[CLOS] [Angela/Archi] Vous désirez ?

Il y avait une réalité dans ce monde: on pouvait être doté d’autant de pouvoirs qu’on voulait il fallait bien s’acheter certains éléments nécessaires à la vie de tous les jours.
Et malheureusement le pouvoir d’Archi ne permettait pas de se raser avec des lasers sortant des yeux en les faisant rebondir face au miroir.
D’un il n’avait pas de lasers dans les yeux, de deux si il en avait il n’était pas invulnérable et se cramerait surement la gueule. Il fallait donc bien qu’il aille acheter le nécessaire, et surtout qu’il ne traîne pas.

- Bon tu vas pas rester comme un gland pendant 20 ans face aux mousses à raser c’est pas compliqué de choisir non.

Et voilà qu’il était planté là en plein milieu de l’allée sans vraiment savoir quoi prendre. C’est qu’il y avait du choix… Trop de choix…

J’étais là, arpentant les rayons du supermarché, faisant l’une de ces choses que je détestais le plus au monde : les courses. C’était… nécessaire, c’est certain, mais c’était surtout une perte de temps pour moi. D’autant que David s’évertuait toujours à me faire une liste longue comme le bras. Des courses pour toute une semaine, au moins ! Quel intérêt ? Moi qui vivais en permanence dans le temps présent, j’avais bien du mal à savoir de quoi j’allais avoir besoin dans 3 jours !

Bref, j’étais là, avec ma liste, mon panier commençant à peser lourd. Il ne me manquait plus que… Je jetai un coup d’œil à la liste checkant mentalement le contenu de mon panier. Ah oui, du déo pour homme. Je bifurquai dans le rayon hygiène du magasin et passai à côté d’un homme planté devant les mousses à raser. Je continuai mon chemin, attrapai le déo en question (David avait eu la grande bonté de m’indiquer la marque, le parfum, tout ça) et repassait dans l’autre sens à côté de l’homme qui s’encouragea à haut voix pile au moment où je le dépassai.

Je m’arrêtai, un sourire en coin et me plaçai à côté de l’homme, face au rayon.

- 20 ans pour une mousse à raser… ça fait un peu long en effet. Surtout qu’à ce moment-là, vous risquerez d’avoir besoin de bien plus qu’une simple bombe de mousse à raser.

Je lui adressai un sourire et attrapai une boite dans le rayon que je lui tendis.

- Il parait que celle-ci, elle est pas trop mal. Bon rapport qualité/prix, à ce qu’on m’a dit.

Il fut surpris quand on lui parla. Voilà qu’on le conseillait sur les mousses à raser. Il regarda celle qui lui proposait cela. Une jeune femme blonde ? Alors là…

-Pourtant il ne me semble pas que vous en ayez besoin ! Ou alors c’est qu’elle est diablement efficace.

Obéissant à la jeune femme il prit en main le flacon qu’elle lui désignait. Oui cela avait l’air plutôt pas mal.

-Merci pour vos conseils, vous êtes une pro de la mousse à raser, ou alors vous faites les courses pour monsieur ?

Il désigna le déodorant qu’elle avait dans les mains. Visiblement ça devait surement être monsieur qui avait besoin de mousse et pas elle.

Quand il tourna la tête vers moi, la première chose que je vis, ce fut ses yeux. Bleus, intenses. J’avais toujours trouvé ceux de mon frère très beaux. C’était assez marrant d’ailleurs parce que, théoriquement, j’avais les mêmes que lui, mais ils ne me faisaient pas la même impression. Quoiqu’il en soit, cet homme avait des yeux encore plus impressionnants.

Sa réponse me tira de ma contemplation et me fit rire. Je secouai la tête et glissai le déodorant sur le dessus de mon panier.

- Ni l’un ni l’autre.

Mon rire s’estompa, mais je conservais toujours mon sourire. Je posai mon panier par terre, trop lourd, et enfonçai les mains dans mes poches.

- En fait, si, ça serait plutôt la deuxième option. A un ou deux détails près. Quoiqu’il en soit, c’est celle que mon frère utilise. Et il doit en être satisfait vu qu’il prend toujours bien soin de m’indiquer la marque qu’il faut que je prenne quand il m’envoie faire les courses !

Je haussai les épaules et le désignai du menton avant de continuer.

- En tous cas, vous, vous n’avez pas l’air de faire les courses très souvent…

La jeune femme était intéressante et au moins elle avait de l'humour. Il avait peu d'occasion de discuter avec d'autres personnes de son espèce, entendaient par là qu'il ne voyait que rarement les humains autre part que dans leurs dossier personnels bien sur. Au moins une discussion un peu moins pécuniaire ne pouvait pas lui faire de mal.

- Je peux le comprendre ! Quand on trouve quelque chose qui nous convient parfaitement il est idiot d'en changer. Et puis il est difficile de passer à autre chose.

Il regarda un instant la jeune femme, un grand sourire sur le visage.

- Ca se voit tant que ça ? Non disons plutôt que je fais régulièrement mes courses, mais jamais au même endroit, ce qui complique pas mal la chose quand il s'agit de retrouver quelque chose qui m'avait bien plu. J'ai donc pris l'habitude de prendre le premier produit qui me passe sous la main.

Tendant la main à la jeune femme pour la saluer correctement, il reprit.

-Mais je ne me suis pas présenté, je suis Archibald. Merci d'être venu à mon secours!

Je haussai les épaules, pas très convaincue. Je n’étais pas du genre de ceux qui recherchent le produit idéal et ne changent plus jamais une fois qu’ils l’ont trouvés. J’étais plutôt du genre à prendre le premier truc qui venait. J’avais besoin de shampoing ? Et bien j’en prenais un. Peu importe qu’il soit pour cheveux bouclés, colorés, secs… tant qu’il lavait les cheveux, ça m’allait. Je n’en demandais pas plus.

- Ouais. Mais… qu’est-ce que vous faites de la surprise dans tout ça ? Je veux dire, ça peut être marrant de prendre un produit au hasard sans savoir s’il va vraiment fonctionner comme on le souhaite. Non ?

Je répondis à son sourire par un autre sourire et hochai la tête. Effectivement, je comprenais que dans une telle situation, on puisse rester planté devant un rayon sans savoir quoi prendre. Je m’abstins cependant d’ajouter qu’il était resté planté bien longtemps pour quelqu’un qui prend le premier produit qui vient.

Je sortis une de mes mains de mes poches et attrapai celle qu’il me tendait.

- Enchantée, moi c’est Angie. Et y’a pas de quoi. J’espère qu’elle fonctionnera comme vous l’espérez. Je m’en voudrais de vous avoir mal conseillé ! Quoiqu’il en soit, je commence à connaitre le magasin comme ma poche alors si vous êtes de nouveau perdu, n’hésitez pas !

Voilà une drôle de notion. De toute façon de base il n’aimait pas les surprises. Peut-être le contre coup de ses capacités, il aimait savoir, prévoir. C’était comme cela qu’on jouait dans son monde, si on avait un coup de retard on perdait.

- Oui alors la dernière fois que j’ai fait ça je suis sorti de la douche avec des cheveux bleus, alors je préfère être sûr de ce que je prends. Et puis franchement les surprises. J’aime quand les choses sont bien panifiées.

Il n’avait jamais été doué pour ça. Enfin en 12 ans il avait quand même eu le temps d’apprendre un peu, mais il est vrai que chez ses parents quelqu’un faisait les courses pour eux, ce qui facilitait grandement cette démarche.

- Et alors Angie, que faites-vous donc dans la vie ? A part arpenter les allées des petits magasins de quartier.

J’eus envie de rire à cette remarque mais m’abstint et optai plutôt pour une grimace mi-figue mi-raisin.

- Ouais… il arrive que parfois les surprises soient… mauvaises.

Et tandis que je disais ça, une image se forma dans mon esprit, lui, en costard cravate, tel qu’il était devant moi en fait, mais avec les cheveux bleus. Et cette fois, je ne parvins pas à me retenir. J’éclatai de rire. Un rire franc, joyeux, mais pas moqueur.

- Désolée… je suis sûre que pour vous, ça ne devait pas être drôle du tout. Mais d’un point de vue extérieur, ça devait être… assez hilarant. J’espère que c’est parti assez vite !

Je parvins à m’arrêter de rire mais je gardai un sourire joyeux. Avec mon frère, on avait fait le même genre de blague à notre père quand on était gosses. Sauf qu’on avait eu la bonne idée d’utiliser de la peinture indélébile… Pendant une semaine, il s’était baladé avec les cheveux verts. On s’était pris une de ces trempes mais qu’est-ce que c’était drôle !

Cette pensée me fit à nouveau éclater de rire et j'eus du mal à me calmer pour répondre à sa nouvelle question.

- Ce que je fais ? Hum… c’est assez changeant en fait. Je tiens difficilement en place. Mais en ce moment je suis serveuse dans un bar. Et vous ?

- Ho oui ne vous inquiétez pas, j’ai fait quelques recherches en ligne, et j’ai trouvé un moyen efficace de récupérer ma couleur de cheveu. Ni vu ni connu !

Il souriait à la jeune femme. Cette histoire lui était arrivée peu de temps après le départ de chez ses parents, la découverte du vrai monde, et pas celui que la demeure Akton lui offrait, avait été rude pour le gamin qu’il était encore à l’époque.

- Serveuse ? Voilà un job intéressant, ça permet de rencontrer du monde c’est plutôt sympa. Et où donc ce bar est situé ?

Par contre concernant la question. Il allait lui répondre quoi ? Là tout de suite, je suis en train de préparer l’infiltration d’un complexe de l’armée afin de vendre la localisation et les codes de sécurité d’un stock d’arme pour un groupe dissident ? Un peu compliquée comme explication. Compliquée et risquée.

-Je suis courtier. Je sers d’intermédiaire dans différentes transactions plus ennuyeuses les unes que les autres. Franchement, votre métier est plus passionnant que le mien croyez-moi ! Mais c’est dans votre nature de ne pas tenir en place ?

Enfin ennuyeuse était un bien grand mot. Sa dernière transaction avait bien failli lui coûter des bottes en béton et un aller simple jusqu’au fond de la baie. Mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs comme on dit.

- C’est fou ce qu’on peut trouver sur internet !

Nul doute que si mon père avait eu ce réflexe là, on aurait été puni moins longtemps David et moi… Mais allez savoir pourquoi, dans un monde où l’utilisation d’internet est devenue tellement anodine, mes parents, eux, ne s’en servaient quasiment jamais. En fait, ils avaient toujours été plus ou moins réfractaires à tout ça.

Je hochai la tête.

- Des gens sympas oui… des gens beaucoup moins sympas aussi. Ce sont les risques du métier, dès qu’on est en contact avec les gens, il faut savoir jongler avec les caractères de chacun. Et le problème, c’est que l’alcool a parfois tendance à débrider de mauvais caractères…

Mais à vrai dire, ça m’était totalement égal. Je n’étais pas le genre de fille qui se cache derrière son bar et qui attend que l’orage se passe. J’étais plutôt du style de celles qui serrent les poings et n’hésitent pas à s’opposer à des types deux fois plus grands et plus balèzes qu’elles pour ramener le calme.

- C’est un bar de la ville basse, qui s’appelle le Mystère*. C’est un endroit plutôt sympa, assez en vogue en ce moment d’ailleurs. Toujours plein à craquer ou presque. Avec une super ambiance. Passez-y à l’occasion !

Je lui adressai un nouveau sourire tout en écoutant sa réponse. Courtier hein ? Bah, à vrai dire, ça allait bien avec le costume.

- Disons que c’est plus une philosophie de vie que quelque chose d’inné. Un jour, j’ai compris que la vie était trop courte pour s’embarrasser de choses qui nous ennuient, nous encombrent. C’est comme une perte de temps alors qu’on pourrait faire des choses cent fois plus intéressantes ! Alors tant que ça se passe bien, je reste, mais dès qu’il y a le moindre couac, je préfère aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ! Certains pensent que c’est une façon de fuir les problèmes. C’est possible. Mais sérieux, se prendre la tête pour le moindre truc, est-ce que c’est pas une sacrée perte de temps ?


[*, en fait, non mais Alex et Matt n’ont toujours pas décidé de son nom donc en attendant…]

Oui ça dans les bars on croisait de tout, et il le savait. Parfois on y croisait même des personnes plus qu’agréables. Mais ce n’était pas le sujet.

- Hummm… Je me renseignerai, mais je traîne rarement dans les bars, il me faut souvent une très bonne raison, ou un contrat juteux pour y mettre les pieds. En général je n’aime pas les lieux trop… Remplis.

Ce qui était vrai, en général les lieux bondés il évitait, il suffisait que son pouvoir fasse « son truc à lui » pour qu’il se retrouve vraiment dedans jusqu’au cou.

- Après je viendrai peut être faire un tour, ça peut pas faire de mal… Normalement.

Ha la philosophie de vie. Archi avait aussi une philosophie simple : rien n’est secret, tout se sait. Mais jusqu’à présent il n’avait jamais eu à penser à ce genre de détails. La vie trop courte ? Peut-être, elle s’arrêtait quand c’était censé le faire. Ce n’est qu’un jeu après tout. Et tout jeu doit aller à sa fin.

-J’avoue ne m’être jamais posé la question. Je comprends bien cette façon de voir, et je serai surement d’accord avec vous dans d’autres circonstances mais… Il y a une autre question à se poser. A force de partir, et de laisser derrière vous ce qui vous encombre, ne ratez-vous pas des occasions qui auraient pu faire de ce « court moment » comme vous dites, un instant merveilleux et inoubliable ? Les conflits, ou les trucs qui prennent la tête, sont aussi là pour faire rebondir une histoire, ou mener vers de nouvelles aventures. Si vous les évitez, si vous ne les affrontez pas, ne pensez-vous pas que vous risquez finalement de passer à côté d’une partie de cette vie que vous estimez si courte ?

Pour lui sauter des étapes dans une histoire c’était un peu comme tricher dans un jeu. De mettre le mode de difficulté sur « débutant », ça n’avait pas de saveur au final, ça manquait de défi. Et Archi il aimait les défis.

-Enfin ce n’est que mon avis. Moi je pense que la vie est un jeu, et que c’est un peu facile de vouloir contourner la difficulté. Un peu comme utiliser un cheat code pour arriver plus vite à la fin. C’est dommage je pense, pas vous ?

Je penchai la tête sur le côté et fis une moue dubitative.

- Ben… si vous n’aimez pas la foule, alors une plongée dans ce genre d’endroit, c’est pas mortel, mais... c’est pas forcément hyper agréable non plus…

Je haussai les épaules et repris, avec un sourire.

- Mais bon après, on est parfois surpris d’apprécier des choses qu’on aurait pensé ne pas aimer du tout. Faut essayer ! En tout cas, une chose est sûre, ça vous tuera pas. Ca ne devrait pas vous blesser non plus. A moins que vous ne me forciez à vous foutre dehors manu militari !

Je croisai les bras et pris un air de dure à cuire, mon sourire ne pouvait résister à l’envie de se frayer un chemin jusqu’à mes lèvres. La suite de la conversation, cependant, le renvoya vite là d’où il était venu.

- Si, certainement. Mais… vous savez, quoiqu’on décide, on passe forcément à côté de quelque chose. Je décide de ne pas aller plus loin, et du coup, je découvre autre chose, quelque chose de nouveau, probablement d’encore mieux. Quelque chose que je n’aurais jamais vu si je n’avais pas décidé de tourner les talons. Et puis…

J’enfonçai à nouveau les mains dans les poches.

- Je crois que, comme beaucoup de gens, j’ai eu mon lot de problèmes et j’en arrive à un moment où j’en ai marre. Certains sont assez forts pour continuer à affronter tout ce qui se présente à eux. D’autres préfèrent sacrifier certaines choses si ça peut leur simplifier la vie. Il semblerait que je sois de ceux-là.

Je lui adressai un clin d’œil.

- La vie est un jeu, c’est certain. Et je la prends comme telle. Et entre nous, prendre la décision de fuir les problèmes, c’est déjà prendre une décision non ? Je veux dire, une fois que c’est fait, on ne peux pas se dire « mince, j’aurais dû choisir l’autre option » et revenir en arrière. Parce que si on pouvait tout recommencer à chaque fois qu’on se plante, ça aussi, ça serait trop facile. Non ? Alors… je ne pense pas que ça soit particulièrement dommage. Je ne vais pas directement à la fin, je choisis juste un autre chemin.

Sa vision était étrange. Alors certes Archi avait une vision déformée par sa présence sur le réseau. Tout n’était que données, numéros, vidéos. Et il voyait chaque difficulté de la vie comme un nouveau
pare-feu à briser. Sa vie entière était dédiée au défi que lui offrait le jeu de cet univers, pourquoi fuir face aux défis.

- Votre vision est étrange. Certes choisir de fuir est une réponse envisageable. Tout comme il peut paraître logique de mettre le feu à une grange à grain car on y a vu une souris. Mais est-ce la réponse la plus appropriée ?

Cela le faisait sourire. Estimer qu’éviter un combat était déjà prendre une décision lui paraissait inconcevable. Un combat doit être mené quitte à ce qu’on échoue. Mais on ne sait pas que l’on va échouer si on n’essaye pas ? Il leva les yeux au ciel un instant, avant de les braquer de nouveau sur la jeune femme, un sourire amusé planté sur ses lèvres..

-Vous vous privez des meilleurs instants de votre vie. Des plus grandes découvertes. La fin d’un combat n’est pas intéressante, elle ne l’a jamais été, c’est le combat le plus grand moment !

Il se souvenait des plus grands défis de sa vie d’homme et de Hacker. Passer des pare-feu supposés inviolables, pénétrer les locaux du FBI, se faire passer pour un professeur d’université afin d’atteindre des labos top secrets, rien que des instants d’une vie dont l’histoire avait été intéressante, la fin en soi…. N’était qu’une fin parmi d’autre.
Une furieuse envie de fouiller un peu l’histoire de son interlocutrice le prit, mais il n’en fit rien. Cela ne le regardait pas, mais il voulait comprendre pourquoi cette vision, ce qui l’amenait à croire que le monde n’était qu’une fuite en avant à papillonner d’ennuie en ennuie. Il avait fui pendant 12 ans, et pourtant… Et pourtant il préférait combattre, et ne jamais abandonner.

-Que diriez-vous en allant voir un match si l’une des équipes sortait du terrain avant même la rencontre ? C’est dans les batailles les plus rudes que l’on crée les meilleures histoires. Se planter, réussir, quel importance ? La satisfaction de savoir qu’on a fait tout ce qu’on pouvait, pousse l’humain à s’améliorer, et alors seulement il atteint assez de potentiel pour devenir ce qu’il est censé être : un humain.

Je fronçai les sourcils.

- Parce qu’il n’y a forcément qu’une seule réponse appropriée ? Et s’il n’y avait tout simplement pas de réponse adéquate ? Et si la réponse dépendait de la personne et de son vécu ? Brûler une grange parce qu’il y a une souris, c’est peut-être un peu excessif, en effet. Mais…

Je portai la main à mon menton, réfléchissant un instant.

- Non, oubliez, pour que mon argument fonctionne, il faudrait que cette souris soit en fait un rat infesté de puces... Et encore, ça ne serait pas suffisant.

Je haussai les épaules.

- Ce que je veux dire, c’est que c’est à chacun de trouver la réponse qui lui convient le mieux.

Je l’écoutais attentivement et plus il avançait, plus je fronçais les sourcils.

- Oui, ok, je suis d’accord avec tout ça. Mais…

J’esquissai un sourire las et me passai la main dans les cheveux.

- Disons que ma vie est un continuel combat et que je commence à en avoir marre. J’aspire à plus de facilité. Mais c’est… compliqué. Trop compliqué pour que j’en discute avec un parfait inconnu en plein milieu du rayon hygiène d’un magasin !

J’attrapai la poignée de mon panier et souris, plus franchement cette fois.

- Et là, tout de suite, je dois faire face à un problème que je ne pourrais éviter : comment faire rentrer tout ça dans mon sac à dos !

La vision de la jeune femme continuait à le faire sourire. C’était tellement simple finalement de voir les problèmes comme cela. Comme des obstacles qu’on pouvait simplement éviter, comme si il était plus simple de courir jusqu’à l’aventure suivante. Il haussa les épaules et soupira.

-Vous avez raison, tout dépend du vécu, mais une personne qui passe sa vie à éviter les obstacles, ne saura pas ce qu’est le vrai sel de la vie, et sera bien incapable d’affronter le dernier obstacle qui surviendra sur sa route.

Et quel que soit cet obstacle ceci était la pure vérité. On l’avait enfermé toute sa jeunesse dans cette prison d’or où tout lui était offert, permis, facile. Et quand il s’était retrouvé confronté au monde extérieur il avait déchanté. Dormant pendant plusieurs mois dans des ruelles froides, cherchant ce qu’il pouvait pour survivre, avant d’arriver à utiliser son pouvoir à bon escient. Sans ce dernier il serait d’ailleurs surement déjà mort à l’heure qu’il est.

Archi avait vu juste, la femme avait bien des troubles dans sa vie qui la forçait à voir le monde comme un perpétuel combat qu’elle devait éviter. Voilà qui était intéressant. Mais pourquoi corrompre sa vision du monde à cause de ça ?

Il planta son regard dans celui de la jeune femme un sourire sur les lèvres, avant de regarder son panier.

-La vie est un continuel combat pour beaucoup d’entre nous, à vous de savoir si vous voulez profiter de ce qu’elle vous offre, ou fuir ce qu’elle pourrait devenir. Mais d’accord, en effet je ne suis pas le mieux placé pour vous donner un avis surtout ici. Par contre vu que vous ne semblez pas vouloir fuir le problème de sac à dos, et pour m’avoir aidé à choisir ma mousse, je peux me proposer pour vous aider à porter vos affaires. C’est la moindre des choses.

- Je n’ai pas passé ma vie à éviter des obstacles. A l’heure où je vous parle, telle que je suis, là, devant vous, j’essaie de surmonter le plus gros que je ne connaitrai jamais. Quand bien même je sais que c’est perdu d’avance.

Je penchai la tête sur le côté et souris à mon tour. Un petit sourire, malicieux, qui tranchait avec le sérieux de mes paroles. Je sentais qu’il m’entrainait, sans le savoir et bien malgré moi, sur une pente savonneuse, vers une discussion que je ne voulais pas avoir et qui était pourtant bien engagée déjà. Il fallait que je me sorte de là.

- Dites-moi, Archibald, vous me semblez être quelqu’un de sacrément sérieux. On ne vous a jamais dit que vous réfléchissiez trop ? Que vous vous posiez trop de questions ? Pourquoi se prendre la tête à argumenter sur un sujet sur lequel vous n’aurez, de toute façon, pas le dernier mot. Je suis coriace, des tas de gens ont déjà essayé de me faire changer d’avis. Certains ont compris mon point de vue, parce qu’ils avaient toutes les cartes en main, mais pour autant, aucun de leurs arguments n’a réussi à faire mouche.

Je soutins son regard pendant quelques secondes. Bon sang, quels yeux, le genre qui pourraient, s’ils s’y prenaient de la bonne façon, me faire flancher sans que j’ai eu le temps de comprendre pourquoi.

- C’est gentil, mais ça ne ferait que repousser le problème. Admettons que vous m’aidiez à porter tout ça jusqu’à la sortie du magasin, il me faudra toujours ramener le tout chez moi.

J’examinai le contenu du panier d’un œil critique.

- Vous savez quoi ?

Je pris la bombe de déo et la fis sauter dans ma main avant de la remettre en rayon.

- Mon frère n’aura qu’à se passer de quelques trucs pendant quelques jours !

Je me retournai vers Archibald et lui adressai un clin d’œil.

- Et voilà, problème résolu !

Archibald éclata de rire, ce n'était pas méchant, mais tout cela était tellement drôle.

- Navré, je ne me moque pas. Mais vous rendez vous compte que justement c'est en rapport avec tout ça. Je ne cherche pas à avoir le dernier mot, je profite du combat ! Je me moque du résultat, ce qui est intéressant c'est comme cela s'est déroulé. Comme quoi, même sur ce point là nous avons une vision différente !

Il se moquait finalement de la faire changer d'avis, il aimait juste la joute qui les avait mené jusqu'ici. C'était ca le vrai frisson, le vrai challenge, le vrai amusement. Il la regarda reposer le déodorant, et fut pris de nouveau d'un rire irrépressible. Comme si il lui proposait juste d'aller à la caisse, non il assumait son rôle jusqu'au bout, et était même prêt à la raccompagner chez elle en portant une partie de sa charge, mais...

- Même quand il s'agit de déodorant vous évitez le problème ? Vous êtes vraiment étrange vous savez ? Et croyez-moi je suis loin d'être un gars sérieux, je suis même loin d'être le genre de type qu'on peut qualifier de fréquentable. Je suis juste un joueur.

Oui rien de plus, il jouait toujours, tout le temps, sa vie sur une partie de dé, son avenir sur un pile ou face. Tout n'était toujours qu'une question de chance et de persévérance.

- Vous pensez que votre frère va apprécier que vous ne vous soyez pas occupé de lui ? Le pauvre ! Franchement!

Son regard resta quelques secondes sur le déodorant, qu'il finit par prendre.

- Aller, disons que c'est moi qui le prend, et que je l'oublie malencontreusement devant votre porte. Dites moi c'est assez rare qu'une femme de votre trempe habite avec son frère. Vous deux devait être très liés. Il travaille au bar avec vous ?

Il avait un rire communicatif. Et, bon, j'étais du genre bon public aussi. Le genre "vous riez, je ris". Ou du moins, je souris. Et c'est ce que je fis. Et comme je n'avais rien de plus à ajouter sur le sujet, je me contentai donc d'un sourire amusé.

Sa question sur le déodorant me fit tourner la tête. Je posai les yeux sur la bouteille que je venais de reposer et penchai la tête.

- Euh... Comment ça je suis étrange ?

Je plantai mon regard dans le sien et fronçai les sourcils. J'aurais pu avoir l'air vexé, si ce n'était cette petite lueur d'amusement que j'avais toujours du mal à faire disparaitre de mon regard.

- Je suis juste une fille qui manque de place dans son sac à dos ! Et vous... Vous n'avez pas vraiment l'air d'un type loin d'être fréquentable.

Je le jaugeai de la tête aux pieds avec toujours cette lueur d'amusement dans les yeux.

- Intéressant. Et mon frère n'avait qu'à venir faire ses courses lui-même. Il sait pertinemment que je suis à moto la plupart du temps et que je n'arriverai jamais à faire tenir tout ça dans mon sac à dos.

Je sortis la liste de ma poche et la mis sous le nez d'Archibald, histoire qu'il puisse juger de sa longueur. Sa réponse me fit rire.

- Hum, je ne m'aventurerai pas dans cette direction si j'étais vous, sinon, c'est la moitié de ce panier que vous risqueriez d'avoir à abandonner sur le pas de ma porte ! Quand à mon frère... oui, nous sommes inséparables !

J'avais dit ça avec beaucoup d'exagération dans la voix.

- Non, plus sérieusement, on s'adore, mais disons qu'on n'a pas vraiment eu le choix. J'ai...

Je haussai les épaules.

- Pour faire simple, ça rassure mes parents de savoir qu'il y a toujours quelqu'un avec moi. Et non, il ne travaille pas au bar. Il est du FBI.

Les réactions de la jeune femme le faisaient sourire. Bha abandonner un truc ou 10 pour lui c’était pareil au final non ? Il proposait son aide ce n’était pas pour ce défiler ce n’était pas dans ses habitudes.
Il secoua la tête en voyant la liste, reposant le déodorant.

- Bien bien je n’insiste pas ! On sait jamais vous pourriez me demander de tout payer.

Son regard se perdit un instant dans le vide. Au FBI… Voilà qui pouvait arranger ses affaires. Mais… Cela voulait dire utiliser Angie pour avoir des accès qui pourraient s’avérer payant par la suite.

-FBI… C’est un poste intéressant, mais il ne doit pas souvent être là. Et puis franchement, vous n’avez plus l’âge pour avoir besoin de rassurer vos parents. Je suis particulièrement étonné de voir que vous avez besoin d’un chaperon, et surtout d’un chaperon portant une arme et une insigne.

Il voyait déjà défiler dans son crâne toutes les données qu’il pourrait réussir à déverrouiller avec un  contact comme celui de son frère.
Cela le tiraillait. Trahir la confiance de cette jeune femme à peine rencontrée, ou ne rien faire et les laisser vivre leurs vies ? Si seulement il pouvait se connecter maintenant, tout savoir sur elle, pour prendre sa décision.
Mais d’un ce n’était pas correct, et de deux la gueule qu’il faisait quand il se connectait ne passait que difficilement inaperçu. Pourtant il sentait d’ici le réseau utilisait par le petit commerce pour échanger les commandes, les données, pour recevoir les paiements… Tout cela bouillonnait dans son sang, il avait l’impression d’un noyé qui apercevait sa poche d’oxygène.

Il reprit ses esprits, adressa un grand sourire à la jeune femme.

-Enfin, libre à vous de refuser mon offre, mais j’aurai été ravi de vous aider, après tout vous m’avez aidé, c’était un juste retour des choses. Par contre si vous êtes à moto nous allons avoir un problème. Je ne monte pas dans un véhicule que je ne conduis pas, question de principe.

C’est surtout qu’il n’avait aucune confiance en la conduite des autres. Et encore moins en deux roues.

- D'autant que je suis fauchée donc ça m'arrangerait bien. Mais ça me mettrait aussi face à un cruel dilemme : rester honnête ou me servir de vous ?

Je fis semblant d'hésiter un instant, me tapotant le menton.

- Franchement, je ne sais pas ce que je choisirai.

Pure jeu, évidemment que je savais ce que je ferai. J'étais trop fière pour accepter devoir quelque chose à qui que ce soit.

- Pas souvent là ? Vous rigolez ? Je l'ai en permanence dans les pattes. Enfin presque. Disons qu'il y a certaines circonstances qui font qu'il est parfois autorisé à travailler à la maison quand d'autres doivent rester au bureau.

Je levai les yeux au ciel, l'air excédée.

- C'est pas qu'une simple histoire de chaperon. C'est plus compliqué que ça.

Je passai ma main dans mes cheveux et pris un air contrit.

- Bon ok, j'avoue tout. En fait, je suis folle. Il est chargé de me surveiller pour éviter que je fasse mal à quelqu'un mais je me suis sauvée.

J'aurais pu être une excellente comédienne, si ce n'était que systématiquement, mes yeux contredisaient tous les bobards que j'étais capable d'inventer. Et ça, peu importe que ce soit juste un jeu ou bien pour m'éviter des problèmes, le résultat était le même.

- Pour tout vous dire, j'ai bien envie de céder à votre proposition. Mais effectivement, je suis à moto. Fait que je pense à récupérer mon casque à l'accueil d'ailleurs. Et ce problème là me semble bien difficile à résoudre. A moins que vous n'ayez une voiture sous le coude ! Mais quand vous dites que vous ne montez pas si vous ne conduisez pas c'est... jamais ? Never ? Qu'est-ce qui vous fait peur ?

Mensonges sur mensonge, bien joué. Il se doutait bien qu’il y avait autre chose qu’une supposé folie imaginaire dans le coté chaperon, mais visiblement le sujet était à éviter. Et l’envie de se connecter se faisait de plus en plus… Intense. Il n’avait envie que de ça. Savoir ce qu’elle cachait de si important pour ne pas oser le dire.
Il haussa les épaules, plaquant sur son visage son plus grand sourire.

-Premièrement si vous tentez de tout me faire payer, vous risqueriez d’être surprise. Je ne suis pas sûr d’avoir assez pour tout payer.

Ce qui était fondamentalement vrai. Il se débrouillait toujours pour obtenir des paiements via transfert sur de multiples comptes fictifs, qu’il vidait ensuite pour retransférer ailleurs, n’ayant sur son compte « attitré » jamais plus que ce qu’il allait dépenser. Cela le rendait moins facilement traçable par des agents zélés, et par son père.

Il adressa ensuite son sourire le plus sincère à la jeune femme, les yeux bien plongés dans les siens.

-Deuxièmement je ne crois pas en votre folie bizarrement. Croyez-moi j’en ai croisé quelques un des vrais tarés, et on les reconnait assez rapidement !

La seule information importante dans cette histoire c’est que son frère travaillait chez eux, et ça…. Ça c’était une mine d’or en termes d’accès aux dossiers du FBI. L’envie de fouiller leur histoire revenait lui titiller les amygdales.

- Troisièmement, j’ai en effet mon propre véhicule, dont je suis très fier. Et si je ne me déplace jamais sans être conducteur c’est que je ne supporte pas l’idée d’être conduit par quelqu’un. J’ai tendance à aimer quand je commande les choses, surtout des véhicules qui pourraient me fracasser contre un mur. Je n’ai confiance en personne, et encore moins au volant ! Si vous êtes folle, moi je suis légèrement parano.

Je pris un air faussement déçu et penchai la tête sur le côté.

- Oh mince… moi qui venais justement de trancher le dilemme… Tant pis. Il va falloir que je me trouve quelqu’un d’autre…

Je me hissai sur la pointe des pieds et fis mine de scruter le magasin par-dessus les rayonnages.

- Hum… personne qui ne semble avoir le profil. Dommage.

Je reposai mes talons au moment il énonçait son deuxièmement. Je lui adresse un petit sourire énigmatique doublé d’un regard on ne peut plus intense.

- Mais peut-être que je suis bonne comédienne ? Ou peut-être que c’est le genre de folie qui ne se détecte pas au premier abord ?

Et puis, ne pouvant garder mon sérieux plus longtemps, je me mis à rire.

- Bon ok, c’est pas tout à fait ça. Mais… si on y réfléchit bien, c’est pas tellement loin de la vérité.

Et puis j’écoutai son troisièmement et finis par hocher la tête.

- Ouais… ça se défend. Mais c’est effectivement un peu parano. Ok il y a des fous au volant, mais beaucoup conduisent très prudemment. Mon frère par exemple. Mais bon par contre, je vous déconseille de monter avec moi un jour. Parce que… ben, il parait que j’ai une conduite assez dangereuse. Surtout quand je suis à moto en fait.  Je crois que j’en ai effrayé plus d’un… Et pas forcément des gens qui étaient sur la moto avec moi.

J’eus un sourire un peu gêné. Conduire comme une malade, ouais, c’était pas terrible, je vous l’accorde. Mais j’étais comme ça, je ne supportais pas de rouler pépère. J’aimais la vitesse, j’aimais prendre des risques.

Elle le faisait sourire. Bonne comédienne, peut-être. C’est que dans le domaine j’en connaissais un rayon. La comédie c’est mon travail, ma vie. Et non elle n’était pas assez bonne comédienne pour se faire passer pour une folle. Mais elle cachait un truc c’était certain. Bha après tout, si c’était son désir, qui suis-je pour aller contre ? Et puis une fois hors des radars j’aurai bien assez de temps pour chercher les infos qui me manquent.

- Ce n’est pas tant de la parano qu’un manque de confiance en les autres. Je hais ne pas pouvoir conduire, et je sais pertinemment que les autres sont trop lents pour avoir les réactions adéquates à une situation donnée.

Mon sourire était franc, et ce n’était pas une question d’orgueil ou quoique ce soit. Mais plutôt un contrecoup de mon pouvoir. J’analysais des données à une vitesse folle, et je savais pertinemment ce qui pouvait, ou ne pouvait pas être évité. Quand comme moi on a navigué toute sa vie à cette vitesse, on a une certaine habitude de ce qui peut ou ne peut pas être évité. Je n’aime pas quand je ne conduis pas, je n’aime pas quand je ne pilote pas.

- Et puis j’aime piloter, j’aime être au volant, choisir moi-même la route, peut-être est-ce aussi un peu de rébellion qui sait. Je n’aime pas savoir qu’on m’amène à un endroit et que je ne peux rien faire pour changer cela.

Et puis franchement quand on a une voiture comme la mienne, on ne supporte pas l’idée de prendre un autre véhicule. C’est mon trésor, ma mustang à moi.

- Enfin tout cela ne fait pas avancer l’histoire de vos courses ! Et pour l’instant vous êtes toujours bloqué ici avec beaucoup de choses pour votre sac ! Entre nous, même sans le déodorant, je serai très étonné que vous arriviez à tout rentrer dans ce truc !

Je hochai la tête. Sur ce coup là, il me faisait un peu penser à moi. Et à David. Mon frère était un conducteur hors pair qui avait de sacrés réflexes et une capacité à analyser les situations très rapidement. Il n'avait pas toujours été comme ça.

- Oui, je comprends parfaitement. Je suis un peu comme ça. La seule personne en qui j'ai une confiance aveugle, c'est mon frère. Parce que l'armée a développé ses réflexes. Sinon... j'avoue que je préfère être aux commandes moi aussi.

Je souris en l'entendant exprimer sa rébellion. A supposer que mon estime soit une échelle, Archi venait de passer à l'échelon au dessus. Etre rebelle, être capable de se révolter, de s'affirmer, c'était quelque chose d'essentiel pour moi. Je n'étais déjà pas moi-même très "conformiste", je n'aimais pas qu'on m'impose des choses. Je ne pouvais pas supporter les moutons, ceux qui acceptent tout sans broncher.

Je posai les yeux sur mon panier. Tout ne rentrerait pas, c'était certain. Et comme j'étais blonde, je ne m'en rendais compte que maintenant, alors que j'avais presque fini.

- Ben... je ne vois que deux solutions à ça. Soit je remets tout ce qui ne rentrera pas en rayon, ce qui m'attirera les foudres de mon frère et qui me forcera à repasser demain, soit...

Je penchai la tête et observai Archi un instant.

- Soit j'accepte finalement votre proposition de laisser tomber quelques unes de ces choses devant ma porte. Choses que j'aurais, bien évidemment, préalablement payées. Ce qui sous-entend que je vous donne mon adresse. Mais qui me dira que vous ne prendrez pas la tangente avec la moitié de mes courses ? Hum, voilà un choix difficile !

J’éclatai de rire à sa remarque.

- Mais rien voyons ! Je pourrai très bien être un voleur de courses en fait ! Je pourrai être là pour trouver quelqu’un à qui je pourrai de façon vil et mesquine subtiliser un déodorant dont je n’aurai pas l’utilité !

Je haussai les épaules, levant les yeux au ciel. Mais pour quoi donc je pouvais bien passer encore. Comme si j’avais une tronche à piquer des courses. Piquer des données chez son frère surement, mais des courses pas besoin franchement.

-Trêve de plaisanteries, je peux vous aider à déposer tout cela à vous de décider. Moi vous savez ca ne change pas grand-chose, j’ai de la place dans mon véhicule. A vous de décider la balle est dans votre camps.

Après tout pour moi, cela ne changeait rien à la donne, il fallait que je change d’endroit ce soir, donc dans tous les cas je devais prendre ma voiture. Alors passer devant chez elle ou pas, c’était la même.

Je vous ai dit qu’Archi avait un rire communicatif ? Ah oui, possible. Ben là aussi, c’était le cas. J’éclatai de rire moi aussi. D’autant que je n’étais pas sérieuse du tout quand je lui avais dit ça.

- Aucune utilité ? Alors quoi, vous ne transpirez jamais ?

Je fronçais les sourcils, l’air intriguée. Mais en réalité, je m’amusais juste. Archi n’était pas encore au courant que j’aimais charrier les gens, tout le temps, en toutes circonstances, même si je ne les connaissais pas. Il s’en rendrait vite compte si nous continuions de discuter un peu.

Trêve de plaisanterie donc, je repris mon sérieux et me tapotai le menton.

- Pour tout vous dire, ça m’arrangerait en fait. Pas que j’aime tellement faire les courses. J’ai mieux à faire. Si je peux éviter d’avoir à recommencer demain…

Bon, je devais bien avouer aussi, que discuter avec Archibald, c’était plutôt sympa. Alors, je n’étais pas contre de continuer, une fois sortie du magasin.

- Du coup, je peux reprendre ça !

J’attrapai la fameuse bombe de déo et la jetai sur le dessus de mon caddie. Je checkai ma liste vite fait. J’avais tout cette fois.

- C’est bon pour vous ?

La question était… et bien, étrange. Mon regard se perdit un instant dans le plafond de la boutique.

- Pour être tout à fait franc, en effet je transpire très peu. C’est étonnant je sais, mais que voulez-vous, chacun ses tares !

J’adressai un clin d’œil à la jeune femme, avant de porter mon regard sur ses courses. Oui pour moi c’était bon. Je n’étais venu chercher que ça, le reste je l’avais, ou ma mère me le fournissait, je n’avais jamais vraiment besoin de faire des grandes courses.

- Parfait pour moi, je suis prêt à vous aider ! Ma voiture m’attend devant. Je vous suis, où vous préférez qu’on y aille à pied ? Pour moi cela ne fait pas vraiment de différence en fait.

Aucune en fait, mon intérêt principal étant de trouver l’endroit où elle et son frère habite. Je ne désirai pas forcément y entrer maintenant. Tomber face à son frère aurait pu être… complexe. Par contre savoir où, je pourrai facilement trouver un accès aux dossiers du FBI m’arrangeait. J’aurai bien le temps après de décider si oui ou non, éthiquement, je pouvais me permettre de l’utiliser à des fins personnelles.

-Dans tous les cas je vous suis !

Sa réponse, doublée de son clin d’œil, me fit rire.

- Chacun ses tares ? Moi j’appelle pas ça une tare, j’appelle ça un avantage. Attendez, si mon frère était comme vous, j’aurais pas besoin de lui acheter de déo ! Vous n’imaginez pas les économies que ça ferait ! D’argent, de temps, de place dans mon sac à dos !

Puisque nous en avions terminé tous les deux, il était temps de se diriger vers la sortie. Je vidai mon panier à la caisse et tirai mon portefeuille de mon sac à dos.

- A pieds ? Non, ça serait trop loin. J’habite dans la médiane. Et je ferais quoi de ma moto ? j’en ai besoin pour aller travailler demain !

Je réglai mes achats et tachai d’en faire entrer un maximum dans mon sac à dos.

- Je vais essayer de pas vous semer. J’ai tendance à rouler un peu trop vite et à oublier que j’ai quelqu’un qui me suit.

Je récupérai mon casque auprès de la caissière. Je l’avais laissé à ses bons soins, comme d’habitude, pour qu’il ne m’encombre pas dans le magasin. C’était un très beau casque à mon goût… enfin, avant. Il était noir, avec un aigle aux ailes déployées peint de chaque côté. Sauf que depuis mon accident, l’un des aigles avait morflé, le bitume avait laissé sa marque. David n’aimait pas ça, que je continue à rouler avec ce casque. Il n’avait pas tort, un casque ayant pris un choc ne protège plus rien. Mais… je n’avais pas encore pu le remplacer. Quand je disais que j’étais fauchée !

- Vous êtes bien une femme, immédiatement vous ramenez tout à l’argent !

Je lui adressai un clin d’œil, avant de lui emboiter le pas. Dans la médiane ? Cela faisait en effet un peu de route. La dernière fois que je m’étais retrouvé dans ce coin, j’étais entré par effraction dans une maison encore habité. L’image de Sunny passa un instant devant mes yeux, m’arrachant un sourire.

- Ne vous inquiétez pas, j’ai assez de chevaux sous le capot pour ne pas vous perdre de vue.

Et ça des chevaux j’en avais. Alors que l’on sortait du magasin mon carrosse attendait devant la porte. Une magnifique mustang, seule possession terrestre que je refusai catégoriquement d’échanger contre quoique ce soit. Toute de noir, elle m’avait coûté un bras. Enfin… Elle avait couté à l’entreprise de mon père un bras. Mais cela n’était que du détail.

The Beast:

- Comme tu peux voir, je pense que je n’aurai que peu de difficultés à t’emboiter la roue.

Je fourrai rapidement ses courses dans le coffre, avant de me tourner vers elle.

- On est parti ?

Je tournai vivement la tête vers lui.

- Si vous saviez ce que j’men fous en vrai. Et pourtant, je ferais bien d’y faire un peu plus attention parce que je suis criblée de dettes…

Je jetai mon sac sur mes épaules et le suivit à l’extérieur du magasin, le casque sous le bras. Sa voiture était là, comme il l’avait dit, près de l’entrée. En arrivant à côté, je laissai échapper un sifflement admiratif.

- Belle voiture.

J’en fis rapidement le tour. Je n’étais pas experte en voiture, je m’y connaissais mieux en moto. Mais je savais reconnaitre une belle voiture quand j’en voyais une.

- Elle n’est pas toute récente non ? Ca a du vous coûter un max pour la retaper!

Je savais plus ou moins de quoi je parlais. Ma moto datait du début du siècle. Je l’avais fait retaper à neuf, j’y avais mis toutes mes économies (au détriement de l’hopital), mais j’en étais très fière.

La bécane:

- On est parti !

Je rejoignis ma moto et enfilai mon casque. Direction la ville médiane. Comme je l’avais dit à Archi quelques minutes plus tôt, j’avais une conduite assez… sportive. Je roulais vite, freinais au dernier moment, ralentissais peu dans les virages. En un mot, je m’éclatais.

Il nous fallut quelques minutes pour rejoindre ma demeure, une maison, ni trop grande ni trop petite, avec une pelouse. L’image du parfait pavillon de banlieue. David s’en occupait bien aussi, fallait le reconnaitre.
Je garai la moto dans l’allée et retirai mon casque en attendant qu’Archi me rejoigne.

- Vous voulez entrer un moment ? Je vous offre un verre, pour vous remercier.

Oui j’étais fier de mon véhicule. Il n’était pas si vieux que ça, mais il ne m’avait jamais trahi contrairement à beaucoup de mes compatriotes. Je haussai les épaules à sa remarque, un sourire plaqué sur les lèvres. Je l’aimais vraiment cette machine.

- Ca ne m’a pas couté tant que ça finalement, juste l’achat, elle était comme neuve quand je l’ai récupérée. Mais je crois que c’est bien le seul et unique bien dont je suis fier.

Je regardai un instant le véhicule d’Angie.

- Une Kawasaki ZX 10R, en effet le modèle ne date pas d’hier. Mais comme dirait l’autre : Quand on aime on ne compte pas.

Elle roulait en effet assez rapidement, et souvent au mépris de sa propre vie. Ce qui pour moi était un comportement difficilement compréhensible. On pouvait aimer les sensations fortes, on pouvait même risquer sa vie quand cela était nécessaire, mais pas… gratuitement comme ça. Mourir pour rien n’avait aucun intérêt, encore moins quand on était au volant et qu’on pouvait ressentir le plaisir de partir sans attache. Mais pour moi la suivre n’était pas un problème. D’abord car j’avais assez de chevaux sous le capot pour ça, ensuite car ces rues je les connaissais comme ma poche pour en avoir les plans quasiment imprimés dans mon crâne à force de pirater les réseaux de la ville.

Très vite nous étions au pied de chez elle. La baraque était plutôt pas mal, bien entretenue, assez typique d’un agent du gouvernement d’ailleurs. A croire qu’ils les mettaient tous au même endroit. Et alors que je sortais ces courses de mon coffre, sa proposition me laissa interdit un instant. Je haussai un sourcil, hésitant.

Bien sûr qu’au départ pouvoir accéder aux données de son frère était mon but. Mais si jamais il revenait, ou s’il était là, ou s’il apprenait que j’étais rentré d’une façon ou d’une autre, cela compromettrait l’intégralité des travaux que j’avais pu accomplir, ou que je pourrai accomplir à l’avenir. J’offrais à la jeune femme mon sourire le plus sincère.

- Non malheureusement j’ai encore du travail à faire, mais je suis persuadé qu’on se reverra. Et puis j’essayerai peut être de venir faire un tour dans votre bar, qui sait.

Ho oui j’irai c’était sûr. Pouvoir en apprendre un peu plus sur son frère, était capitale avant d’essayer de pirater ses données. Mais avant je devais en savoir plus sur elle. Et pour ça je devais me retrouver bien au calme dans un endroit où personne ne viendrait interrompre ma connexion au réseau. Je lui retournai un sourire supplémentaire.

- Angela se fut un plaisir de vous rencontrer, réellement. Et la prochaine fois que vous faites des courses, attention à la taille de votre sac ! Le prochain inconnu que vous croisez devant les mousses à raser pourrait être moins amical que moi.

Je lui adressai un dernier clin d’œil.

Je posai mon casque sur le siège de la moto et récupérai mes courses. J’adressai un sourire à Archibald et hochai la tête quand il m’annonça ne pas pouvoir rester.

- Pas de soucis. Et si vous venez, je suis sûre que vous ne le regretterez pas. Quand bien même vous n’aimez pas tellement la foule. Ce bar est vraiment un endroit sympa. Et je ne dis pas ça parce que j’y travaille. Je le pense réellement !

Je calai le sac de courses dans un bras et tentai de récupérer mon casque sans rien faire tomber. Tâche ardue, mais remplie à la perfection. J’adressai un nouveau sourire à Archibald.

- Oui moi aussi j’ai été ravie de vous rencontrer. Et merci pour le conseil. Je tâcherai d’y penser la prochaine fois ! Mais je retiens en tous cas que je vous dois un verre pour vous remercier de votre gentillesse. N’hésitez pas à me le rappeler si jamais j’oubliais ! Au revoir Archibald et merci encore.

Dernier sourire et hop, direction la porte d’entrée que j’ouvris avec difficulté.