2076. Côte est des Etats-Unis. Megalopolis est le centre névralgique d'une guerre géo-politique mondiale depuis qu'un attentat biologique en 2026 a divisé l'humanité en deux populations bien distinctes : ceux qui se battent pour le futur, et ceux qui font avec le présent.
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 Sky Cervantes

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feat Sky Ferreira
Sky Cervantes
« Les optimistes pensent qu'on vit dans le meilleur des mondes. Les pessimistes le savent.


[ ] NÉGATIF [X] POSITIF [ ] CANDIDAT

Lieu et date de naissance le 26/03/2058 à China (Mexique)
Déclaré(e) [X] OUI - [ ] NON
Identité(s) connue(s) Sky Cervantes. Pas de pseudonyme connu. Se présente sous le prénom de Lucy aux premiers abords pour les inconnus.
Activité Clocharde
Situation Célibataire
Groupe Megalopolis
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MARS 2075
[CLOS] [Sky/Sun/Maze] Le Casino du bout du monde
[CLOS] [Sky/Maze] 1ière rencontre

AVRIL 2075
[MISSION Terminée][Anglea/Sky] Accident de Métro
[CLOS][Angela/Sky]Cherry lips (go baby go)
[CLOS] [Garin/Sky] Du Vite et du Furieux - 1ière rencontre
[CLOS] [Sunny/Sky] Sympathy for the devil
[CLOS] [Matt/Sky] Sympathy for the Positif
[CLOS] [Sky/Deniz] Ambres

MAI 2075
[CLOS] [Sky/Garin] 2nd rencontre - Itembe

JUIN 2075
[CLOS][Lisbet/Sky/Alex] Lunch Time
[CLOS][Garin/Sky]Visite du Shuttle
[CLOS] [Sky/Garin] Non c'est toi qui raccroches
[MISSION Terminée] [Sky] Stairway to Heaven
[CLOS] [Sky/Hyun] No Stairway
[CLOS][Sky/Maze] Gimme a man after Midnight - Protection/Clé
[CLOS][Angela/Sky] Another brick in the wall - Hopital/Jusquiame
[CLOS] [Garin/Sky] Le loup, le renard et la belette

JUILLET 2075
[CLOS] [Garin/Sky] Love You Rock'n'Roll
[CLOS][Sky/Sunny/Matt] Oops i did it again - Entremetteuse

AOUT 2075
[CLOS] [Six/Sky] Six feet under
[CLOS][Marlène/Sky] Message in a bottle
[Edwige/Sky] You're going down
[CLOS][Eden/Sky] (I can't get no) satisfaction
[MISSION Terminée] [Garin/Sky] Samson & Delilah - Codex
[CLOS] [Sky/Garin] Love me, love me, Say that you love me - Rupture
[CLOS] [Oblivion/Sky] Back to Black - TS
[CLOS][Sky/Sunny/Maze] Detención

SEPTEMBRE 2075
[CLOS] [Garin/Sky]The Pretender
[CLOS][Maze/Sky] Learn to fly
[CLOS][Sky/Garin] Knockin' on Heaven's door
[CLOS][Angela/Oblivion/Sky] Shut up and Drive
[CLOS][Sky/Hyun] Divergences
[CLOS][Alex/Angela/Sky]The Unforgiven
[CLOS][Oblivion/Sky]I still haven't found what i'm looking for
[CLOS][Sky/Bogdan] Un jour, une histoire
[CLOS][Sky/Samaël] What do you know?

OCTOBRE 2075
[CLOS][Sky/Garin/Lisbet] No pain, No gain
[CLOS][Sky/Lisbet/...] it's running's girls, alléluia....
[MISSION Terminée][Sky] Somebody Save Me
[CLOS][Garin/Sky] Red Orange Yellow Flicker Beat
[CLOS][Sky/Bogdan] Dream a Little Bit of Me

NOVEMBRE 2075
[CLOS] [Sky/Angela] Marc 14, 10
[CLOS][Sky/Garin] Graceland
[CLOS][Sky/Alex] Pince-mi et Pince-moi sont sur l'Infranet...

DECEMBRE 2075
[CLOS][Sky/Garin] Us...
[CLOS][Sky/Deniz] Mustang Kids

JANVIER 2076
[CLOS][Sky/Maze] Lost in my bedroom
[CLOS][Shannon/Sunny/Sky] Happy Birthday to you
[CLOS][Sky/Tibor] The One That Got Away
[CLOS][Sky/Sunny] All I Want

FEVRIER 2076
[CLOS][Sky/Alex] H Dial Cam (pas en meme temps)
[CLOS][Sky/Angela] Amies ?
[CLOS][Sky/Alex/Wu Peng] Gung Ho
[CLOS][Deniz/Sky] Our favorite game

AVRIL 2076
[CLOS][Sunny/Sky] Jailer
[CLOS][Sky/Lisbet] This is your life

MAI 2076
[CLOS][Tibor/Sky] Just Dance !
[CLOS][Bogdan/Garin/Sky] Breakfast in America

JUILLET 2076
[CLOS] [Sky/Tibor]Welcome Home, Son

SEPTEMBRE 2076
[MISSION] [Sky/Lisbet] Flowers and Blood

OCTOBRE 2076
[SKY/SUNNY] I climbed a mountain
[Six/Sky] See Six & Sky 2

FLASHBACK
JUIN 2073
[/url][CLOS] [Flashback] [Sky/Deniz] Girls just wanna have fun



POINTS BONUS
Au 29/06/15 : 1
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INVENTAIRE PERSONNEL

- Les armes (une arbalète de poing et deux couteaux de lancer)
- La tenue de chat et une bombe au poivre (self-défense)
- Du talc dans une petite boite à maquillage
- Un petit rouleau de scotch cristal
- Des cartouches de fusil à canon scié
- Une sucette au C4
- Des billets en petites coupures.
- Un tournevis tom pouce.
- Une petite lampe finger à led
- Un amplificateur audio : à la base un accordeur de guitar. Modifié, il permet d’amplifier les bruits. Avantage : il ne tient pas de place c’est tout petit. Il communique les sons à une petite oreillette via blue tooth. C’est vendu, de base, comme du matériel d’espionnage. Petite distance du signal cependant (< à 10 m)
- Un jeu de pointes aciers pour maroquinier : c’est petit et ca blesse personne la plupart ont le bout arrondies. Un tournevis tom pouce.
- Une tablette comme interface avec connexion Wifi. Ca c’est pour accéder aux réseaux dans sa planque si besoin.

Pour le HP:
Sky ne négocie rien avec Sunny parce qu’elle ne veut pas que cette dernière y ait accès. Elle achète donc un portable dans son dos.
Le modèle est le plus basique qui soit, pas de truc tape-à-l’œil. Elle dispose d’une carte jetable qu’elle change régulièrement. Pas de connexion au réseau internet. Aucun numéro enregistré. Elle les apprend par coeur.
Elle utilise son don pour que les messages transitent par des relais aussi variés que nombreux, la géolocalisation du point de départ demandera donc de sérieuses compétences Cyber (au moins aussi performantes qu’elle. Je pense que ca devrait pas poser de pb a une Evan, mais plus aux hackers de base). Pour les appels en eux-mêmes, je ne pense pas qu’elle ait la capacité à en modifier les chemins (ca lui demanderait de se concentrer en même temps qu’elle parle, ca me semble pas faisable en l’état).
Du coup quand elle appelle, c’est uniquement du Casino (en loucedé) ou d’un endroit très connu où elle est censée être. Comme ca s’il y a géolocalisation, elle ne prend pas de risques. Si ce sont des sms sans importance, elle se cassera pas non plus à les perdre, elle le fera juste d’un endroit officiel.


PLANQUE

Appart abandonné du quartier des junkies. Un lieu sur lequel elle était tombée au détour de ses pérégrinations.
Situé au premier étage d'un petit immeuble de 3, les drogués squattent la nuit le rez-de-chaussée. La journée, il est vide.
L'escalier qui y mène est éboulé sur une partie. Avec l'habitude ou une agilité correcte on peut passer le trou.
La porte encore fonctionnelle, s'ouvre sur une pièce unique brute, bétonnée au sol, avec des restes de papiers peints aux murs et des graffiti assez vieux maintenant. On peut voir sur le plancher les traces des cloisons intermédiaires qui n'existent plus.
Deux trous béants s'ouvrent sur le vide à l'ancien emplacement des fenêtres à gauche quand on rentre. Une partie du plafond s'est effondré non loin de la porte et donne un aperçu de l'appartement du dessus.
Le mur du fond et celui de droite se joignent en angle.
Sky a installé là un vieux matelas tellement mort que même les puces ne s'y intéressent plus.
Dans un des murs abîmés il y a un trou assez large pour ranger ce qu’elle ne veut exposer. Devant, elle a entassé des bricoles et des vieux trucs pour dissimuler l’excavation. Avec un peu de talc sur le sol, devant sa cache au trésor, elle s’assure d’être au fait de la première visite impromptue.
Le tout fait dans les 20m².

INVENTAIRE OBJETS ALACON

Deux dormeuses en ambre qu'elle porte toujours en pendentif
Une sucette verte avec un chewing gum au milieu.
Une photo dédicacée de Ken J "Love XoXo Sky deLyons"
Une bague de fiançailles (une larme d'ambre sur un support en argent)
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10
Juillet 2068




Le clic caractéristique de l’échec lui vrilla le tympan. Il n’échappa pas non plus à Janus.

- Sky… je t’ai dit tu tournes la molette quand t’as entendu le clic. Pas l’inverse.

Il avait la voix douce et profonde d’une contrebasse qui tranchait avec son aspect repoussant de déchet humain. D’une corpulence de catcheur sur le retour, il portait toujours des vêtements sales et trop justes. Ses pantalons ne parvenaient pas à  contenir le ventre proéminent qui débordait de sa ceinture. A ses pieds, immenses et tordus, des tongs ou des chaussures complètement usées, fatiguées de porter autant de poids à elles seules.
Son visage n'avait rien d'avenant non plus.
Des yeux marrons globuleux qui semblaient vouloir vous dévorer tant ils étaient immobiles. Un nez fin mais tordu (sans doute les conséquences d'un coup mal soigné) qui s'élargissait au-dessus de lèvres boudeuses.
Et par-dessus tout, lorsque vous étiez à proximité, vous pouviez sentir un mélange de parfum rance de sueur et d'eau-toilette de supermarché.

- Je l’ai entendu !

Janus leva le nez de ses petites coupures pour la regarder par-dessus les carreaux de ses lunettes, surement passées au beurre demi-sel pour être aussi gras.

- Je peux pas j’ai qu’une main d’abord.

Elle leva sa main gauche, libre, tandis que l’autre tenait sur sa joue tuméfiée la poche de glace improvisée : un sac plastique, quelques glaçons, le tout enveloppé dans un tee-shirt sale.

- N’utilise pas ta main pour écouter. Tes oreilles c’est mieux.

La gamine poussa un juron et délaissa le petit coffre-fort.
Le stéthoscope s’enroulait autour de son cou mince et semblait immense sur elle tant elle était menue.
Sky tira une chaise, posa la poche de glace sur la table et fit glisser l’ustensile médicale sous son tee-shirt trop grand d’au moins deux tailles. Elle avait retourné plusieurs fois les manches pourtant courtes pour ne pas être gênée dans ses mouvements.

- C’est froid ! dit-elle en riant.

Janus sourit. Il découpa consciencieusement un article d’un de ces innombrables papiers qu’il appelait journaux pour l’ajouter à sa collection. Il en avait partout dans la pièce. Les meubles étaient envahis et les piles s’élevaient maintenant à même le sol.
La gamine écoutait son cœur. Il battait d’une allure vive, un petit tambour bien rodé qui ne demandait qu’à vivre.

- Tu rentreras chez toi ?
- Non.

L’homme leva les yeux sur la frimousse juvénile qui s’amusait d’un simple stéthoscope. Son beau-père ne l’avait pas ratée ce soir. La joue gauche portait l’impact de la paume d’une main colossale et sur les tempes, la trace des doigts commençait à bleuir. Sur la droite, la pommette était rouge feu et l’œil était cerné de la marque caractéristique des boxeurs. Demain, son nez aurait surement changé de teinte aussi. La glace empêcherait juste son visage de gonfler.
Sky remarqua le regard de Janus.

- C’est pas grave j’irai pas à l’école.

Il ne perdait pas son temps à lui dire d’y aller. De toutes manières, si le pasteur lui mettait la main dessus, il s’en chargerait lui-même. Janus doutait toutefois que le religieux parvienne à l’attraper et cela le fit sourire.
Le petit réveil holographique qui trônait fièrement sur l’extrémité de la table encombrée se mit à sonner. Tous deux tournèrent la tête dans sa direction et à son signal, Janus commença à ranger ses affaires avec un soin méticuleux : ciseaux fins, binocles, feutres et bâton de colle. Toujours dans le même ordre.
Sky délaissa son occupation, lui rendit le matériel, et posa de nouveau la poche de glace sur sa joue.
Elle connaissait le rituel par cœur.
Quand elle n’était pas chez John, elle était là.
Il se leva lourdement, faisant grincer les pieds de sa chaise sur le carrelage à l’agonie.

- Tu ne touches à rien. Tu sais que je le vois sinon.

Sky afficha son sourire le plus lumineux.

- Je touche à rieeen ! lui répondit-elle sur un ton chantant.

Dans quelques minutes, elle aussi pourrait passer dans la pièce à côté.
Il franchit la porte et disparut.
En attendant, elle observa la rue par-delà la fenêtre cassée au-dessus de l’évier.
La nuit approchant, le  Queen’s s’éveillait à sa seconde vie, celle des dealers et des gangs, des prostitués et des drames. Ici, en plein été, la chaleur donnait le gout du sang.
Ce soir il était rentré tôt mais toujours aussi soul. Elle avait appelé sa mère des fois qu’elle aurait quitté son travail ou qu’elle l’ait encore perdu. C’est seulement au détour du couloir qu’elle l’avait vu, furieux uniquement parce qu’elle avait haussé la voix pour se faire entendre.
Sky savait reconnaitre précisément l’instant ultime, celui où les coups arrivaient, juste en scrutant son regard de bovin aviné. C’était le moment de  disparaitre mais, cette fois, il se tenait entre elle et la sortie.
La première gifle l’avait projetée contre la rambarde des escaliers. Elle avait volé comme une plume. Quand elle s’était relevée, visant la porte, il l’avait cueillie d’un coup de poing. Par habitude, elle avait pu amoindrir les dégâts en dégageant sa tête juste à la seconde nécessaire pour qu’elle ne tombe pas dans les pommes sous l’effet du choc. Auquel cas elle ne pouvait plus fuir.
L’homme s’apprêtait alors à l’attraper par le fond de son short mais elle avait poussé sur ses jambes et dans un petit bond, avait gagné la rue. Tricotant comme une dératée sur ses maigres esquifs, elle avait couru jusque chez Janus.
Elle avait eu mal quand il l’avait soignée mais elle n’avait pas pleuré. Ca, elle avait arrêté depuis longtemps, ca ne servait à rien.

Une musique d’un autre siècle s’insinua avec langueur dans la cuisine en provenance de la pièce adjacente. La voix rauque d’une femme se mit à chanter, suivant le rythme lent et sensuel des pianos et des cuivres.
Sky sauta de sa chaise et poussa la porte du petit salon.
Quand elle entra, Nina Simone prenait à témoin les oiseaux, le soleil et la brise de ce nouveau jour, de sa nouvelle vie et de son bonheur.
La pièce avait traversé le temps elle aussi. Autour d’un lit immense à baldaquin, des tentures bon marché ornaient les murs. Des fourrures synthétiques jonchaient des canapés de faux brocards et dans un angle, une coiffeuse d’un style rococo offrait une multitude de produits cosmétiques à disposition, tous médiocres.
Sur le sofa le plus large, Jana terminait de peindre ses lèvres d’un rose de mauvais goût. Elle avait passé une de ses plus belles robes, selon elle, mais qui du point de vue de Sky contribuait à souligner les largesses de son corps difforme plus qu’elle ne la mettait en valeur. La gamine n’en dit rien cependant et alla s’installer à côté de la rombière qui fut Janus quelques instants plus tôt.
Le maquillage outrancier atténuait ses traits peu avenants mais faisant pourtant penser à un pansement sur une jambe de bois.

- Tu as mangé ?
- Non. J’vais aller chez John.

La mouflette se pencha et se servit une cigarette dans le paquet qui trainait sur la petite table de bois peint. Elle pinça ses lèvres autour du filtre et joua du briquet mais avant qu’elle n’ait pu embraser l’extrémité de la tige, Jana la récupéra et la conserva dans sa main moite.

- On ne fume pas à 10 ans.
- J’ai 10 ans et demi.
- On ne fume pas à 10 ans et demi non plus.

La gamine lui retourna un regard déçu mais elle ne reçut qu’un sourire las en retour.

- Viens là…

Jana décala sa masse sur le canapé pour que Sky puisse s’approcher et se coller contre elle. Cela constituait aussi un rituel auquel la gamine se pliait volontiers. Une fois installée, la dondon se munit d’une brosse à cheveux et entreprit de s’occuper de la tignasse enfantine.
Elle portait encore la blondeur douce des vestiges de son enfance. Ses cheveux châtains oscillaient entre le bronze chaud des frondaisons d’arrière-saison et le soleil blanc des journées estivales. Bientôt, l’automne l’emporterait.
La brosse glissait avec tendresse le long des mèches et Sky se laissait faire sans bouger.
Cela dura silencieusement, dans les harmonies d’un jazz immortel sur lesquels des voix légendaires se succédaient, des figures qui avaient acquis l’éternité grâce à leur don.
Puis vint le moment et Jana s’interrompit.
Elle regarda l’heure à son poignet orné d’une montre en toc brillante et lissa d’une main attendrie les cheveux de la gamine.

- Il est temps chérie, je dois travailler.

La moutarde se retourna et lui déposa un gros bécot sur la joue.

- Tu peux dire que tu vas faire la pute hein je sais ce que c’est.
- Sky !
- Moi j’m’en fiche, je t’aime quand même.
- Je préfère qu’on parle de travail. En fait je préfère qu’on en parle pas du tout si ca ne te fait rien.
- Ok.
- Tu vas faire quoi chez John ce soir ?

Elle croisa ses jambes maigrelettes sous elle et afficha son sourire de gamine malicieuse.

- Il a piqué un magasine porno à son frère et il m’a dit que y’avait des trucs trop drôles dedans qu’il voulait me montrer.
- Sky, bon sang !
- Y’a des nichons énormes et des b..
- Sky ! Ca va ! je sais ce qu’est la pornographie ! l’interrompit-elle.

Jana regarda la tête blonde qui lui faisait face d’un air désolé. Surement qu’elle ne savait même pas de quoi elle parlait.

- Ce n’est pas de ton âge.
- Pourquoi ?
- Chérie…

La dondon se leva pesamment de son sofa et alluma une cigarette du paquet qu’elle avait ôté des mains de la gamine.

- Ce n’est pas la vie, ca. Ca salit la vie, ca salit tout la pornographie. C’est de l’argent, rien que de l’argent qui salit tout.

Sky la regarda en haussant les sourcils. Elle ne comprenait pas un mot de ce que lui disait Jana. Pour elle, ce n’était qu’un jeu de plus, une manière de s’amuser avec John tout en faisant enrager son frère ainé. Franchement, elle ne voyait pas le problème.
Jana se pencha face au miroir de sa coiffeuse et réajusta les mèches de sa perruque derrière ses oreilles. Son regard triste reflétait une vie dure et désabusée de rêves maculés d’excréments et tellement morts qu’ils étaient froids depuis longtemps.

- C’est l’amour l’important, ma douce, qui te donnera des ailes et qui te sortira de cette boue parce qu’il va falloir que tu partes. Ne reste pas ici, il n’y a rien pour toi ici.
- L’amour ?
- Oui…  

Ce que Sky savait de l’amour n’avait rien à envier à la pornographie. De ce qu’elle en avait observé, cela se résumait à porter des vêtements trop petits, à se coller à un garçon pas très beau à qui on autorisait de toucher les seins contre des bisous avec la langue. Des fois, il vous faisait faire le tour du quartier dans une voiture qui faisait beaucoup de bruit mais qui ne roulait pas vite et qui de toutes manière ne durait jamais longtemps.
Non vraiment.
Elle ne voyait pas ce qui, là-dedans, la sortirait de la boue.

- Lindsay elle est amoureuse…
- Je ne sais pas trop qui est Lindsay mais j’en suis ravie pour elle.
- Quand son mec l’emmène dans sa caisse, des fois ils font du porno sur la banquette arrière devant chez elle.

Jana secoua la tête et soupira.
Sky, elle, explosa de rire.
Une fois, John et elle avaient balancé sur le pare-brise toutes les ordures qu’ils avaient trouvées pour les déranger. Quand le type avait fini par mettre un terme précipité à ses ébats, il avait tenté de les attraper pour leur apprendre la vie mais les gamins courraient trop vite. Ce jour-là, ils ne s’étaient pas fait un ami mais qu’est-ce qu’ils avaient ri.

- Allez sauve toi !

Jana s’approcha et de ses doigts boudinés releva le menton de la gamine avant qu’elle ne s’enfuit. Elle observa quelques instants les hématomes qui mangeaient son minois délicat et soulignaient ses yeux clairs comme des ruisseaux.

- C’est bon, lui dit Sky en se dégageant, j’vais bien !
- Je sais chérie. Prends quand même la glace en partant.
- Ouais…

Mais quand Sky déguerpit pour retrouver son ami, elle laissa sur la table de la cuisine la poche improvisée. Elle était déjà passée à autre chose. Jamais elle ne s’attardait sur ses malheurs. Pour elle, ils faisaient partie de son quotidien et ils ne méritaient pas qu’elle leur accorde la moindre importance.
Dans sa main, elle avait réussi à dissimuler une cigarette qu’elle et John pourraient fumer en récompense de leur forfait.
Cela suffit à son bonheur.
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Sky Cervantes
Sky Cervantes
6
Septembre 2064




- Un pour toi, un pour moi, un pour toi, un pour moi, un pour…
- T’en as pris deux. J’t’ai vu
- Ah ouais j’ai pas fait essprè, scuse…
- Menteuse !

John lui jeta un regard noir de victime. Sky fit comme si elle n’avait rien vu et continua son partage des cherrypop balls. Le gamin ne perdait pas une miette des transactions de sa comparse qui s’octroyait quelques passes droits quand il détournait un peu les yeux.
La gamine était accroupie sur ses baskets en toile déchirées, sa petite robe lui remontant jusque sur les cuisses.
A même le sol, elle tenait le décompte de leur larcin juvénile.
Sans y prêter attention, elle grattait la plaie sur son genou droit. L’autre avait été égratigné mais n’avait pas saigné.
La gamelle avait été sérieuse et si elle n’avait pas été souple, surement que les dégâts auraient été plus importants et que le caissier du Drugstore lui aurait mis la main dessus. Hors de danger, elle avait enlevé les lacets des chaussures, cause inexcusable de ses tourments, et les avait jeté dans le tas d’immondices du terrain vague où les marmots s’étaient réfugiés. C’était plus rapide que de les refaire encore et encore.

- Voilà ! Ca c’est ton tas et ca c’est le mien !

Le plâtre qui lui enserrait le poignet était fendu à hauteur de l’articulation et il bougea avec sa main quand elle lui donna sa part du butin. D’une inefficacité redoutable, il ne servait plus à rien depuis une bonne semaine. Il n’était plus qu’un vestige de la dernière fracture que lui avait infligée son beau-père.

- J’en ai que 9 ! protesta John
- Bah ouais on a dit 9 pour toi et 9 pour moi.
- 9 + 9 ca fait pas 20 !
- Moi je suis krop petite encore je sais pas compter, lui dit-elle d’un air vraiment désolé qui devait tout excuser.
- Tu triches !
- Nan !
- Si !
- Nan !
- Si ! t’en as plus que moi !
- Oui mais c’est moi que je les a pris ! Pas toi ! Toi t’avais peur !
- C’est même pas vrai !

Sky se mit debout, les yeux furibonds et essuya son nez qui coulait avec le revers de son bras - sa frimousse crasseuse n’était plus à ca prêt – puis cala les poings sur ses hanches.

- La prochaine fois c’toi qui feras picétou. T’es qu’un gros trouillard !
- C’est même pas vrai ! gronda-t-il en se levant à son tour pour lui tenir tête
- Si c’est vrai !
- Non !
- Si !
- Non !
- Si tu les veux pas j’garde tout pour moi !

Il savait qu’elle aurait de toutes manières le dernier mot. Lutter avec Sky c’était se heurter à un mur qui tôt ou tard finissait par vous blesser à force d’entêtement. John ramassa ses bonbons en grognant mais lâcha l’affaire. Il se dirigea vers la sortie du terrain en grommelant.
Sky attendit au moins qu’il ait le dos tourné pour afficher un sourire victorieux.
Elle ramassa sa part dans la poche de son petit blouson mickey 2.0, celle qui n’était pas percée, puis s‘élança à la suite de son ami. Il avait de plus grandes jambes qu’elle mais John avait aussi un an de plus. Comme beaucoup de garçons de son âge, il était tout en genoux, coudes et pouces, échalas qui grandissait plus qu’il ne grossissait. A côté de lui, elle avait l’air d’une poupée miniature toute blonde et toute sale. Il lui fallait trotter pour suivre son rythme.
Renfrogné, il s’était muré dans un silence grognon et avançait la tête basse sur le chemin de l’école.
Sky venait tout juste d’en découvrir le monde merveilleux et elle ne l’aimait déjà pas beaucoup.

- Si tu veux je t’en donne un…

Elle essaya la conciliation parce qu’elle détestait quand ils se disputaient.

- Tu triches toujours.
- Non, pas toujours.

Il lui coula un regard en biais. Déjà elle pratiquait la mauvaise foi avec assiduité et déjà John la laissait faire.
Quand l’école apparut au coin de la rue, il lui donna la main comme ils avaient coutume de le faire. Il raccourcit ses pas pour qu’elle puisse le suivre et ils franchirent les grilles ensemble, sans échanger un mot.
Sky soupira en le regardant s’éloigner quand il la laissa devant sa classe.



XXXXX





- Sky… On ne se bat pas avec ses camarades dans la cour.

La gamine boudait sur sa chaise.
L’institutrice la regardait d’un air désolé en se demandant bien ce qu’elle allait en faire. Il était hors de question de laisser passer ce comportement associal et pourtant il lui était particulièrement difficile de trouver une punition adaptée à une petite fille de six ans qui venait tout juste de faire sa première rentrée scolaire.
Sky balançait ses pieds, les doigts serrés sur l’assise, le menton contre la poitrine. Elle était furieuse.

- C’est pas moi qu’a commencé !

La maitresse prit un air sérieux, prête à appréhender l’affaire comme un véritable agent de police pour ne pas buter la petite. Sky avait l’air décidé à parler et elle avait bien compris que c’était une opportunité assez rare pour ne pas la laisser filer.

- D’accord. Ashley t’as tapée ?
- Ah ca elle a pas intérêt hein ! sinon moi j’y cogne p’us fort ! dit-elle en redressant la tête et en serrant son petit poing.
- D’accord. Elle a fait quoi alors ?
- Elle a dit que j’étais un bébé !

Sky hésita à poursuivre. L’institutrice l’encouragea doucement avec un sourire.

- … et que maman c’tait qu’un pédé.

La moutarde n’avait pas trop compris en quoi c’était une insulte mais la façon dont l’autre l’avait dit ne lui avait laissé aucun doute.

- …et que mon papa c’tait qu’un sale positif.

Ca oui, elle avait bien compris en quoi consistait l’affront. Mais ce qui l’avait surtout blessée, c’était le fait que de père, elle n’en avait pas, et Sky détestait qu’on le lui rappelle.

- D’accord. Ce n’est pas gentil du tout. Il faut venir me voir quand les autres sont méchants avec toi.

L’institutrice avisa le petit poignet plâtré et se dit que la petite ne devait pas en être à son premier forfait. Surement que la mère devait avoir pas mal de fil à retordre avec un caractère pareil. Elle poursuivit.

- Tu lui as fait très mal tu sais.
- J’ai juste donné des coups de pieds hein…
- Oui. Tu lui as aussi tiré les cheveux et tu lui as jeté du sable dans les yeux. Ca fait mal le sable dans les yeux.
- Ouais ! répondit Sky en affichant un sourire satisfait.
- Sky, je ne plaisante pas.
- Ouais… dit-elle en reprenant sa mine boudeuse.
- Ashley est à l’infirmerie. On va la soigner et tout ira bien.

Elle soupira et regarda la salle de classe autour d’elle. Dehors les autres enfants continuaient leur petite vie.

- Je vais devoir te punir pour que tu comprennes qu’il ne faut plus recommencer. Après les cours, tu m’aideras à tout ranger et à nettoyer.

Elle laissa passer quelques secondes de silence pour que la gamine assimile ce qu’elle venait de dire. Il lui en fallait des trésors de patience pour toutes ces petites têtes blondes et celle-ci… elle pressentait que l’année serait difficile avec celle-ci.

- Si un autre enfant n’est pas gentil avec toi, tu viens me le dire et je m’en occuperai. D’accord ?

Sky ne dit rien. Elle observait le balancement de ses pieds chaussés des baskets sans lacets.
L’institutrice insista d’une voix douce.

- D’accord jeune fille ?
- Ouais.

Mais la gamine se promit que si un autre était méchant avec elle, elle ne se contenterait pas de sable dans les yeux. Elle les lui arracherait et les roulerait dedans directement.



XXXXX





- Tu fichais quoi ? dit un John exaspéré qui l’attendait depuis des plombes à côté de la sortie.
- Fallait que je fasse le balai et que je nettoye les tables. Après on a rangé les livres sur le tapis qu’on s’assoye et j’ai trié les crayons.

Sky avançait sur le chemin en balançant les bras, comme s’il ne s’agissait que d’une banale formalité. Hors de question de lui dire qu’elle avait été punie, sa fierté en aurait pris un coup. Il la regarda faire et haussa les épaules. John avait déjà oublié leur querelle précédente.
L’heure du souper était encore loin, le monde leur appartenait de nouveau et ils avaient toujours des choses à faire. Il faisait confiance à Sky pour trouver une idée géniale qui les occuperaient jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rentrer, aussi il la suivit sans hésitation et attendit qu’elle soit décidé à partager ses pensées.
Ce qui ne tarda pas.



XXXXX





Sky posa le feutre noir sur le sol et admira son œuvre. Des fleurs et des arbres, des soleils, des animaux et des bonbons ornaient ses bras et ceux de son ami. Elle lui avait même dessiné un chat, là, sur le cou. D’accord elle avait un peu dérapé sur son tee-shirt mais c’était de sa faute il n’avait pas arrêté de bouger et les moustaches fallait qu’elle soit longues, sinon ce n’était pas de vraies moustaches.
Pour sa part, elle avait aussi des dessins sur les cuisses. Les deux garnements avaient admis d’un commun accord que d’être une fille c’était drôlement mieux, parce qu’il suffisait de soulever la robe pour avoir plus de surface à décorer.
Elle tira la langue sur le côté et entreprit d’ajouter des lunettes au chat. Cela la fit rire.

- Pourquoi tu rigoles ?
- Passque je fais des lunettes.
- Ou ?
- Au chat.
- Pourquoi tu fais des lunettes au chat ?
- Passque c’est un chat à lunettes.
- Ca a pas de lunettes un chat.
- Le mien, si.
- Tu dis n’importe quoi.
- T’arrêtes de bouger, je vais déborder.

Voilà. Cette fois ci c’était terminé. Sky se recula un peu pour prendre de la distance et trouva que son animal fétiche était bien plus joli avec ses binocles.

- Quand je serai grande je serai tatoutrice.
- On dit tatoueur.
- Non tatoueur c’est pour les garçons, moi j’suis une fille.

John hésita devant autant de bon sens.
Le soleil s’était presque couché et la luminosité ne leur permettait plus de dessiner. Il était temps de mettre un terme à leurs explorations artistiques.
La gamine délaissa le crayon et se mit à genoux sur le plancher du porche de la petite maison familiale de John.
A l’intérieur régnait un vrai boucan. Ses cinq frères étaient tous rentrés pour le repas du soir et les enfants entendaient la matriarche hurler pour essayer de se faire entendre par-dessus le boucan des piailleries et chamailleries.  La vie d’une grande famille en soit.
Puis un « A taaaable » tonitruant retentit et couvrit le brouhaha.
John lâcha le col de son tee-shirt sur lequel il tirait, tandis qu’il essayait de distinguer le dernier ouvrage de Sky, et se leva pour pénétrer dans la maison.
La salle principale était pauvrement aménagée. Tout y était fonctionnel pour mettre à profit le peu d’espace nécessaire à l’organisation d’une famille de six enfants qui n’avait comme richesse que celle de leurs liens affectifs.
Autour de l’évier de la cuisine, le savon giclait tant dans les yeux que dans les mains, amenant son lot de protestations, de cris et de coups de pieds entre les garçons.
Ici il régnait un joyeux bazar émaillé de règles strictes d’hygiène et de savoir-vivre afin de maintenir un minimum de paix entre tous les membres de la tribu.
La mère de John, une matrone dont l’autorité n’avait d’égale que la corpulence,  attendait debout près de la table, une immense gamelle pleine d’un mélange de son cru de chou, de macaronis et de quelques morceaux de saucisses pour le goût, posée devant elle.
Une fois les mains lavées, chacun prenait une assiette et des couverts puis allait se faire servir sa ration en file indienne avant de s’assoir. Sky suivit le mouvement et John n’y prêta même pas attention.
Quand son tour arriva, en dernier, la matriarche jeta un œil interrogateur à cette gamine qui n’était pas la sienne et qui lui tendait pourtant son assiette. Elle était juste là, haute comme trois pommes, attendant sa part, le front haut, ses yeux clairs plein de défi.

- Tes mains !

Sky posa ses couverts et montra ses menottes qui étaient rutilantes après les avoir longuement frottées dans l’évier familial. Pour le reste en revanche… mais ce n’était pas son problème. La matrone hocha la tête, poussa un grognement bref et fit tomber de sa tambouille dans l’assiette de la gamine. Cette dernière lui décocha un sourire lumineux et alla rejoindre John à table.

De loin, elle préférait manger ici.
Ici il faisait chaud et bon.
Ici il y’avait toujours un joyeux bordel.
Ici il y’avait quelqu’un qui préparait les repas.
Ici, c’était pas comme chez elle. C’était mieux. Beaucoup mieux.
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Sky Cervantes
Sky Cervantes
13 mois
Mai 2059


Le grillon ne bougeait pas. Il faisait le mort. Les secondes s’écoulèrent interminablement puis une petite main potelée se tendit maladroitement vers lui. Aussitôt il déguerpît, sautant un peu plus loin dans ce jardin en friche où l’herbe se résumait à quelques pousses erratiques de mauvaises graines.
Le bébé observa de ses yeux bleus délavés la petite bête qui lui échappait. Il tenta une seconde fois de s’approprier ce jouet inattendu mais là encore l’insecte se déroba.

Assise sur les marches de l’escalier donnant sur l’arrière de la maison, Dolorès fumait une énième cigarette. Elle allumait la suivante au mégot de la précédente et un petit tas de filtres se cumulait à côtés de ses sandales.
La gamine grandissait à une vitesse incroyable.
Précoce, elle marchait depuis deux mois déjà et il fallait la surveiller comme le lait sur le feu. Cette petite poupée blonde était la seule compagnie qu’elle avait dans cette misérable bicoque de Pleasanton, une petite ville au sud de San Antonio. Depuis que le Texas avait fait sécession, l’état était devenu le passage obligé des américains positifs qui se cachaient au Mexique et qui souhaitaient revenir anonymement en Amérique, ainsi que des latinos qui rêvaient encore d’Eldorado pour fuir la misère nord mexicaine.
Quand Dolorès avait accepté le boulot, elle ne se doutait pas de ce que ca impliquerait pour elle. Et si elle avait pu connaître son avenir, surement qu’elle serait encore à China, à bosser dans cette clinique de gringos. Carlos lui avait vanté les mérites de l’argent facile, le peu de risques et la chance que ca représentait pour elle de pouvoir obtenir un visa.
Un beau parleur Carlos.
Il l’avait embobinée avec des mots doux et des baisers tendres. Elle n’avait jamais su choisir ses mecs de toutes manières et celui là avait au moins le mérite de la faire grimper aux rideaux chaque fois qu’il prenait la peine de lui rendre visite. Autant dire pas souvent, parce que sa femme le surveillait de près.
Une semaine plus tard, elle recevait un coup de fil sur son lieu de travail.
Elle partirait demain, avec un bébé de quelques semaines. Tout lui serait fourni pour assurer le voyage jusqu’à la frontière. Une fois là-bas, un contact se chargerait de lui faire passer les lignes fédérales et lui donnerait un peu d’argent pour subvenir à ses besoins et ceux du poupon, le temps qu’un autre contact vienne récupérer l’enfant. Quand elle avait demandé combien de temps, la voix laconique lui avait rétorqué avec assurance « pas plus de deux mois ».
Ce départ précipité l’avait un peu prise de court mais rien ne la retenait plus. Pas de parents, pas d’enfants, juste des rêves et un peu d’économie sur ses maigres salaires. Ses possessions tenaient dans une grosse valise. Toute sa vie, en somme, tenait dans une valise. La nuit avait largement suffi pour qu’elle se tienne prête à partir.
Le lendemain matin, Dolorès n’avait pas encore franchi les portes de l’hôpital qu’un homme l’avait interceptée. Il l’avait conduite dans un appartement d’un immeuble adjacent. Le salon, vide, ne contenait qu’une table et deux chaises. Au sol, un bébé emmitouflé dans une couverture dormait dans un couffin. L’homme lui avait donné un petit sac à dos contenant quelques affaires pour le poupon et des papiers américains. Il y’avait aussi une écharpe de portage. On ne lui laissa même pas prendre le couffin.
Elle n’avait pas posé de questions mais s’était penchée sur l’enfant puis avait tiré le coin de la couverture pour découvrir un petit ange endormi.
Voilà maintenant un an.
Ni l’homme, ni Carlos, ni qui que ce soit ne lui avait plus donné signes de vie.
Le voyage avait été facile. A croire que les murs s’ouvraient miraculeusement comme la mer rouge devant Moïse. Les commanditaires de cette petite expédition devaient avoir de sacrés moyens pour que tout se déroule avec autant d’aisance. Chaque homme ou femme qui l’accompagnait temporairement sur son périple affichait une mine de circonstance, fermée, patibulaire et qui n’incitait pas à la conversation.
Elle prenait soin du bébé qui s’était révélée être une magnifique petite fille. Elle pleurait beaucoup et dormait peu et Dolorès mettait volontiers ce comportement sur le compte du stress qu’elle subissait à un âge si jeune. Qui plus est, elle n’était pas sa mère et les enfants le savaient dans leurs tripes, aussi petits étaient-ils.
Elle crut d’abord qu’ils l’amèneraient dans une grande ville américaine. Secrètement, elle avait espérait Megalopolis. Mais c’était sans compter sur la durée du voyage que cela nécessiterait et, finalement, sur leurs réelles intentions, qu’elle ne connaissait pas. Dorlores ne savait même pas qui était à l’origine de cette expédition. Sa réserve quant aux explications qu’elle aurait souhaitées était mue par l’habitude profondément ancrée en elle d’en savoir le minimum pour ne pas mettre sa vie en danger. Un contact quotidien avec les sicarios mexicains qui gangrénaient les quartiers pauvres de chaque ville vous forgeait un caractère.
Le voyage s’arrêta à Pleasanton. Une maisonnette miteuse avait été réservée à leur intention.
L’installation fut rapide, tant Dolorès était partie sans emporter d’effets personnels si ce n’est le strict minimum. Son dernier chauffeur avait pris la route aussi silencieusement que pendant sa partie du trajet, la plantant là, elle et l’enfant. « Demierdate ! »
Aucun loyer ne lui était réclamé. Pas même encore aujourd’hui et c’était tant mieux, parce que l’argent avait fondu comme neige au soleil. Rapidement, il lui avait fallu trouver une solution de secours, surtout lorsque le délai annoncé s’était écoulé et qu’elle n’avait toujours vu personne.
Mettant à profit ses compétences hospitalières, elle proposa ses services à un couple de vieux dont le mari était grabataire. Ils la payaient mal mais ils étaient conciliants et tolérants avec la gamine. Ils n’avaient pas d’enfants et la petite leur apportait leur lot de tendresse et d’émotion. L’effet magique d’un bébé.
Dolorès rentrait chaque soir en se disant que le lendemain, elle partirait avec l’enfant pour Mégalopolis. Et chaque soir, après s’être usé les yeux sur les passeports flambants neufs américains qu’on lui avait fourni dans les langes, elle s’endormait épuisée.
Elle aurait du se douter du piège.
Non pas parce que Carlos était un voyou sans avenir toujours à mettre le nez dans des plans foireux, mais parce que le passeport de la gamine avait ce petit détail qui aurait alerté toute personne un peu méfiante et prudente. Sky Cervantes. Cervantes. Elle-même se nommait Dolorès Cervantes. C’eut pu être une coïncidence mais avec le recul, elle ne croyait plus au hasard. Tout avait été fait pour qu’elle puisse faire passer l’enfant pour la sienne. Un test génétique n’y résisterait sans doute pas mais ces visas, ce bébé et ce nom en commun, c’était pour elle le meilleur moyen de rejoindre la mégapole financière des américains. Elle pourrait accéder à cette ville riche et ostentatoire qu’était Mégalopolis grâce à Sky. Pour ca, il lui suffisait de trouver le courage de partir après avoir admis que personne ne viendrait jamais.

Sky se pencha dangereusement en avant en prenant appui sur ses mains pour se relever. Son équilibre était encore précaire mais elle faisait montre d’une farouche détermination pour se déplacer par ses propres moyens, snobant les bras de sa mère aussi souvent que possible. Sa couche lui donnait cette démarche de cow-boy qu’ont tous les bébés. Elle traversa le jardinet en direction des escaliers qu’elle adorait monter et descendre en escaladant les marches, assurant ses prises grâce à la stabilité de ses petites sandales roses. Dolorès la vit faire mais n’intervint pas, la couvant d’un regard protecteur et attendri.
Oui, elle avait appris à aimer cette gamine.
Sa décision était prise, elle partirait à la fin de la semaine, le temps de donner son congé aux Watson. Sky perdit l’équilibre et bascula en avant, se mangeant goulument l’estrade de bois. Elle se mit à pleurer.

- Querida mia ! dit doucement Dolores en prenant le bébé dans ses bras après avoir écrasé sa cigarette. Dame tu manita…

Elle observa les petites mains qui n’avaient rien. La bouche et le nez non plus. La chute était bénigne. Elle essuya les saletés et les petits cailloux des paumes rondelettes et déposa un baiser sur la tempe de l’enfant, juste sur la petite touffe de cheveux blonds doux comme de la soie. Dolores était tentée de lui parler espagnol, cette langue qui était la sienne depuis toujours. C’était un réflexe et elle devait le corriger. Sky n’était pas sa fille. C’était certainement une petite américaine. Elle en était convaincue même si rien ne lui permettait de le prouver. Elle possédait deux passeports américains en tous cas et pour elle, il fallait qu’elle lui permette de grandir dans ce pays, dans une ville qui lui offrirait un avenir. A elles deux.
A cette époque, Dolores croyait encore fermement en cette chance. La providence s’appelait Sky et personne n’était venu la chercher. C’était inespéré. Peut-être la seule opportunité qu’elle n’aurait jamais de quitter définitivement le Mexique qui, malgré Yu, ne parvenait que difficilement à garder la tête hors de l’eau.
Les narcotrafiquants qui régnaient en maitres au début des années 2000 avaient soudainement vu chuter la masse de leur clientèle après le bombardement, celle qui avait les moyens de se payer leur came. L’économie du pays en avait été totalement bouleversée. Non seulement parce qu’avec leur argent sale ils assuraient la subsistance d’un bon nombre de mexicains mais aussi parce que leur violence n’avait pas permis à un seul gouvernement de devenir assez fort pour s’imposer dans la nouvelle donne. Nombre de ces narcos avaient fait faillite, entrainant dans leur chute des villes entières du Mexique. Seuls tenaient encore debout les plus riches d’entre eux qui avaient pu se maintenir à flot le temps que les trafics, même moindre, reprennent.
Si China n’avait pas fait l’objet de la convoitise militaire américaine, Dolores n’aurait peut-être pas eu la possibilité de travailler honnêtement et d’assurer sa pitance sans avoir à envisager de se vendre elle-même.
Elle était encore jeune. Assez pour savoir qu’elle avait de l’avenir. 26 ans dans deux mois. C’était une belle fille latina, avec des atouts qu’aucun homme ne remarquait pas. Un bébé ne constituerait jamais une entrave à son ascension sociale si elle la jouait bien.
Tandis qu’elle berçait l’enfant sur ses genoux, elle préparait déjà dans sa tête le voyage pour Megalopolis.
Des milliers de kilomètres les en séparaient. Elles devraient prendre le bus, le moyen de transport le moins surveillé, le plus sûr et finalement le moins onéreux. Il y’aurait des départs de San Antonio pour de grandes villes intermédiaires. Aucun trajet ne serait direct mais il existait encore des motels misérables sur le chemin qui leur permettraient de faire les escales nécessaires. Si l’argent venait à manquer, elles feraient du stop et dormiraient dans les églises. Le bébé lui ouvrirait les portes de la charité.
Et qui sait, peut-être qu’une fois là-bas elle ferait une heureuse rencontre, qu’elle se trouverait un mec bien qui prendrait soin d’elles. Il lui faudrait bien un père aussi à cette gosse.
Sky encore dans les bras, elle se leva des escaliers et alla jusqu’à la petite cuisine. D’un placard elle sortit un paquet de gâteaux plein de sucre et d’additifs mais que la petite adorait. Les légumes, déjà à son âge c’était pas son truc et Dolorès ne perdait pas son temps à lutter. Des combats à mener, elle en avait un plein sac. Celui-là était subsidiaire.
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Sky Cervantes
Sky Cervantes
14
Juillet 2072

La salle d’attente était bondée.
Des femmes amorphes et dépenaillées accompagnaient des gamins turbulents, des vieux plein d’emphysème suffoquaient sur les chaises en plastique, et des bad boys taciturnes qui jouaient les durs observaient les lieux comme si leur vie en dépendait. A cette heure avancée de la soirée, les urgences regorgeaient de toute la faune locale et désespérée des basfonds de Megalopolis.
Les médecins étaient débordés et les infirmières tout autant. Personne ne se souciait de qui que ce soit. Vous pouviez espérer un peu d’attention quand viendrait votre tour mais pas avant.
Sky connaissait bien l’endroit. Sa mère l’y accompagnait régulièrement avant, puis quand elle eut une dizaine d’années, elle s’y rendit avec John. C’est d’ailleurs lui qui remplissait les documents administratifs. Elle était complètement incapable de le faire.
La douleur était telle qu’elle était blanche, livide même. Hurler n’arrangerait rien, elle le savait, mais l’envie ne lui manquait pas. Son bras avait triplé de volume et de ce qu’elle pouvait en juger, il était surement fracturé. Son tee-shirt lui faisait l’effet d’un étau contre ses côtes meurtries et sans l’avoir encore soulevé, elle se dit qu’à cette heure elles étaient déjà certainement bleues. Finalement sa lèvre fendue était le moindre mal. Cette fois, elle avait pu protéger sa tête tandis qu’elle était à terre et les coups de pieds avaient plu sur ses bras et ses flancs avec toute la violence dont il était capable.

- J’mets ton nom ? Ou j’mets Lucy ?

Sky tourna la tête vers son ami penché sur la feuille d’admission.

- Mon nom…

Elle n’avait pas le courage de combattre sa douleur et de gérer sa puce en même temps, même si cela ne lui demandait qu’un effort modéré depuis peu. Et puis vu la gueule de son dossier médical, elle n’était plus à ca près. John n’avait pas détourné les yeux. Il la regardait toujours à la fois désolé et impuissant.
Ca lui avait couté de répondre à sa question. Elle serrait tellement la mâchoire qu’elle se dit qu’elle finirait elle-même par se casser les dents, épargnant cette corvée à son beau-père.

- J’vais leur rendre. Ca devrait être ton tour bientôt. Tu veux boire quelque chose ? t’as soif ?

Elle n’eut même pas à lui balancer un juron bien senti. Soif ? elle voulait tuer ce fils de pute qui sautait sa mère, arracher les yeux des infirmières qui passaient devant elle, indifférentes, éclater à coup de baskets dans la gueule le moutard qui hurlait depuis une demi-heure non-stop à l’autre bout de la salle. Alors non, elle n’avait pas soif. Elle lui retourna un regard qui exprimait tout ca à la fois et il battit en retraite, comprenant certainement le message.
Sky le suivit des yeux jusqu’au comptoir d’admission où un agent hospitalier laconique classait les documents avec toute la ferveur d’une moule en pleine séance de natation.

Les minutes semblèrent des heures avant qu’elle n’entendit son nom. Une jeune brune en tenue médicale rose la conduisit dans une salle d’auscultation bondée. Son voisin de lit avait l’air en plus mauvais état qu’elle mais elle n’eut pas le temps de se faire une opinion que l’infirmière tirait un rideau de séparation. Aussitôt un homme entre deux âges s’approcha du lit sur lequel on l’avait faite asseoir. Il ne lui accorda pas même un regard, très absorbé par les feuillets qu’il tenait à la main et qui devaient déjà résumer son identité et ce qui l’amenait aux urgences. Sa tenue indiquait qu’il s’agissait probablement d’un médecin mais Sky ne prit même pas la peine de lire le badge d’identification qu’il portait sur la poitrine. Des toubibs elle en avait croisés tellement, psy ou autre, qu’elle se fichait complètement de connaître leur nom. Derrière l’homme, elle aperçut la salle d’attente dans laquelle John patientait, anxieux.

- Sky c’est ca ?

Il la regarda enfin et ses yeux s’arrêtèrent sur son bras qu’elle tenait contre elle.

- Oh ! Ca m’a l’air cassé ca...

Délicatement il prit le membre dans ses mains mais à peine l’avait-il touché que la blondinette ne put retenir un cri de douleur.

- Ok. On va injecter un petit anesthésiant déjà et on va faire une radio. T’as d’autres blessures ? dit-il en glissant un œil sur sa lèvre gonflée et abîmée.

- Ouais… j’ai mal là aussi… répondit-elle, non sans efforts, en montrant ses côtes.

Le médecin hocha la tête brièvement tout en préparant une seringue d’antalgique. Il alla chercher à l’autre bout de la salle un petit appareil portatif qui émettait de drôle de lumières et de petits bruits électroniques étonnants. Un joujou high-tech sans doute qui facilitait la vie des personnels hospitaliers.
Il injecta d’abord le produit puis il fit glisser le long de son bras une sorte d’écran noir similaire à une ardoise d’écolier. L’anesthésiant agit avec une rapidité incroyable et Sky crut revivre.

- Tu t’es battu avec qui ?

L’a priori piqua la jeune fille en plein vif. Etait-ce son allure ? Son attitude ? Ou bien l’homme choisissait d’emblée la solution la plus évidente ? En réponse, elle opta pour une demi-vérité

- Un connard qui m’est tombée dessus.

Libre à lui de l’interpréter comme il voudrait.
Le médecin effectua son diagnostic à partir de ce qu’il voyait sur l’écran noir puis reposa l’appareil sur la desserte en inox qui l’accompagnait. Il souleva le tee-shirt et grimaça. Sky serra les dents et retint un gémissement de douleur.

- On va faire une petite radio aussi pour ça. Vérifier que tu n’as pas de côtes cassées.

Il prit de nouveau entre ses mains l’ardoise d’écolier et réitéra l’opération précédente sur son buste. Silencieusement, il observa les résultats qui s’affichaient.

- Bon. Bonne nouvelle, tes côtes vont bien. Tu as juste un bel hématome qui devrait être douloureux quelques jours mais qui passera. En revanche il va falloir réduire la fracture de ton bras et immobiliser. Ca ne prendra que quelques secondes. D’ici trois semaines il sera comme neuf. En attendant je te conseille d’éviter les mauvaises fréquentations.

L’homme se tourna vers sa table à roulette, prit son dossier et un stylo de la poche de poitrine pour écrire sur les feuillets de son dossier médical.

- Je vais te prescrire une pommade pour tes côtes. Ca aidera à guérir plus vite.

Il n’avait même pas relevé les yeux. Pour lui, Sky n’était rien d’autre qu’un numéro parmi d’autres, un patient de plus qui viderait la salle d’attente des urgences. Demain, ces feuillets rejoindraient son dossier médical informatisé et gonfleraient la cohorte des bilans et des auscultations qui avaient jalonné toute sa vie.
A partir des radios il détermina rapidement les mesures ergonomiques nécessaires à l’impression d’une résine sur-mesure. Sky savait déjà que ce ne serait pas lui qui se chargerait de la lui installer mais une infirmière. Lui, il piqua d’une petite aiguille le bras de sa patiente et voyant qu’elle n’eut pas de réaction, manipula l’os cassé. En quelques secondes la fracture fut réduite. Il vérifia de nouveau avec son joujou si tout était bien en place et satisfait, se leva de son tabouret à roulettes.

- Parfait ! On va venir immobiliser tout ca. Ca ne sera pas long. Bonne soirée.

« Bonne soirée ». Elle ne put s’empêcher de penser un « connard » que n’importe quel PSY un peu doué aurait entendu. Sa soirée déjà bien entamée était assez pourrie pour qu’elle prenne la politesse comme une insulte.
Derrière son rideau de séparation, isolée du reste de la vaste salle, le brouhaha incessant des urgences la berçait. La douleur s’était envolée sous l’effet des produits injectés et le contrecoup du passage à tabac la rendait complètement amorphe. A l’ourlet de sa jupe, elle remarqua des traces de beurre de cacahouètes séchées qui maculaient ses cuisses nues. Ce salopard avait ouvert les hostilités alors qu’elle se préparait un sandwich. Pour une fois que Dolores avait pu faire quelques courses qui contenaient autre chose que de la bière ! D’abord, elle ne se souvint même pas pourquoi il avait frappé puis petit à petit ca lui revint. Elle avait senti une main baladeuse se glisser sous le tissu de sa robe alors qu’elle lui tournait le dos. Dans un réflexe, elle s’était retournée subitement et avait voulu lui mettre son poing dans la gueule mais il avait été plus rapide et surtout, plus fort. Même saoul il restait encore assez de fureur en lui pour que sa hargne surpasse la sienne. Sky avait compris en un éclair qu’elle ne serait pas de taille alors elle avait attendu que l’orage passe, se protégeant comme elle pouvait. Puisqu’il ne pouvait obtenir ce qu’il voulait, il le détruirait.
La scène n’avait sans doute duré que quelques minutes mais comme à chaque fois, ca lui avait paru une éternité. Finalement, quand il en eut assez et que son souffle se transforma en un râle suffoquant, il sortit de la cuisine, la laissant gisante au sol, et s’installa devant l’holo-télé, comme s’il n’avait essuyé qu’un léger contretemps sur son programme de la soirée.
Alors que la douleur n’avait pas encore atteint son cerveau trop occupé à survivre, Sky se félicita de ne pas être tombée dans les pommes. Avant que tout son corps ne se réveille et que toutes les alarmes nerveuses ne s’allument, elle avait filé chez John. La nuit était déjà tombée et il n’habitait qu’à quelques maisons.

La jeune femme qui l’avait installée refit son apparition. Cette fois-ci, elle tenait dans la main une sorte d’exosquelette en résine dont les courbes rappelaient celles de son bras. Malgré la surcharge de travail et le peu de considération que devaient lui accorder tout à la fois les patients et les médecins, elle affichait un sourire chaleureux. Il était assez communicatif pour que Sky le lui rende et d’un rapide coup d’œil elle prit connaissance de son nom sur son badge. « Melissa ».

- Ca va la douleur ?

En dehors de son thorax qui pulsait doucement sous l’effet de l’hématome, elle ne sentait plus son bras, ni même sa main. En fait jusqu’à l’épaule elle avait la sensation bizarre d’avoir perdu son membre. Sky hocha la tête et regarda l’infirmière s’approcher puis positionner l’attèle 3D avec précaution.

- Qu’est-ce qui t’es arrivé si c’est pas indiscret ?

La jeune fille hésitait à répondre. Si elle disait la vérité s’ensuivait un flot de questions qui dans le meilleur des cas ne menait à rien, dans le pire à une énième rencontre avec un psychologue d’astreinte. Si elle mentait… elle était fatiguée de raconter des bobards. Pas ce soir. Elle n’avait qu’une envie, c’était de retrouver John le plus rapidement possible.

- Mon beau-père qui m’a cassée la gueule. C’est pas la première fois j’suis habituée.

Mélissa garda le silence à cet aveu et Sky apprécia. Ses gestes étaient surs et doux et elle prenait son travail à cœur. La petite brune s’appliquait à suivre les recommandations du praticien tout en restant délicate avec la jeune fille. Quand elle eut fini, elle releva de grands yeux bruns sur elle.

- Un jour ca finira.

Sky la regarda, interloquée. Elle ne sut pas comment elle devait prendre ces mots tellement ils contenaient de sens. Elle se contenta de regarder l’infirmière qui arborait de nouveau ce sourire charmant.

- J’espère que ta nuit se terminera mieux qu’elle n’a commencé. Je te dis pas à bientôt…

La jeune fille lui rendit son salut d’un bref hochement de tête et la regarda s’éloigner vers un autre patient.
En quelques minutes on lui rendit d’autres papiers et on l’invita à quitter l’hôpital pour laisser sa place.
John s’était précipité sur elle dès qu’il l’avait vu sortir de la salle des auscultations et il ne l’avait pas lâchée depuis. D’un œil curieux il lisait l’ordonnance que lui avait fait le médecin et ne pouvait s’empêchait de tourner encore et encore entre ses doigts le petit tube échantillonnée de pommade qu’on lui avait gracieusement fourni en attendant qu’elle aille à la pharmacie en acheter elle-même. Ce qu’elle ne ferait pas bien sûr.
Il ouvrit le flacon et mit son nez dessus.

- La vache ca pue !
- C’est pas pour me parfumer.
- Ouais mais ca pue quand même ! Sens !

Encore sous l’effet des anesthésiant, Sky posa son nez à son tour sur le tube sans une once de méfiance. John en profita pour appuyer dessus et lui coller un peu de crème sur la figure.

- Ahaha ! très drôle, dit-elle pince sans rire. T’aurais du être clown !

Lui, il affichait le sourire rayonnant du mec fier de sa petite blague.
Dehors il faisait encore chaud malgré l’heure avancée et déjà Sky sentait son tee-shirt se coller de nouveau à ses côtes endolories.
Les deux gamins avançaient dans les rues, laissant derrière eux les gyrophares des ambulances et les lumières aveuglantes de la bâtisse.

- Mon frère est reparti, ca le faisait chier d’attendre.
- T’inquiète. J’peux marcher ca va.
- T’es sur ?
- Ouais ca va j’te dis.
- On va aux ruines ?

Sky réfléchit. Dans le meilleur des cas elle ne pourrait se pointer chez elle que le lendemain matin. Sa mère serait rentrée et elle dormirait ou serait occupée. De toutes manières, elle était certaine que l’autre connard ne lui aurait rien dit.
En ce moment, Dolores travaillait de nuit et elle manquait cruellement de sommeil. Quand il était là, il ne supportait pas qu’elle dorme et qu’elle ne s’occupe pas de la maison. Il sous-entendait par-là « de lui ». La plupart du temps, elle se pliait à ses exigences, ignorant sa fille et la vie qu’elle pouvait bien mener, attendant patiemment l’instant où il lui mettrait sa trempe ou l’heure de retourner travailler. Cette idée lui serrait la gorge et faisait monter une rage incandescente en elle. Elle aurait voulu pouvoir offrir une autre vie à sa mère, pouvoir s’enfuir toutes les deux. Des milliers de fois elle l’avait supplié de le faire. Des milliers de fois, même petite quand elle pleurait encore, elle l’avait implorée de recommencer une nouvelle vie ailleurs, loin de leur bourreau. Et à chaque fois Dolores avait esquivé ou trouvé des excuses, caressant ses cheveux d’une main tremblante et lui répétant inlassablement « yo se, mi corazon… yo se ». Jamais elle ne lui parlait espagnol. Seulement dans les moments où elle était désespérée.

- Ouais on va aux ruines.

John jeta les papiers de l’hôpital par-dessus son épaule et ramassa le petit tube dans la poche de son jean. Il savait qu’elle accepterait de se soigner tant qu’elle pourrait encore utiliser les médicaments fournis gratuitement. Après… lui aussi connaissait l’histoire. Mais à presque 16 ans que pouvait-il bien y faire ?
Il adaptait son pas à celui de la jeune fille qui gardait le silence. Ce n’était pas dans les habitudes de Sky. Avec lui elle était plutôt bavarde comme une pie. La souffrance et l’amertume lui scellaient la bouche et c’est donc sans échanger un seul mot qu’ils parcoururent la distance qui les séparait des immeubles abandonnés.
Là-bas ils trouveraient un coin calme à l’abri des regards. Seules quelques ombres se glisseraient entre les murs, les silhouettes de ceux qui recherchaient aussi la quiétude. Dans les ruines, tout le monde avait le même objectif : disparaître du monde pour quelques heures.
Ils jetèrent leur dévolu sur le rez-de-chaussée d’un bâtiment. La large ouverture sur la chaussée suggérait une ancienne vitrine. Ce devait être un magasin même si aujourd’hui plus rien ne permettait de faire la différence avec un autre local. Toutefois, à l’arrière de la vaste étendue vide, ils trouvèrent un espace plus petit et moins exposé.
Sky se laissa glisser le long du mur, éreintée. Quelques larmes de fatigue et de douleur mêlées remplirent ses yeux mais la pénombre les dissimulait à l’attention de son ami. Pourtant la lune brillait comme un soleil d’argent au-dessus de leurs têtes, repoussant les ombres pour quelques heures.
John reprit le petit tube de pommade avant de s’asseoir lui-même aux côtés de la jeune fille. Silencieusement il observa la résine qui enserrait son bras. Ce n’était pas la première qu’il lui voyait et ce ne serait sans doute pas la dernière.
La plupart du temps les violences qu’elle endurait prenaient le relais des différentes condamnations dont Sky faisait l’objet. Comme elle était mineure, c’était sa mère qui devait s’acquitter des amendes. Le budget familial étant ce qu’il était, elle subissait une double peine : celle de la justice de Mégalopolis et celle de son beau-père. Pourtant, dernièrement, les coups tombaient sans raison apparentes. John supposait que la jeune fille gardait surtout le silence sur leur cause.
Il dévissa le bouchon de la pommade.

- Enlève ton tee-shirt.

Ce fut une véritable épreuve. Non seulement la résine entravait son habileté mais la souffrance qui enserrait ses poumons était une torture. Il lui fila un petit coup de main pour se débarrasser du vêtement.
Par force de l’habitude, John savait parfaitement s’improviser soigneur. Il était attentionné et délicat, veillait à ce qu’elle prenne ses traitements et se posait toujours comme son infirmier personnel. La dévotion chez lui c’était un véritable sacerdoce.
Elle leva la tête vers les cieux pour contempler les quelques étoiles qui pouvaient rivaliser avec la clarté de l’astre nocturne. Ca l’aidait à ne pas penser à la douleur pendant que les mains chaudes de John lui passaient l’onguent.
Elle comptait les années qui lui restaient à devoir être encore dépendante de sa mère. Bien trop jeune encore pour voler de ses propres ailes et pour aller où ?

- J’ai trouvé du boulot dans un garage, j’t’ai pas dit ! J’commence dans deux mois, quand j’aurais 16 ans. J’serai pas payé beaucoup au début, juste comme apprenti. Le patron m’a dit que si je travaillais bien et dur il m’embaucherait comme employé après.

Sky n’arrivait pas à sourire même si elle était contente pour lui. L’école ce n’était pas plus son truc à elle qu’à lui et il attendait avec impatience de la quitter pour apprendre un métier. Instinctivement elle pressentit la suite.

- Quand j’gagnerai assez, on s’trouvera un coin et on s’installera tous les deux. Tu pourras te barrer.

Il se tut quelques secondes avant d’ajouter

- J’en ai marre qu’il te cogne tout le temps.

Elle ne répondit pas. L’avenir avec lui, par désespoir, ne lui promettait rien de plus que celui qui se profilait à l’horizon aujourd’hui. En fait, au fond d’elle, Sky avait une certitude : si elle devait s’en sortir ce serait seule. Elle ne pourrait jamais compter que sur elle-même. Les fausses promesses et les faux espoirs vous remplissaient la tête de conneries mais laissaient votre estomac vide. John serait à ses côtés, mais ne serait pas son salut.
Elle baissa la tête, soupira, puis lui prit la pommade des mains. Son bras valide s’enroula autour de sa taille tandis qu’elle se retournait face à lui pour poser ses lèvres sur les siennes. Est-ce qu’il était véritablement amoureux d’elle ou bien était-elle la seule qui n’ait jamais rempli son univers ? Peu importe. En cet instant comme en tout autre, il répondit à son baiser, sachant très bien ce qu’elle attendait de lui. Que jusqu’à ce qu’elle parvienne enfin à fermer les yeux de fatigue il tienne la peine et les désillusions à distance.
Avec beaucoup de tendresse et de douceur, il l’allongea sur le sol et la débarrassa du reste de ses vêtements.
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Sky Cervantes
Sky Cervantes
18
Juin 2076

La porte s’ouvrit sur l’unique pièce de l’appartement soulevant une poussière digne d’un vieux western. Après une bataille sans nom avec la serrure, où même les compétences de Sky en matière de crochetage n’avaient servi en rien, elles purent enfin entrer.
Ce n’était pas tout à fait comme dans son souvenir.
En fait, quand elle l’avait visité, elle l’avait trouvé vraiment sympa et plutôt fonctionnel. En comparaison avec les ruines qu’elle avait investies avant, c’était sans doute le cas. Pourtant, là, maintenant, dans la pénombre des fenêtres closes, elle trouvait qu’il était miteux.
Sky s’éclaircit la gorge et se tourna vers Dolores.

- Ouais bon ok, c’est pas un palace hein, mais c’est pas pire que ce que t’avais, non ?


Avec le courant d’air, une porte de placard s’effondra.
Dolores garda le silence.

- Oh t’as vu ? Y’a un placard… dit Sky en essayant de trouver vraiment du positif envers et contre tout.

Sa mère pénétra dans la pièce et en fit le tour de son regard singulier. Sky l’observa, silencieuse, la main serrée sur la poignée de la valise qui à elle seule contenait tout ce que possédait Dolores. La jeune fille avait dû insister pour qu’elles se servent un peu dans l’ancienne maison et récupère quelques ustensiles utiles au quotidien : cafetière, couverts et matériel de cuisine.  Dans le carton coincé sous son bras il n’y avait que le strict nécessaire.
Sky entra à son tour à la suite de sa mère et soupira.

- Tu seras bien ici. En sécurité…

Elle déposa le carton sur la vieille table usée qui tenait encore debout on se demandait comment puis elle alla ouvrir les deux fenêtres crasseuses pour faire entrer la lumière. Aussitôt que le soleil prit ses aises dans l’espace clos, il lui sembla qu’elle ramenait un peu de vie et que l’endroit pourrait même être chaleureux avec un peu d’arrangement.
Tout en rendant la valise à sa mère, elle se mit à parler, en continue, comme pour combler l’espace trop grand qu’il y avait encore entre elles.

- J’vais trouvé de la peinture et puis on mettra des rideaux aussi… J’ai un copain qui pourra nous aider pour… ca… , dit-elle en soulevant la porte de placard qui avait agonisé à leurs pieds.

Elle alla ouvrir la seule porte intérieure du logement qui donnait sur une salle de bain lilliputienne. Au moins les toilettes et la douche n’étaient pas sur le palier et les deux fonctionnaient. Elle avait accepté de payer un peu plus cher de loyer pour bénéficier de cet avantage et même si à l’époque elle n’avait vu là-dedans qu’un luxe qu’elle s’offrait, elle était contente d’avoir fait ce choix maintenant que sa mère s’y installait.
Dolores s’assit sur le rebord du lit qui grinça sous son poids. Le matelas était d’un autre âge.

- Ca aussi on le changera, je t’en trouverai un autre, c’est pas un problème. Demain, t’inquiète pas. J’ai pas eu le temps de m’en occuper aujourd’hui en fait…

Dolores lui sourit en réponse mais n’ouvrit pas plus la bouche.
Sky hocha brièvement la tête puis commença à vider le carton pour installer les rares affaires de cuisine. Sa mère se leva et l’interrompit.

- C’est pas très propre… j’pourrais nettoyer avant ?

La jeune fille tourna la tête vers elle, surprise, puis sembla se rendre compte seulement maintenant de la vétusté des lieux et de la quantité de poussière. Le sable du Sanctuaire avait élu domicile sur le plancher et un coup de balai s’imposait. Seulement elle n’avait pensé à rien de la sorte. D’une manière générale, le ménage ce n’était pas son truc.

- Oh ouais ! Ouais bien sur ! Hey t’es chez toi, non ?

Dolores sourit doucement et inspira profondément en se tordant les doigts d’anxiété.

- Oui, j’imagine…

Sky l’observa et posa ses mains sur les siennes.

- Hey ! t’es chez toi ok ? Ici tu risques rien, d’accord ? J’ai un pote qui habite dans le coin je lui demanderai qu’il vienne jeter un petit coup d’œil de temps en temps si tu as un souci. Et puis tu pourras me joindre sur mon HP. Ah oui !

Elle se souvint justement qu’elle avait fait l’acquisition d’une vieille occasion. En fouillant dans son sac, elle sortit le petit appareil qu’elle tendit à sa mère.

- Mon numéro est enregistré. T’as juste à appuyer là, d’accord ? Y’a pas de flics ici mais y’a un service de sécurité. Ils interviendront au cas où… il se pointe.

Dolores prit le HP dans ses mains et hocha la tête en bonne élève docile aux recommandations de sa fille. Elle était perdue, angoissée même, et culpabilisait plus que nécessaire de constater à quel point les rôles étaient inversés. Sky se comportait comme l’adulte du duo alors que c’est elle qui aurait dû faire tout ça pour elle. Depuis longtemps… depuis toujours. Elle n’osa pas la regarder dans les yeux.
La jeune fille avait continué de parler et de faire le tour de la pièce.

- J’vais aller faire quelques courses, je vais acheter de quoi faire le ménage et à manger aussi… T’as une préférence ?

Interpellée, elle leva les yeux et secoua la tête, la gorge nouée.

- Ok ! Alors ce sera pizza. J’adore les pizzas ! Oh tiens je regarderai si y’a pas des fruits du Mexique des fois, ici on trouve plein de trucs exotiques, tu verras c’est génial.

Sky forçait le trait, sa mère n’était pas dupe. Elle s’efforçait d’être enjouée, heureuse mais sous la patine, elle percevait la nervosité. Dolores la connaissait suffisamment mais elle ne se sentit aucun droit de lui en faire la remarque.

Ce matin-là, elle avait failli faire une crise cardiaque quand elle avait trouvé une silhouette encapuchonnée dans sa cuisine alors qu’elle se levait d’une nuit rude et peu reposante. Comme toutes ses nuits depuis des années.
Sky avait alors révélé son visage et après le soulagement, elle avait ressenti un immense bonheur. Qu’elle avait gardé pour elle. Après sa visite avec son petit ami, Dolores avait été certaine qu’elle n’aurait jamais revu sa fille. Pas après tout ce qu’elle lui avait dit, les années de mensonge venant s’ajouter à celles de la maltraitance. Les mots depuis trop longtemps tus qui avaient solidifié un mur entre elles qu’elle pensait indestructible.
Mais Sky avait parlé, calmement quoiqu’avec beaucoup d’hésitations et de contradictions.
Elle voulait la sortir du Queen’s, des griffes de cet homme.
Dolores avait préparé du café comme elle le faisait toujours. Parce que c’était l’heure, parce que c’était Sky, parce que c’était la seule chose qu’elle savait faire, parce que c’était ce qu’elle faisait quand il fallait qu’elle fasse quelque chose.
Elle avait souri de la détermination de Sky mais à mesure que la jeune fille exposait ses intentions, elle comprit qu’elle était sérieuse et qu’elle avait pensé à tout, dans les moindres détails.
Pourquoi s’était-elle laissé convaincre si facilement ? Pourquoi avait-elle accepté de s’en remettre entre les mains de la jeune femme, qui avait à peine dix-huit ans se souvint-elle ? En grande partie parce que Dolores avait perdu toute capacité de décision sous les coups répétés. Ce qui avait été un de ses traits de caractère à l’origine était devenu une condition de survie. Se soumettre pour moins souffrir, pour ne pas mourir, avec d’autant plus d’abnégation que sa fille avait pris la fuite et était hors de danger, tout du moins dans sa conception des choses.
Sky était déterminée. Elle avait l’air d’une adulte qui avait vécu plusieurs vies quand elle lui parla, d’une jeune fille vieillie trop vite.
Sa décision de la suivre ou non devait être rapidement prise car elle lui expliqua brièvement qu’elle ne pouvait pas s’attarder ici. Aucune d’elle. L’endroit était trop dangereux. Qui plus est, Dolores savait que s’il rentrait et les trouvait là, toutes les deux, à discuter, il les imaginerait comploter contre lui, contre le monde, contre sa toute puissance.
L’une des deux ne partirait pas. Ne partirait plus jamais de nulle part.
Dolores avait sorti de sous son lit une vieille valise, celle-là même qu’elle avait rempli une première fois il y a dix-huit ans. Jamais plus elle ne l’avait utilisée. Après le Queen’s, elle n’avait plus eu nulle part où aller. Cette chance que lui offrait Sky était peut-être la dernière, non pas d’avoir un avenir, mais de ne pas mourir dans le passé. Elle n’avait plus de rêves depuis longtemps, toutefois, elle sourit aux fantômes en constatant que comme dix-huit ans auparavant, c’était encore cette adorable tête blonde qui lui donnait des ailes.

Sky fit rapidement le point des denrées qu’elle devait ramener. Elle n’avait jamais fait d’emplettes au Sanctuaire mais ca ne devait pas être plus compliqué qu’ailleurs. Du peu qu’elle en avait vu, le supermarché local n’était qu’une grande foire à ciel ouvert où les camelots vendaient tout ce dont vous aviez besoin pour peu que vous y mettiez le juste prix. Elle plongea la main dans une poche et en sortit un rouleau de billets qu’elle déposa dans les mains de Dolores.

- Tiens, c’est pour ta semaine. Y’a pas grand-chose j’espère que ca suffira mais j’peux pas faire beaucoup plus pour le moment. J’viendrai t’en donner tous les dimanches pour que t’aies de quoi assurer…

Elle fronça les sourcils et claque la langue.

- T’auras pas une vie de princesse, j’ai pas beaucoup de moyens. J’vais voir si Lisbet pourra me filer une partie de mon salaire en cash pour pas que tout aille sur mon compte parce que j’ai pas le droit d’y toucher sans que Sunny elle dise ok. J’suis sous tutelle, c’est un peu chiant… mais bon j’vais m’débrouiller quand même. Ca ira ?

Dolores ne savait pas qui était Sunny. Elle déroula les billets et compta la somme en un coup d’œil à peine. C’était bien plus qu’il ne lui avait jamais donné et largement suffisant pour ses besoins qui n’avaient rien d’exigeant. Elle leva la main qu’elle voulut poser sur le bras de sa fille pour l’apaiser et la remercier mais elle se ravisa, trouvant son geste incongru. Elle se contenta de lui sourire.

- C’est très bien, très bien, Sky. J’ai plus qu’il me faut…

La jeune fille doutait de la sincérité de la réponse de sa mère mais qu’est-ce qu’elle en savait ? Elle n’avait plus parlé ou partagé autant depuis ses… Mon Dieu ca faisait tellement longtemps qu’elle en eut le vertige. Elle frappa dans ses mains pour couper court à cet instant gênant.

- Ok ! C’est parfait !
- Tu sais, je pourrais peut-être trouver du travail aussi...
- Ouais je sais, tu feras comme tu veux mais j’veux pas que tu manques de quelque chose en attendant. Et puis si t’en trouves pas c’est pas grave, j’travaillerai pour nous deux, t’inquiète pas.

Elle se dit qu’elle utiliserait un peu de son Yu pour subvenir à leurs besoins si elle n’arrivait pas à faire la maille. Le loyer avait beau être modique, Dolores avoir peu d’exigences, il lui faudrait quand même nourrir deux bouches et même avec beaucoup de volonté, c’était une tâche ardue. Si Lisbet ne lui prenait pas tout son temps, elle chercherait peut-être un petit boulot en complément. Légal si possible. Elle commencerait par-là d’ailleurs et si vraiment elle se heurtait à trop d’obstacles, elle retournerait voir Johnny pour remettre un pied dans son commerce de weed mais uniquement en dernier recours.
Les choses étant dites, elle réajusta son sac sur son épaule.

- Bon je reviens. Si y’a quoi que ce soit, t’oublies pas hein ! dit-elle à Dolores en lui montrant le petit HP. Tu m’appelles et j’arrive tout de suite…
- Ne t’inquiète pas, j’ai compris. Je devrais pas me perde c’est pas très grand, tenta-t-elle de plaisanter, mais sans succès.

Sky eut un bref sourire pour saluer l’effort mais s’en tint là. Lorsqu’elle fut partie, Dolores sentit tout le poids de la solitude lui tomber sur les épaules. Pourtant, dans son cœur, elle perçut  le soulagement se faire une petite place, doucement mais surement. Ici, même si ce n’était qu’un appartement vétuste, elle serait en sureté et c’est à sa fille qu’elle le devait.
De nouveau la culpabilité l’accabla et elle se demanda si jamais Sky pourrait lui pardonner. Elle avait tout raté. La confiance qu’on lui avait accordée quand on lui avait donné Rafaelle, si petite, si fragile, elle l’avait trahie. Si Rachel et Rafe la voyaient de là où ils étaient, alors elle avait de bonnes raisons de se savoir maudite pour l’éternité. Dorénavant elle ne pourrait que s’employer à obtenir le pardon de Sky. Au milieu de cette pièce poussiéreuse et nauséabonde elle se fit la promesse que ce serait son but à partir de maintenant.



Sky déambula au milieu des étals mieux achalandés qu’une grande surface de la médiane. Tout était à vendre même ce à quoi vous n’aviez pas pensé. Elle n’avait eu aucun mal à trouver du savon, quelques détergeant et un grand balai un peu défraîchi mais encore fonctionnel. De vieux vêtements feraient office de chiffons et d’éponges, et quelques foulards accrochés à même les murs recouvriraient leur misère en attendant un peu de peinture.
Finalement, elle avait acheté des fruits : un ananas, des avocats et des oranges. Elle avait complété ses emplettes avec du café, du soda, des chips et une grosse pizza. Il lui fallait faire l’acquisition d’un frigo pour conserver les denrées. Ici, cela s’imposait. Par bouche à oreille, en posant des questions au hasard de ses rencontres, elle avait fini par trouver un vieil hangar qui servait de dépôt pour du gros matériel ou de l’électroménager d’occasion mais remis en état. Un peu à la manière de ce que faisait Harry, son copain mécano, avec les voitures. En acceptant de payer plus, elle obtint l'accord du camelot pour livrer directement dans l’appartement matelas, réfrigérateur et mircro-onde. Ce serait déjà un bon début.
Sky s’aperçut qu’en une journée, elle avait cramé le reste des économies qu’elle n’avait pas utilisées lors de son voyage au Mexique. S’il manquait quoi que ce soit à Dolores, il lui faudrait attendre qu’elle se refasse pour compléter.
La chaleur accablante la poussa à ne pas s’attarder plus que nécessaire et elle retourna à l’appartement dès qu’elle eut terminé.
Dolores n’avait pas bougé, assise sur le rebord de son lit, contemplant le vide devant elle. Quand Sky entra, elle tourna son regard asymétrique vers elle et lui sourit.

- Tiens, c’est ce que j’ai trouvé ! dit-elle en déposant les produits et matériel de ménage. Demain des types viendront t’apporter matelas, frigo et un four aussi. Ca ira pour commencer hein ?

Elle déballa aussi les denrées et prit soin de les poser sur un tissu pour leur épargner la saleté du mobilier.
Dolores se leva et vint aider sa fille même si cela n’était pas nécessaire. Il leur fallait bien combler un peu ce vide entre elles et Sky redoublait d’effort pour qu’elles n’aient pas que le silence comme seul échange. Elles avaient pourtant tellement à se dire, réellement, mais comment aborder les sujets graves et importants après tant d’années ? Le temps passait vite, même pour une adolescente, et ces trois années d’abandon ne se combleraient jamais.

- T’as pas de chaises ! s’exclama Sky. Merde ! Fait chier !

Elle n’aimait pas l’entendre parler aussi mal. Elle n’avait jamais aimé ça, même quand à six ans, la gamine se faisait une joie d’enchainer les vulgarités comme des perles sur un collier, juste pour le plaisir de les entendre, de les sentir rouler sur sa langue comme des bonbons.

- Les jeunes femmes ne parlent pas comme ca…tenta-t-elle avec un sourire tendre

Sky fut surprise de se voir reprise par un adulte qui ne soit pas un de ses éducateurs. Autant dire un adulte qu’elle ne méprisait pas ouvertement.

- Qu’est-ce tu t’en fous ? lui lança-t-elle sans parvenir à masquer cette petite pointe de reproche.
- Juste… eres guapa ! C’est mieux quand tu ne dis pas de gros mots, non ?

La jeune femme fronça les sourcils et haussa les épaules.
- Tu t’en es jamais occupé, c’est pas un peu tard là ?
- J’ai jamais aimé ca…
- Bah tu me l’as jamais dit !

Oh si, elle l’avait bien reprise plus d’une fois quand sa fille était une petite sauvageonne du Queen’s et qu’elle arrivait à la croiser quand elle passait par la maison entre deux escapades dans les rues. En général quand les placards étaient de nouveau remplis ou que l’école s’était plaint de son comportement. Parfois aussi quand les flics ramenaient cette gamine boudeuse et crasseuse qu’ils avaient ramassée après qu’elle se soit disputée avec John.
Dolores n’insista pas.

- On s’assiéra là, dit Sky en s’installant d’autorité sur le lit avec une part de pizza dans la main.

Tout en mangeant, la blondinette observa les lieux avec plus d’attention. Sa mère l’observa elle, mesurant combien la jeune femme qu’elle avait sous les yeux était différente de l’adolescente qui avait fui son beau-père. Elle ne toucha pas à la nourriture mais alla se placer à ses côtés sans cesser de la fixer.

- Quoi ? lui demanda Sky la bouche pleine quand elle remarqua le regard de sa mère.
- Rien...

La donzelle déglutit puis mordit dans sa part de pizza avant de reprendre.

- On dirait que t’as vu un fantôme ! C’est que moi hein !
- Je sais… mais tu as beaucoup changé…
- Ah ouais ? Tu trouves ?
- Tu as l’air plus vieille
- J’le suis.
- Non je veux dire… plus comme si tu avais vécu des choses difficiles
- Du genre euh… laisse moi réfléchir… me faire tabasser, presque violer et finir à la rue ?

L’attaque était sévère et Dolores eut du mal à l’encaisser. Elle baissa le visage et sentit sa gorge se nouer. Sky s’en voulut aussitôt. Ca avait été plus fort qu’elle mais elle savait que la réconciliation ne passerait pas par une guerre ouverte. Les guerres font des morts, au mieux des blessés. Et blessées, elles l’étaient déjà assez toute les deux.

- Désolée… murmura-t-elle

Il lui fallait revenir sur le terrain de la diplomatie. C’était à elle de faire des efforts après son coup de semonce.

- J’ai grandi… dit-elle après un silence hésitant. Enfin j’veux dire au Casino on m’a aidée à faire le point sur ma vie, sur ce que j’avais vécu, tu vois ? Et puis y’a eu Garin aussi. Au début j’voulais qu’il s’intéresse à moi, enfin qu’il me trouve intéressante quoi ! alors j’me la suis joué fille cool et j’ai fait tout ce qu’il aimait bien chez une gonzesse…

Elle s’interrompit le temps de la réflexion qui se lut sur son visage.

- Enfin j’crois… Tu savais qu’on avait presque dix ans d’écart ? Il est plus vieux que moi puis il a fait vachement plus de trucs dans sa vie aussi. J’suis trop ridicule à côté, dit-elle dans un petit rire gêné. Rien qu’une gosse. T’imagines même pas comme la barre était super haute quand même !

Elle appuyait ses propos avec de larges gestes de sa main libre, ouvrant les yeux et les doigts simultanément, manquant à chaque fois de tomber sa part de pizza déjà bien entamée. Dolores souriait de voir sa fille s’animer de la sorte en parlant de son petit ami.

- Il a l’air d’être un garçon bien…
- Ouais ! Ouais c’est un mec cool…

« Mec cool » devait être la définition toute sky-ienne d’un homme bien.

- Après, plus tard, avec lui, j’ai compris que c’était mieux d’être une chouette fille qu’une racaille. La rue c’est naze tu sais. T’as pas de règles et t’as personne pour te dire ce que tu dois faire mais… t’as peur tout le temps et t’as froid aussi… et t’as faim des fois.

Ce disant elle termina son repas et essuya ses mains sur son jean.

- Je l’aime… Avec Garin j’ai envie d’être… d’être quelqu’un.

Elle aurait voulu être plus précise mais c’était un sentiment qu’elle n’arrivait pas à mettre en mot et tant pis si Dolores ne comprenait pas. Mais visiblement, sa mère avait saisi. Cette idée la renvoya à ses propres choix, ceux qu’elle fit dix-huit ans auparavant. Elle aussi voulait un « mec cool » et elle avait choisi celui qui l’était assez pour ne pas la larguer parce qu’elle avait un bébé sur les bras. Un qui lui offrait la certitude de rester en Amérique et d’y élever sa petite tête blonde comme une véritable native, lui offrant toutes les opportunités qu’elle croyait trouver à Megalopolis. Hélas, la désillusion avait été cruelle.
Dolores se mit à prier que Sky ne connaîtrait pas le même sort. Elle ne connaissait pas ce garçon quand bien même s’était-il montré très protecteur lors de leur visite dans le Queen’s. Pourrait-il lui aussi se transformer en ogre avec le temps ?
Sky repartait dans ses bavardages, indifférente aux absences pensives de sa mère.

- Il est drôle, il a de l’humour t’as pas idée ! Il sait se battre aussi, c’est important quand on est positif, il a un boulot, un vrai, et c’est pas des conneries il m’enverra pas bosser pour lui…

Ca, c’était la petite pique gratuite pour l’autre con alcoolique. Inutile de le nommer, Dolores avait compris l’allusion.

- Il est têtu aussi…
- Une qualité ?
- Ouais… il sait ce qu’il veut comme ça. C’est bien non ?
- Surement...
- Ouais c’est bien ! Et puis il veut une famille, des enfants…

Sky s’interrompit et observa ses ongles.

- Ca aussi c’est bien, non ? risqua Dolores
- Ouais c’est cool !

Comme « mec cool » ce devait avoir une signification précise dans la tête de Sky mais sa mère n’aurait su dire laquelle. Elle se contenta de sourire et d’acquiescer.

- Et toi aussi tu veux des enfants ? demanda-t-elle, se surprenant à poser une question si intime en si peu de temps de retrouvaille.

Le regard de la jeune femme se perdit dans le vague et Dolores crut avoir été trop audacieuse. Mais finalement elle hocha la tête et se tourna vers sa mère.

- Un garçon.

Ça avait le mérite d’être précis. La nature en déciderait peut-être bien autrement mais elle n’avait aucune envie de contrarier les rêves de sa fille. Cette dernière resta silencieuse avant de se lever d’un petit bond et de se servir une autre part de pizza qu’elle engloutit en une fraction de seconde. Visiblement, elle n’était pas décidé à en dire plus qu’elle n’avait déjà livré sur elle-même et Dolores respecta.

- Va falloir qu’je rentre. C’est compliqué quand j’suis en retard, j’dois toujours dire pourquoi et tout… le Casino j’te jure, des fois limite faut qu’tu demandes un bon pour aller pisser !
- Sky…
- Faire pipi…
- Non je… voulais dire que je suis contente que… de… tout ca…

Dolores non plus ne savait pas trop quels étaient les bons mots, ceux qui exprimeraient toute sa reconnaissance et tout son bonheur d’avoir sa fille avec elle, même à peine quelques instants.

- Oh… répondit l’intéressée avec une gêne évidente. C’est bien !

Elle secoua la tête avec un petit sourire de contenance avant de reprendre précipitamment :

- C’est bien que tu sois là maintenant ! Et puis j’viendrai te voir pour parler ou manger ensemble d’accord ? Tu veux ?
- Si ! Quiero !
- Je parle pas très bien espagnol…
- Je veux bien oui…
- Ok.

Elle prit son sac qu’elle ajusta en bandoulière, comme elle avait coutume de le faire et se dirigea vers la sortie. Avant d’ouvrir la porte elle se retourna, le visage grave, et observa sa mère. Cette dernière s’approcha et dans un élan spontané, la prit dans ses bras, sans réfléchir à ce qu’elle faisait et l’impact que cela aurait. Sky se tétanisa aussitôt dans une réaction épidermique et fut plus que tentée de se dégager de cette étreinte. Mais elle l’avait désirée plus d’une fois que sa mère l’enlace, la cajole, lui montre son amour quand elle en avait terriblement besoin. Et ce geste de Dolores n’était-il pas la preuve même de sa volonté à avancer elle aussi sur le terrain de la réconciliation ? C’était encore maladroit, hésitant, mais existant. Il leur restait des milliers de kilomètres à parcourir et certains seraient difficiles mais tout voyage nécessitait un point de départ. Sky enserra la taille de sa mère dans ses propres bras et lui murmura avant de partir :

- A bientôt maman…
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2016


14 titres - 56’

01. Javier Navarete – Una Princesa [China]
02. Wye Oak - Civilian [Dolores Cervantes]
03. X Ambassadors/Jamie N Commons – Jungle [The Queen’s]
04. X Ambassadors/Skylar Grey – Canon Ball [In My Kingdom]
05. Awolnation – Sail [Janus/Jana]
06. Fiona Apple - Criminal [John]
07. Aloha Moon – Black Magic [Homeless]
08. Jet – Are You Gonna Be My Girl [Blond haired Girl]
09. Black Rebel Motorcycle Club – Teenage Disease [Rebel]
10. PJ Harvey – This is Love [Love At First Sight]
11. Dorothy – Gun In My Hand [Fight and Survive]
12. Black Rebel Motorcycle Club – Fire Walker [Alter Ego]
13. Yaël Naim - Toxic [Garin]
14. Sky Ferreira - Animal [Deep Inside]

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