2076. Côte est des Etats-Unis. Megalopolis est le centre névralgique d'une guerre géo-politique mondiale depuis qu'un attentat biologique en 2026 a divisé l'humanité en deux populations bien distinctes : ceux qui se battent pour le futur, et ceux qui font avec le présent.
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 [CLOS] [Jason/Angie] What would you like for breakfast ?

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Angela Foster
Angela Foster
Juin 2074


Hasard ou pure coïncidence, Jason avait appelé pile au moment où je sortais son numéro de la poche arrière de mon jean…. là où je l’avais oublié… avant de le passer à la machine. Que vous le croyiez ou non, cet appel m’avait surprise. Je ne m’attendais pas à ce que Jason me rappelle un jour. Ils étaient nombreux les hommes qui disaient « je te rappelle » sans en penser le moindre mot. Je ne me faisais guère d’illusions à ce sujet. Et à vrai dire, je préférais ça. J’étais moi-même le genre de fille qui disparaissait au matin sans laisser de traces, même si j’avais la délicatesse d’être claire dès le début sur ce que je recherchais.

On s’était donné rendez-vous dans une brasserie de la ville basse pour prendre un petit dej’. La plupart des filles seraient tout de suite montées sur leurs grands chevaux style « hey ! J’ai un rencard ! ». Elles auraient passé la nuit à en rêver et une bonne partie de la matinée à chercher comme s’habiller, se coiffer, se maquiller. Pas moi. Si Jason s’attendait à voir débouler une nana sexy en jupe et talons hauts… il allait attendre longtemps. Personnellement, j’étais plus du style jean et converses, ou pantalon de cuir et bottes de moto. Et ce, en toutes occasions (sauf cas vraiment exceptionnels).  

C’était donc cette fille aux allures de garçon manqué que Jason allait retrouver en face de lui. Celle qu’il avait déjà plus ou moins rencontrée au bar ce soir-là. Je garai ma moto devant la brasserie et le cherchai du regard. J’étais légèrement, très légèrement en retard. J’avais toujours du mal avec la ponctualité. Heureusement, ou malheureusement, je n’aurais pas su dire, il n’était pas encore arrivé. J’avançai vers la brasserie, casque à la main et m’installai à une table en terrasse. Immédiatement, une serveuse vint vers moi me demander ce que je voulais prendre.

- Euh… vous pouvez repasser dans 5 minutes ? J’attends quelqu’un… enfin, je crois.

J’adressai un sourire à la serveuse et pris un air dégagé. Si Jason ne venait finalement pas, je serais un peu déçue, certainement, il était plutôt pas mal dans son genre, mais je n’en ferais pas un drame non plus.
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Jason Israel
Jason Israel
On enseignait toujours aux gens la politesse en commençant par la ponctualité. C'est assez le genre de Jaz, sauf dans la vie normale. Toujours le premier sur les rangs pour préparer les armes, nettoyer les canons, ranger la voiture, raconter des blagues avec Jericho avant que les autres n'arrivent. Il était toujours là, toujours prêt, toujours à l'heure. Mais quand il s'agissait de retrouver les autres pour un verre, une balade, un petit délire entre copains, Jaze perdait toute notion du temps. Ils se demandaient souvent comment un agent hors pair comme lui pouvait être aussi en retard hors mission. Tout simplement parce que pour lui, tout était tellement différent. La vie n'attendait pas autant de rigueur, elle était assez fugace et pas sérieuse, à aucun moment il ne lui avait semblé primordial d'être à l'heure. Pas même quand Angela avait proposé ce petit rendez-vous. Seule Annie était au courant, d'ailleurs. Jason n'était pas quelqu'un de véritablement secret mais il appréciait un peu de vie privée.

« Désolé, je suis en retard, j’ai dû… » s’excusa-t-il à bout de souffle en arrivant près d’Angela. Il tira une chaise face à elle pour s’installer. « Déposer Annie au passage et on s’est perdus, bref… »

Il lui sourit et la détailla quelques secondes avant de sourire un peu plus. C’est vrai qu’elle était jolie sans son uniforme de serveuse mais l’idée qu’elle ait pu plaire à Garin aussi le laissa songeur. C’était curieux car à l’écouter, elle n’était absolument pas son genre. En tout cas, rien à voir avec la soeur d’Abel. Mais avions-nous réellement un genre, de toute façon ? La serveuse revint et Jaze lui sourit à son tour en commandant un bon soda bien frais.

« Tu as commandé, déjà ? » demanda-t-il à Angela. Il laissa la serveuse repartir et croisa les bras sur la table sans se départir du sourire. Il avait gardé l’habitude de fixer les gens, ou du moins leurs lèvres. Il aimait autant entendre les sons que voir les bouches s’animer pour former des mots. Bonne ou mauvaise habitude, il avait en tout cas l’impression de ne pas pouvoir faire autrement s’il voulait parfaitement comprendre ce qu’on lui disait.
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Angela Foster
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Jason ne me fit pas attendre longtemps. A vrai dire, à une ou deux minutes près, c’était moi qui aurais dû m’excuser pour mon retard. Je secouais la tête en souriant tandis qu’il s’excusait lui-même.

- Y a pas de soucis, vraiment. Je viens d’arriver.

Et pour preuve, bien qu’il fasse déjà chaud, je n’avais pas encore eu le temps de retirer mon blouson.

- J’étais un peu en retard moi aussi. J’ai d’ailleurs été soulagée de voir que tu n’étais pas encore arrivé ! Je suis pas hyper à cheval sur la ponctualité…

Je haussai les épaules tout en esquissant une moue un peu gênée. On pouvait dire que ça m’en avait créé, des problèmes, cette difficulté à être à l’heure. Notamment pour garder un boulot. La serveuse revint (à croire qu’elle avait ordre de sauter sur les clients dès qu’ils osaient poser une fesse sur une chaise) et je lui commandai la même chose que Jason, avec un croissant, en plus.

- Non, du coup, je t’attendais. C’est… pas très poli de commencer sans attendre l’autre ! Et pourtant, j’ai faim ! Heureusement que tu es arrivé sinon…

Sinon quoi au juste ? Je n’en avais pas la moindre idée et ce constat me fit rire.

- Sinon rien en fait. J’aurais certainement oublié la politesse et commandé sans t’attendre plus longtemps.

Je cessai de rire pour ne conserver qu’un petit sourire tandis que j’observai Jason plus attentivement. Au bar, je n’avais pas eu tellement le temps de le regarder, et ensuite, quand il était revenu chercher Garin, il faisait noir dans la rue. Il était vraiment pas mal dans son genre.

- J’ai une question qui me trotte dans la tête depuis un moment déjà. Bon deux en fait.

Je lui adressai un sourire taquin et me lançai.

- Ca t’arrive souvent de draguer les serveuses dans les bars ? Et ça marche encore ce genre de plan de drague ?

Ce n’était pas de la moquerie, loin de là. Juste un mélange de curiosité et d’amusement. Il y avait une chose que Jason ne tarderait pas à apprendre sur moi, si tant est que nous passions un peu de temps ensemble, c’est que je charriais les gens, tout le temps, en toutes circonstances. C’était ma façon de fonctionner. Ceux qui ne me connaissaient pas pouvaient parfois mal le prendre, mais ce n’était jamais méchant. Du moins, je ne le pensais pas dans ce sens-là.
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Jason Israel
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Angela était une jeune femme assez marrante. Même si elle n'allait pas au bout de ses pensées, il la trouva drôle et un sourire perça au coin de ses lèvres. Et si elle avait eu vraiment faim, qu'aurait-elle fait ? Il fut curieux.

Pourtant, Jason était assez à cheval sur la ponctualité. Il râlait suffisamment comme ça quand les autres le faisaient attendre. Il ne supportait même pas d'être lui-même en retard. Il s'en voulait de ne pas avoir été à l'heure, considérant cela comme un manque de respect. Il haussa un sourcil lorsqu'elle émit l'envie de lui poser des questions. Autre chose de notable, Jason n'était pas un grand fanatique de la conversation. Alors si on pouvait la faire pour lui, il en était tout autant heureux. Il éclata de rire, s'étant attendu à toute sorte de question sauf celle-ci. Pour être honnête, il s'attendait à une question sur Garin et fut soulagé que le blondinet n'entre pas dans leur conversation. Ils s'aimaient bien, du reste.

"En effet, ce n'est pas vraiment mon genre. Mais il faut croire que ça marche...", ajouta-t-il dans un sourire. Elle était là, non ? Face à lui. C'était étrange, elle n'était pourtant pas son genre. Mais elle dégageait quelque chose. Il se souvint d'ailleurs de la soirée. En quel état il avait récupéré Garin et ce que celui-ci lui avait dit sur son gérant. Connaissant l'animal, il s'était sûrement chargé du cas car quand ils avaient voulu y retourner la semaine suivante, c'était fermé. "Cela dit, heureusement que j'ai tenté ma chance ce soir-là ! A en croire l'écriteau, il n'y a plus grand monde qui y travaille. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu aurais un autre endroit à nous conseiller, du coup ?"
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Angela Foster
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Je n’étais pas positive, mais je crois que j’avais tout de même une sorte de pouvoir. Ou du moins une capacité qui n’était pas toujours donnée à tout le monde. J’arrivais à faire rire les gens, parfois même sans vraiment le vouloir. J’étais ce genre de personnes qui, quoiqu’ils disent, quoiqu’ils fassent, mettent presque toujours à l’aise les gens, pour peu qu’ils en aient envie. Et là, c’était le cas.

Ma question, ou plutôt mes questions, avaient fait rire Jason. J’écoutai sa réponse sans me départir de mon sourire taquin.

- Alors je suis une sorte d’exception à tes habitudes… C’est plutôt flatteur, je pense. Mais, ce n’est pas tant la technique en question qui a marché, mais plutôt l’audace que tu as eue de la mettre en œuvre. J'aime bien les gens audacieux.

Je n’ajoutai pas que j’étais du genre bon public. Je n’ajoutai pas non plus que si Garin n’avait pas vanté ses mérites, je ne serais certainement pas là aujourd’hui. Mais ça, ce n’était pas lié à  Jason, mais plutôt au fait que, comme je l’avais expliqué à Garin ce soir-là, j’étais plutôt le genre de fille qui vit dans l’instant présent, je préférais quand ça se passait dans le feu de l’action, il ne fallait pas qu’on me laisse le temps de réfléchir et de reculer.

Il était bien évident que je n’allais pas dire une chose pareille alors je restai silencieuse, laissant Jason reprendre la parole.

- Je connais pas tous les détails. Tout ce que je sais, c’est que mes collègues m’ont appelé un matin en me disant que le bar était fermé pour une durée indéterminée. Le patron s’est fait agresser une nuit et il a atterrit à l’hôpital en très mauvais état. Il fallait croire que le bar ne pouvait pas tourner sans lui… Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé un autre boulot et je suis bien mieux maintenant ! Pour ce qui est d’un autre endroit…

Je pris un instant de réflexion, rassemblant dans ma tête les différents endroits par lesquels j’étais passée et qui valaient vraiment le coup.

- Dans la ville basse, y’a le McLaren, on y a joué plusieurs fois avec le groupe et c’est un endroit plutôt sympa. Ils organisent régulièrement des concerts avec plusieurs groupes dans une même soirée. Y’a une bonne ambiance. Y’a le Pachanka  aussi, dans le même style que le McLaren. Sinon, y’a aussi celui où je bosse maintenant, le Mystère*. Les gérants organisent régulièrement des soirées à thèmes et il y a une super ambiance. Et puis, détail important, entre nous, dans l’équipe, on s’entend super bien, alors forcément, ça se ressent dans la salle ! Non vraiment jusqu’à présent c’est le meilleur endroit dans lequel j’ai travaillé. Mais… étant donné que j’y travaille encore, je ne suis peut-être pas totalement objective !

Je haussai les épaules et adressai un sourire un Jason. Vu la façon dont je venais de décrire mon nouveau lieu de travail, on aurait pu penser que j’y avais des actions. Ce qui n’était bien sûr pas du tout le cas. J’étais sincère quand je disais que c’était un endroit génial. Personnellement, je n’avais jamais été aussi bien dans un boulot. Et pourtant, des boulots, dieu sait qu’en deux ans et demi, j’en avais fait un certain nombre !
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Jason Israel
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"Audacieux". Jason était-il audacieux ? Courageux, peut-être mais audacieux ? Il laissait ça aux têtes brûlées. Il était bien plus réfléchi que ça. Il affectionnait la discrétion et le pas prudent. Jason ne s'est pas trouvé audacieux, mais plutôt que des ailes lui ont subitement poussé dans le dos. On lui avait recommandé d'essayer, il ne pouvait pas trouver âme qui lui plaise s'il n'essayait pas. Alors il avait tenté. Si Angela avait mordu à l'hameçon, c'était une bonne nouvelle. Autrement, il aurait peut-être été déçu mais ne l'aurais pas tenue pour responsable de cette déception. Il serait passé à autre chose aussi vite que ça.

Garin était resté discret sur son entreprise contre l'ancien gérant, patron d'Angela. Et heureusement, car Jason n'aurait sûrement pas cautionné ce genre d'actes. Il acquiesça à toutes ses propositions, certaines qu'il connaissait déjà. Il avait posé la question innocemment, sans réellement attendre de réponse. C'était plutôt pour faire la conversation.

"C'est bien, si tu as retrouvé du travail aussi vite. En mieux, visiblement. Tu as de la chance. Tu vis à Megalopolis depuis longtemps ?", demanda-t-il toujours pour entretenir la conversation. La possibilité d'avoir une vie normale était un doux rêve pour lui, mais parfois, il s'autorisait à y croire, parlant de choses et d'autres sans rapport aucun avec Liberation ou les mutations, missions, peu importait. Il savourait ces moments de pure simplicité. Pourtant, il n'était pas tellement "dans l'instant présent" contrairement à Garin ou Angela. Il voyait à long terme, il étudiait toutes les possibilités. Angela en faisait-elle partie ? Il était trop tôt pour le dire. Jason était un bon agent, docile et difficile à contrarier. Son caractère, bon et jovial, le couvrait des ennuis. Il lui suffisait de sourire pour effacer tout danger de son expression. "Et je pourrais dire la même chose de toi. Tu aurais pu ne pas rappeler."
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Angela Foster
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Je hochai la tête en souriant.

- Oh oui, on peut dire que j’en ai eu. Il faut croire que j’ai une bonne étoile finalement. C’était pas gagné d’avance pourtant !

La serveuse arriva à ce moment là, apportant nos commandes. Je la remerciai avec un sourire et attrapai mon croissant. Je n’avais pas menti quand j’avais dit mourir de faim.

- Ca fait…

J’avais eu l’intention de lui sortir une réponse du style « j’y vis depuis x années ». Sauf que, comme d’habitude, j’avais un trou de mémoire. Je portai la main à ma médaille, dans ce geste qui m’étais devenu habituel, et repris, esquissant un sourire pour chasser ma gêne passagère.

- … assez longtemps oui. Je suis née ici en fait. Enfin, dans la Médiane. Et… je n’ai pas encore eu l’occasion d’en bouger.

Je haussai les épaules. Rester ici, à Mégalopolis, alors que j’avais toujours rêvé de voyager, c’était pas hyper enthousiasmant, mais je m’étais faite à l’idée et je m’en contentais. Sa dernière remarque me laissa songeuse un instant. Je l’avais rappelé, effectivement. Et je n’étais pas tout à fait capable de dire pourquoi je l’avais fait. Etait-ce à cause de Garin, de la discussion que nous avions eue ? Ou bien était-ce à cause de Jason, de la façon dont je l’avais vu quand il était revenu chercher son ami, de l’envie que j’avais eue de lui laisser sa chance finalement ?

- J’aurais pu, c’est vrai. D’autant que je ne rappelle jamais d’habitude.

Je souris plus franchement et détachai un morceau de mon croissant.

- Il semblerait que l’un comme l’autre, on ait décidé de bousculer nos habitudes. Espérons qu’on n’ait pas à le regretter !

Pour ma part, ce n’était pas le cas. Pas pour l’instant.

- Et toi alors ? Ca fait longtemps que tu es dans cette ville ?
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Jason Israel
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Selon Jason, lorsqu'on ne rappelait pas, c'était le matin. Pas le soir. Mais il garda sa propre remarque pour lui-même. Non pas qu'il ait un quelconque jugement à porter, mais il la sentit un peu sur la défensive, en fusse-t-elle consciente ou non. Il ressentit d'ailleurs sa gêne, ne sachant la raison exacte. Garin n'avait rien dit sur Angela, aussi, il ne savait pas.

« Je suis arrivé ici, il y a environ trois quatre ans. Je viens de la côte ouest ! J’ai fait mes études et ma formation là-bas et j’ai été affecté ici. Je suis dans les transports. » Si Abel était du genre à ne pas mentir, Jason, lui, le faisait aussi facilement qu’il respirait. Et il n’en éprouvait aucun malaise. Il en allait de sa vie, et de celle des autres, de tout Liberation. Il avait une mission à accomplir et une identité à conserver. Et pourtant, une fois sa phrase terminée, il la dévisagea avec un léger sourire, ne sachant pas quoi dire de plus. Parce qu’il ne le pouvait pas. Il ne pouvait pas totalement raconter sa vie et il ne s’autorisait à mentir qu’en laissant une part de vérité. Il était bien trop risqué de s’inventer une vie et d’en oublier des détails cruciaux. Jason avait été bien entraîné. C’était pour cette raison qu’il avait compris que quelque chose clochait.

Il porta son verre à ses lèvres. Jason n’était pas non plus très bavard, il laissait ça à Jericho. Avoir été sourd pendant des années vous laissait facilement également muet, où le corps prenait pour vous la parole. La seule chose qui lui vint était une blague que Jericho répétait si souvent qu’il ne songeait même plus à la dire lui-même. « Et sinon, tu habites toujours chez tes mutants ? » Une légère drague s’il en était, le sourire de Jason s’agrandit alors qu’il but sa gorgée. Et il reposa son verre, aussi malicieux qu’il l’avait été quand il lui avait son show dans le bar.
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Angela Foster
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Les mots « côte ouest » s’imprimèrent immédiatement dans mon esprit. N’étant jamais sortie de Mégalopolis, sauf pour aller chez mes grand-parents dans l’Ohio (et encore, j’étais trop jeune à l’époque pour m’en souvenir), j’étais, forcément, assez curieuse lorsque je croisais quelqu’un qui avait été ailleurs.

- Pardonne ma question mais… la côte-ouest, c’est comment ?

Et comme pour justifier de poser une question aussi idiote dans un moment pareil, je lui expliquai.

- C’est que… j’ai toujours rêvé de voyager, de sortir de cette ville, d’aller… je sais pas, n’importe où. A l’autre bout du pays ou à l’autre bout du monde. Mais je suis clouée ici alors du coup… Quand je croise quelqu’un qui est allé ailleurs, je peux pas m’empêcher de lui demander comment c’était.

Je haussai les épaules et lui adressai un sourire, comme pour l’encourager. Il ne semblait pas hyper bavard. Mais c’était sans importance. Je l’étais assez pour deux, je crois.

Et puis, il me sortit sa question, comme ça, comme un cheveu sur la soupe, ou presque, entre deux gorgées de soda. Et forcément, une question pareille, je ne parvins pas à m’empêcher de rire.

- Qu’est-ce que c’est que cette question ? Non, je suis une grande fille maintenant.

Je tentai de prendre un air offusqué l’air de dire « non mais hey, j’ai l’air d’avoir 15 ans ? » sauf que j’étais incapable de garder mon sérieux très longtemps. Je mis à rire et secouai la tête.

- Bon ok, pas si grande que ça vu que je vis toujours avec mon frère… Mais... Allez savoir pourquoi je ressentais soudain le besoin de justifier ça, … C’est indépendant de ma volonté.

J’avais remarqué, depuis un moment déjà, que ses yeux étaient quasiment constamment fixés sur mes lèvres. Une habitude qui me rappelait un ami. Je fronçai légèrement les sourcils et esquissai un sourire enjôleur. Ma prochaine remarque, je décidai de la signer, histoire de voir si j’avais vu juste.

- On dirait que ma bouche te plait !
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Jason Israel
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Comment c’était la côte-ouest ? Angela aurait pu poser tout un florilège de questions. Comment c’est la Chine, la Corée, le voyage par la mer quand on a le vertige, bref. Non, juste la côte-ouest, ce qui était plutôt vaste. Jason ne prenait pas le risque de dire clairement d’où il venait, il avait trop peur que ce type d’information remonte où il ne fallait pas. Il aurait pu venir de Los Angeles, du moins ce qu’il en restait, de San Diego, même si beaucoup la pensaient noyée, pourquoi de Seattle ou des méandres de San Francisco !

« Chaud. » Jason rit et opina du menton, visiblement amusé puis il haussa une épaule. « Je n’ai pas beaucoup voyagé moi-même mais je sais que si le temps est détraqué ici, il l’est d’autant plus là-bas. Sinon, il n’y a rien de bien différent. Même personnes, mêmes problèmes, même gouvernement. Il n’y a que les noms qui changent. » Il reporta son verre à ses lèvres. Elle prit sa remarque au pied de la lettre. Il n’attendait pas de réponse et pourtant, celle qu’elle lui donna lui offrit une curiosité. Mais il pensa que ce n’était qu’une question d’argent. Tout le monde ne pouvait s’offrir le luxe de vivre seul. Mais elle ne devait pas avoir plus de 30 ans et avait déjà dépassé la vingtaine. Ca, il en était certain. Se sentait-il de poser la question, en revanche, il s’en garda bien. Qu’il s’agisse d’un manque d’argent ou d’autre chose, ça ne le regardait pas. Peut-être poserait-il la question, mais plus tard. Il y avait cette petite ride au coin de ses lèvres. Il ne s’était pas rendu qu’il les fixait autant. Pour autant, l’on aurait pu croire à un pervers à la fixer de la sorte.

Mais ses signes le firent sursauter. Ce fut comme si on venait de hurler à ses oreilles. Il se redressa en posant ses mains sur la table. Il en perdit son sourire et releva les yeux sur elle. Il ne s’était pas dit à un seul moment qu’elle aurait pu deviner. Personne ne devinait jamais. Même Liberation s’était étonné quand il avait expliqué. Parce que oui, il leur en avait parlé. Contrairement aux autres, il n’avait pas subi d’expériences. Son pouvoir s’était si naturellement dévoilé qu’ils étaient passés directement à l’entraînement. Jason ne faisait pas partie d’une génération de Candidats qui avait été « mal traités ». Mais il avait été docile, courtois, et obéissant, jusqu’à ce qu’il commence à découvrir des choses. La curiosité est un vilain défaut mais le concernant, il aurait pu y laisser la vie s’il n’avait pas trouvé un échappatoire. Il ouvrit la bouche, un peu surpris, et parla après quelques secondes de silence.

« Euh… » Oui, c’était le cas, elle avait une jolie bouche, bien que la jeune femme n’en demeurait pas son genre, il savait encore reconnaître une jolie fille. Et tout ce qu’il trouva à dire face à ce langage qu’il n’avait plus entendu depuis des années fut un simple mot. « Oui ? »
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Angela Foster
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J’avais posé mon coude sur la table, le poing fermé sous mon menton attendant qu’il me la décrive, cette fameuse côte-ouest. J’étais prête à l’écouter, à « voyager » un petit peu à travers ses mots. Mais il se contenta d’un mot. Un seul. Et il se mit à rire. Je souris moi aussi tandis que je reprenais une position « normale ».

- Tu m’en diras tant !

J’avalai une autre bouchée de mon croissant alors qu’il se remettait à parler. A quoi m’attendais-je en lui posant cette question ? Evidemment, c’était le même pays.
Mes signes avaient déclenché une réaction à laquelle je ne m’attendais pas. Je grimaçai légèrement, me maudissant intérieurement, comme à chaque fois que je mettais les pieds dans le plat.

- Désolée… Je voulais pas te gêner. J’ai un don particulier pour dire précisément ce qu’il ne faut pas dire. Je le sais pourtant, mais je m’en rends compte seulement une fois que c’est sorti.  Mais à me regarder comme ça, tu m’as fait penser à un ami que j’avais. Il était sourd et il lisait sur les lèvres. Mais ça le fatiguait à force, il préférait qu’on lui parle par signe. C’est lui qui m’a appris à signer du coup, pour faire passer le temps pendant les séances de chim...

Mais qu’est-ce que je racontais ? Me reprendre, vite, avant qu’il s’en rende compte.

- … de chimie, enfin je veux dire, les cours... au lycée.

Je rougis et cachai mon trouble en avalant une gorgée de mon soda. Le genre « plus coupable, tu meurs ». Ok, il fallait vraiment que je m’occupe de cette spontanéité qui me faisait dire des trucs sans prendre le temps de réfléchir avant. C’est sûr, du coup, j’étais franche et tout ce que je disais, je le pensais vraiment au moment où je le disais. Mais quand même, un jour ça finirait par me créer des problèmes. A un moment où à un autre, je prendrai ma spontanéité entre quatre yeux et lui dirai d’aller voir ailleurs. Plus facile à dire, qu’à faire.

En attendant, j’étais face à Jason et la meilleure chose à faire était sûrement de changer de sujet.

- Et t’as étudié quoi sur la côte-ouest ?

Extérieurement, je tentai d’afficher mon plus beau sourire. Intérieurement, je roulai des yeux. Super question, bravo Angie ! Tu pourrais presque remplacer ton frère pour les interrogatoires !
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Jason Israel
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« Ce n’est rien, je n’ai juste plus l’habitude qu’on me parle en signant et je ne m’y attendais pas. J’entends très bien ce que tu dis, il me reste juste quelques réflexes d’avant, c’est tout. »

Jason avait été un bon agent suffisamment longtemps pour savoir reconnaître un moment. Et il était dans un de ces moments. Il avait perçu ce moment mais avait choisi de ne pas relever. Il ne connaissait pas Angela et pour autant qu’il aurait pu le deviner, après tout, il n’était pas là pour l’analyser. Il sentit son hésitation, pourtant il fit le choix de faire comme s’il n’avait rien remarqué. Il ne chercha pas non plus à poser de questions. Il savait que la plupart du temps, demander clairement les choses était la meilleure façon de ne pas obtenir de véritable réponse. C’était un peu comme lorsque votre mère, ou votre femme, vous demande ce que vous voulez manger et que vous, vous répondiez naturellement « Je ne sais pas. » Vous le savez très bien mais décidez de ne pas imposer vos choix parce que ce n’est pas vous qui aurez à les subir. Ou quelque chose comme ça. De plus, Angela n’était pas une cible, elle n’était même pas un centre d’intérêt pour eux. C’était une femme normale, qui vivait une vie normale. Du moins le pensait-il. Il acquiesça à nouveau.

« J’ai étudié… Un peu de commerce, de marketing, de management, des rapports frontaliers, imports/exports. Ce genre de trucs assez ennuyeux. C’est… » Il rit à nouveau « Particulièrement ennuyeux, en vérité. »

Jason mentait ouvertement et déformait pas mal la vérité. Mais il se voyait mal lui dire qu’il avait passé des semaines dans une cellule de la CIA à apprendre des termes par coeur et à s’entraîner au tir pour devenir le sniper imparable qu’il était. Il avait une couverture et entendait bien la respecter. Pour son propre bien ainsi que celui de tout Liberation, mais aussi pour Angela. Il était parfaitement conscient qu’il pouvait la mettre en danger. On ne savait jamais ce qui pouvait arriver et Jason était tout le temps sur le qui vive.

« Et toi ? Garin a laissé entendre que tu faisais partie d’un groupe, en plus d’être serveuse dans les bars ? »
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Angela Foster
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A aucun moment je n’aurais pu mettre en doute ce qu’il me racontait. Jason était manifestement un bon menteur. Bien plus doué que moi. Et autant Garin m’avait semblé bien mystérieux, ce que j’avais mis sur le compte de son état de candidat, autant je n’avais, pour l’instant, aucune raison de penser que Jason aurait pu ne pas être sincère.

- C’est marrant,  on a tous cette tendance à dire que nos études étaient d’un ennui mortel. Et pourtant, on les a choisies parce que c’est ce qu’on voulait faire !

Je portai mon soda à mes lèvres avec un sourire. Même moi, je définissais mes études comme ennuyeuses au possible. Et pourtant, j’avais fait ce que j’avais toujours voulu faire, et c’était passionnant !

- Moi ? Oui, Garin t’a dit la vérité.

Et pendant quelques secondes, je fronçai les sourcils, me demandant ce qu’il avait bien pu dire d’autre.

- Je chante dans un groupe qu’on a formé avec mes amis. On anime des soirées privées, on fait des concerts dans les bars. Essentiellement des reprises, quelques compositions.

Je finis par hausser les épaules.

- Rien de bien exceptionnel. Ca permet d’arrondir les fins de mois. C’est bien loin de ce que je voulais faire à la base. Mais quand j’ai abandonné mes études ça a pas mal modifié mes plans de carrière.

Personnellement, je n’avais aucune raison de lui mentir. Aucune raison de me méfier non plus. Et étant d’un naturel plutôt bavard, c’est tout naturellement que je précisai ma pensée.

- J’étudiais la microbiologie. Les virus, bactéries, tout ça. Tout ce qui peut-être à l’origine de maladies et ce qui peut les soigner aussi.

Une question, cependant, me taraudait l’esprit. Et je ne tardai pas à la poser.

- Qu’est-ce qu’il t’a dit d’autre Garin ?
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Jason Israel
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Bien sûr, Jason ne s’était pas ennuyé. Il n’avait pas eu le temps, ni l’occasion. Cependant, il avait commencé. Pas dans les transports, bien sûr, il avait vu quelque chose de plus grand. Cette vie lui sembla si lointaine qu’il ne réussit à se souvenir de ses premières études qu’à la force d’un exercice de mémoire un peu poussé. Il ouvrit les mains.

« Ce n’est pas tant que je me sois ennuyé, c’est que je savais pas quoi faire de ma vie. J’ai pris ça parce que c’était facile, accessible et que ça me permettrait de bouger, de sortir un peu de la côte. Quoiqu’il en soit, je me suis bien amusé. »

Il l’écouta un peu parler d’elle. Effectivement, Garin lui avait un peu expliqué ce qu’elle faisait mais Jason préférait l’entendre de ses propres oreilles. Il n’avait senti que des vibrations pendant si longtemps qu’il mettait un point d’honneur à se faire ses propres vérités sur les choses qui l’entouraient et ne laissait personne lui raconter. Il aimait découvrir, et entendre les histoires de lui-même. Il fut donc plutôt étonné lorsqu’elle lui expliqua les études qu’elle avait choisies. Il sourit en reposant son verre. il allait lui demander pourquoi elle avait abandonné mais elle le prit de vitesse. Il haussa une épaule en regardant ailleurs.

« Pas grand chose. Que tu te faisais exploiter dans ton boulot, c’est tout. Et que heureusement que tu avais été là pour m’appeler. » Et pour ainsi dire, Garin n’avait pas été beaucoup plus bavard. Il sembla pourtant bien à Jason qu’il avait été bien proche d’Angela mais il savait aussi qu’il ne vivait que pour la soeur d’Abel. Mais depuis sa disparition, il avait remarqué que Garin était différent. Bien moins prudent, d’autant plus impulsif. Il lui arrivait de ne pas le reconnaître, non plus. C’était pourtant un garçon assez « sage » quand il avait intégré Liberation. En perpétuel conflit avec Abel, oui, mais c’était bien là tout. Ce n’était pas Jason qui avait de quoi se plaindre de lui. Ils s’amusaient bien ensemble, ils plaisantaient. Ils formaient une bonne équipe et Garin avait souvent manqué de chance dans sa vie. Bien qu’il ne s’était ouvert à personne, Jason était suffisamment attentif pour cerner les gens sans trop de difficulté. « Ce n’est pas un garçon qui parle beaucoup. Contrairement à ce qu’il laisse entendre. Il débite pas mal de mots à la seconde mais en général, c’est vide. C’est un don qu’il a. » Jason inspira profondément et sourit à Angela pour en revenir à elle. « Et toi ? Pourquoi avoir arrêté tes études ? La microbiologie, c’est quand même bien éloigné de la restauration, non ? Comment as-tu pu échouer de ce côté-là de la barrière si tu étais promise à un meilleur avenir ? »
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Angela Foster
Angela Foster
« Pas grand-chose »… Allez savoir pourquoi, j’avais légèrement retenu mon souffle pendant quelques secondes. J’avais tellement parlé avec Garin. On en était venu, l’un comme l’autre, à se confier des trucs. C’était quelque chose d’étrange, mais j’avais toujours trouvé plus facile de se confier à un inconnu qu’on n’était pas censé revoir plutôt qu’à un ami. C’était comme ça. Et sur le coup, j’avais eu un peu peur de ce que Garin aurait pu dire à Jason sur moi. C’est qu’il en savait des choses sur moi, des choses que j’estimai être la seule personne habilitée à en parler à Jason... si tant est que je prenne la décision de le faire un jour… si je le revoyais, ce qui était plutôt contraire à mes habitudes, mais on ne sait jamais.

- Ouais sur ce coup-là… Je me vante souvent de n’avoir peur de rien, mais j’avoue qu’il a réussi à m’inquiéter, un peu. Et pourtant, j’ai l’habitude des crises impressionnantes. Enfin, d’habitude, je suis plus « actrice » que « spectatrice.

Je haussai les épaules et secouai la tête.

- Mais je sais pas si mon intervention a servi à grand-chose. Quand je t’ai appelé, il allait déjà mieux.  En tous cas, à 30 secondes près, j’étais partie donc il a eu de la chance, si on peut dire ça.

Je l’écoutai me parler de Garin, de son don pour la conversation vide avec un sourire. Je n’avais pas eu cette impression quand on avait discuté. Et j’étais quasiment certaine de savoir un truc que personne d’autre ne savait. Mais je me gardai bien de rebondir sur cette déclaration de Jason. Je ne tenais pas particulièrement à parler de Garin. Bon, je n’étais pas contre d’en apprendre plus sur lui, mais je n’étais pas ici pour ça. Aujourd’hui, celui qui m’intéressait, c’était celui que j’avais en face de moi.

La question de Jason me laissa songeuse quelques secondes. J’avais le choix entre trouver une excuse bidon et être démasquée tout de suite, ou dire la vérité. Ou du moins, une partie de la vérité.

- Ah c’est…

Je haussai les épaules et me mis à jouer avec ma médaille comme lorsque j’étais gênée.

- Je n’ai pas eu tellement le choix en fait. Je manquais trop de cours et du coup, je me suis retrouvée complètement larguée. Les profs ont eu beau faire leur possible pour permettre d’étudier quand même, ça n’a pas suffit.  

Si Jason était attentif, il pouvait aisément se rendre compte à ma voix que je regrettais amèrement d’avoir dû tout laisser tomber. Je me forçai à prendre un ton plus enjoué avant de continuer.

- Mais la restauration, c’est pas si mal… quand je bosse dans un établissement correct avec une bonne équipe. Bon, c’est moins glorieux que chercheuse, c’est certain, c’est aussi moins « utile », mais… du coup, je rencontre du monde, j’ai le temps de m’amuser et je ne risque pas de m’inoculer le typhus ou une autre maladie toute aussi grave par erreur ! Ce qui, crois moi, est plutôt rassurant !
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Jason Israel
Jason Israel
Angela mentait. De ça, Jason en était persuadé. Ou du moins ne disait-elle pas totalement la vérité. Il ne pouvait lui en vouloir, cependant il ne pouvait s'empêcher de poser la question, faisant abstraction de Garin.

« Tu as manqué des cours ? Beaucoup ? Pourquoi, tu as déménagé ? Un jour, au foot, je me suis blessé, je dois reconnaître que les cours que j’ai manqués ont été durs à remonter, mais pas au point d’abandonner. » Jason eut un sourire malicieux « Ou bien étais-tu de l’école buissonnière ? » Il avait capté ce tic qu’elle avait de jouer avec sa médaille. C’était un peu comme quand il continuait de lire sur les lèvres même s’il entendait ce qu’on lui disait. Des petites habitudes. Il était persuadé qu’il se tramait quelque chose entre Angela et Garin simplement en comprenant que les deux mentaient. Il n’aurait su dire sur quoi ni pourquoi mais il n’était pas celui qui pousserait Angela à parler. Surtout si elle parlait d’être « actrice » ce qui ne pouvait être de bonne augure. Jason n’était pas certain d’avoir envie de parler des choses que la jeune femme pourrait lui cacher. Ils étaient toujours des étrangers l’un pour l’autre, après tout. Et si ce n’était pas ce qu’elle ressentait, c’était encore ce qu’il pensait. Quand bien même avait-il agi avec impulsivité, il ne se jetait pas dans les bras de la première femme venue. Pas quand on faisait partie d’un groupe hautement recherché comme le sien.

Il rit même quand elle fit mine d’être rassurée. « Oui, j’imagine mais certaines personnes aiment le risque dans leur travail, sinon ils ont peur de s’ennuyer. Il m’arrive d’arpenter le pays au volant d’un camion. On sous estime les dangers sur les routes, je t’assure. Ca reste rare mais parfois, on n’a pas le choix. » Il repoussa son verre vide avant de reprendre « Tu parlais de voyage, tout à l’heure. Tu n’as vraiment jamais quitté Megalopolis ? Tu voudrais aller où, en fait ? »

Jason n’avait pas entretenu une conversation aussi banale depuis des mois sinon des années. Et il eut l’impression de s’y prendre comme un manche. On ne parlait ni armes à feu, ni fusil à lunette, ni visée nocturne ou tir en déflexion… Déguisement, tactique, plan, timing, arsenal. Rien qu’à y penser, Jason se recentra sur Angela. Elle était bien plus calme et plus paisible. Ce qui était apaisant pour lui.
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Angela Foster
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J’esquissai un sourire gêné et hésitai un instant avant de répondre. Je disais sans arrêt que j’étais le genre de fille qui n’avait rien à cacher. Et c’était vrai, il y avait juste certains trucs dont je préférai ne pas parler. Mais je savais une chose : on ne peut pas demander aux gens d’être honnête avec nous si on ne l’est pas nous même. Alors je me décidai à parler, à dire une petite partie de la vérité.

- J’en ai manqué beaucoup oui. Un ou deux jours par semaine pendant quelques mois, je ne sais plus exactement combien. En fait, j’ai été malade. Le genre de maladie qui entraine un traitement assez lourd, assez long et qui te vide complètement. Un comble pour une étudiante en microbio, tu ne trouves pas ?

J’avais pris un air détaché, comme si toute cette histoire n’était plus qu’une anecdote qui faisait désormais partie du passé. Mais je n’avais toujours pas lâché ma médaille. Quand je disais que j’étais incapable de mentir et d’être crédible, j’avais toujours un truc qui me trahissait. Et pourtant là, je ne mentais pas, j’occultais juste la fin de l’histoire.

Je plantai mon regard dans celui de Jason, cherchant à y voir ce petit changement que je décelais habituellement chez les autres quand on parlait de ma maladie. Une nouvelle lueur, un je ne sais quoi que j’assimilais toujours, peut-être à tort, à de la pitié. Une lueur qui ne disparaissait jamais. Une lueur que je n’aimais pas voir mais qui, heureusement, ne changeait pas tous les regards, même si les exceptions étaient plutôt rares. Jason en ferait-il partie ?

- Les risques… Disons que quand ça ne met que moi en danger ça ne me gène pas outre mesure. Je suis même plutôt du genre à les chercher… Enfin, c'est surtout l'adrénaline que je recherche. c'est ma drogue. Mais là, il s’agirait de jouer avec des maladies mortelles et contagieuses quand même. Je m’en voudrais si j’étais à l’origine d’une épidémie qui décimerait la moitié du pays !

Je terminai mon croissant et sourit à Jason avant de répondre à sa question.

- Si en fait, quand j’étais petite, on allait en vacances chez mes grands parents dans l’Ohio. Mais c’est le seul endroit en dehors de Mégalopolis où je suis allée. Et la dernière fois que j’y ai mis les pieds, j’avais 5 ans, alors je ne m’en souviens plus tellement. Et je voudrais aller…

Je pris quelques secondes de réflexion. C’était une grande question. J’avais envie de voyager, de découvrir plein d’endroits différents. De faire le tour du monde !

- Partout où il est possible d’aller ! Je veux juste, partir d’ici, découvrir le monde, voir comment c’est ailleurs. Je veux voir les montagnes, le désert, l’océan. Mais je commencerai par l’Irlande. Je veux connaitre le pays de mes ancêtres !

Je décochai un sourire à Jason et haussai les épaules.

- C’est beau de rêver !

Je terminai mon verre moi aussi avant de relever les yeux sur mon interlocuteur.

- Alors comme ça, tu as joué au foot ? A quel niveau ?
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Jason Israel
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Jason n’avait jamais été assez malade pour manquer des cours. Et quand il l’avait été, on ne lui avait pas donné le luxe de prendre du retard. Il n’avait jamais vraiment eu de cours de toute façon. Mais si Angela s’était attendue à un changement de la part du jeune homme, il n’en fut rien. Il était assez intelligent pour savoir quand il ne voulait pas aborder un sujet. Angela prenait ses précautions, ce qu’il ne lui avait pas demandé un BAC+5 en psychiatrie pour le comprendre. Avait-il envie d’en parler ? Non plus. Ils n’étaient pas là pour ça et Jason avait déjà suffisamment de chats à fouetter pour ne pas avoir à en débusquer d’autres dans sa vie « normale ». Du moins, celle qu’il souhaitait plus tranquille. Il était conscient que tout n’était pas rose à l’extérieur de Liberation, qu’il ne suffisait pas d’être Candidat pour soulever la terre noire de la planète. Mais il avait encore le choix et présentement, celui-ci ne se portait pas sur ce qui pouvait éventuellement affecter Angela, quand bien même elle semblait parfaitement normale.

Et l’adrénaline, en ce qui le concernait, n’avait pas sa place dans une vie normale. Il ne l’avait jamais cherchée et pour lui, cette drogue était bien dangereuse, le genre indolore et incolore, transparent pour le monde entier. Les cigarettes, l’héroïne, la coke… Tout ça n’était rien à côté des dangers que pouvait causer l’adrénaline. Et il y avait fort à parier qu’Angela perdait des points en mentionner cet aspect d’elle. Il n’observait plus ses lèvres et ne lâchait plus son regard dorénavant. L’adrénaline était ce qui poussait au crime, à se « sentir vivant » alors qu’il y avait bien d’autres chose plus saines pour ça. Pourquoi les gens essayaient à tout prix de ressentir le danger ? Abel était comme ça, Gen aussi. Libby ne vivait presque que comme ça avec Jericho. Il ne restait que Annie. Quant à Eve, Jason ne sut pas si c’était l’adrénaline causée par le refus de son frère qui l’avait rendue si tête brûlée, ou bien si c’était l’impulsivité chronique de Garin. S’il avait du donner un nom générique à l’adrénaline… Il aurait sûrement donné celui du blondinet. Alors, que se passait-il lorsque deux personnes en quête d’adrénaline se retrouvent ? Jason ne pouvait en vouloir à Abel pour son jugement. Il avait émis le même. Peut-être avec plus de diplomatie, cependant.

Tout ça, Jason le pensa en l’espace de quelques secondes à peine avant de retrouver son sourire pour écouter Angela parler de ses grands parents, et du monde entier, même. Il haussa les épaules. « Tu sais, l’Irlande, il n’en reste plus grand chose. L’océan que tu verras là-bas est le même qu’ici. La température est sûrement différente, j’imagine. Quand on veut quelque chose, il suffit… De se lancer ! Quand on veut, on peut. Et quand on peut, ce qui nous retient ne sont que des excuses que l’on se donne pour se martyriser. Tu veux aller en Irlande ? Alors va en Irlande. Plus tu repousseras, moins tu iras. Et puis un jour, tu te réveilleras et tu te demanderas pourquoi tu ne l’as pas fait et ce qui t’a réellement retenue. Et si c’est une personne, dis-toi que ce n’est pas comme si tu partais définitivement. Et si c’est l’argent… Il ne te reste qu’à le gagner. Tu dis que l’adrénaline, c’est ta drogue… » Il haussa les épaules. « Alors, tu attends quoi, au juste ? »

Pour Jason, la vie n’était pas plus compliquée que ça. Il ne s’était jamais laissé abattre et ce, depuis son enfance. Chaque obstacle, il l’avait surmonté. Chaque chose qu’on lui avait dite ne pouvoir faire à cause de son handicap, il avait prouvé le contraire. Jason inspira profondément en secouant la tête dans un rire.

« Niveau scolaire. J’aimais bien, c’est tout. Quand j’ai entamé mes études, on jouait avec les copains dans la cour mais ça s’arrêtait là, c’était une récréation, une détente plus que du sport. » Il regarda autour de lui avant de reporter son attention sur elle. « Ca te dirait d’aller marcher un peu ? Je suis souvent assis dans une bagnole ou derrière une table, j’avoue pas mal aimer marcher, finalement. »
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Angela Foster
Angela Foster
Plus j’écoutais Jason me parler et plus je me posai des questions. Il avait raison après tout, qu’est-ce qui m’empêchais réellement de faire ma valise et de partir ou bon me semblerait ? Jusqu’à présent, je m’étais toujours dit que c’était impossible, à cause du traitement que je devais subir. Mais le traitement était terminé maintenant. Les médecins allaient sûrement en découvrir un autre d’ici peu et me prendre comme cobaye, comme ils le faisaient depuis un bon moment déjà, mais en attendant ? Avais-je vraiment une bonne raison de ne pas le faire ? Je me rendais compte, à écouter Jason, que les barrières que je m’étais dressées n’étaient pas totalement insurmontables. Je n’avais pas les moyens et alors ? Quand on voulait trouver de l’argent, on pouvait. Ma famille ne voulait pas me laisser partir, pour les mêmes raisons qu’ils ne voulaient pas que je vive seule. Je les entendais encore « et si tu oublies tes médicaments et que tu fais une crise ? ». Très bien, je pouvais partir avec quelqu’un. Mon frère serait certainement prêt à m’accompagner, ou mon meilleur ami, si j’arrivais à les convaincre. Alors quoi ?

Je lâchai ma médaille et me laissai aller contre le dossier de ma chaise, songeuse.

- Ce que j’attends… J’en sais rien en fait. On m’a tellement dit que c’était impossible, trop compliqué, que je crois que j’ai fini par me faire à l’idée et à enterrer ce rêve, comme tous les autres que j’ai pu formuler un jour.

Je haussai les épaules et adressai un sourire radieux à Jason.

- Mais… tu sais quoi ? Tu as raison. Qu’est-ce qui m’empêche de partir réellement ? Je crois qu’il est temps de déterrer ce rêve. Si je pouvais en réaliser au moins un, ça serait énorme !

J’avais encore quelques doutes cependant. Pas sûr que j’ai le temps de réunir assez d’argent pour pouvoir partir. Mais je me gardai bien de le dire à Jason. Quand il proposa d’aller marche un peu, mon sourire s’agrandit et j’acquiesçai.

- Avec plaisir. J’aime beaucoup marcher aussi. Ca m’aide à réfléchir parfois.

Je réglai ma conso et ramassai mon casque et mon blouson avant de me lever.

- Tu sais, j’ai toujours dit que faire du sport, juste pour faire du sport, ça n’avait pas grand intérêt. Il parait que je suis une grande sportive d’après mes amis, mais… je ne fais que m’amuser, me changer les idées.

Et ça, du sport, j’en faisais. J’avais pas l’air comme ça parce que j’étais plutôt ce qu’on appelait un poids plume, le genre de fille qu’on pourrait avoir peur de voir se briser au moindre choc, mais j’étais bien plus solide que j’en avais l’air. J’étais mince, oui, un peu trop d’ailleurs, mais j’étais musclée, bien plus qu’on ne pouvait s’y attendre.
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Jason Israel
Jason Israel
Jason se leva à sa suite et sourit à sa vision du sport. Il avait la même. Un certain défouloir, une façon d’exprimer un sentiment ou bien d’en évacuer un. Ou encore une bonne fatigue. Une vraie qui vous assomme le soir et ne vous réveille qu’aux lueurs du jour. Angie, le dos tourné, Jason lâcha un billet pour sa consommation et couvrir le pourboire. Il suivit la belle vers l’extérieur, passant un bras dans son dos pour l’accompagner.

« J’aime bien marcher, ça m’occupe l’esprit. Mais ça et courir, c’est à peu près les seuls sports que je fais maintenant. Je manque de temps ! J’aimerais assez me remettre au football ou au basket. Mais j’ai trop de travail. Je me contente de quelques passes avec Garin quand on se retrouve. » Mais c’était chose plutôt rare. Entre Liberation et le travail, Jason n’avait plus beaucoup de temps pour lui. Et quand tensions il existait, notamment entre Garin et Abel, il faisait plus facilement l’éponge encore que Annie. Après tout à chaque groupe son modérateur, non ? D’un pas léger, il accompagna Angela à marcher sans trop de but. il savait qu’il y avait un petit parc pas loin, un endroit assez calme. Il savait qu’il y avait aussi un Laser Qu’est dans le coin. Si Angie était sportive, peut-être aimerait-elle ? Néanmoins, ce n’était pas très marrant pour lui : il gagnait à tous les coups. Le tir, c’était sa spécialité.

Quelqu’un bouscula Angela à l’épaule. Jason le sut parce qu’il la sentit se heurter contre lui. Il reposa une main dans son dos pour la retenir et releva les yeux vers le duo ricaneurs. Deux hommes noirs regardaient par dessus leurs épaules en riant. Plutôt grands et baraqués, Jason sembla bien mince et bien petit à côté. Il fronça les sourcils et les interpela. « Ca vous ennuierait de dire pardon ? » L’un d’eux, le plus grand, fit demi-tour et se rapprocha d’Angela, un sourire jusqu’aux oreilles en se frottant les mains. Jason avait l’habitude de ce genre de loustics. Il en avait connu beaucoup sur la côte ouest. Et ils ne lui faisaient pas peur. Mais une chose était certaine, Jason ne supporta pas le regard lubrique qui détaillait sa compagne de bas en haut. Si tant est qu’elle cherche à se rebeller, l’autre n’en avait cure. Et Jason s’interposa. Lentement, mais sûrement. Il offrit son dos à Angela, un morceau de son tatouage dépassant du col de son pull. Il renvoya au duo son regard noir et sa haute stature. Son adversaire haussa simplement les épaules. « Si t’as le kiff pour les Positifs, c’est ton problème, mon gars ! » Jason haussa un sourcil mais ne répondit pas. « Y a que des culs blancs et maigres comme le sien pour être Dégénéré. » En temps normal, le Candidat aurait sûrement levé le poing. Il aurait probablement usé de son pouvoir pour soulever l’ironie. Le danger, c’était lui, le Dégénéré, c’était lui aussi. Selon Garin, Angela était une Négative et c’était bien ce qui plaisait à Jason, justement. Mais il ne dit rien. Il ne se serait pas abaissé à ça. « Maintenant, ils savent ce que ça fait que d’être la race persécutée. » Ce n’était donc qu’une affaire raciale de vengeance. Parce que les personnes noires de peau étaient les moins représentées, aux côtés des asiatiques, dans le paysage Positif, peut-être considéraient-ils qu’ils étaient donc tous immunisés contre Yu. Une bien belle erreur, songea Jason en son fort intérieur.

Il ne les quitta pas des yeux mais ne dit toujours rien. Répondre le démangeait et discuter avec son poing également. Mais il n’avait pas le luxe de pouvoir se faire remarquer. Sa montre dissimulait la cicatrice dans son poignet mais son pouvoir, lui, se verrait. Et comme il ne baissait pas le regard, son assaillant se rapprocha de lui, le toisant d’une demie tête. Jason resta calme, il avait cette capacité inouïe à ne jamais s’énerver. C’était pour ça que Abel l’avait à ses côtés, c’était un excellent médiateur. Plus froid et inerte que le leader de Liberation lui-même. C’était très certainement grâce à son pouvoir. Le calme et le silence qu’il inspirait.

ÉCHEC : Le duo d’affreux a trouvé de quoi s’amuser. Ils n'ont pas dit leur dernier mot.
SUCCÈS : La stature et le calme de Jason ont raison des deux loustics qui lâchent l’affaire.
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Angela Foster
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[Tu lis dans mes pensées, j’avais justement envie de faire un truc dans ce genre ^^. Oh et je m'excuse par avance de la longueur de ce post, tu m'as inspirée ]

Le commentaire de Jason m’arracha un sourire.

- Tu manque de temps hein ? Ouais, qui n’aimerait pas avoir plus de temps ?

Moi la première. Quiconque connaissait ma notion du temps ne pouvait qu’être d’accord avec moi : on n’avait jamais assez de temps.

Je me laissai entraîner par la main de Jason dans mon dos et me mis en marche à mon tour. Je marchais tranquillement, en silence, me laissant guider par les pas de Jason. Je ne savais pas s’il avait un but précis, moi en tous cas, je n’en avais pas. J’étais perdue dans mes pensées quand je me sentis soudain bousculée. Je perdis l’équilibre et heurtai Jason. Me retournant, j’aperçus deux hommes qui semblaient bien se marrer. Je fronçai les sourcils, secouai la tête et m’apprêtai à continuer mon chemin lorsque Jason les interpella.

- Laisse, c’est pas grave.

Ok l’un d’entre eux m’avait bousculée et cela n’avait pas paru les déranger outre mesure. Habituellement, j’aurai riposté par une remarque bien sentie, mais pas aujourd’hui. D’une part parce que je n’étais pas seule et d’autre part parce que ça n’allait tout de même pas déclencher une guerre ! Je pris Jason par le bras et commençai à le tirer à ma suite mais m’arrêtai presque aussitôt lorsque l’un des deux hommes s’approcha de moi. Il avait un de ces regards que j’avais surpris parfois, un de ces regards qui ne me plaisaient pas du tout.

- Qu’est-ce que…

Le mouvement de Jason interrompit ma phrase en plein milieu. Mon regard fut attiré par sa nuque. J’y voyais l’ébauche d’un tatouage et, pendant quelques secondes, me pris à rêver d’en voir l’intégralité un jour. Il dégageait une impression de force tranquille. Il n’était peut-être pas aussi grand ni aussi baraqué que les deux autres, mais il était, à mes yeux, bien plus impressionnant. La voix de l’homme me ramena sur terre. Si j’admirais Jason pour sa capacité à rester stoïque, moi je n’en étais pas capable.

- « Dégénéré » ?

Je sortis de derrière le dos de Jason (pourquoi s’était-il mis devant moi d’ailleurs ? Craignait-il que la situation ne tourne au vinaigre ? Probablement. Et ce serait certainement le cas maintenant que je m’en mêlais) tandis que l’autre s’approchait de lui.

- Tu te crois supérieur parce que t’es négatif, c’est ça ?

Ok, j’en étais une aussi, et il était probable que le simple fait de remettre les pendules à l’heure à ces deux types suffirait à les calmer, quoique. Mais je ne pris pas la peine de démentir. Au lieu de ça, je resserrai ma prise sur mon casque et fis un pas vers lui.

- Mais dis-moi, pour quelqu’un qui croit être capable de reconnaître un positif d’un simple coup d’œil, tu n’es pas très malin.

L’homme me jeta un regard mauvais que j’ignorai, et je continuai à parler, prenant un air menaçant.

- On ne t’a jamais dit qu’il ne fallait pas attaquer un positif tant qu’on ne savait pas de quoi il était capable ?

Son complice se mit à ricaner derrière mon dos et se rapprocha de nous à son tour. Wow, ok, il faisait quand même deux fois ma taille.

- Et t’es capable de quoi toi, hein ? Tu vas nous réduire en petits tas de cendres ?

A ce moment là de la discussion, ma décision était déjà prise. Ces deux idiots méritaient une bonne leçon, quand bien même je n’étais pas de taille à la donner. J’adressai un regard désolé à Jason. C’était mal barré et je m’en voulais un peu de ne pas avoir su garder mon calme, comme lui. Mais j’avais été, une fois de plus, incapable de lutter contre ma nature impulsive. C’était peut-être une grosse erreur de l’avoir invité, finalement. Même si là, au moins, il avait la vraie Angie sous les yeux. Ca le ferait certainement fuir d’ailleurs, qui pourrait s’intéresser à une fille qui court après les problèmes ?

- Je suis désolée, c’était pas vraiment comme ça que je voyais les choses quand je t’ai proposé ce rendez-vous. Si tu préfères en rester là, je comprendrai.

Oui, je choisissais toujours le bon moment pour sortir un truc de ce genre.... Je me tournai vers le deuxième homme et fis un pas vers lui.

- Vous réduire en tas de cendres ? Non. En revanche, je peux faire ça.

Et sans prévenir, j’attrapai mon casque à deux mains et le lui balançai dans la tronche de toutes mes forces.

- Je ne suis pas positive, mais quand je rencontre des connards dans votre genre, j’ai honte d’être une négative !


Succès :Vous savez quoi ? Une petite blondinette, en colère, avec un casque de moto, ça peut être assez impressionnant aussi. Et finalement, le premier homme avait beau être le plus provocateur, il n’avait rien dans le pantalon. Il récupère son pote et s’éloigne, la queue entre les jambes, non sans proférer une menace du style « si jamais on vous recroise tous les deux, vous êtes morts ».

Echec : oh oh… mauvaise idée. Le premier homme est, pour le coup, vraiment très énervé. Il me chope par le col de mon t-shirt (révélant de ce fait mon propre tatouage aux yeux de Jason) et m’attire vers lui avant de m’envoyer valser en direction du mur le plus proche et de se tourner vers Jason pour lui faire subir, certainement, le même sort.
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Jason Israel
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L’impulsivité, Jason n’en faisait que peu de cas. C’était humain. Il ne s’amusait pas à juger les réactions parfois un peu trop libérales de Garin, ce n’était pas pour manifester un désagrément face à celles d’Angela. Cependant, il commença doucement à comprendre pourquoi la jeune blonde avait attiré l’autre blondinet au premier coup d’oeil. Elle avait quelque chose qui pouvait effectivement ressembler à la soeur d’Abel. Jason espéra qu’elles possédaient d’autres similitudes. Malheureusement, le chaos qu’appelait Garin, qu’il l’ait désiré ou non, n’étais pas le genre de Jason. De par son handicap de naissance, il aspirait toujours au calme et à la paix. C’était le petit + de Liberation, pour cette raison que plusieurs des membres se retournaient vers lui pour tenter de clarifier leurs doutes comme le faisait souvent la soeur d’Abel.

Jason aurait voulu qu’elle se taise et le regard noir qu’il lançait était pour elle. Pourquoi ne pouvait-elle pas se taire ?! Les lèvres entrouvertes, il la regarda faire, hésitant à intervenir ou non. En temps normal, c’est peut-être ce qu’il aurait fait. Mais elle ne lui en laissa pas le choix. Et même, elle prit le temps de s’en excuser. Ce à quoi il répondit par une tête d’ahuri. Etait-elle sérieuse ou faisait-elle semblant ?! Et le pire, c’est qu’elle provoqua à nouveau les deux loustics. Jason n’eut que le temps de prononcer son prénom quand elle leva son casque avant qu’elle ne soit jetée contre un mur. Il la retint par le bras, évitant sa chute et quand il se retourna vers son assaillant, ce fut pour se pencher. Suffisamment pour éviter son poing. Jason était doué à distance, moins en combat rapproché, mais il possédait de bons réflexes. Avoir été sourd, devant composer avec cet handicap, lui avait appris à développer d’autres sens qu’il mettait à profit régulièrement, même maintenant qu’il entendait aussi bien que les autres, sinon mieux.

Il se désintéressa d’Angela pour attraper le bras du premier loustic et de lui tordre dans une clé de bras jusqu’à le faire hurler. Il l’envoya ensuite vers son pote d’un coup de pied bien senti dans les reins. A peine bousculé, le pote revint à la charge mais Jason esquiva en faisant un pas de côté et l’autre alla embrasser la poubelle du trottoir un peu plus loin, la renversant au passage. Quand le premier chercha sa vengeance, l’ancien agent ramassa vivement le casque d’Angela et l’envoya en uppercut dans le menton de son adversaire, sa tête partant en arrière. Sous le choc, l’homme tituba et retomba en se maintenant à un lampadaire. L’autre sauta sur le dos de Jason qui, d’un coup de bras, le fit repasser par dessus-lui jusqu’à ce qu’il retombe au sol de l’autre côté. Sans cérémonie, il appuya son pied au niveau de sa gorge pour l’immobiliser. Jason n’était pas un homme de guerre.

Sa poitrine se soulevant sous son manque de souffle, Jason les observa tous les deux, le casque à la main et il attendit. Mais aucun des deux ne sembla vouloir en découdre plus longtemps avec lui. Les lèvres pincées, la respiration forte, Jason finit par secouer la tête. Il n’était pas en colère contre eux. Des comme ça, il en avait connu beaucoup, et pas seulement depuis qu’il était Candidat. Il n’était pas entièrement en colère contre Angela, cependant, il lui en voulait. Sa mission numéro 1 était de passer inaperçu. C’était ce qu’il était venu chercher avec elle. C’était ce qu’il avait attendu d’elle. Il ne pouvait se permettre de se faire remarquer. Mais il était d’autant plus en colère contre lui d’avoir cru, juste un instant, pouvoir mener une double vie. Il ne dit rien. Pas de dernier mot, pas de réplique fatale, pas de citation. Rien.

Jason se retourna et prit Angela par le bras pour qu’elle le suive, non sans un regard derrière eux. Ils avaient attiré des regards, et peut-être bientôt la police, ce qu’il aurait préféré éviter. Marchant d’un pas plus rapide, une fois éloigné, il se retourna vers Angela en lui rendant son casque. Et enfin, il explosa en la désignant de ses mains. « Mais qu’est-ce qui te passe par la tête ! Tu t’es crue immortelle ? Personne ne t’a dit que quand on provoque, en général on récolte ? » En vérité, Jason était furieux contre elle. « C’est quoi votre problème à tous ! Vous cherchez les problèmes à tous les coins de rue ! A aucun moment il ne vous vient à l’idée de vous taire, de laisser faire, de laisser couler ! Tu as donné à ces types précisément ce qu’ils voulaient. On n’est pas tous Négatifs comme toi, Angela ! Et on n’est pas tous racistes comme eux ! C’est du bon sens ! Tu n’as pas à t’abaisser à eux, tu veux être jugée parce que tu as été aussi basse et stupide qu’eux ? Ou parce que tu as su te montrer à la hauteur et meilleure qu’eux ? » Il prit une seconde de réflexion avant de continuer, les sourcils froncés. « Si ton but dans la vie, c’est de chercher les problèmes avec des envies de suicide alors oui, je suis au regret de te dire que je préfère en rester en là. Je n’ai pas ce luxe. Des gens comptent sur moi, on m’attend quand je rentre le soir. Je n’ai pas besoin de chaos dans ma vie pour me sentir vivant. »
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Angela Foster
Angela Foster
Le reste de la bagarre se passa tellement vite que je n’eus pas vraiment le temps de comprendre ce qu’il se passait. Ni le temps d’intervenir de nouveau ce qui, finalement n’était pas plus mal. J’en avais assez fait comme ça. Je me contentai de regarder Jason, debout au milieu des deux autres, mon casque à la main, avec un mélange de stupeur et d’inquiétude et d’incompréhension.

Comment en étions-nous arrivés là ? Comment cela avait pu dégénérer à ce point ? Je n’eus pas besoin de me creuser la cervelle pour trouver la réponse. Et celle-ci me déplut profondément. Tout ça, la provocation des deux autres, cette bagarre, c’était de ma faute. Parce qu’une fois de plus j’avais été incapable de me contrôler. Mais qu’est-ce qui tournait pas rond chez moi ?

J’en étais là dans mes pensées lorsque Jason m’attrapa par le bras et m’entraina à sa suite. Je me laissai faire, en silence, consciente de parler n’arrangerait rien. Lorsque Jason s’arrêta et se retourna vers moi, je baissai la tête et essuyai sa colère sans rien dire, me contentant de récupérer mon casque lorsqu’il me le tendit. Je laissai s’écouler quelques secondes avant de prendre la parole à mon tour.

- Je suis désolée.

Ce fut tout ce que je parvins à dire au début. Je n’avais aucune justification, aucune excuse à donner, aucune envie de me soustraire à sa colère parce que c’était tout ce que je méritais. Je passais la main  sur l’aigle éraflé de mon casque et le serrai entre mes bras. Je pris mon courage à deux mains et relevai la tête, plongeant mon regard dans celui de Jason. Le mieux que je pouvais faire, c’était encore affronter sa colère en face.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’ai pas pu m’en empêcher… Je ne supporte pas qu’on s’en prenne aux autres sous prétexte qu’ils sont différents. Et je suis incapable de rester calme quand me provoque. C’est… Je n’ai pas ta capacité à garder mon sang froid. Je suis désolée, je n'ai aucune excuse.

Je baissai de nouveau la tête et la secouai avant de reprendre.

- Ce n’est pas mon but de chercher les problèmes. Mon but c’est de…

Je m’arrêtai quelques secondes, cherchant ce que je pourrais dire, prenant soudain conscience que je n’avais rien à dire. J’eus un léger rire ironique et secouai de nouveau la tête.

- Wow, tu viens de me faire prendre conscience que je n’en avais plus. On me l’a pris en même temps que mon espérance de vie ! Triste constat...

Je desserrai ma prise sur mon casque et relevai la tête vers Jason.

- On ferait mieux d’en rester là, tu as raison. De toute façon, je n’ai rien de bon à t’offrir. Je n’ai d’ailleurs rien de bon à offrir à qui que ce soit. Je n'aurais jamais dû te rappeler. Je savais que c'était une mauvaise idée. Désolée de t'avoir fait perdre ton temps.

Et pour le coup, j'étais vraiment désolée. Mais j'essayai de me "consoler" en me disant que oui, c'était mieux comme ça. Peut-être pas pour moi, mais pour lui, en tous cas.
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Jason Israel
Jason Israel
Jason soupira. Elle était désolée. Ce n’était pas pour le rassurer. Ni même pour le calmer. Quoiqu’il ne fut pas enflammé mais plutôt profondément déçu. Par Angela, par lui-même. Ce n’était pas à proprement parler un homme qui s’énervait facilement. Quelque part, il avait pris peur. Qu’aurait-il fait si ces brutes lui avait causé du mal ? S’il n’avait pas su la défendre, que se serait-il passé ? Il la dévisagea sans rien dire. Qu’elle s’excuse n’avait pas de valeur pour lui. En tout cas, ce n’était pas ce qu’il lui demandait. Il avait un autre « problème ». Quelque chose qu’il avait du mal à accepter mais face à quoi il demeurait silencieux. Il ne connaissait pas Angela, aussi il ne pouvait pas la juger, il ne pouvait lui en vouloir complètement. Mais il ne pouvait passer outre sa dépréciation. Il inspira profondément, ses yeux ne l’avaient pas abandonnée. Il l’écouta sans l’interrompre. Voilà quelque chose que beaucoup n’appréciaient pas chez lui : son côté silencieux, observateur, parfois même juge. Son calme olympien et sa diplomatie l’amenaient souvent à être l’arbitre de conflits. Comme Abel et Garin. ou même Abel et sa soeur lorsque celui-ci se montrait un peu trop oppressant pour elle.

« Encore une fois, garder son calme, ce n’est pas une question de capacité mais de bon sens. Et ce n’était pas toi qu’on provoquait. C’est à toi qu’on s’adressait mais c’était moi qu’on insultait indirectement. Et si ce n’est pas ton but de chercher les problèmes alors qu’est-ce que c’est ?! » Jason avait conscience de combien il la poussait. Pourtant, il n’avait pas haussé le ton. Il ne s’était pas non plus emporté. Il cherchait juste à comprendre ce qui n’allait pas chez cette fille. Car oui, quelque chose ne collait pas, il y avait une fausse note. Une discordance. Pour un sourd, c’était un comble ! Et si elle rit, il n’en fit rien. Il ne trouvait rien de tout ça amusant. Elle confirmait en tout cas que quelque chose ne tournait pas rond chez elle. Ni carré.

Parce que Jason évitait régulièrement les conflits, avec une aisance toute particulière, quand il croisait un défaut, il le fuyait. Un autre comble pour quelqu’un possédait une mutation génétique et donc une « fausse note » comme il aimait l’appeler. Mais il était quasi formel, ça ne pourrait pas coller, ça n’irait jamais avec Angela. Il pressentait quelque chose de négatif qui émanait d’elle et il était bien trop tôt dans leur connaissance de l’autre pour y voir autre chose. Et il s’en voulu d’ailleurs, de ne pas essayer de comprendre tout de suite. Et il fit demi-tour. Il tourna les talons pour s’éloigner. Il n’avait pas besoin de ça. Ni d’elle. Il ne pouvait accepter de se lier à un « cas problématique ». Il était l’équilibre requis au sein de Liberation, mais il l’avait toujours été au sein de sa famille. Encore une fois, c’était paradoxal de parler d’équilibre lorsqu’on faisait référence à un sourd. Plus que tout, c’était sa manière de se dévaloriser, peut-être même cette fatalité, cette « victimisation » qui le mettait hors de lui. Et… Malheureusement, ça ne lui plaisait pas. Il n’y avait pas de place, dans sa vie, pour ce genre de sentiment.

Mais Jason restait quelqu’un de sensible et d’attentif. Au bout de trois pas, il s’immobilisa. Il ne pouvait pas la laisser là. Il ne pouvait rester sans rien faire. Il n’était juste pas comme ça. Il se retourna finalement face à elle et soupira en secouant la tête. « Tu n’es personne pour savoir ce qui est bon à m’offrir ou pas. Tu n’es personne pour décréter quel temps tu me fais perdre ou gagner. Je ne te connais pas, je ne sais pas ce qui t’est arrivé pour que tu en viennes à perdre ta foi. Je te souhaite de faire la paix avec toi-même. J’espère sincèrement que tu y arriveras. J’aimerais t’aider pour ça. »
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Angela Foster
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Jason était resté silencieux pendant que je parlais. Il m’avait laissée exprimer ce que j’avais à dire et je lui en étais reconnaissante. Maintenant que j’avais terminé, j’étais, il faut bien l’avouer, complètement vidée, à deux doigts de lâcher prise et de craquer. J’en avais juste marre. Pas de Jason, mais de ce qu’était devenue ma vie ces deux dernières années. Quand tout s’écroule soudainement autour de vous, on a parfois tendance à faire les mauvais choix juste pour continuer à tenir.  

Je plongeai mon regard dans le sien quand il reprit la parole et esquissai une moue gênée lorsqu’il parla de bon sens. A l’entendre, je n’en avais pas tellement, et il n’avait peut-être pas tout à fait tort. Mais j’avais une façon différente de voir les choses. Cependant, je la gardai pour moi tandis qu’il continuait à parler. Ma gêne laissa la place à l’étonnement lorsque je compris ce qui se cachait derrière ses mots. Cela ne m’était même pas venu à l’esprit. Finalement, oui, je manquais de bon sens.

- Je…

Je ne terminai pas ma phrase. C’était inutile. Au lieu de cela je continuai à le fixer. J’étais déçue, terriblement, et pourtant, inconsciemment, j’avais voulu que ça se termine comme ça. Je savais pertinemment, au moment où j’avais levé mon casque, que ça ne lui plairait certainement pas. Mais je l’avais fait quand même. J’avais toujours agi de la sorte, je me débrouillais toujours pour tout saboter. Et maintenant, je le faisais même quand je n’en avais pas envie.

Je ne le retins pas quand il tourna les talons. Je le laissai partir, c’était mieux ainsi, je ne cessais de me le répéter. Je soupirai et me laissai glisser contre le mur, jusqu’au sol. Il valait mieux qu’il s’en aille, qu’il ne voit pas à quel point j’étais en mauvais état intérieurement, même s’il en avait déjà une idée. Je rejetai la tête en arrière et fermai les yeux, pour ne les rouvrir que lorsque j’entendis de nouveau sa voix, à côté de moi. Il n’était donc pas parti ? Je me mordis la lèvre inférieure et levai les yeux vers lui, sans rien dire. Je le laissai parler, jusqu’au bout et pris un temps de réflexion avant de répondre.

- M’aider ? Tu crois que j’ai un problème ?

Je n’étais ni énervée, ni cynique, juste… lasse.

- Juste parce que je me suis dressée face à ces deux abrutis ?  Mais, Jason, j’ai fait ce qui me semblait juste. Quand j’avais, je sais plus, cinq ou six ans je crois, j’ai vu un positif se faire tabasser, juste parce qu’il était positif. Ce jour-là, mon père m’a expliqué que c’était de notre faute, à nous, qui n’étions pas d’accord avec ça mais qui ne disions rien et laissions ce genre de choses arriver. Alors oui, je manque certainement de bon sens. Mais est-ce si mal de ne pas vouloir s’écraser face à des types comme eux ? De ne pas préférer laisser couler ? Mais si plus personne ne se dresse contre ça, qu’est-ce qu’il se passera ? Je n’ai pas la prétention de changer le monde, mais il est hors de question que je laisse qui que ce soit insulter ou faire du mal à un positif ou un candidat en ma présence. Je n’ai pas la bonne méthode, je le sais. Mais je… Je ne sais pas comment faire autrement ? Si tu as une meilleure solution, alors vas-y, dis-moi. Et, là, j’arrêterai de me battre dans les rues.

L’Angie fatiguée avait laissé la place à une Angie déterminée. C’était une autre facette de moi que je présentais désormais à Jason, loin, très loin de l’Angie souriante et douce qu’il avait pu voir au début. Loin également de l’Angie violente que j’avais laissé paraitre ensuite. Celle qu’il avait en face de lui, c’était une Angie calme, incroyablement calme, un peu paumée, mais désireuse de faire quelque chose de bien de sa vie et déterminée à le faire vraiment. Ce n’était pas juste des paroles en l’air.

- Et oui, j’ai effectivement un problème, mais à moins d’être médecin et d’avoir une méthode infaillible pour traiter les tumeurs du cerveau, tu ne peux rien pour moi. Mais je ne suis pas à plaindre, je suis encore en vie.

Je soupirai et secouai la tête avant de la relever de nouveau vers Jason.

- Jason, je suis juste une fille condamnée qui a envie de se battre pour ses idéaux tant qu’elle en a encore la force mais qui ne sait pas comment s’y prendre. Est-ce que ça fait de moi quelqu’un de si… « problématique » que ça ? Je veux dire, hormis le fait que je sois malade, je ne suis pas si différente de nombreuses personnes. Je n’ai juste, pas trouvé le bon moyen pour exprimer ce que je pense.

Je ponctuai cette conclusion par un haussement d’épaule et posai mon casque sur le sol. Je ne m’étais pas rendu compte que pendant tout le temps que j’avais parlé, je l’avais tourné entre mes mains, dans un geste qui trahissait mes pensées. Parler comme ça, se livrer à un inconnu, beaucoup disaient que c’était plus facile, moi je pensais, au contraire, que c’était beaucoup plus difficile.
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Jason Israel
Jason Israel
S'il ne manquait pas de sensibilité, Jason était doué pour ne rien montrer de ce qu'il ressentait. Et en même temps, entre la CIA et Libération, il ne s'autorisait plus à ressentir grand chose. Pas qu'il se l'interdisait mais il ne concevait pas réellement l'intérêt. C'était pour lui une perte de temps. A ce compte, il était légitime donc d'estimer que Angela était une perte de temps. Mais il n'était pas non plus sans coeur et il perçut, dans la lassitude de la jeune, une sorte d'appel à l'aide. Une ouverture, une main tendue et il ne tenait qu'à lui de la prendre. Il pouvait se montrer sévère et même plutôt dur, il en était conscient derrière son visage enjoué. Pourtant, ses sourires et autres masques « passe partout » avaient disparu à présent. Elle avait rejoint le sol et il ne l’accompagna pas. Il resta debout, non loin, à l’observer. S’il croyait qu’elle avait un problème ? Il haussa les sourcils, sarcastique. « Tu n’as pas un problème ? »

Pure question réthorique, bien sûr, il savait qu’elle avait un problème mais il n’avait pas à l’accepter à sa place. C’était à elle de faire ce travail. Et le fait qu’elle l’appelle par son prénom - qui était son véritable prénom qui plus est - voilà qui lui procurait un étrange frisson dans le dos. Plus personne, en dehors de Libération, ne l’appelait ainsi. Il n’avait plus de liens avec sa famille, ni la CIA et le reste du monde n’avait pas conscience de sa simple existence. Plus que sévère, Jason pouvait sembler intransigeant. Il considéra chacune de ses paroles, les imprimant dans sa mémoire pour les traiter plus au calme, plus tard. Garin savait-il ce qu’il en était ? Etait-ce pour cette raison qu’il restait toujours silencieux quand ils mentionnaient Angela ? Ce n’était arrivé que deux ou trois mais c’était suffisant pour Jason ait remarqué un comportement étrange.

Très bien, aussi Jason répondrait à l’appel d’Angela. Au moins pour cette fois. Après tout, c’est pour ça qu’ils étaient sur cette planète, non ? Lentement, il s’accroupit pour se mettre à sa hauteur, posant ses coudes sur ses genoux. Il réfléchit quelques secondes et finit par désigner la rue plus loin d’un doigt. « Ce n’est pas problématique de vouloir se défendre. C’en est un de vouloir se mesurer à abrutis qui n’ont pas de cervelle. Et je ne pense pas que la tienne ait besoin de se sentir encore plus touchée qu’elle ne l’est déjà, je me trompe ? » Conscient d’être dur, il soupira en pencha la tête en la dévisageant quelques secondes. « Si tu veux te battre, Angela, tu dois le faire dans les règles et avec des armes à ta taille. Tu n’iras pas loin avec un fusil à pompe si tu ne sais pas t’en servir. Ta démonstration était certes honorable, mais parfaitement stupide. Tu veux passer le reste de ta condamnation à t’énerver sur des gamins de banlieue ? Ou bien tu veux laisser un trace pour qu’on se souvienne de toi ? Et puisque tu en parles, quels sont tes idéaux ? Hein ? Pas de racisme ? Pas de discrimination ? L’égalité, la liberté, la loyauté… »

Jason essayait mais il n’arriva pas à se comporter de manière plus tendre. Il l’était pourtant, c’était d’ailleurs sa force. Mais il ne pouvait se livrer à Angela, il ne pouvait pas lui dire tout ce qu’il voulait. De plus, elle était une Négative et même s’il l’avait été un jour, comme elle et handicapé, il avait toujours vu les Positifs comme une évolution naturelle et les avait longuement enviés. Non seulement ils n’étaient pas sourds mais en plus, ils avaient des super pouvoirs. Son intégration à la CIA avait, donc, été des plus faciles. Mais à ses yeux, Angela n’atteignait pas le niveau de mérite de ces pouvoirs. Il se sentit coupable de ses pensées si sombres. Après tout, elle s’était élevée vaillamment pour ceux qui étaient comme lui, que la manoeuvre fut stupide ou non. Elle était perdue, il le sentit, elle ne savait quoi faire et encore moins comment. S’attendait-elle à ce qu’il lui donne les réponses ? Avait-il envie de lui donner ces réponses ?
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Angela Foster
Angela Foster
Jason était resté debout à côté de moi, maintenant cette distance, conservant cette attitude froide qu’il avait eue depuis l’altercation. J’y étais pour quelque chose, je le savais, je ne pouvais pas m’empêcher de m’en vouloir, un peu, mais je sentais que désormais, quoique je dise, quoi que je fasse, rien ne changerait ça. C’était pour cela que je lui avais parlé de la tumeur finalement. Qu’est-ce que ça pouvait faire désormais si son regard changeait ? Je ne le reverrais certainement pas.

Et puis, finalement, quand j’eus fini de parler, il se baissa pour se retrouver à ma hauteur. Maintenant que je le voyais mieux, j’en profitai pour détailler un peu plus son visage, décrypter son regard, son expression. Et, c’était idiot, mais j’appréciais ce que j’y voyais. Ma révélation ne semblait pas avoir changé quoique ce soit. Jason ne releva pas, ne sortit pas une de ces phrases bateaux qui se veulent compatissantes tout en montrant la gêne de ceux qui la disent. C’était tellement rare que je ne pus m’empêcher de lui en être reconnaissante, allant jusqu’à esquisser un léger sourire. Dommage qu’il ne m’apprécie pas des masses (c'était, du moins, l'impression que j'avais) parce que, moi, je commençais à me dire qu’il pouvait peut-être me plaire un peu finalement.

Il n’était pas compatissant non, il n’y avait pas la moindre pitié ou quelque autre sentiment de ce genre dans son regard et j’appréciais, vraiment. Au lieu de ça, il avait conservé sa froideur. Il était même plutôt dur avec moi. Je commençais par baisser la tête en entendant ses paroles et puis, finalement, je la relevai. J’avais besoin d’être bousculée, qu’on me dise mes quatre vérités en face, pour de vrai. J’avais l’habitude des hypocrites qui, soit-disant, voulaient me ménager. Mais je n’étais pas en sucre ! J’avais besoin qu’on me pousse dans mes retranchements, qu’on me force à me remettre en question parfois. C’était quelque chose que je ne pouvais pas faire toute seule.

- C’est pas tellement que je tienne à laisser une trace, non. Ca m’est égal qu’on se souvienne de moi ou pas. Je veux juste contribuer à rendre le monde meilleur. Mon idéal ?

Je haussai les épaules.

- Je crois que j’ai le même que pas mal de monde. L’égalité ouais. J’en rêve. J’en ai marre de ces foutues rivalités, de ces gens qui se croient supérieurs, de ceux qui rejettent les positifs parce qu’ils ont peur. Pour moi, les positifs sont… des humains plus évolués que nous. Leur pouvoir leur apportent quelque chose en plus que nous n’avons pas. Mais je considère qu’ils n’en restent pas moins humains avant tout. Ils ont des sentiments, des faiblesses, des envies, que nous, humains de base, avons aussi. Nous ne sommes pas si différents.

Je relevai les yeux sur Jason, l’interrogeant du regard. Je me demandais ce qu’il pensait de tout ça. Garin n’était pas tellement d’accord avec moi à ce sujet-là, si je me souvenais bien.

- L’égalité, ça serait génial. Mais tant que certains se penseront supérieurs à d’autres, ça ne risque pas d’arriver. On sait bien ce que ça donne pourtant. Nos bouquins d’Histoire sont remplis d’exemples de personnes qui, sous prétexte qu’elles se croient supérieures, n’hésitent pas à asservir voir massacrer ceux qu’elles considèrent inférieurs. Mais on n’est pas foutu d’apprendre de nos erreurs.

Je secouai la tête en soupirant.

- Tu sais ce que ça serait mon « monde idéal » ? Ca serait un monde dans lequel Négatifs et Positifs auraient les mêmes droits, les mêmes libertés. Un monde où ils travailleraient mains dans la main. Une belle utopie n’est-ce pas ?

J’esquissai un sourire désabusé. Ce rêve, comme tous les rêves, serait difficilement réalisable. Mais j’estimais néanmoins qu’il valait la peine qu’on se batte pour lui.

- Quant à la loyauté, c’est cool aussi, mais seulement si on est loyal envers la bonne personne, et la bonne cause. Sinon, ça peut être dangereux.

Je me perdis un instant dans mes pensées, songeant à ce qu’il venait de dire, à ce que je lui avais répondu. Il y avait une petite chose, un détail que Jason avait abordé et qui me posait question.

- Se battre dans les règles, hein ? Sauf que je ne les connais pas. Et si je les connaissais, il y a fort à parier que je ne les suivrais pas. Je ne suis pas le genre de fille qui fait les choses dans les règles. J’agis à l’instinct, au ressenti. Mais si suivre les règles peut permettre, à terme, d’atteindre mon but, je suis prête à faire des efforts pour ça. Seulement, encore faudrait-il que quelqu’un me les donne, ces règles.

Je plantai mon regard dans le sien, une lueur de malice passant dans mes yeux.

- Tu les connaîtrais pas, toi, par hasard ?

Qui ne tente rien n’a rien, et puisque c’était lui qui en avait parlé, il y avait fort à parier qu’il les connaissait, justement.
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Jason Israel
Jason Israel
Encore une fois, Jason écouta attentivement, sans rien dire. Il savait écouter, c’était sa force. Pour un sourd, c’était assez ironique, mais parler n’était pas son fort. C’était ainsi depuis qu’il était enfant et ça n’avait pas changé en rejoignant le gouvernement. Angela semblait avoir besoin de parler, aussi, il la laissa faire. Et ce, même si elle en oubliait les Candidats. A bien y réfléchir, beaucoup n’y pensaient pas. Très certainement parce que c’était encore quelque chose de très peu connu. Les gouvernements s’en servaient à des fins militaires ou expérimentales. Et pour la médecine, les Positifs et les Candidats ne faisaient aucune différence. En soi, Jason était Positif. Mais il ne s’était jamais considéré comme tel. Être Candidat, c’était aussi une fierté. D’abord, parce qu’il l’avait décidé, il l’avait accepté, il en avait fait un choix de vie. Ensuite, parce que qu’il le veuille ou non, son pouvoir lui avait sauvé la vie. Enfin, parce que Yu était pur en lui et il pouvait ainsi s’identifier aux premiers tombés, aux vétérans qui n’existaient plus aujourd’hui, ou en très bas nombre, reclus et cachés afin d’avoir la paix. Si Jason n’y avait pas été, ce jour-là, lors de la pluie chinoise sur leur pays, aujourd’hui c’était comme si. Il était fier de ça, c’était ça son héritage, c’était son hommage et son honneur.

Quand Angela eut fini, Jason expira à nouveau. Son but n’était pas de l’assommer, ni de lui donner une leçon, il n’était pas là pour ça, il était lui-même un soldat qui recevait des ordres, il n’avait pas à en donner à qui que ce soit. Toujours accroupi face à elle, les coudes appuyés sur ses genoux, il leva les mains, frappant son index de l’autre.

« Tout d’abord, Angela, l’égalité, c’est de la connerie. C’est un conte pour enfants que les parents les plus attentionnés racontent avant de les coucher. L’égalité n’existe pas. Elle n’a jamais existé qu’il s’agisse de maintenant, d’Amistad, des Jacobites, de la Shoah, des Croisades ou de tout ce que tu voudras à travers l’histoire en partant d’une différence raciale, économique ou sociale, voire religieuse. Ca ne sert strictement à rien, sinon à créer des guerres qui ne mènent, de toute façon, qu’à la guerre car l’égalité… Ca n’existe pas. Je ne suis pas raciste, je n’ai rien contre les Négatifs et que je possède un pouvoir ou non, je suis plus lourd que toi. Je n’ai pas la même couleur de peau et c’est pour une bonne raison, biologique, naturelle. Ma peau est protègée de certaines agressions de l’environnement et ce n’est pas ton cas. Tu es une femme et un jour, peut-être, tu porteras une vie en toi. Rien que par ces deux points, nous n’avons aucune égalité. Et si tu veux parler de droits, il faut avant tout penser à ses devoirs. Travailler côte à côte, ce n’est pas de l’égalité. Encore une fois, c’est du bon sens, l’acceptation de l’un par l’autre. » Jason n’était pas quelqu’un de bavard mais quand il se lançait, il ne s’arrêtait que lorsqu’il avait terminé de dire ce qu’il avait à dire et ne souffrait d'aucune interruption. Il frappa son majeur cette fois, de son index. « Ensuite, la loyauté. Il n’y a pas de mauvaise personne, dans ce monde, Angela. Seulement de mauvaises décisions. Nous sommes différents, nous ne partageons pas les mêmes idéaux, ni les mêmes opinons. Je suis loyal envers la personne en laquelle je crois. Je suis loyal envers mes amis. Ce que je pense n’appartient qu’à moi et je refuse d’être jugé pour ça. Tu es, j’en suis persuadé, loyale envers une personne qui t’inspire et tu avances ainsi, c’est très bien. Certains sont loyaux envers des grands hommes comme Jack Walkman ou même Richard Aberline ! On ne sait pas qui ils sont, peut-être est-ce qu’ils bernent tout le monde, peut-être qu’ils profitent juste de leur popularité. Peut-être qu’ils veulent tous nous aider, peut-être qu’ils voient trop grand, leur chemin est aussi semé d’embuches, peut-être se sont-ils déjà trompés dans leurs choix, peut-être que cela leur arrivera un jour. La loyauté est un sentiment noble qui ne regarde que toi. La loyauté n’a rien de dangereux, c’est ce qui te définit toi, en tant qu’individu. » Il prit quelques secondes, son regard intensément plongé dans le sien. Il frappa finalement son auriculaire de son index. « Enfin, la liberté, c’est l’arme ultime contre toute forme d’oppression. Tu es en mesure de dire, un jour dans ta vie, que tu t’es dressée, face au monde ou même face à toi-même et que tu as décidé, de façon parfaitement claire et lucide, que tu prendrais tes propres décisions. Que tu assumerais tes propres choix et ce, sans avoir à répondre de qui que ce soit dans l’univers. Tu es un individu. A part entière. Unique en ton genre. Que tu possèdes un pouvoir magique, un compte en banque explosif ou une tumeur au cerveau. Tu seras libre, le jour où tu auras compris que la liberté, c’est penser par toi-même. » Il montra vivement la ruelle plus loin. « Et PAS, parce que d’autres ne pensent pas comme toi. C’est LEUR liberté, LEUR choix. » Il la désigna à son tour, tapotant deux doigts sur sa poitrine. « Et ça, c’est à toi, de l’accepter. »

Jason se pencha légèrement vers elle et haussa les sourcils. Il ne sourit toujours pas et commença à énumérer sur son autre main, évoquant ainsi une balance.

« Le respect de toi-même, la foi en toi, la dignité, la force de volonté, la vérité… Ce sont tes règles. Celles que tu dois suivre pour être libre avec toi-même… Mais aussi avec les autres. »
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Angela Foster
Angela Foster
J’écoutai Jason, les yeux braqués sur lui, les sourcils froncés. Mon sourire s’éteignait, mon visage se fermait progressivement au fur et à mesure qu’il démontait ce que en quoi je croyais. Allez, un rêve de plus à la poubelle ! Au point où j’en étais de toute façon. Est-ce que je lui en voulais ? Non, il n’avait pas tort. Tout ce qu’il disait relevait d’une certaine forme de bon sens. Je n’avais juste pas vu les choses sous cet angle jusqu’à présent.

J’avais baissé les yeux tandis qu’il continuait à parler. Ses paroles m’amenaient à réfléchir, sur ce que je pensais vraiment, sur moi aussi, beaucoup. Et entre Garin et Jason, j’avais de quoi me remettre en question. Et plus je réfléchissais, plus je prenais conscience d’une chose : mes parents et David, à force de me surprotéger sans arrêt, m’avait enfermée dans une bulle. Je me rendais compte que j’évoluais dans un monde que je ne connaissais pas, que je ne comprenais pas. Je me faisais ma propre opinion, mais elle se basait sur des connaissances incomplètes voir erronées. Il était grand temps que j’ouvre les yeux. Mais par où commencer ?

Je restais silencieuse un instant, m’étant remise à jouer avec mon casque, signe que je réfléchissais vraiment. Je n’étais d’ailleurs plus vraiment avec Jason en ce moment précis. J’étais… ailleurs, dans mes pensées. Ce n’est que quand il reprit la parole que je relevai à nouveau les yeux sur lui. Mon regard avait changé, une nouvelle fois. Plus de malice, plus de détermination. C’était comme si je me réveillais tout à coup et que je ne savais pas où j’étais. C’était ce que je ressentais aussi. J’avais besoin d’un guide, mais il était hors de question que je demande ça à Jason.

- Ouais… j’ai encore du chemin à faire pour tout ça.

Réponse pour le moins totalement idiote, mais je ne savais pas quoi répondre d’autre. A vrai dire, Jason m’avait coupé le sifflet. Je n’avais rien à répondre à tout ce qu’il venait de dire parce qu’il avait raison. Ni plus, ni moins. Je soupirai et rejetai la tête en arrière pour l’appuyer contre le mur. Ca avait quelque chose d’assez éprouvant d’entendre ce genre de discours, de se faire remettre à  sa place. Jason n’avait pas été des plus tendres avec moi. Mais j’avais besoin d’entendre tout ça, pour avancer dans la bonne direction. Bon sang, si j’avais su que ce rendez-vous allait nous mener à ça… En cet instant précis, je n’arrivais pas à définir si c’était une bonne chose ou pas, si je regrettais de l’avoir rappelé ou pas.

Je ramenai ma tête dans une position « normale » et plongeai mon regard dans celui de Jason.

- Laisse-moi du temps, tu veux bien ? Pour l’instant, j’en suis encore au stade où je me sens coupable d’être encore « là ». Difficile d’être en paix avec soi-même dans ce cas -là.

Wow, je venais vraiment de dire ça ? Même David ne savait pas ce que je pensais vraiment. J’écarquillai les yeux et secouai la tête, reprenant la parole rapidement, tentant de corriger ma trajectoire.

- Je veux dire, « là », au début de mon cheminement. J’ai… disons que j’ai été longtemps dans une sorte de bulle. Ma vision des choses correspond à ce qu’on a bien voulu me montrer. J’ai besoin de temps pour apprendre, comprendre le monde dans lequel je vis et me forger une opinion qui serait bien à moi.

Mouais, pas sûre que ce rattrapage convainque Jason, mais qui ne tente rien n’a rien. Et puis, ce que je disais maintenant, ça aussi, c’était sincère.

- Etre en paix avec moi-même, ouais, je voudrais bien. Mais je suis ne suis pas sûre d’avoir assez de temps pour arriver jusque là. Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend en deux heures, n’est-ce pas ?  




[Sorry, c'est pas... terrible]
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Jason Israel
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Jason acquiesça. Il savait ce qu’elle voulait dire et n’avait pas eu besoin qu’elle détaille. De là à ce qu’elle se sente coupable d’exister… Il ne dit rien et laissa même un sourire naître sur le coin de ses lèvres. Il voyait bien qu’elle était perdue et totalement paumée. Fut-elle Eve ou Annie, il l’aurait prise dans ses bras pour la rassurer et aurait regardé le soleil illuminer le Sanctuaire. Gen était moins de ce genre, quant à Libby, avant qu’elle le laisse approcher… Mais elles étaient toutes comme des soeurs pour lui. Il se demanda si Angela entrait à son tour dans cette catégorie. A dire vrai, toutes les filles entraient presque systématiquement dans cette catégorie. S’il y avait une chose que Jason pouvait faire pour Angela, il le ferait. Il expira profondément et lui leva légèrement le menton d’un index pour qu’elle ne le quitte pas des yeux. Il pouvait se montrer sévère mais juste. Et il n’était pas une brute pour autant.

« Ce sont des choses qui prennent du temps. Peu importe celui qu’il te reste, c’est un travail que tu vas devoir faire pour toi-même. Oublie les Positifs et cette guerre qui n’a pas lieu d’être. Quoi que tu désires, si c’est faire quelque chose de bien dans ta vie, tu vas devoir t’enfoncer dans le crâne que cette chose… C’est avant tout toi. Personne ne pourrait le faire à ta place. » Il lâcha son visage et lui sourit doucement. « Je n’ai pas de méthode. Ni de remède. Accepter le monde qui nous entoure n’est pas une mince affaire et je ne vais pas pouvoir t’aider là-dessus. Mais comme toi, j’ai été dans une bulle un jour, pendant des années. Quand j’en suis sorti, c’était tout un monde que je devais apprendre à connaître. Alors je me suis baladé. J’en ai parcouru des kilomètres à pieds et j’ai tout appris ! Tout ce qui me passait sous l’oreille, je l’ai appris, je l’ai mémorisé. J’ai appris le bruit que fait un coeur lorsqu’il bat. Mes pas sur la route. Reconnaître les voix de ceux qui m’entourent sans me contenter des vibrations. J’ai appris à reconnaître la colère mais aussi la peine, la détresse comme la joie. Et tout ça ne s’est pas fait une nuit, il m’a fallu des années et je n’ai toujours pas fini d’apprendre ! Le temps ne doit jamais te manquer. Lui courir après ne fera que te rapprocher de lui. Si la paix n’est pas un sentiment que tu connais… Ca, en revanche, c’est quelque chose que je peux te montrer. »

Jason regarda autour de lui. Personne ne les remarquait, bien sûr. Tout le monde s’en fichait bien. Il n’y avait que lui pour voir Angela et qu’elle pour le voir, lui. Maître zen. Voilà comment il aurait dû se faire appeler au sein de Libération. Il reporta son attention sur elle et haussa les épaules. « Enfin, te montrer… Pas ici, en tout cas. »

[Bah pas mieux tu vois...]
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Angela Foster
Angela Foster
Perdue, oui, j’étais complètement perdue. Et depuis un moment déjà. Ma vie avait pris un brusque tournant quand les médecins m’avaient annoncé la mauvaise nouvelle. Et depuis ce jour-là, j’étais paumée. J’avais l’impression de me débattre dans une espèce de brouillard, de chercher la porte de sortie sans jamais la trouver. Je vivais à 100 à l’heure parce que je ne voulais pas prendre le temps de me poser et de réfléchir à ce qu’il m’arrivait. J’en avais conscience, mais jusqu’à présent, ce « détail » était resté dans un coin de ma tête, parce que je ne voulais pas le reconnaitre. Je savais que j’allais droit dans le mur, que mon attitude n’était pas la bonne, mais je ne voulais pas le reconnaitre. C’était tellement plus facile de se laisser aller que de se battre pour revenir sur le bon chemin.

J’avais de nouveau baissé la tête, plus troublée que je ne l’aurais cru par tout cette conversation. Ouvrir les yeux est un cheminement difficile et si Jason n’en avait pas été le point de départ (ça avait plus ou moins commencé avec Garin), il en était tout de même l’arrivée.

J’avais gardé la tête baissée et j’attendais. Mais je ne savais pas quoi. Qu’il dise ou fasse quelque chose, qu’il se lève et parte en me laissant seule dans cette ruelle ou qu’il reste avec moi en silence. Je ne savais pas ce que je préférais. Quoiqu’il en soit, je ne m’attendais pas à ce qu’il réagisse comme. Il m’avait montré un visage tellement impassible jusque là. Et tout à coup, j’avais l’impression qu’il se « radoucissait ». C’était assez troublant je dois dire.

Je relevai la tête, comme il m’incitait à le faire, et plongeai mon regard dans le sien. J’avais essayé de me persuader depuis le début que je n’attendais rien de Jason et finalement, il m’apportait quand même quelque chose. Et ça aussi c’était gênant, parce que je n’avais rien à lui offrir. Cependant, je l’écoutai parler, encore, me perdant dans son regard. Venait-il de sourire ?

Plus il parlait et plus je sentais la ruelle disparaitre autour de nous. Je l’imaginais, tel qu’il se décrivait, découvrant le monde à sa façon, j’arrivais à le voir marcher, écouter. Je ne voyais plus que lui, j’étais incapable de le quitter des yeux.

Sa dernière phrase me ramena à la réalité et je regardai un instant autour de moi, comme si j’essayais de me rappeler où j’étais.

- Oui… C’est…

J’esquissai un sourire et secouai la tête. Je réfléchis un moment, hésitai quelques secondes avant de reprendre la parole et me lançai finalement.

- Je connais un bon endroit pour ça. Si ça te dit de me le montrer maintenant…

En fait d’endroit, je pensais à mon « refuge », sur le toit d’un immeuble désaffecté. Oui, aussi étrange que ça puisse paraître, je me sentais prête à le partager avec Jason. Au moins pour une fois.
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Jason Israel
Jason Israel
[HJ : Je suis profondément désolé. C'est d'un lamentable... J'ai des blocages débiles depuis une semaine...]

Jason sourit. Il lui prit la main pour l’aider à la relever. Avec quelques fournis dans les jambes, il acquiesça. « J’aimerais bien, mais je ne vais pas avoir le temps. Je vais devoir aller travailler bientôt. Viens, je te raccompagne. »

Il l’incita à le suivre, la reconduisant jusqu’à sa moto. Ce qu’il avait en tête prendrait un moment, il en était certain. Il n’était même pas sûr que cela fonctionne avec elle et il devait y réfléchir. Si elle acceptait son aide, il tenait à ce que ce soit efficace. Il aurait besoin de calme et de patience. Marchant à nouveau à ses côtés, Jason poussa un profond soupir.

« En attendant, si tu pouvais rester loin des ennuis, ça m’arrangerait. » Une fois à sa moto, il la dévisagea avec un sourire. C’était une jeune femme bien curieuse. Une moto, les cheveux courts, un caractère trempé, elle avait tout du garçon manqué. Est-ce que cela plaisait à Jason ? Non, pas vraiment. Est-ce que ça la rendait moins attirante ? Non plus. Jason eut l’impression de la détailler comme s’il attendait quelque chose d’elle. Or, ce n’était pas le cas. Elle était banale pour ce qu’il pouvait en juger. Il s’était probablement attendu à ressentir quelque chose. Dans sa poitrine ou dans sa tête. Un éclair, quelque chose. Il se sentait coupable d’être aussi insensible, c’était un comble. La plupart des jeunes hommes de son âge aurait forcément eu des pensées pour Angela ! Mais pas lui. Elle était même plutôt jolie quand elle souriait. Alors pourquoi ne pouvait-il juste pas ressentir quelque chose ? C’était à croire que son pouvoir lui avait rendu l’ouïe… Mais en lui prenant tout le reste.

Aussi, il reste là, debout, face à elle, sans trop savoir quoi dire ni quoi faire. Les relations de tous les jours, il n’était décidément pas doué. Pour ne pas dire totalement maladroit, voire carrément incompétent. C’est pour cette raison que Jason tendit sa main vers Angela pour… La saluer. Avec un sourire.
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Angela Foster
Angela Foster
[mais non, c’est très bien, arrête de t’excuser tout le temps !]


La main de Jason dans la mienne était douce et chaude. Ca n’avait rien de particulièrement étonnant, mais je devais reconnaitre que c’était une sensation plutôt agréable. Je m’appuyai sur lui pour me relever, ramassant mon casque au passage.

- Ok, pas de soucis. Ca sera pour une autre fois alors.

Je lui adressai un sourire, mais je savais parfaitement  que je ne pouvais pas cacher la lueur de déception qui était passée dans mon regard. Quelque chose me disait que je ne le reverrai pas tout de suite. Il avait beau s’être montré plus… gentil, sur la fin. Il était clair que je n’étais pas vraiment ce qu’il recherchait. Et de mon côté, même si je n’étais pas contre l’idée de le revoir, je ne le rappellerai certainement pas. J’avais bousculé mes principes une fois, je n’étais pas sûre d’être prête à le faire une seconde fois. C’était trop risqué.

Je le suivis en silence tandis que nous retournions vers l’endroit où j’avais laissé ma moto. Sa recommandation me fit tourner la tête vers lui. J’esquissai une moue un peu gênée et finis par acquiescer.

- Je vais faire de mon mieux. Promis.

Je lui adressai un sourire et marchai jusqu’à ma moto, qui se trouvait maintenant à quelques pas. Arrivée là, je me retournai vers Jason pour le saluer et surpris son sourire, et son regard, qui semblait me détailler. Je haussai un sourcil interrogateur et esquissai un sourire en coin. J’allais lui demander ce qu’il se passait lorsqu’il me tendit la main. Mon sourire se transforma en rire. Wow, celle là, c’était la première fois qu’on me la faisait. D’ailleurs, la technique de drague que Jason avait utilisée sur moi, c’était aussi la première fois qu’on me faisait un coup pareil. Il était plein de surprises ce garçon. Il commençait à me plaire, finalement. J’attrapai sa main en riant et me rapprochai de lui, juste assez pour pouvoir me hisser sur la pointe des pieds et déposer un léger baiser sur sa joue.

- A bientôt !

J’enfilai mon casque, enfourchai ma moto et la démarrai.
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