber est une possibilité envisageable. Et je parle au nom de beaucoup ici en disant que oui… Ca nous foutrait bien dans la merde que cette fille soit effectivement de Liberation. Inutile donc d’éveiller les soupçons quant à nos interrogations. On ne dit rien tant qu’on ne sait rien. Ca vaut pour Sliders comme Resistance et Salvation.

Reese ignorait que Maddison savait tout. Il aurait pu tiquer sur le fait qu’elle soit si docile. Elle n’avait même pas répondu à Maze. Elle avait vaillamment regardé ailleurs en croisant les bras. C’était comme si elle s’était totalement désintéressée du sujet. Encore une fois, Reese aurait probablement dû remarquer ce changement de comportement quand il s’agissait de Samiha et par extension de Liberation. Revenant à Maze, il salua un sujet moins tendu.

– Il y a visiblement un gros manque de communication sur cette affaire. Si aucun de nous trois n’est au courant, c’est que l’information bloque quelque part et il existe un réel souci puisque depuis le début, Maddison est évincée. Je ne suis pas allé à Seattle, j’ai envoyé Camy. Elle est rentrée sans rien. Maddison pas mise au courant, elles ont néanmoins appelé Matt à un moment donné pour des renseignements. Mais celui-ci est rentré bredouille aussi.

– Quand j’ai parlé au frère de Maybel, il a semblé étonné que je n’ai pas été au courant. Comme si… Il m’avait déjà tout dit par le biais de sa soeur ou un truc comme ça et qu’il devait m’expliquer à nouveau. Mais on ne peut pas dire que ça ait bien accroché entre nous, alors…

Maddison leva les sourcils et se frotta le nez comme une gamine qu’on venait de prendre sur le fait. Reese leva une main, plus exaspéré que jamais. - Y a-t-il une personne dans cette ville, que dis-je, dans ce monde entier, avec laquelle tu accroches bien ?! - Maddison fit la moue et haussa les épaules - Madame Stephanopoulos ? Hey, je fais des efforts, pourquoi personne les voit ?! - Reese la fusilla du regard mais Maddison eut un sourire en rougissant - Sur Broadway… Chaque fois que je passe devant elle, elle me donne des bonbons.

Reese ne put s’empêcher… De rire. Ce fut de bien courte durée mais Reese retrouva son sérieux. - Notre priorité est de démêler tout ça. Faire le tri. j’ai osé penser que ça pourrait se faire aujourd’hui, je me suis trompé donc nous allons devoir faire ça dans les meilleurs délais. Pour le reste… Est-ce que je peux espérer moins de tension et plus de comportement adulte la prochaine fois ? Maddison, à un moment donné, Liberation va revenir sur le tapis, que tu le veuilles ou non.

Ce à quoi, elle a tout bêtement tourné le dos en resserrant ses bras sur sa poitrine et secoué la tête.

Hélas en un sens, je n’étais pas Reese, je ne connaissais pas Maddison aussi bien que lui et de fait de nombreuses choses ou détails m’échappaient toujours totalement, surement la cause de notre incompréhension basique. Visiblement cependant les deux s’arrétaient au même détail, c’était donc perdu d’avance, je n’aurais pas voix à ce chapitre là.

- Soit je n’ai pas dit que tous ceux qui n’avaient pas de puce étaient de libération, j’ai dit qu’on devait l’envisager comme une des possibilités, qu’il ne fallait pas l’écarter d’office vu qu’on ne sait rien du tout. Et si jamais Maddison recrute ce cyberpathe, qu’il est aussi génial et fiable que cela alors il pourrait aider Evan sur de nombreux sujets oui.

Je n’étais pas fondamentalement contre ce recrutement qu’on se le dise, je voulais juste qu’on sache à quoi s’en tenir avant.

- Quoi qu’il arrive Reese, si on se plante, je n’irai pas dire untel s’est vautré tu le sais très bien, l’undeground se sera trompé point. Par contre quand nous sommes tous les trois je crois qu’on doit continuer de se dire nos vérités sinon ça n’ira pas loin quel que soit le sujet.

Revenant sur le sujet de l’enfant, j’opinais du chef, oui la comm était très mal passée et je me demandais jusqu’à quel point Maybel avait gardé des infos pour peut-être me pousser à rentrer dans le lard de Maddison alors qu’au final pour une fois elle n’était pas fautive des infos qui circulent mal. Je me passais de commenter les relations de Maddison avec les gens, souvent on disait de moi la même chose.

J’inspirais profondément, nous étions des adultes et donc capables de mettre de côté des griefs réels ou pas.

- Reese a raison, encore une fois. Nous devons aller de l’avant tous les trois et regrouper toutes les bribes d’infos que nous avons parce que garder pour nous des choses ne nous aidera pas à retrouver le petit Novak. J’ai pour ma part lu les dossiers que j’ai trouvé, les compilations d’Evan des conversations que certains lui ont retransmis mais en effet je n’ai pas vu de rapports de Maybel. Il va falloir qu’elle s’explique et qu’elle livre le fruit de ses rechecrhes. Maintenant on peut peut-être commencer à réfléchir aux recherches que nous allons devoir mener pour tenter de glâner plus d’infos ?

Maddie nous tournait le dos depuis que Reese avait demandé un peu d’ouverture quand on parlait de Liberation. Sérieusement il fallait qu’elle arrête, ça en devenait plus que bizarre son attitude dès ce terme était prononcé.

– Oh oui, bien sûr, Maze Ellis va continuer de me dire toutes mes vérités !

Je lui ai grimacé un rictus en hochant la tête. Reese m'offrit à nouveau un regard noir et j'ai bien voulu reconnaître que j'accablais peut-être le leader de la Resistance. Je crois que je l'accablais encore plus depuis quelques temps. Cette histoire de gamin me tournait la tête. J'en devenais quelque peu parano, avec  cette impression qui ne me quittait pas. Les autres voulaient m'empêcher de découvrir qui m'envoyait ce message. Je partais du principe que mon pouvoir dérangeait tant et si bien que tout le monde chercherait à me mettre des bâtons dans les roues. C'était stupide. Mais c'était mon mécanisme de défense. Ca et le sarcasme. Je savais combien je pouvais énerver les gens. Et cela fonctionnait si bien avec Maze que j'en rajoutais d'autant plus. Reese y restait imperméable, j'avais fini de m'user avec lui. En réalité, plus j'y pensais et plus ma confrontation avec Maze ressemblait à un jeu et bien moins à une querelle. Mais au fond, je l'enviais. Les gens levaient ce regard admiratif sur lui, teinté de crainte. C'était une sentiment détestable mais parfois, j'aimais savoir quelqu'un, quelque part, me craignait suffisamment pour courber l'échine. En tout cas, dès que je pouvais le prendre à revers, je le faisais. Même si cela signifiait prêcher pour Maybel. J'ai haussé une épaule à nouveau.

– Oui, c'est tout l'Underground qui se plante, joyeuse unité, mais c'est à Maybel de s'expliquer ! Tout ce que je dis c'est qu'il y a quelque chose de louche dans tout ça. Ce gamin est louche ! Ce qui se passe autour de ce gosse est louche ! Je ne sais même pas si j'ai envie de le retrouver, j'ai l'impression que ça porte la poisse et ça ne me dit rien qui vaille. - J'ai soupiré en leur refaisant face à nouveau, posant mes mains sur le dossier de la chaise. une façon de me résigner et de redevenir plus... adulte ? - Ce n'est pas le genre de Maybel. Ni de Camy ni de Matt. Ils ne peuvent pas avoir été trois à ne rien dire. Ce qui explique pourquoi le frangin avait l'air bizarre et que Evan ne t'a rien donné.

– Qui a eu cette idée brillante de s'envoler pour Seattle, d'abord ?

– Quand j'ai parlé de la note à Maybel, elle a tenu à en parler à son frère qui est détective là-bas. J'ai dit non. J'avais reçu cette note pour une bonne raison, du moins, j'ai reçu cette note pour une bonne raison, je t'en ai parlé en premier parce que Maze n'est pas pour ainsi dire dans mes bonnes grâces - J'ai roulé des yeux en montrant le concerné d'un geste de la main, sans quitter Reese des yeux - mais quand je l'ai cherché ensuite, on a été interrompues avec Maybel. On nous a dit de venir voir les infos et c'est là qu'ils en ont parlé. Quelqu'un a laissé cette note sur ma moto en sachant pertinemment à quelle heure je terminais. Il pleuvait à torrents ce soir-là et l'encre n'avait pas coulé. Ce qui signifie qu'on venait toujours juste de la poser. J'en ai parlé avec elle, vu que tu étais à Chicago. Je m'en serais parfaitement bien passée mais c'était la seule que j'avais sous la main. Quand elle a parlé de son frère, j'ai dit non. On était suffisamment nombreux à l'Underground pour gérer ça tout seul, qu'on t'attendrait pour en discuter avec Reese. - Et parce que j'avais le mal de l'air. - Je me suis dit que si je recevais ce truc alors je devais peut-être m'attendre à recevoir d'autres informations. Alors j'ignore si entre le moment où on me l'a écrite, et le moment où c'était censé changer la donne, un événement a fait que la timeline a été modifiée mais je n'ai jamais rien reçu d'autre. - J'ai poussé un profond soupir en me frottant un oeil - Je vais demander à nouveau à Evan de faire des recherches téléphoniques. De s'étendre jusqu'à Seattle. Ulysse m'a dit qu'ils avaient appelé Matt mais celui-ci ne m'a rien dit. Ce qui est encore moins son genre que Maybel. Evan va bien finir par trouver quelque chose, non ? Mais je me demande si nos systèmes ne sont pas devenus obsolètes pour elle. Elle est rapide mais elle ne peut pas aller plus vite que ce que les machines lui permettent.

– Nous n'avons pas les moyens de renouveler nos dispositifs. Plus de la moitié de nos budgets passent dans la sécurité d'Elvis et Evan au nom de tout l'Underground.

J'ai pincé les lèvres et relevé les yeux vers Maze. Ce que j'insinuais était, selon moi, parfaitement clair. D'un léger mouvement de tête, j'ai acquiescé avec une pointe de défi. J'étais sûre de moi.

– Ce qu'il vous faut pour recruter ce Cyber... Je vous le donnerai.

- Tu pourrais éviter de parler de moi à la troisième personne, je suis présent, je ne suis pas un meuble qu’on déplace à sa convenance bordel.

Reese avait beau faire, j’avais beau essayer de ne pas m’emporter mais elle me tapait sur les nerfs et me cherchait en permanence de surcroit. On était visiblement tous à cran mais il fallait néanmoins avancer, prendre des décisions sinon on fonçait droit dans le mur.

- Est-ce que j’ai dit que j’allais épargner Maybel ? Non, elle a des comptes à rendre comme tout le monde et son silence ou celui de Matt ou Camy, rien ne tourne rond en effet, reste à savoir pourquoi. Quand à la poisse ou autre je ne crois pas à ce genre de foutaise et plus on nous mets des bâtons dans les roues, moins c’est évident plus ça semble forcément important de faire quelque chose non ?

Les interventions de Reese étaient toujours posées, calmes, brèves mais efficace, heureusement en un sens. Pour la suite j’acquiesçai.

- C’est ce qu’il faut faire oui, poursuivre les recherches, les étendre, qu’Evan nous retrouve les échanges entre nos membres et des gens de Seattle depuis le moment ou tu as reçu ce message, on doit trouver, quand et comment cela a coincé.

La suite semblait claire pour Maddison, mais cela devait relever de la logique féminine parce que bon, elle passait du fait qu’on avait pas les moyens de renouveller nos serveurs, réseaux au fait qu’elle nous donnerait ce qu’il fallait pour recruter le cyber. Elle reparlait du gars qui avait diffusé des pornos ? Elle était bien la reine du coq à l’âne sur le coup. Parlait-elle d’argent ou d’autre chose ? Mystère pour moi.

- Tu peux être plus claire, t’as les moyens de quoi ? Payer le matos pour qu’Evan et Elvis soient heureux, ou les moyens de recruter le cyberpathe. Je ne suis pas dans ta tête et il manque des liaisons à tes phrases pour qu’elles soient compréhensibles.

Bref c’était clair mais dans sa tête à elle. (Et je suis pas la seule à pas avoir compris ;p )

[Ok j'avais pas fait gaffe... C'est normal. Problème de couleurs >.<]

Et à nouveau, je me suis emportée en levant les bras. Il n'y avait rien à faire. Maze et moi dans la même pièce et le monde implosait. J'ai haussé la voix pendant que Reese soupirait.

– Pour l'amour du ciel ! Il ne s'agit pas de s'en prendre à qui que ce soit, Maze ! Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas normal ! Trois personnes ne peuvent pas cacher autant d'informations à trois autres personnes volontairement, c'est statistiquement improbable ! Le but n'est pas oui ou non d'épargner Maybel mais de comprendre pourquoi aucun d'entre eux n'a jugé bon de relayer ces informations à l'Underground. Maybel n'est pas une enfant, elle n'a pas à être "réprimandée" ou que sais-je encore !

J'ai soupiré en lâchant la chaise, un peu rageusement. Reese n'a rien dit. Il ne disait jamais rien, il se contentait de nous laisser exploser tant que nous n'en venions pas aux mains. Il était si neutre, la plupart du temps qu'il refusait presque constamment de prendre partie pour l'un ou pour l'autre. Dans un sens, ce n'était pas plus mal qu'il se lustre les ongles pendant que nous réagissions. Il attendait sagement que l'un ou l'autre daigne bien redevenir adulte plus de trois secondes de suite en présence de l'autre. Je me suis mordue la langue avant de répondre à Maze, plus calme cette fois.

– Je parle d'argent. De moyens financiers, budgétaires. - Je me suis tournée vers lui en levant une main, faisant la ronde dans la pièce et Reese a relevé les yeux sur moi. - Nous commençons à avoir trop de membres mais nos budgets n'évoluent pas. Mais ce que je pense, c'est qu'avoir ce Cyber à nos côtés, c'est une façon pour nous de passer outre ces besoins. S'il est le Cyber auquel je pense, alors il y a une chance qu'il soit encore plus puissant qu'Evan.

Reese a froncé les sourcils en secouant la tête.

– Comment c'est possible ? Evan a presque une quarantaine d'années, maintenant.

J'ai levé l'index dans un sourire. Reese maniait les armes et la diplomatie comme personne. Maze était un orateur charismatique et engagé. Quant à moi... J'étais le cerveau de cette entreprise, l'intelligence et la passion. ....

– Oui mais Evan n'use de son pouvoir réellement que depuis deux ans. Elvis ne lui a trouvé une forme holographique que depuis une petite année, seulement. Pour l'avoir vu, il a bien une trentaine d'années. Son pouvoir est à la hauteur d'un homme adulte. Il s'est infiltré dans notre réseau comme on enfile une paire de jeans. Il a une meilleure expérience qu'Evan au prorata de l'évolution de leur pouvoir mais pas de leur âge. Je veux dire... Là où Evan aura dormi pendant près de 25 ans, cherchant un moyen de parler et de se faire entendre, lui a eu tout loisir, depuis sa plus tendre enfance, de développer ses aptitudes. Après, je parle ici du peu que j'en ai vu et de ce que je sais d'Evan. Il y a sûrement encore plus à comprendre et à analyser et j'entends bien, Maze, m'en assurer avant, je te le promets, je ne suis pas non plus stupide. Pourtant, engager ce type, ce serait faire des économies sur nos matériels. - En même temps que je parlais, je réfléchissais à voix haute en remuant les mains. - Si j'en crois le peu que j'ai vu, et entendu, il est agile, fluide dans ses déplacements sur le réseau, il peut avoir accès à tout en une fraction du seconde au moment où il a une autorisation.

– Qui lui a donné l'autorisation, alors ?

J'ai haussé les épaules en me retournant vers eux. - Evan a juste pu dire que ça venait d'une de nos tablettes dans une session de chat. Allez savoir laquelle.

Reese m'a fixée. Longuement. Très longuement, au point où j'en ai été mal à l'aise et où j'ai froncé les sourcils. Quand il avait débarqué dans la salle de contrôle, Samiha était avec moi et j'avais demandé à Elvis d'effacer les traces. J'ai serré la mâchoire. Si Reese apprenait à quel degré je lui mentais - ou du moins tout ce que je ne lui disais pas - il y avait fort à parier que le survivant de cette pièce, ce serait Maze. Il a inspiré profondément et finalement acquiescé. C'était un homme patient. Un jour viendrait où nos comptes se règleraient, assurément. Je n'avais, étrangement, pas hâte d'y être. J'ai reporté le regard sur Maze pour ne plus sentir le poids de Reese sur moi.

– Ce que je veux dire par là, c'est que tout lui semble si facile là où Evan bute. Elle est libre et peut naviguer partout, mais elle est parfois face à des grilles problématiques. Qui sait ce que ce gars pourrait nous apporter, peut-être même nous faire économiser. J'en ai parlé à Elvis, il a un peu grimacé mais il n'a pas l'air contre. Et si vous ne voulez pas, je comprendrais. Mais je crains d'autant plus de le laisser errer dehors en sachant qu'il peut à tout moment revenir, de façon plus virulente.

Reese a porté son attention sur Maze, sans rien dire, une fois de plus. Je pense qu'il était en train de se dire qu'en effet, ce serait une bonne idée. Mais parce qu'il était qui il était, il ne prendrait jamais une décision sans que Maze ne soit d'accord. J'étais même parfois jalouse de leur communication. Quand je me prenais les regards glacials de réprimande, Maze offrait son soutient à Reese...

Parfois je me demandais si Reese ne faisait pas expres de nous laisser nous emporter, de sortir toutes les conneries qui traversaient notre esprit pour n’intervenir que lorsque nous venions à être à cours de sujet de discorde. Est-ce qu’on s’écoutait réellement avec Maddie ? Je commençais à en douter car la je réalisais qu’au final nous étions d’accord sur le fond et qu’on était pas foutu d’arrêter de s’envoyer des piques pour la forme. Parce que oui j’en convenais, c’était louche tout ça, et je voulais juste tirer cette affaire au clair.

Sauf que, pouvais-je laisser le dernier mot à Maddison ? Non parce que cela me déplaisait tout simplement.

- J’ai bien compris que ça tournait pas rond bon sang. Je veux juste obtenir les informations qui coincent et savoir pourquoi ça a pu bloquer, ce qui a pu se passer, la succession d’évènements qui ont fait qu’on est en train de se prendre la tête alors que pour le fond on est d’accord. Quand à ma façon de gérer ma relation avec Maybel ou qui que ce soit tu n’as pas à la juger, chacun voit midi à sa porte Maddison.

Cela étant dit je fermais le sujet pour ma part, je ne faisais pas de commentaire sur comment elle gérait ceux qui étaient à ses côtés non ? Donc si je devais tancer Maybel comme une enfant je le ferai, c’était mon côté paternaliste qui ressortait, et puis la colère étant le seul sentiment que j’étais capable d’éprouver j’en abusais.

Pour la suite ok avec les mots c’était plus clair.

- En gros ce cyber pourrait être notre sauveur c’est l’idée ? Tant pour ses capacités.que pour son potentiel.

Dans ma tête je me disais qu’après tout si il était si génial que cela il devait même pouvoir détourner du fric d’une mafia à l’autre bout du monde, passer par des comptes fantômes, brouiller les pistes et nous aider non ? Mais bon cela restait dans ma tête pour l’heure, pas sûr que Reese ou Maddison apprécie le détournement de fond, même si cela venait de pourris.

J’écoutais les descriptions de ce cyber et j’en convenais cela semblait impressionnant et convaincant, même Reese au début était réticent et demanda des détails car Evan nous semblait être tellement performante que bon.

- Evan doit chercher plus avant qui et pourquoi une porte fut ouverte sur l’extérieur pour que cela ne se reproduise pas, et le responsable devra comprendre qu’on a des règles pas que pour emmerder le monde mais pour notre sécurité. Je demande pas de sanction ou autre, on est pas à l’armée.

Je souris malgré moi en disant cela et en regardant Reese, car j’imagine que lui comme moi aimons ce mode de fonctionnement mais je faisais pour une fois un geste envers les méthodes de Maddison, à elle de comprendre que je n’irais pas plus loin dans les concessions, le coupable devait comprendre et je voulais savoir qui nous avait mis en danger et en comprendre les raisons. Surement un gamin qui avait voulu surfer plus qu’autorisé mais bon.

Reposant mon regard sur Maddison.

- T’as mon aval pour pousser plus avant les recherches sur le cyber, l’approcher et le convaincre que sa place est à nos côtés et pas contre nous.

Bien sûr qu’il s’agissait d’avoir le dernier mot. Je n’en attendais pas moins que ça de la part de Maze. Et même plus, je prenais ça pour un jeu. Bien entendu, Maze ne me faisait pas rire et m’énerver n’était pas mon activité préférée. Il lui arrivait plus souvent de me taper réellement sur les nerfs au bout de me demander jusqu’à quel degré je pouvais le détester. Mais à la fin de la journée, comme maintenant que nous arrivions au terme de notre conversation, il y avait ce petit challenge, ce quelque chose… J’ai pincé les lèvres quand Maze a eu fini de parler. Reese a attendu que je dise quelque chose, bien trop habitué à nous voir nous battre pour la dominance du bras droit - ou du moins dans mon cas, je n’envisageais pas de pouvoir être le bras gauche de Reese, uniquement le droit. Il a haussé un sourcil, voyant que je ne disais rien et pour cause.

Nous étions d’accord.

J’ai gonflé les joues, cherchant sur quoi revenir mais il n’y avait rien. Maze marchait dans mon sens et c’était bien assez rare pour me couper l’herbe sous le pied. Un sourire s’est dessiné sur les lèvres de Reese. Il attendait réellement de voir ma réaction ?

– Très bien mais c’est moi qui mène l’enquête !

Reese a baissé le menton pour que je ne le vois pas se retenir de rire, le coin de sa bouche se creusant. J’ai levé mon index sous le nez de Maze, par dessus la table qui nous séparait et j’ai serré les lèvres. Il ne m’aurait pas aussi facilement.

– Et ! Et c’est moi qui vous tiendrai au courant de ce que j’ai trouvé ! Maintenant, je dois aller travailler ! Et je reviendrai quand j’aurais récupérer le dossier chez le frère de Maybel. Parce que j’avais pas fait de copie ! Et que je me souviens pas de tout ce qu’il y avait dedans parce que comme il m’aime pas, il me l’a juste montré de loin ! - Je me suis redressée, prête à m’en aller après avoir fait quelques pas, mais je me suis retournée vers Maze avec un regard aussi noir que je le pouvais. - Et ne te méprends pas ! Je te déteste toujours autant ! - Je suis revenue à la table pour récupérer ma pizza que j’irai terminer sur le chemin du retour.

Voilà où cela devenait un jeu pour moi. Ca ne l’était pourtant pas. Alors que je refermais la porte derrière moi, Reese ne m’a pas quittée du regard et son sourire s’est même effacé une fois que je les ai eus laissés seuls. Je ne le prenais pas pour un abruti, je savais ce qui m’attendait. Tôt ou tard, Reese saurait pourquoi j’avais détourné son attention de Sam. Il comprendrait à un moment donné que je savais pour son pouvoir. Quand bien même Maze et moi ne nous connaissions pas, nous étions assez similaires pour reconnaître lorsque l’autre jouait une carte qui n’était pas dans le jeu. Ou bien en planquait une dans sa manche. Depuis que Maze avait montré trop d’intérêt à Libération, son charisme et sa détermination ayant eu raison de l’Underground deux ans plus tôt, je n’avais pas confiance en lui, ce qui me semblait être une grosse erreur. C’était surtout bien prétentieux et d’une rude incohérence lorsque l’on savait qui je voyais en douce. Mais je savais encore faire la part de l’homme et du symbole. Quant à Maze, je n’avais as l’occasion de le voir autrement qu’en leader.

Reese a inspiré profondément et s’est relevé pour regarder Maze. Non, c’était un fait, si je manquais cruellement de confiance en Maze, Reese perdait, petit à petit, celle qu’il avait en moi. Il savait que je mentais. Il ignorait encore où et pourquoi. Mais il le savait. Croyez-le ou non… je n’en tirais aucune fierté, plutôt de la honte.

J'ai failli réagir, parce que c'était plus fort que moi, c'était viscéral, il fallait qu'on joue encore et toujours à ce jeu. Finalement je crois que nous aimions cela avec Maddison, toujours chercher à avoir le dernier mot, mais c'est comme pour tout, parfois il faut s'arrêter car sur la longueur ça devient chiant. Cette fois ci j'avais concédé une victoire à la jeune mexicaine.

Bien sûr elle en avait rajouté une couche et avait failli me faire replonger à trop vouloir pousser le bouchon mais je m'étais tu. La laissant finir sa diatribe, prendre la pizza que Reese avait apporté car c'était son du visiblement ou son trophée peut-être? Par contre la fin me fit sourire, elle me détestait toujours autant.

- C'est ça moi aussi je t'aime.

Phrase de la plus grande ironie qui soit mais je n'avais pu m'en empêcher alors qu'elle tournait le dos, elle devait grimacer en sortant c'était certain.
Un fois seul avec Reese je retrouvais une posture plus détendue je le réalisais, mes épaules moins tendues, moins sur le qui vive en quelque sorte, pas prêt à me battre tout simplement.

- Y a un truc dont je voulais te parler aussi. Echo m'a fait comprendre qu'elle aurait besoin d'aide parfois, ce fut dur pour elle de le reconnaître mais si on pouvait inciter éventuellement la vocation de quelqu'un pour devenir infirmier par exemple ça la soulagerait pas mal. Je sais ce que tu penses d'éventuels nouveaux recrutements, je comprends mais il faut aussi qu'on puisse être autonome et pas obligés d'envoyer des malades dehors, tout le monde ne peut pas se permettre de sortir. Cela étant dit elle veut avoir le choix de qui l'aidera et n'acceptera pas n'importe qui.

Voila le message était passé c'était une bonne chose de faite. Je n'avais rien de plus à ajouter pour ma part.

Reese était toujours le dernier à quitter la pièce. Il prenait le temps de la réflexion, il reprenait en considération les paroles. Et il n'était pas rare que Maze reste avec lui. Maddison était très souvent la première à quitter les lieux. Parfois de rage envers Maze, ou parce qu'elle devait partir travailler. Ou simplement parce qu'elle n'aimait pas tourner autour du pot pendant mille ans et que si tout était discuté alors elle pouvait disposer. Reese la soupçonna d'être mal à l'aise en leur présence, sans personne pour faire tampon. Il n'irait pas dire qu'elle avait peur de l'un ou de l'autre, elle n'avait peur de rien.

A la requête de Maze, Reese releva les yeux sur lui et fronça les sourcils. Est-ce qu'on lui demandait l'autorisation ? Quand est-ce que tout ça avait changé ? A quel moment Maddison et Maze s'étaient-ils mis - inconsciemment - d'accord sur le fait que Reese était celui qui marquait le dernier mot ? En inspirant profondément, il réfléchit et secoua la tête. Il se leva en repoussant la chaise.

– C'est ton quartier, Maze, c'est ta gestion. Si tu as besoin d'un infirmier, tu peux aussi demander à Maddison ! Je vais voir s'il y a des intéressés de mon côté. Ca peut aussi être une bonne chose oui de former des personnes. Il y en a qui s'ennuient. Echo n'est pas une Healer et je comprends qu'elle ait besoin d'aide. Bien sûr que ce sera sa décision ! Si tu es d'accord avec ça, je ne vois pas pourquoi je serais contre. Il vaut mieux suspendre les recrutements pour l'instant. Le temps de savoir qui est Samiha, si elle représente un danger pour nous ou non.

Face à elle, Reese restait optimiste et aussi diplomate. Mais face à Maze - ou Maddison - il développait les doutes qu'ils avaient tous. Si Skandar lui avait laissé le choix, il n'aurait jamais recruté Samiha. Pas une amnésique. C'était bien trop dangereux.

– Il y a pire que Libération là-dehors… Mais s'il s'avérait que ce soit un coup de chez eux… Je veux savoir ce qu'ils cherchaient. Echo dit que son amnésie n'est pas feinte et je la crois. Elle ne peut pas non plus feindre une telle chose aussi longtemps. Ou alors c'est une bonne actrice. Je vais tenter des approches, nous verrons bien. Nous avons déjà des infiltrés à la Waleman, je ne voudrais pas que ceux-là aient décidé de s'en prendre à nous. Mais pour ce que l'on en sait, nous pensons tout de suite à de l'infiltration ratée mais après tout, il n'y a sûrement rien, c'est très probablement une pauvre fille paumée. Ce serait pas la première.

Je me retins d’esquisser toute forme de sourire ou d’avoir une quelconque réaction.

- Je sais bien oui que je fais comme bon me semble mais n’empêche que demander conseil à quelqu’un de plus sage et posé c’est jamais du luxe non ?

J’étais totalement honnête pour le coup, j’avais confiance en son jugement et parfois je continuais de chercher son aval, finalement j’étais devenu un soit disant leader sans l’avoir voulu, c’était Maddie et Reese les fondateurs pour moi et j’avais été le grain de sable qui avait failli gripper la machine. Alors je faisais au mieux toujours mais parfois j’appréciais d’écouter mon ancien « capitaine »

- Je ne parlais pas de recrutement non mais plus de chercher parmi nos gens, je sais que chez moi, Echo n’a trouvé personne qui convienne à la fonction et à ses critères, je voulais ton aval pour voir si chez toi quelqu’un correspondrait et si je trouve pas…

Inutile de finir ma phrase, j’avais pas envie de devoir demander à Maddison, je le ferai au besoin mais si je pouvais éviter.

- Je sais bien que Liberation n’est pas seul et que c’est pas le pire, pour moi ils ont juste des méthodes plus directes que nous et peut-être plus fortes pour passer des messages mais c’est la question du moment. Je voulais juste qu’on envisage toutes les possibilités et tu as raison oui, Sam est surement qu’une gamine paumée pour qui quelque chose a mal tourné.

Reese eut un rire. Quelqu’un de plus sage ? Reese secoua la tête. Il n’était pas plus sage que Maze, il avait simplement une perception différente des choses, une approche peut-être plus délicate que la sienne.

– J’entendais bien chercher parmi nous, oui. Je vais voir autour de moi.

Maze et Maddison étaient finalement tellement similaires. Ils attendaient tous les deux que Reese prennent les décisions finales. Comme s’il était le big boss de l’underground. C’était un rôle qui lui convenait, d’ailleurs. Il ne voyait pas pourquoi cela changerait, il avait toujours été un meneur. Il était Capitaine, Maddison était un soldat, quant à Maze, c’était un mercenaire selon une définition moderne. Reese lui sourit en acquiesçant et tapota son épaule avant d’ouvrir la porte.

– Inutile d’agiter Libération pour l’instant. Ils sont plutôt calmes ces derniers temps et c’est bien assez curieux pour être noté. Ils préparent peut-être quelque chose. Gardons l’oeil ouvert mais restons patients. Leurs méthodes, bien que peu orthodoxes, ont connu des résultats. Ce que je leur reproche, c’est que du coup, ceux contre qui nous tentons de nous battre réellement, se terrent pour échapper à Libération, ce qui nous rend l’accès bien plus difficile. Maze…

Reese referma la porte une seconde et garda le silence un court instant avant de s’humecter les lèvres.

– Cette histoire avec Libération et Maddison a assez duré. Je respecte tes engagements et tes opinions. Elle a tendance à toujours extrapoler, tu le sais, je le sais. Ca fait deux ans que ça dure maintenant. Mais je pense que Libération a fait suffisamment de dégâts entre nous pour ne pas que tout ça continue de pourrir comme c’est le cas. Trouvez un terrain d’entente. Pour l’Underground et pour vous deux. Libération ne doit jamais être un sujet de discorde entre nous. Réglez vos comptes. Je me fiche de savoir comment mais faites-le vite. Ce que j’ai entendu aujourd’hui ? - Reese haussa les sourcils et agita son index pour montrer la pièce - Elle défendre Libération et toi les soupçonner ? C’est un revirement qui ne me dit rien de bon. J’ai confiance en toi mais pas en son caractère démesuré. Il y a une fausse note. J’aimerais que tu la trouves. Elle ne me parlera pas.

Etait-il en train de suggérer que Maddison parlerait à Maze ? Sa demande resta silencieuse. Maze accepterait sûrement. Peut-être parce que Reese demandait mais surtout parce que son collègue était concerné. De ça, il en était persuadé. Et après un accord silencieux entre l’un et l’autre, ils pourraient reprendre une vie normale.

Je répondit d'un hochement de tête à Reese en tout cas, j'avais confiance en son jugement dans tous les cas. J'obtempérais pour la suite.

- Ca marche pour moi, on continuera d'observer, d'analyser les faits, les informations comme nous le faisons toujours en effet.

La suite le surprit cependant et il eut l'impression de revivre un moment du passé, un de ces rares souvenirs remontant à la surface un instant et il voyait sa grand mère le tancer, lui expliquer que gentiment il avait dépassé les bornes et qu'il était temps qu'il change d'attitude. C'était troublant car cela n'arrivait jamais, il avait mis un voile sur sa vie d'avant underground, non pas qu'il ait oublié mais c'était plus simple de tout ranger sagement dans ses boites, bien fermées et de ne pas chercher à les ouvrir.

J'inspirais profondément et parce que je ne faisais pas de promesse en l'air jamais je finis par dire.

- Je ne te garantis pas que ce sera demain mais nous trouverons un terrain d'entente avec Maddison, et je tacherai de comprendre pourquoi on est arrivé à ce paradoxe aujourd'hui, j'analyserai les faits et éventuellement les gestes pour trouver la réponse.

Non je n'allais pas l'espionner ce n'était pas l'idée, mais je ferai attention à tous les détails dorénavant, Reese venait de me confier une mission même si je trouvais que j'étais la personne la moins bien placée au monde pour la réussir.

Cette fois nous en avions fini, je saluai Reese et repartit vers mes quartiers, il y avait toujours à faire et seuls les fainéants pouvaient se complaire à ne rien faire et nous trouvions toujours un moyen de les motiver à agir pour ne pas devenir des spectateurs.

[hj] fini pour moi, merci pour cette entrevue instructive