2076. Côte est des Etats-Unis. Megalopolis est le centre névralgique d'une guerre géo-politique mondiale depuis qu'un attentat biologique en 2026 a divisé l'humanité en deux populations bien distinctes : ceux qui se battent pour le futur, et ceux qui font avec le présent.
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 [CLOS] [Richard/Shannon] Avec mes sentiments les plus distingués

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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair


Mars 2074



Shannon attendait là depuis un bon quart d'heure. Assise sur une des banquettes avec son badge de visiteur, elle attendait l'arrivée de l'une des grosses têtes de la Waleman. Autant pour son travail que pour elle-même, elle voulait être là et connaître tous les participants au prochain gala de charité de la ville où seraient présents les plus hautes sphères de Megalopolis. De Jack Waleman à Edward King en passant par le PDG de la United Medias, tout le gratin serait là, une occasion en or de les approcher tous à la fois pour une magnifique photo de famille. Si les grands marionnétistes de la ville se montraient tous unis, alors peut-être que les esprits se calmeraient ? Si la Ville Basse se rendait compte que ce que l'on faisait ici était aussi pour eux, alors...

Les mains sur les genoux, Shannon attendait patiemment en se tordant les lèvres, quelque peu nerveuse. Elle espérait qu'en approchant le plus généreux des investisseurs, elle aurait une chance d'être aux premières loges pour le discours de la Waleman et aussi d'obtenir une interview exclusive. Les ventes de charité avec rendez-vous à la clé, c'était démodé. Les gens voulaient du concret à présent, ils voulaient posséder quelque chose qui dure, qui ait réellement de la valeur. Bon nombre de Positifs étaient des artistes, grâce à leur don personnel ou bien simplement parce qu'ils étaient doués avec un pinceau dans les mains. A l'occasion de l'ouverture d'une grande galerie en plein centre de la ville, un vernissage exceptionnel aurait lieu. Les oeuvres seraient vendues aux plus offrants et l'argent devait revenir aux foyers d'accueil de la Ville Basse. Le tout orchestré par Jack Waleman. Si Shannon elle-même était amatrice de ce genre d'événements, elle était toujours persuadée que quelqu'un comme lui avait quelque chose à cacher pour s'abriter derrière des bienfaits de la sorte. Il était bien trop souriant, trop aimable et il ne lui avait jamais accordé une seule interview ! Alors elle espérait que s'approcher ainsi de quelqu'un de confiance l'aiderait à entrer plus facilement dans le cercle de Waleman, en apprendre plus sur lui, ses projets, ses envies... Bref, une obsession.

Mais qui sait si elle ne trouverait rien de plus intéressant en chemin ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
- Je n’en ai strictement rien à faire de ses états d’âme Douglas ! Un marché est un marché et un contrat… un contrat. Si il rompt celui qui nous lie, dites lui que le procès qu’il aura aux fesses lui coutera bien plus cher que son treizième mois et l’entretient de sa maîtresse ! Je veux que son versement soit fait au plus dans deux jours ! Est-ce que c’est clair ?

Une approbation rapide de Douglas me suffit et je raccrochais le téléphone. Entre la Waleman et ma propre société je possédais deux bureaux et deux fois plus de travail. Les contrats avec l’Europe étaient toujours délicats et je ne pouvais pas tolérer les mauvais payeurs. Un seul maillon faible dans la chaine et tout pouvait se briser. Je ne pouvais pas l’accepter. Soupirant, je jetais un œil sur l’agenda surchargé ouvert sur mon bureau. Fronçant les sourcils, je me rendis soudain compte qu’un nom est une heure était entouré en rouge. Le genre d’entretient dont je ne savais rien et dont la secrétaire de direction avec l’habitude… 14H00, Shannon O’DAIR. Levant la tête sur l’horloge murale de mon sanctuaire, je soupirais. 14H30. J’espérais que la demoiselle n’était ni ponctuelle, ni vexatile. Il était temps d’avoir une petite discussion au sujet de mon emploi du temps aussi.

Me passant une main sur le visage pour en chasser la lassitude, je me demandais ce que me voulait cette journaliste. Le rendez vous était pris sur l’agenda de la Waleman, ce n’était donc pas moi en particulier qu’elle souhaitait rencontrer. Je l’avais aperçue quelques fois au détour d’interviews télévisé. Elle était agréable à l’œil et son coté femme forte et déterminée n’était pas pour déplaire, J’espérais simplement ne pas la fâcher. Les journalistes en colère, j’avais horreur de ça. Me levant de mon siège à presque dix mille dollars, j’ouvrais la porte de mon bureau pour aller chercher la jeune femme qui m’attendait. Elle était assise à l’entrée, sur les banquette, hors de prix et parfaitement inconfortables, réservées aux visiteurs. La réceptionniste lui jetait de fréquent coup d’œil comme s’il s’agissait d’une terroriste prêt à lâcher sa bombe. Beaucoup trop zélée à mon goût. M’avançant vers la journaliste, je la saluais d’un signe de tête avant de lui tendre la main.

- Shannon O’Dair ? Je suis Richard Aberline, actionnaire principal de la Waleman. Suivez moi, nous serons plus tranquille dans mon bureau !

Ouvrant le passage, je me fis la réflexion que cette journaliste était bien jolie en réalité. La télévision ne vous avantageait pas toujours. Sa silhouette fine et gracile se dessinait parfaitement sous ses vêtements. Parfaite comme ses cheveux, son maquillage et son sourire. Ouvrant la porte, je l’invitais à s’assoir avant de regagner ma propre place. Mais pour jouer le rôle de la perfection, encore fallait-il être bonne actrice. Je le découvrirais bien assez tôt. Les mains posées sur mon bureau, j’étais à nouveau dans mon habit de chef d’entreprise, même s’il ne s’agissait pas de la mienne. Jack Waleman me faisait suffisamment confiance pour assurer certaines fonction, je n’étais pas homme à ne pas tenir la tâche.

- Et bien mademoiselle O’Dair, que puis je faire pour vous ?
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Quand on est enfin venu la chercher, Shannon se leva en faisant la démonstration de son plus magnifique sourire. Elle tendit la main vers Richard pour lui serrer dans une bonne poignée, hochant la tête avant de le suivre. Si seulement elle pouvait avoir ne serait-ce que la moitié de son bureau ! Au lieu de ça, elle n'avait qu'un petit truc avec une minuscule fenêtre donnant sur le bâtiment d'en face. Son ordinateur était une vieille chose et tout le monde prenait sa porte pour un portail de saloon. Elle avait besoin de calme pour travailler et organiser ses idées mais il fallait croire que c'était impossible dans cette fichue ville ! Elle lui fit grâce des remontrances quant à son retard, après tout, quelle personne haut placée s'offrait la peine d'être à l'heure, n'est-ce pas ? Il n'y avait qu'elle pour trouver ça "civil". Et il ne lui offrait même pas un verre d'eau pour cette attente ? Shannon se contenta d'offrir un sourire resplendissant et lumineux. Si elle ne la jouait pas docile, elle n'aurait ni interview, ni pass VIP ni rien du tout. Elle connaissait son métier.

– Monsieur Aberline, je vous remercie infiniment d'accepter de me recevoir, c'est un grand plaisir.

Et bien sûr, le sourire allait avec la politesse... et un peu de lèche bottisme. Néanmoins, il venait de lui faire perdre 30min de son temps qu'elle jugeait particulièrement précieux dans l'exercice de ses fonctions. Elle allait à présent devoir composer avec ce minutage en moins. Et elle avait horreur de travailler dans l'urgence. Elle s'assit face à Richard, sans jamais une seule seconde se départir de son sourire et posa son sac à côté d'elle, au sol.

– Je suis curieuse, votre nom revient souvent et je me demandais... Que faites-vous au sein de cette entreprise à l'avenir si prometteur ? Vous avez votre propre société, je me trompe ?

Shannon avait fait ses devoirs avant de venir et, les mains croisées sur ses genoux, elle passa une jambe par dessus l'autre avant de pencher doucement la tête pour le regarder. Elle ne bénéficiait pas d'autant de temps que prévu pour poser toutes ses questions, alors elle devrait bien se débrouiller autrement.

– Que faites-vous réellement au sein de la Waleman Dynamics, dites-moi ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
Manifestement, cette charmante jeune femme était bonne actrice. Elle tenait son rôle comme la professionnelle qu’elle était, ne s’offusquant même pas ouvertement de mon manque de galanterie et du retard que j’avais prit sur notre rendez-vous. En vérité, j’avais tellement l’habitude de passer d’une réunion à l’autre, d’un rendez vous à l’autre que mon horloge interne était aussi déboussolé qu’après un vol long courrier pour l’autre bout du monde. Les questions qu’elle me posait pouvaient paraître justifier, cependant je sentais comme une pointe d’impatience et d’hypocrisie dans ses propos. Elle voulait parvenir à ses fins et pour cela elle avait besoins de me flatter. Bonne actrice certes, mais il ne fallait pas oublier à qui elle s’adressait après tout. Décidant de la laisser patauger dans ça recherche d’informations, je m’installais confortablement dans mon fauteuil avant d’enclencher un bouton sur le côté de mon bureau. Une jeune femme en tailleur tiré à quatre épingles, perché sur des talons à donner le vertige entra discrètement aux derniers mots de la journaliste.
 
- Avant que nous n’entrions dans les détails, vous souhaitez boire quelque chose Miss O’Dair ?
 
La secrétaire nota sa commande avant de prendre la mienne, un thé noir sans sucre. Et oui, à la Waleman il embauchait même des filles juste pour servir le café… Reportant mon attention sur Shannon, je lui sourie d’une manière tout aussi irréprochable qu’elle. Elle n’avait peut-être pas le temps, mais moi si. Si elle voulait obtenir quelque chose de moi, elle allait devoir être persuasive.
 
- C’est un plaisir partagé. J’apprécie le travail que vous faite. Vous êtes une journaliste compétente et la qualité de vos reportages valent beaucoup plus que les trois quarts des débris visuels qui polluent nos télévisions. Mais trêves de politesse.
 
Je me raclais la gorge. Si je n’avais pas besoins de prendre un air de circonstance et que tout ce que j’allais lui dire ne relevait pas du secret d’état, j’avais cependant bien conscience que Jack Waleman ne lui avait jamais accordé d’interview personnelle et que ce n’était surement pas pour rien. Croisant les mains sur mon bureau, nos regards se rencontrèrent alors que je reprenais la parole.
 
- En tant qu’investisseur principal de la Waleman, il est normal que mon nom soit populaire. Je possède suffisamment de part pour avoir un pouvoir de décision au conseil d’administration mais il faut me voir plutôt comme un conseiller… financier. C’est un domaine que je maîtrise plutôt bien et je m’attache à faire fructifier les investissements de la Waleman, qui sont aussi les miens par la même occasion. Placement financier, achat et revente, ce genres de transactions. L’entreprise dont je suis le PDG est un fournisseur de la Waleman. Machines de grande production et maintenance inclus… C’est un échange de bon procédé convenu entre nos deux sociétés dans un but commun de prospérité.
 
La charmante secrétaire/serveuse fit son entrée à ce moment là. Pour dire la vérité je ne connaissais même pas son nom. Je la remerciais poliment avant qu’elle ne disparaisse à nouveau derrière la porte. Me retournant vers Shannon O’Dair, je lui servi mon sourire du meilleur PDG de l’année.
 
- Mais vous n’êtes pas ici pour moi n’est ce pas ? Vous m’auriez directement contacté et non par le biais de la Waleman. Qu’est ce que vous attendez de moi exactement ?
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Des politesses, c'est tout ce que c'était. Shannon ne songea pas un instant qu'il s'agisse de véritables compliments. De simples politesses échangées. Il l'avait déjà sûrement vue et s'était déjà probablement passé la réflexion qu'elle était une bonne petite reporter à son journal. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il pense autre chose, il se serait probablement trompé de toute façon. Elle se sentait comme Lois Lane face au sous-fifre de Lex Luthor. Devait-elle néanmoins croire ce beau discours sur la... prospérité ? Shannon eut un nouveau sourire et pencha la tête, feintant d'avoir été prise au piège. Mais elle n'avait pas tenté de joindre Waleman directement, elle savait que c'était peine perdue !

– Je suis ici pour vous comme pour Jack Waleman. C'est un homme désiré qui a sûrement bien plus à dire qu'il ne laisse l'entendre. Quant à vous, j'imagine que vous avez un intérêt bien moins primitif que celui d'investir des millions dans d'autres millions. Peut-être n'êtes-vous encore, dans un coin de votre tête, qu'un petit garçon de 12 ans dont la passion est de monter des pièces uniques avec des petits légos et cure dents. Vous aimez la robotique, Monsieur Aberline ?

Elle haussa les sourcils en se penchant pour prendre le verre d'eau qu'elle lui avait bien volontiers réclamé quelques secondes plus tôt. Elle était intimement convaincu que le rôle d'Aberline ne s'arrêtait pas à quelques zéros sur des billets verts. Et du haut de son mètre 75, de ses boucles d'or et de son accent British à tendance gallois, elle comptait bien lui tirer quelques vers du nez.

– Vous n'êtes pas sans savoir que bientôt, le premier gala consacré aux oeuvres de Positifs du monde entier aura lieu dans notre Ville Haute... Je me demandais si vous y seriez.

Elle n'avait pas encore reçu son invitation. Aucun journaliste, encore. C'était un événement que tout le monde voulait couvrir et une très maigre poignée triée sur la cerise de la crème serait sélectionnée. Shannon entendait bien faire partie très vite de ce cercle très fermé de journaliste exclusif. Le tout avec un petit entretien avec Jack Waleman, pourquoi pas ?

– Vous savez, tout le monde sait qui est Jack Waleman mais les gens parlent avant tout de la Waleman Dynamics, de Richard Aberline et seulement ensuite... De Jack Waleman, juste devant son fils héritier. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
Elle me flattait, tout comme je l’avais fait précédemment. Même si dans mon cas, j’étais sans doute plus sincère qu’elle. L’écoutant en silence, je hochais simplement la tête en me demandant quel était le fond de sa pensée. Il y avait deux poids, deux mesures à chaque propos, c’était l’expérience qui me l’avait appris. Et là tout de suite, je ne pouvais m’empêcher d’être perplexe. A l’évocation du gala pour le vernissage d’une galerie d’art, j’esquissais un sourire tout en me faisant la remarque que c’était sans doute pour cela que la journaliste avait voulu me rencontrer. Une place exclusive à cette soirée ça se travaillait au corps. Une pile de courrier longue comme mon bras couvrait déjà la moitié de mon bureau. Tous les journalistes de la ville y allaient de leur plaidoirie et la sélection serait rude, mais comme Jack Waleman était officiellement l’organisateur, j’avais eu le privilège empoissonné de sélectionner les petits chanceux qui aurait le droit au laissé passé magique. Shannon O’Dair, manifestement, avait voulu se donner plus de chance voilà tout. Me redressant sur mon siège, je soutins son regard.


- Je ne suis ni plus ni moins que ce pourquoi l’on me paie. Je ne possède pas tous les pouvoirs décisionnaires de la société et je suis comme tout à chacun ici, au bon vouloir de la Waleman. Je fais des millions avec des millions parce que c’est ce que je sais faire de mieux. Mais c’est parce que c’est aussi comme ça qu’une société prospère et se développe.

J’avais longuement réfléchis lorsque Jack Waleman m’avait proposé de devenir une partie du visage de la Waleman. Si mon histoire était celle d’un capitaliste pur souche, je ne souhaitais pas non plus m’enrichir au-delà de toutes considération. Ma propre société reversait déjà une bonne partie de son bénéfice à des œuvres caritatives, c’était ma contribution, à défaut de ne pouvoir proposer mieux. Aujourd’hui, le petit business que j’avais avec Jack c’était transformé en véritable investissement d’envergure, cependant, mon siège était aussi confortable qu’obsolète. Une erreur, un faux pas et ma cote de popularité s’écraserait du haut de mon soixantième étage. Si je signais des chèques et des contrats au même titre que Jack Waleman, je n’étais pas vraiment le patron. Quand bien même la majorité des actionnaires et du conseil d’administration me faisait confiance. Si je devais imaginer nos rapports, la vieille Angleterre serait un bon exemple. Jack Waleman était notre Reine Mère et moi le ministre consciencieux.

- Les avancées technologiques de la Waleman sont extraordinaires. Elles améliorent la qualité de la vie, la santé et la sécurité de tous. La robotique est une réalité que nous ne pouvons plus éviter et qu’il serait criminelle d’ignorer tant elle peut faire de bien à ce monde.


Je me raclais la gorge afin de m’éclaircir la voix avant de poursuivre.

- Bien sûr, la recherche et le développement nécessitent de gros investissements que les marchés mettent du temps à couvrir. Si aujourd’hui nos produits ne sont pas encore accessibles à tous, nous y travaillons avec ardeur. C’est pour cette raison que la Waleman, Jack Waleman et moi-même en profitons pour subventionner des œuvres caritatives comme le gala organisé en l’honneur du vernissage des œuvres des artistes positifs qui aura lieu bientôt. Si l’égalité n’est plus de ce monde Miss O’Dair, notre société s’attache à faire ce qu’elle peut pour améliorer la situation.


Je pensais chaque mot, quand bien même ils auraient pu paraître sortis d’une brochure promotionnelle. Si j’avais choisi la Waleman pour l’avantage financier qu’elle pouvait représenter pour Aberline Corporation, j’avais appris à m’intéresser de plus près à ce qu’avait entrepris Jack. Au fond, je m’en fichais bien de la conception robotique et du système d’assemblage, mais je voyais plus loin. Ce monde que j’envisageais avait besoins de cette technologie. Elle pouvait rendre le monde meilleur, j’en étais convaincu.
Je fis un sourire aussi déterminé que mes yeux lorsque mon regard croisa celui de la journaliste.

- L’avenir de ce monde se décidera grâce à la Waleman, à sa technologie et à tout le bien qu’elle peut apporter. Voilà ce pourquoi je suis ici et pourquoi j’œuvre. Pour le reste…


Je me rassis de manière beaucoup plus détendu et moins officiel. La liste des prétendants pour le vernissage était longue, il fallait bien faire un choix.

- Si vous souhaiterez avoir une place VIP avec interview à la clé, il va d’abord falloir accepter de dîner avec moi !

Il n’y avait aucune arrogance mal placé ou moquerie gravasse dans ma demande. Je ne cherchais pas particulièrement à la séduire ou à la piéger. Je ne voulais pas coucher avec. En vérité, je n’aimais pas dîner seul voilà tout.  Nous possédons tous nos lubies, je ne trouvais pas la mienne plus dérangeante qu’une autre. Shannon O’Dair était une vrai bonne journaliste et moi, j’appréciais de passer du temps avec des gens intéressants.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Elle avait tout écouté, attentivement, un demi sourire poli aux lèvres. Elle n'avait bougé qu'une seconde pour changer son appui d'une jambe sur l'autre. Ses doigts étaient restés croisés sur ses cuisses et pas une boucle n'avait oscillé. Elle était pourtant particulièrement impressionnée. Ce Richard Aberline avait bien appris son texte. Il savait visiblement où il allait et pourquoi il y allait. Pour un homme de sa trempe, combien d'autres rampaient sur le sol des laboratoires ? Son laïus sur la technologie l'avait laissée tout aussi imperturbable et pourtant, elle n'était pas de ceux qui appréciaient énormément ce monopole de la réalité virtuelle. Dans les rues, sur les toits, sur les routes... La Norvège avait déployé un système optimal de sécurité routière et la Waleman avait financé le projet ainsi que le brevet, portant au monde cette révolution dans le monde automobile. Des bandes lumineuses basées sur le photovoltaïque, un thermomètre de la route faisant apparaître des flocons au passage des phares pour mieux deviner les obstacles, des bandes d'arrêt d'urgence pour recharger les batteries des voitures... La Waleman avait battis son empire sur le succès des autres.

– Oui, la technologie a sauvé beaucoup de vies.

Shannon aurait aimé être totalement sincère en disant cela. Mais quelque chose la dérangeait. Personne ne pouvait parler de réussite totale, de succès si extraordinaire sans une ombre au tableau. Personne... ne devenait si populaire sans se faire des ennemis. Waleman échappait-il à la règle ? La journaliste en doutait très fortement. Elle reprit son eau pour y tremper ses lèvres et releva une seconde ses yeux de biche sur Richard qui parlait du gala. Fort heureusement, elle avait écarté le verre de sa bouche, sinon quoi, à son invitation, elle lui aurait très probablement craché dessus. Elle perdit son sourire instantanément, trahissant là une réaction qu'elle regretta aussitôt.

Il lui fallait agir vite, mais de façon intelligente. Combien Shannon était prête à vendre pour une occasion pareille ? Son âme ? Son coeur ? Son corps ?! Assurément pas. Et pourtant, un dîner n'engageait à rien mais qui pouvait imaginer ce que Richard avait dans la tête, après tout ? Peut-être la testait-il ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Elle se racla brièvement la gorge et s'humecta les lèvres en reposant le verre, imperturbable. Elle se releva alors en récupérant son sac, puis elle lissa sa beauté froide en portant les mains devant elle, croisées sur son tailleur. Fièrement, le menton haut, elle déclara d'une voix claire.

– Je pense que vous vous méprenez, Monsieur Aberline, je crains de ne pas être celle que vous croyez.

Elle lui tendit vivement la main, son visage inexpressif malgré un sourire.

– Je vous suis reconnaissante pour le temps que vous m'avez accordé. Vous bénéficierez du meilleur traitement sous ma plume, je puis vous l'assurer.

Professionnelle jusqu'au bout des ongles ? Non, Shannon était aussi une grande terrifiée de la vie. Quoique Richard puisse avoir derrière la tête ? Voilà qui la pétrifiait sur place. Les hommes n'étaient pas vraiment son terrain de prédilection.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Avais-je réussis à la convaincre ? Je n’en étais pas si sûr. Elle avait tout écouté, du début à la fin, de la manière la plus professionnelle du monde mais avec une impassibilité digne d’une statue de pierre. Je ne peux dire à quoi elle pensait présentement, mais sûrement pas à ma bonne foi. Elle aurait réagis de manière beaucoup plus impliquée. Quand on était dans le monde des affaires, tout se savait sur tout le monde ou presque. Shannon O’Dair était connu pour son implication dans les bonnes œuvres pourtant les bienfaits de la Waleman ne paraissaient pas comme une évidence pour elle. Je le comprenais parfaitement bien et au fond je ne pouvais qu’approuver. Cependant, je ne pouvais pas lui donner raison sur ce point sans trahir les noirs petits secrets de Jack Waleman et les miens par la même occasion. Si j’avais appris une chose avec l’expérience, c’est que le bien et le mal n’était que des notions abstraites d’une utopie dépassée. On ne pouvait choisir totalement l’un ou totalement l’autre. Pour ma part, je vivais pour la projection d’un souvenir dans un monde meilleur. Mais dans un monde comme le notre où plus aucunes véritables règles ne régissaient nos droits et nos devoirs. Comment faire pour être encore capable d’améliorer les choses ? Je n’avais pas choisis la meilleure solution, mais c’était la seule, qui à mon sens, serait la plus efficace et la plus rapide. En ressassant cela, une boule étrange se forma au fond de mon ventre. Évidemment que je me sentais un peu coupable. Mais qui ne l’était pas un peu ?

A l’évocation du gala, la journaliste perdit aussitôt son sourire. Je me mordis les lèvres en me disant que j’avais peut-être joué encore un peu trop l’image du patron. Elle avait sans doute dû se méprendre sur mes attentions et elle bafouillait à présent quelques excuses en se relevant. Le lion avait fait fuir la biche et si je ne me dépêchais pas de réagir à mon tour. J’allais vraiment perdre un bon moment. J’en étais sûr. Alors qu’elle se relevait, j’en fis de même et saisit la main qu’elle me tendait en la serrant suffisamment pour qu’elle ne puisse la retirer tout de suite sans toute foi lui faire mal. C’était le moment de rattraper l’affaire et j’imaginais sans peine le regard noir de ma mère face à la goujaterie involontaire que je venais de commettre. J’étais plus habitué aux hommes d’affaires véreux qu’aux belles jeunes femmes. Je n’avais plus l’habitude. Je baissais la tête en signe d’excuse et d’apaisement.

- Pardonnez-moi Miss O’Dair, je me suis mal exprimé et j’ai été mal compris. Je ne voulais pas vous froisser.

Relevant la tête, je lâchais sa main tout en cherchant à croiser son regard. Si tout paraissait maîtrisé en elle, je devinais comme une angoisse à mon égard et m’en voulu, d’autant plus, d’avoir été impoli.

- Oubliez cette histoire de gala, c’était une mauvaise blague. L’humour anglais sans doute ! Mes intentions à votre égard sont tout à fait honorables et je ne souhaitais qu’un dîner pour bavarder un peu de manière moins… Protocolaire.

La sentence ne tarderait pas à tomber et je me surpris à ressentir moi-même un peu d’angoisse à l’idée qu’elle puisse refuser. Etais-je finalement si seul pour venir quémander un peu de temps à une journaliste qui ne me connaissais pas et qui de toute évidence ne tarderait pas à me mépriser.

- Ce soir, 20h ? Il y a un très bon restaurant à deux pas d’ici. Je vous invite si vous le souhaitez et c’est sans contre partie aucune ni arrière pensée. Juste un dîner…

Je lui souris comme je savais le faire le mieux, sans faux semblants, mensonges ou calculs. De toute façon elle m’avait déjà  plus ou moins rendu mon invitation à la figure alors je n’avais aucune raison de me jouer d’elle. La jeune femme semblait bien trop intelligente pour se laisser avoir de la sorte.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon voulut récupérer sa main mais elle sentit une légère résistance. Relevant les yeux sur Richard, elle lui offrit un magnifique sourire pour cacher sa gêne. Pourquoi les hommes avaient-ils toujours ce besoin de dominer ? Quant à sa remarque sur l'humour anglais, Shannon aurait très certainement dû s'offusquer mais quelque chose l'en empêcha, allez savoir quoi. Quoiqu'il en soit, ses lèvres pincées suffirent probablement à faire comprendre à Richard qu'il perdait de plus en plus de points auprès d'une journaliste qui ne mâchait pas ses mots, le tout en poésie au journal du 20h, dans la presse de 7h et dans l'émission politique de 14h. Ils étaient nombreux à l'écouter, à la regarder et aussi à la lire, autant dans les journaux que sur son blog en ligne. Shannon n'avait pas froid aux yeux et ne craignait aucune représailles, c'était probablement une erreur qu'elle payerait un jour.

Elle récupéra sa main, intimant ainsi le blondinet de bien vouloir la lâcher et elle releva le menton pour l'observer. L'humour anglais, les propositions pour passe droit, à quand le pot de vin sous le canapé ? Comment voulait-il qu'elle considère ses intentions comme honorables ? En même temps, elle avait besoin d'assister à ce vernissage. Des Positifs peignaient, d'autres sculptaient, certains présentaient des projets d'avancées technologiques et la Waleman chercherait probablement à se les attribuer, qui sait ! Ou bien la King essayerait de les embaucher ? En attendant, l'insistance de Richard la fit soupirer un franc coup par le nez. Elle leva un index vers lui avant de réajuster son sac sur son épaule.

– 19h45. Et ne soyez pas en retard cette fois. Je suis allergique aux fruits de mer et je déteste le gris.

Elle le toisa de haut en bas et haussa finalement les sourcils avant d'acquiescer du menton. Elle se détourna finalement pour se diriger vers la porte en espérant qu'il daigne au moins venir lui ouvrir. Les Gentlemen se perdaient, encore plus dans un pays en ruine que dans la bonne vieille Angleterre - qui n'avait pas grand chose à envier, du reste. Combien avaient ri des décennies plus tôt, que l'Angleterre serait bientôt amenée à disparaître, sous les eaux. Cette petite île monarchique qui ne tenait que par sa Reine. Alors quand celle-ci a finalement fermé les yeux, combien ont vu le déclin de cette grande Bretagne approcher ? La montée des eaux, les cyclones... Abîmée, endeuillie, elle était pourtant toujours là, toujours forte de ses principes et de ses valeurs. Une sorte de grande Belgique qui faisait la nique à ses voisins. Mais ça encore, cela durait depuis des décennies... Sinon des siècles.

Quoiqu'il en soi, Shannon ne se laissait pas faire, en effet, mais elle avait également cet esprit de contradiction, ce besoin de contrôle dans un milieu où les femmes avaient parfois la vie rude. Elle avait bâti sa popularité sur une pléiade de principes et elle entendait que cela demeure ! Un dernier regard à Richard et elle disparut dans le couloir, ses talons claquant le sol mais un sourire bien plus sincère et vrai s'esquissant sur son visage. Elle aurait cette interview.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Plus les secondes passaient et plus je sentais le gouffre s'ouvrir sous mes pieds. Le visage de Miss O'Dair, plutôt que de sembler ravi se refermait de plus en plus et je me demandais si je n'allais pas simplement finir par me faire insulter. Pourtant, les femmes ont cela d'extraordinaire en elle, de ne jamais être là où on les attends. Alors que je luttais désespérément pour une cause perdu, elle finit toutefois par accepter ma proposition. Si je masquais ma surprise d'un sourire, je me fis la réflexion que quelque chose clochait dans toute cette histoire. Elle avait très certainement dû avoir envie de me lancer son sac à main à la figure ou de me claquer la porte au nez, pourtant elle était toujours là. Pas très souriante, mais toujours. La journaliste avait certainement reconsidéré mes propos mais pas pour ma belle gueule. Ma proposition de passe droit au gala avait dû faire mouche malgré moi et c'était certainement pour cela qu'elle viendrait ce soir. J'avais eu ce que je voulais mais pas tout à fait pour les bonnes raisons. À moi de lui prouver que je valais mieux qu'un PDG véreux qui couchait les journalistes dans son lit comme on allonge ses tartines.

Je l'accompagnais jusqu'à la porte que je lui ouvrit en toute galanterie. Sa petite insinuation sur ma ponctualité m'avait fait sourire. Après tout je n'en étais pas responsable même s'il aurait été plus convenant de s'excuser. Mais personne n'est parfait et je ne pouvais tout simplement pas reléguer des affaires de gros sous pour un entretient avec une journaliste. Même une très belle journaliste. Alors qu'elle s'approchait de la porte je me penchais un peu vers elle.

- 19h45 sans faute...

Elle me passa sous le nez presque sans me saluer alors que je lui lançais de loin.

- Et moi j'adore le rouge!

Miss O'Dair me jeta un dernier regard avant de disparaître dans le couloir. Je refermais la porte sur moi avant de m'assoir sur le canapé de cuir disposé dans un coin de mon bureau. Pourquoi avais-je fais ça? Surtout une journaliste. Si je bafouillais ou m'enfonçais d'avantage à notre dîner de ce soir, je risquais un article assassin dans la presse et une baisse de ma côte de popularité. Étant donné les circonstances, je pense que Jack se moquerait plus de moi qu'autre chose et au fond, il n'y avait que mon orgueil qui risquait d'être mis à mal. Je soupirais, un peu las en me passant une main sur le visage. Je savais bien ce que la jeune femme pensait, ce que l'opinion public se murmurait mais je n'y pouvais pas grand chose, si ce n'était masquer les secrets par un peu de mauvaise foi et d'action humanitaire. Nous faisions des millions avec des millions, brassant une économie qui aurait pu suffire à faire vivre un pays comme l'Angleterre. Mais si toutes ces actions là étaient louables, il y en avait d'autres qui l'étaient moins. Et jetais bien trop bon économiste pour ne pas me rendre compte des petits mensonges de notre cher PDG. Le pouvoir et l'argent offraient toujours des facilités douteuses aux mauvaises personnes. Et si je surveillais d'un œil discret les agissements de Jack, c'était avant tout pour préserver la branche saine de la Waleman. Elle pouvait véritablement aider ce monde et moi je refusais qu'elle disparaisse, même si un jour où l'autre je devrais bien me confronter à Jack Waleman. Shannon O'Dair se trompait sur mon compte et je le lui prouverais!



Il était 19h30 lorsque je m'installais à notre table. J'avais fait transmettre à Shannon O'Dair l'adresse d'un restaurant panoramique à quelques immeubles de la Waleman. La table était proche de l'immense baie vitrée qui surplombait la ville haute. Un peu plus loin un pianiste jouait quelques airs lounge, accompagnant une chanteuse à la voix feutrée. J'aimais l'ambiance à la fois intime et classe sans être prétentieuse, de l'endroit. J'avais hésité un instant pour mon costume gris anthracite, mais finalement je m'étais souvenu qu'elle n'appréciait pas mon humour et j'avais opté pour un noir, moins formel. J'avais également fait attention à vérifier la carte afin de ne pas me retrouver avec un plat de langoustines dans les cheveux. Je me sentais un peu nerveux, il fallait bien l'avouer. Je savais que l'apparente froideur de Miss O'Dair devait sûrement ne tenir qu'au rôle professionnel qu'elle se donnait, mais je ne savais pas vraiment comment briser la glace sans l'offusquer. Il y avait longtemps que je n'avais pas dîner en tête à tête avec une femme et celle ci, je crois bien qu'elle intimidait l'homme que j'étais. Au moins, elle ne pourrait pas me faire de reproche sur ma ponctualité!
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon avait autant de principes dans sa vie professionnelle qu'elle n'en avait dans sa vie privée. Comme être parfaitement présentable et arriver 5min en retard. Oui, c'était là une preuve de politesse que d'arriver 5min en retard et non trois quart d'heure à l'avance. Le rouge étant la couleur de l'amour et de la séduction, il était bien évident que ce n'était pas ce qu'elle avait choisi pour s'habiller ce soir-là. Une fois à l'accueil, elle donna son nom ainsi que celui de Richard pour la réservation et on l'accompagna à sa table, à laquelle l'homme influent l'attendait déjà. Non indifférente à ce détail agréable, son visage s'étira dans un sourire à la fois timide et satisfait. Elle remercia la serveuse qui repartit presque aussitôt et salua Richard en posant son sac sur la table. Elle alla tirer le dossier de sa chaise, passant une main sur ses fesses pour lisser sa robe sur ses cuisses en s'asseyant.

Si elle ne portait pas de robe rouge, elle avait opté pour le bleu turquoise et des cheveux lissés, abandonnant alors ses boucles blondes. Elle releva les yeux sur Richard après avoir poser son sac sur sa chaise. Elle ignorait s'il aimait réellement le rouge ou non, mais en tout cas, c'était une couleur qui mettait particulièrement ses lèvres en valeur. Sa famille disait souvent qu'elle prenait des airs de femmes des années 1940 avec ses cheveux couleur d'or, sa bouche pulpeuse et ses grands yeux bleu intense.

Elle ignorait vraiment pourquoi elle avait accepté ce dîner, ce n'était pas tout à fait dans ses habitudes. Néanmoins, elle savait que les meilleurs deal se passaient le ventre plein et hors des ambiances confinées et stressantes d'un bureau froid et austère. Ici, en toute convivialité, les noeuds se resserraient, les liens se tissaient. Il aurait tort de croire qu'elle avait déjà son opinion sur lui. Sinon, elle ne serait pas là car elle aurait déjà terminé son article. Ce n'était pas le cas. On ne l'avait pas invitée à dîner depuis des années, tout le monde la trouvait bien trop rigide malgré ses grands sourires, tout le monde la croyait froide et trop impliquée dans son travail, trop passionnée pour laisser une quelconque place à qui que ce soit. C'était faux, bien entendu. Mais personne n'était là pour le prouver, pas même sa famille et ce, malgré tout l'amour qu'ils pouvaient lui porter. Shannon était la plus passionnée et la plus investie de tous.

Elle croisa ses doigts sur le bord de la table et regarda autour d'elle, le visage semblant bien plus détendu que la journaliste qu'elle représentait d'habitude. Elle adorait l'altitude. La ville, Shannon était une citadine hors pair. Elle s'ennuyait à la campagne, le silence la stressait. Alors avec les couleurs du crépuscule, Richard avait probablement ouvert une brèche sans le savoir.

– C'est un bien bel endroit...
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Richard Aberline
Richard Aberline
Shannon O’Dair entra dans le restaurant avec cinq minutes de retards. Helaine les appelaient les minutes conventionnelles, celles pendant lesquels les femmes aimaient se faire désirer. Je ne l’avais pas oublié mais au fond et comme tout homme pendant ces cinq minutes, je me demandais si elle se présenterait ou non. Et elle était là, ravissante et très… bleue. N’importe qui aurait dit de Miss O’Dair qu’elle était très belle ce soir, mais je ne trouvais pas ce mot très convenant. Belle, elle l’était aussi quotidiennement, dans son habit de froide et droite journaliste, mais de manière presque dérangeante. Là, au milieu des tables, elle paraissait bien plus humaine et fréquentable. Elle avait un petit côté femme fatale qui me fit sourire. Elle n’avait pas optée pour le rouge, je me fis la réflexion que j’aurais pu porter le gris. Je n’étais pas du genre à provoquer la controverse, mais j’appréciais la taquinerie. Pour l’heure, je ne croyais pas être assez proche de qui que soit en dehors de mon chat pour faire ce genre de choses. Bien éduqué, je me levais à son approche pour la saluer. J’attendais patiemment qu’elle prenne place avant de faire de même. Shannon… parce que je pouvais l’appeler ainsi maintenant, non ? Shannon prit le temps d’observer la salle et la vue vertigineuse qui s’ouvrait juste à côté de nous. J’aimais le léger malaise que provoquait ce panorama, le ventre serré à l’idée idiote, mais humaine, que la chute était toujours possible. La jeune femme avait raison, c’était un très bel endroit.

- Oui. La vue est magnifique et le pianiste n’est pas mauvais ! Et vous êtes vraiment ravissante.

Je lui souris. Je ne savais pas vraiment ce qu’elle attendait de ce dîner, mais j’avais envie de passer une bonne soirée et son visage détendu me laisser présager qu’elle aussi.

- Je suis content que vous ayez acceptez mon invitation. Même ici, dîner seul a beaucoup moins de charme.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais l’impression que mes mots sortaient comme ceux d’un adolescent lors de son premier rendez vous. J’avais perdu un peu de mon assurance et de ma confiance naturelle. Non pas qu’elle m’intimidait, mais… Bon d’accord, je l’étais peut-être un peu tout de même. Mais l’important au fond, c’était qu’elle ne le remarque pas. Je vivais souvent dangereusement. Non pas dans l’action, mais les risques que l’on prenait en finances étaient parfois bien plus dangereux que ceux du terrain et mettaient bien plus de vies en jeux. Mais là… Je ne sais pas pourquoi, j’avais l’impression de plonger tout droit dans le vide s’étendant derrière l’immense baie vitrée.
Heureusement, un serveur arriva pour me rattraper au dernier moment et me sortir de mon instant de solitude intérieure. Un apéritif ? Comment vous dire ? Avec plaisir !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Contrairement à Richard, Shannon détestait vraiment le gris. Cette absence de couleur, autrement que dans une métaphore, étaient bien triste à ses yeux alors qu'il y avait tant d'autres couleurs dans la vie et le paysage. A son compliment, Shannon tourna la tête vers Richard, peut-être surprise l'espace d'une seconde, et elle sourit d'autant plus avant de le remercier. La plupart du temps, quand on la croisait en soirée, ce n'était jamais pour un tête à tête. Ou alors était-ce pour le proposer. Mais il était bien rare qu'on lui glisse ce genre de compliment en espérant qu'il passe inaperçu comme il lui sembla être le cas ici. Elle ne releva pas, légèrement intriguée pour l'instant. Richard Aberline était un homme influent et selon elle, il n'avait aucune raison de paraître... aussi nerveux qu'il en donnait l'air. Mais sûrement se trompait-elle. Cependant, ses dernières paroles ne la firent pas hésiter plus longtemps. Dînait-il souvent seul ici ? Et pourquoi un homme tel que lui se retrouvait à manger seul dans un restaurant si cher ? L'on pouvait se poser la même question à son propre sujet, non ? Elle s'était contentée de le remercier pour le compliment mais n'avait pas répondu à la réciproque. En temps normal, c'est ce qu'elle aurait fait, dans un grand rire parce qu'elle aurait probablement été entourée d'autres hommes, d'autres femmes, que toute cette... mascarade aurait eu un sens. Mais il y avait ici une part de sincérité qui, comme Richard, la mettait quelque peu mal à l'aise.

Elle releva la tête vers le serveur avant d'avoir le temps de prononcer une phrase. Pourtant, elle avait bien ouvert la bouche mais cela devrait attendre, donc. Un bon verre de vin. Ces soirées-là (tin tin tintin tinnn tin tin tinnnnn), elle les passait plus généralement chez elle devant un bon film ou une série policière. Elle éteignait son ordinateur, ne gardait que son portable personnel - qui ne sonnait jamais en dehors de ses soeurs, son frère ou ses parents - et elle se pavanait avec une bonne bière dans un vieux pull délavé de l'université, des jambes nues et des chaussettes confortables en guise de chaussons. Mais ce soir, la détente attendrait d'être rentrée bien plus tard. La semaine avait été rude et elle avait longuement hésité à annuler. Elle ignorait ce qui la dérangeait dans cette entrevue mais tout ça lui paraissait si... peu conventionnel et totalement inhabituel. Elle avait déjà dîné avec des hommes d'affaires mais c'était toujours dans le cadre du travail et dans un rendez-vous bien noté dans les agendas. Bref... la bière attendrait un peu plus tard. Le serveur disparut avec leur commande après leur avoir laissé les menus des plats. Elle ignorait toujours ce qu'il lui voulait pour l'avoir invitée ici. Elle plongea le nez dans la carte avant de reprendre.

– Vous venez souvent dîner seul ici ?

Peut-être n'était-ce pas tout à fait la question qu'elle voulait poser de prime abord, mais ceci étant fait...
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je laissais Miss O’Dair commander en premier en approuvant d’un hochement de tête. Elle avait bon goût en matière de bonne boisson. Pour ma part, je me référais toujours à une valeur sûre, qui même un peu fort, m’apportait toujours autant de satisfaction. Un scotch bien de chez moi avec suffisamment d’âge pour être servit avec des gants. J’étais plus épicurien que vaniteux, un brun patriote également, mais avant tout, j’aimais les bonnes choses. Je reportais mon attention sur ma charmante camarade de table. Elle avait disparu derrière la carte des plats et ne releva la tête que pour me poser une question qui me laissa un instant silencieux. Je croisais ses yeux, mais pour une raison inconnue, je ne vis que ses lèvres. Rouges et pulpeuses, j'essayais de me souvenir si elles avaient véritablement bougées ou s'il ne s'agissait que de mon imagination. C'était la seule chose de rouge qu'elle portait, d'une manière presque hypnotique d'ailleurs. Constatant qu'elle semblait attendre une réponse, je me ressaisis. Que pouvais-je lui répondre ? Si je lui répondais simplement oui, elle n’aurait qu’à constater l’étendu du désastre de ma vie personnelle. Si je lui disais parfois, souvent lorsque les souvenirs d’Helaine devenaient bien trop pressants et douloureux, elle se serait sans doute fait l’image du veuf éploré. Un brin irrécupérable au bout de quatre ans. Si je disais non, je me contredisais et passerais sûrement pour un charmeur de pacotille. Enfin de compte, j’étais face à un mur et je ne savais pas quel morceaux l’attaquer. Finalement j’optais pour une demi-mesure…

- J’aime beaucoup la vue, c’est à deux pas de chez moi et ici, tout le monde est toujours très agréable avec les amateurs de bonnes chaires. Pourquoi ne pas en profiter ?

Chassé le naturel… J’avais repris mon petit costume de patron quelques peu vaniteux, c’était encore lui qui gérerait le mieux ce genre de situation. Je lui jetais un regard entendu alors que je me plongeais à mon tour dans la lecture du menu.

- Quelque chose vous fait envie ?

Évidemment, il n’y avait pas de fruits de mer, mais ce qu’il fallait en déclinaison de petits et grands plats gastronomiques. De quoi régaler n’importe quelle fine bouche, surtout lorsque l’on savait comment ils étaient préparé. Je me penchais vers Miss O’Dair comme pour lui faire part d’une confidence.

- Le chef est arrivé cette année. Un grand nom de la cuisine française, un positif avec un don particulièrement appréciable ! Il a fui les aléas économiques de l’Europe, mais nous ne pouvons que lui en être reconnaissants !

C’était aussi pour cela que j’appréciais le lieu. Sans m’en rendre compte, j’avais repris mon habit d’homme d’affaire. Convaincre, faire valoir… Et ne pas trop s’inquiéter de ce que les autres pouvaient perdre pour que nous puissions gagner. Finalement, le capitalisme américain finirait sans doute par m’avoir totalement. Même maintenant, après les guerres, les tremblements de terre, certains idéaux perdurait au delà de tout le reste.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Et Shannon n'y vit que du feu. Richard prenait bien soin de cacher qui il était réellement. Si elle avait su les efforts qu'il faisait alors peut-être lui aurait-il plu à la première seconde. Cependant, si Shannon avait tout l'air d'une princesse, il n'en était rien. Et un charmant prince n'était pas tellement de son goût, quand bien même elle avait des rêves. Quoiqu'il en soit... Voilà quelque chose qui n'était absolument pas dans ses plans ! Sa carrière avant tout. A sa première question, elle fit une moue, tordant les lèvres dans un regard attentif derrière la carte. Elle réfléchit quelques secondes avant d'inspirer profondément. Elle n'était pas tellement affamée et la viande n'était clairement pas son genre. Elle releva les yeux pour le voir se pencher sur la table et s'adresser à elle. Elle plissa légèrement les paupières. Il était bien trop près. Ce n'est pas qu'elle ne l'aimait pas ou qu'elle craignait qu'il lui saute à la gorge. Juste qu'elle ne le connaissait pas. Et plus elle le regardait ? Plus elle imaginait ses parents le juger bon à marier, un excellent gendre. Il avait du goût, une bonne tenue, un poste honorable qui pourrait l'éloigner, hors du besoin, loin de sa carrière vampirique. Ils ne comprenaient rien bien sûr ! Mais voilà qu'il avait piqué sa curiosité.

Shannon se redressa en fermant la carte d'un coup et la posa à côté d'elle avant de croiser les bras sur le bord de la table, courbant à son tour légèrement le dos pour se pencher vers lui.

– Vous avez vraiment des goûts de luxe, Monsieur Aberline. Un Positif pour vous faire de bons plats ! Un autre pour décorer votre entrée avec une sculpture ou une peinture... A quand une Positive pour vous faire des petits massages ?

Elle haussa les sourcils dans un sourire malicieux alors que le serveur revenait pour prendre leur commande, ne laissant donc ainsi pas l'occasion à Richard de lui répondre. Ce qui l'amusait, outre mesure. Elle leva son index et ouvrit la bouche pour prendre la parole.

– Je prendrais vos légumes du moment étuvés à la minute. Avec de la salade. Vos ravioles de champignons de Paris sont-ils vraiment de Paris ? Votre truffe est-elle faite maison ?

Le serveur regarda brièvement Richard alors que Shannon continuait.

– Et je prendrais également une soupe de pommes !

Elle avait compté sur ses doigts et au sourcil du serveur, elle s'immobilisa avant de regarder Richard sans comprendre. Les aléas de de l'Europe ? Elle les connaissait aussi, c'était une des raisons qui faisait qu'elle était venue s'installer ici. Plus de travail... Mais moins d'eau ! Encore que Megalopolis offrait ses propres dangers.

– Vous n'avez plus de pomme, c'est ça ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je me redressais vivement lorsqu’elle me renvoya mes petits plaisirs à la figure. J’aurais bien rétorqué, qu’effectivement, un don de massage n’aurait pas été pour me déplaire mais je n’avais pas eu le temps. Pour une fois le serveur arriva un peu trop tôt et elle préféra reporter sa petite séance de torture verbale vers quelqu’un d’autre. Une fois la surprise passée, le garçon de salle mis quelques secondes à reprendre des couleurs. S’inclinant comme dans une modeste révérence, il lui assura que tous les produits étaient d’origine française, que les truffes avaient été cherchée par les meilleurs cochons truffier du pays et que le fois gras était fabriqué dans la plus pure tradition des régions de l’Est de la France d’avant l’agent Yu. L’insistance sur la soupe de pomme le laissa cependant trop perplexe pour qu’il ne puisse trouver quoique ce soit à répondre. Mes yeux passant de l’un à l’autre, alors qu’ils luttaient chacun contre l’incompréhension la plus totale, je me fis bonne grâce de leur venir en aide.

- C’est un très bon choix Miss O’Dair ! La soupe de pomme de terre au canard confit est un vrai petit chef d’œuvre.

Je lui souriais à mon tour, comme un gamin fier de sa plaisanterie. Lui servant un clin d’œil taquin, je finis par passer moi-même commande. Toute cette histoire m’avait mise en appétit.

- Pour moi ce sera un tournedos rossignol s’il vous plait, avec sa julienne de légume. Pour le dessert, je pense qu’il faudra laisser un peu de temps à ma charmante invitée de faire son choix.

Le jeune homme sembla prendre la réflexion comme une permission de fuite salvatrice. Je le regardais donc battre le retrait en sachant qu’il s’armerait sans doute de courage pour revenir nous demander quel vin nous souhaiterions. Pour l’heure, il avait mérité sa pause goûté. Pour ma part, je contemplais Miss O’Dair d’un haussement de sourcils amusé. Je ne savais pas bien à quoi elle jouait mais je ne l’aurais pas imaginé ainsi. Je plissais les lèvres dans une moue de consternation profonde.

- J’ai peut-être des goûts de luxe Miss O’Dair, mais je respecte chacune des personnes qui m’offre le service que je lui paie. Et je le remercie pour cela.

Je n’étais ni prêcheur, ni moralisateur. Je lui souriais toujours tout en pensant chacun de mes mots et d’ailleurs je me fis soudain la réflexion qu’une positive m’offrant des messages était déjà chose faite. Cependant je ne l’avais pas payé pour ça…

- Ce que j’en pense Miss, c’est que vous manquez parfois un peu trop d’extravagance voyez vous ? Qu’y a-t-il de mal à profiter de ce que l’on possède quand on l’a acquis avec honnêteté et labeur ?
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon ne pouvait qu'acquiescer à tout ça. Néanmoins, par pure "contradiction", elle haussa doucement les épaules, prenant le verre de vin en guise d'apéritif qu'on lui avait déposé sur la table. Elle le leva près de ses lèvres et cligna des paupières avant de regarder Richard.

– Vous savez... Je n'ai pas vu une carte de menu pareille depuis l'Allemagne. Fier pays de l'Europe, elle n'a jamais eu grand chose à envier à cette chère France pensant avoir le monopole de la gastronomie. Je trouve ça rafraîchissant, un restaurant comme celui-ci, perdu au milieu d'autres bien moins extravagants. Et en même temps, je m'inquiète. A quelle clientèle est réellement destinée cette nourriture qui, à la vue du menu sans prix et donc réservé aux portefeuilles masculins, doit sûrement demander qu'on s'arrache une, voire deux valseuses. - Elle leva un index - Et je reste polie.

Elle leva son verre vers le milieu de la table en direction de Richard et haussa les sourcils.

– Par conséquent, je m'imagine que vous m'avez invitée ici pour me demander un service, je suis simplement curieuse de savoir lequel et ce, malgré l'absence de mutation dans mon ADN.

Elle sourit d'un coup. N'importe quel homme qui oserait l'inviter dans un restaurant pareil devait sûrement avoir quelque chose à demander, n'est-ce pas ?

– Désolée, je n'ai pas de pouvoirs magiques...

Elle avait pourtant de l'or au bout des doigts. Quant à l'extravagance qu'il lui semblait lui manquait, Richard devrait attendre pour le découvrir. Elle n'était pas de celles qui se dévoilaient au si grand jour si rapidement.

[Désolée, c'est tout petit, j'aurais pas pensé .Oo Mais je suis un peu fatiguée, je baille à toutes les phrases >.>]
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je haussais un sourcil, l’air étonné. Miss O’Dair cherchait des réponses là où il n’y avait même pas de question à poser et je me demandais bien pourquoi je pouvais avoir l’air si intéressé à ses yeux. N’y avait-il donc aucun honnête homme sur cette terre pour qu’elle puisse être aussi méfiante à mon égard ? Croisant les doigts sur le verre que venait d’apporter le serveur, je cherchais un instant le regard de la journaliste.

- La France… ou l’Allemagne… personnellement je ne reste véritablement fidèle de cœur qu’à ma propre nation. Quand bien même elle ferait plutôt rire que rêver aujourd’hui. Ce restaurant, c’est un peu comme un souvenir d’avant et j’aime cela, même si je n’y étais pas pour le voir.


L’Angleterre me manquait parfois. Mais je savais qu’elle était sans doute mieux là où elle était, tout comme moi. Combien de temps survivrait-elle encore en jouant les fortes têtes ? God save the queen, comme on disait chez nous… Avec un sourire en coin je poursuivis.

- Et mes valseuses se portes bien. Je vous remercie de vous en inquiéter. Cependant…

Je me redressais un peu, prenant le temps de boire une gorgée de mon verre avant de poursuivre. L’année était parfaite. Comme d’habitude.

- Si j’avais eu quelque chose à obtenir de vous, Miss O’Dair, nous serions encore dans mon bureau à convenir des termes du contrat. Je ne mélange jamais travail et plaisir voyez-vous. Mais je m’interroge. Je ne fais que vous inviter à dîner alors que croyez-vous que je puisse attendre de vous ?

Je rigolais un peu avant de poursuivre.

- Les hommes n’ont pas une nature fondamentalement intéressée. Nous pouvons encore faire des choses avec spontanéité et sans calcul. Que vous ayez un ADN hors du commun, que vous soyez journaliste ou guichetière ne représente aucune importance particulière pour moi. Vous êtes avant tout une jeune femme intelligente, aux faits de l’actualité avec de la culture et du goût. J’apprécie de partager des moments avec des personnes intéressantes. Même si je n’ai pas de service à leur demander…

Mère me reprochait souvent cela d’ailleurs. Enfant, j’aimais à disparaître de la maison pour rejoindre les enfants du quartier en contrebas de chez nous.
J’avais un kilomètre à faire à pied pour me retrouver avec des personnes qui ne regarderaient pas ma façon de me tenir à table ou de débattre sur un sujet de société. Tu perds ton temps à te mêler à ces gens là. Combien de fois avais-je entendu cela. Pourtant, je savais bien que je ne trouverais personne me convenant en restant bien sage à tous ses dîners mondains. Si j’étais devenu un personnage public, je n’en demeurais pas moins le petit garçon que j’étais à cette époque là. Et pour moi, la véritable valeur des gens ne se mesurait pas à la taille de leur porte feuille. Une chose m’intriguait encore à propos de Miss O’Dair. Si elle était si persuadée que ça que j’attendais quelque chose d’elle. Pourquoi était-elle venue ce soir ?

- Mais, si je peux me permettre une question, si vous pensiez vraiment que je souhaitais que vous me rendiez un service ou que je puisse attendre quelque chose de vous… Pourquoi êtes-vous venu me rejoindre ? Rien ne vous y obligez.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
La jeune femme fronça les sourcils. Elle avait toujours cru que Richard était américain, ou Canadien. Quand un jour ils avaient parlé de British, elle avait songé British Colombia... au Canada. Aussi, un violent coup au coeur lui souleva la respiration en percutant à quel point elle avait mal fait son travail de recherche et elle serra les dents. Etait-elle à ce point ignorante sur cet homme ? Pourtant, il ne devait pas cacher grand chose en dehors de son argent des fois qu'on tente de lui voler. Cela dit, il le montrait bien assez. Elle pinça les lèvres pour cacher son malaise personnel et cacha ses rougeurs dans son verre de vin.

Mais Richard n'avait pas fini de la mettre mal à l'aise. Son petit laïus sur les hommes acheva de lui donner l'impression d'une gamine prise la main dans le sac. Elle l'avait jugé et s'en rendit compte à présent avec la honte qui l'accompagnait. Elle détestait juger, ce n'était pas professionnel. Elle n'était pas une journaliste parasite, elle voulait donner l'info, la vraie. Le tout enrobé de compliments qui lui firent changer d'appui de jambe sous la table et croiser les bras une fois son verre reposé. Shannon était visiblement dérangée par quelque chose. Sûrement parce qu'il faisait preuve de contrôle non pas en général mais sur elle. Quand bien même ce n'était pas le cas, elle s'en voulait de se tromper. S'il ne mélangeait pas travail et plaisir... Alors cela voulait dire qu'elle était un plaisir ? Les informations fusaient si rapidement dans sa tête.

Elle se racla la gorge quand il eut fini. Si cet homme était bien Anglais alors voilà enfin un point que ses parents approuveraient. Si elle pouvait épouser quelqu'un de sa trempe qui ne roule pas sur l'or afin de garder la tête sur les épaules, ils en seraient ravis mais un Anglais... A sa question, Shannon haussa un sourcil.

_ La curiosité. Vous avez suscité mon intérêt. Je viens pour un rendez-vous, je repars avec une invitation. Reconnaissez que ce n'est pas banal. Pas plus professionnel, d'ailleurs.

Malgré tout, Richard commençait à la convaincre et elle à s'apaiser. La pression du travail, face à une figure politique, était toujours très présente mais néanmoins calmée par l'aspect détente qu'imposait Richard.

_ Je ne sais pas, un pot de vin pour écrire quelque chose de sensationnel sur vous qui sort de l'ordinaire ou pour vous présenter à une autre figure. Vous auriez pu me demander n'importe quoi et vous n'auriez pas été le premier. La Waleman ne s'est pas bâti en un jour. On n'élève pas un tel empire sans se faire des ennemis. Aussi mon interrogation n'est pas moins légitime, je reste persuadée que Jack Waleman a de bonnes raisons de ne pas répondre à mes courriers de demande d'interview. Je suis pourtant de bonne politique, mes émissions conservent une bonne audience à travers le pays, je suis professionnelle, je ne me laisse pas acheter et je ne dis que la vérité. Je me demande quel script il vous a demandé de me jouer avec moi...

Elle haussa les épaules en baissant les yeux.

_ Je manque peut-être d'extravagance à vos yeux, cependant, vous ne pouvez me reprocher de vouloir faire mon travail correctement. Je laisse ma personnalité privée dans un placard bien fermé mais...

Elle releva le nez mais pas les yeux, portés sur son verre qu'elle prenait à nouveau.

_ Si vous voulez m'assurer qu'il s'agit d'une soirée privée où parler travail est prohibé, alors...

Elle tendit le verre vers lui et un sourire bien plus sincère naquit sur ses lèvres alors qu'elle relevait les yeux sur Richard. Elle inspira profondément avant de pousser un franc soupir, comme si elle abdiquait.

_ Commencez par me dire d'où vous venez et pourquoi je ne vous entends aucun accent.

[Ou comment se rattraper du post précédent]
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je lui rendis son sourire avec plaisir tout en trinquant au verre qu’elle tendait. Je m’étais rendu compte en l’écoutant à quel point mon comportement avait pu la mettre mal à l’aise et lui faire penser que je voulais obtenir quelque chose d’elle. Mais elle ne me connaissait pas et je n’étais pas de ces hommes là. Le pouvoir que je représentais et l’argent que je gagnais étaient les fruits d’un travail acharné et d’une abnégation totale pour ces entreprises. Mais je n’avais jamais souhaitais fonctionner à l’envers. Ce n’était ni mon nom, ni mon argent qui m’avait propulsé dans les hauts rangs de la Waleman. Je refusais d’avoir un jour à me regarder dans la glace en me faisant la réflexion que chacune de mes possessions n’était que le fruit d’un héritage. Je valais mieux que cela et ce n’était pas de la vanité.

- Jack Waleman a parfois des plans et des ambitions dont il ne fait part à personne. Notre rendez-vous n’était pas dicté par une ligne de conduite et s’il ne vous accorde pas d’interview je n’en connais pas les raisons. Mais je crois que nous avons assez parlé de travaille vous avez raison !

Je lui souris avant de poursuivre d’un air plus détendu.

- Laissons place à des discutions plus agréables !

Je me redressais en me raclant la gorge comme si j’allais énoncer un discours devant un public en délire. Mais il n’en était rien et j’évitais donc de proclamer quelques slogans grotesques censés créer l’émulsion dans la foule.

- Je suis né à Londres, j’ai grandit avec mes parents dans un manoir hérité de nos anciens titres de noblesses. Nous avons quitté l’Angleterre peux avant les affrontements de Baltimore. Mon père venait de décéder et ma mère craignait que la situation politique délicate du pays ne se retourne contre nous. Nous avons laissé la belle maison, les jardins et notre bonne reine pour un building très design et parfaitement aseptisé.

Je n’avais jamais compris pourquoi Mère avait eu soudain besoins que tout autour d’elle soit blanc et épuré. Peut-être qu’en coupant le cordon avec Londres, elle pensait se consoler plus facilement de la perte de père. Pour ma part, je m’étais senti pris à la gorge par cette rupture soudaine de mon environnement. J’avais eu la nostalgie quelques temps mais la masse de travail, que représentait la société familiale, ne m’avais pas laissé le temps de m’apitoyer sur mon sort.

- L’accent anglais était un sujet de punition chez nous. Parce que nous devions représenter l’internationalisation réussit de notre entreprise, il fallait être capable de parler n’importe quelle langue avec autant d’aisance et de naturel qu’un natif. Je me suis beaucoup appliqué et c’est devenu presque aussi naturel que de ne pas mettre les coude sur la table, ne pas parler la bouche pleine ou encore se lever lorsqu’une dame entre dans la pièce.

Je souriais toujours. Pour moi, ce n’était pas de mauvais souvenirs. Mais rien que des souvenirs. J’avais été élevé dans les valeurs de mon pays et dans les traditions de ma classe sociale. Je n’en étais pas moins ouvert ou moins tolérant, bien au contraire. Mais de ce que j’avais aussi appris, c’est que l’on ne pouvait s’attirer l’amour de ses enfants en les dressant comme l’on aurait dressé un chien. Je croisais un instant son regard avant de poursuivre d’un ton posé.

- Et vous Miss O’Dair ? D’où venait-vous ? Et qu’est ce qui vous à poussé à faire du journalisme ?

Je ne me sentais plus du tout mal à l’aise. J’avais relégué le PDG au fond de ma poche de costume et je n’étais plus que moi. La discussion faisait fondre les incertitudes et je sentais aussi que la jeune femme se détendait. J’avais eu raison d’insister et je souhaitais vraiment que tout le dîner se passe ainsi. Un instant, je crois même que j’en oubliais mon appartement, son silence et mon chat. C’était un évènement bien rare qui méritait d’être fêté.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Bien sûr que Richard venait d'une famille aisée. De Londres qui plus est. Pourquoi serait-il venu d'ailleurs ? La petite cuillère dans la bouche ? Dans notre monde actuel, c'était aussi rare que fréquent. Les riches se reproduisaient uniquement entre eux et les autres s'engouffraient dans les chances de le devenir. Les emplois explosaient de part et d'autre du monde, les affaires n'avaient jamais été aussi prospères... Mais Shannon se remettait à juger, aussi elle secoua la tête pour chasser ces pensées de sa tête, mine de rien impressionnée par le pédigrée de l'homme en face d'elle. Cependant, quand on s'appelait Richard, il n'y avait pas vraiment de secrets, n'est-ce pas ? Elle prit une profonde inspiration, son verre dans une main et elle regarda en l'air avant de reprendre la parole.

– Je viens d'une petite région de campagne, dans le sud ouest de l'Angleterre. J'y ai grandi avec mes soeurs et mon frère ainsi que mes parents qui avaient toujours vécu là-bas dans les... Traditions, cultures... Tous les ans, ils participent à un festival, c'est une région assez touristique, finalement. J'ai commencé là-bas, avec la gazette...

Shannon se dandinait avec ses épaules. C'était un peu comme si sa propre histoire l'ennuyait à mourir.

– Mais couvrir des événements répétitifs ne m'intéressaient pas. Je voulais voir plus grand alors je suis partie étudier à Bristol où j'ai pris des cours de sciences politiques et de journalisme. J'ai terminé à Londres mais quand bien même la situation du pays était... politiquement intéressante, ce qui se passe ici l'est bien plus. Ma soeur aînée est avocate. Mon frère est marié à une bimbo de magasine avec un enfant, mon autre soeur est décoratrice d'intérieur, la plus jeune se dit artiste et mon autre soeur aînée est une célibataire endurcie avec un enfant. Ce n'est pas que je n'aime pas ma famille, je donnerais ma vie pour eux, c'est juste que... Disons que prendre racine dans la campagne, ce n'est pas pour moi.

Elle allait pour prendre une gorgée mais elle éloigna le verre avant de relever les yeux sur Richard.

– Je m'ennuie très vite.

Elle reporta le verra à ses lèvres mais l'éloigna à nouveau.

– Ils disent souvent que je suis hyperactive. J'aime simplement ce que je fais, voilà tout.

Cette fois, elle bu enfin sa gorgée.

– Et personne ne m'aurait fait enlever mon accent. Beaucoup disent que c'est ce qui fait mon charme, d'ailleurs !

Son nez dépassant du verre, elle dévisagea Richard un instant avant de baisser les yeux sur sa main. Et alors qu'elle reposait son vin, son regard suivi son geste.

– Et que fait madame Aberline pendant que vous êtes ici à siroter votre vin avec une journaliste hyperactive à l'extravagance diminuée ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je l’écoutais en silence en bon auditeur que j’étais. Elle semblait lassée elle-même de son histoire quand pour ma part j’en profitais par substitution. Je ne regrettais pas ma vie mais j’en aurais parfois aimé une plus vivante, plus imparfaite avec une famille plus unie sans doute. J’essayais d’imaginer un instant à quoi pouvait bien ressembler ses frères et sœurs et je me faisais la réflexion qu’une réunion de famille chez les O’Dair devait plus ressemblait à un banquet qu’à un repas autour de la table des grands parents le dimanche midi. La jeune femme avait semblait soudain plus frénétique et alors qu’elle enchainée quelques phrases courtes, je la regardais en souriant.

- Gardez votre accent, il est parfait et puis c’est un héritage dont on ne devrait pas se débarrasser aussi facilement ! Et si vous étiez moins hyperactive, ce serait les annonces mortuaires que vous présenteriez ! C’est tout de suite moins palpitant.

Alors que je rigolais, je ne vis pas le regard de la jeune femme se poser sur ma main. Ce qui suivit, j’aurais sans doute pu l’éviter si j’avais cessé de porter mon alliance. Mais c’était comme cesser de bire bonjour et bonne nuit à une photo sur un buffet ou ranger définitivement le peignoir en trop suspendu dans ma salle de bain, trop tôt pour moi. Je ne passais pas mes nuits à pleurer ou à me lamenter sur mon sort, mais lui dire au revoir définitivement c’était aussi prendre le risque de l’oublier. Ca, je ne pouvais pas le tolérer. Miss O’Dair ne pouvait pas savoir, mais en même temps c’était son métier. Si je m’en voudrais sûrement plus tard, sur le moment je ne pouvais masquer l’ombre qui passa sur mon visage malgré un demi sourire que je tentais de forcer.

- De sa tombe, elle doit sûrement être en train de m’encourager…

Je ne pu empêcher mon sourire de disparaître alors que je terminais mon verre pour me donner une contenance. Sortir et parler aux gens, c’était aussi se confronter à des questions qui pouvaient manquer de tacts et même blesser sans le vouloir. Même si Helaine était encore à mes côtés, elle m’aurait encouragé à dîner avec Shannon O’Dair, ne serais ce que pour avoir quelqu’un d’autre à qui parler. Me rendant soudain compte que je risquais fortement de miner l’ambiance, je fis un effort sur moi-même et retrouva un peu le sourire aux dépends certainement de la jeune femme assise en face de moi.

- Pour une journaliste… Je ne vous trouve pas vraiment aux faits de l’actualité ! Mais vous gagnez en extravagance ! Helaine vous aurez beaucoup aimé ! Entre hyperactifs on se comprend non?

Je n’étais pas sûr de grand-chose mais de cela si. D’autres parts, elle aimait un peu tout le monde, donc je ne risquais pas vraiment de me tromper. J’avais rarement croisé des personnes capables d’un tel don de soi et surtout d’autant d’empathie. Quand je le lui disais, elle me rétorquait souvent que c’était lié à Yu, moi je savais que cela venait de son cœur. Elle était ainsi voilà tout. Si elle avait eu la chance de rencontrer Shanonn O’Dair, elle lui aurait sûrement touché les joues en lui intimant l’ordre de se détendre avant de la supplier de l’emmener dans une sorte de reportage aventure en plein cœur d’une cellule anti-terrorisme ou quelque chose comme ça. Quand bien même la journaliste n’aurait pas couvert ce genre d’évènement, elle ne se serait pas démontée pour une aussi futile broutille ! Voyant le serveur arriver avec nos plats, j’en profitais pour essayer de détendre complètement l’atmosphère.

- En compensation pour votre indélicatesse, je vous laisse choisir le vin !

Je lui souris en lui offrant un clin d’œil amusé.

- Soyez avisé surtout !

En vérité, je m’en sortais plutôt bien, car si j’étais un homme plutôt cultivé, l’œnologie était un domaine parfaitement incongru pour moi. Un vin n’était qu’un vin et discerner un grand cru d’une bonne cuvée… Comment vous dire ? Pour le reste, nous n’étions pas à une soirée de deuil et je décidais de passer au dessus de mes souvenirs. Un instant, j’eu presque l’impression qu’Helaine me tapotais l’épaule pour me féliciter de mon effort. Nos assiettes touchèrent la table et j’avais déjà l’eau à la bouche !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
A la réponse de Richard, Shannon perdit instantanément son sourire. En même temps, comment aurait-elle pu savoir ?! En se renseignant sur lui avant de venir l'interviewer, alors ! Mais bizarrement, le peu qu'elle avait lu n'avait pas fait mention de sa défunte femme. Elle l'observait fixement alors qu'il parlait et avait du mal à croire qu'on puisse parler de sa femme de la sorte. Si une chose pareille lui arrivait ? Jamais elle ne voudrait que l'homme de sa vie se retrouver quelqu'un ! Une minute... Etait-ce un rencard ?! Décidément, Shannon se décevait elle-même bien plus que jamais ! Quoiqu'il en soit, elle se fichait pas mal de savoir si sa femme l'aurait aimée ou non. D'une part, car elle n'aimait pas beaucoup être comparée à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas mais qui était de surcroît décédé ! D'autre part... Elle trouvait ça particulièrement déplacé, la position dans laquelle il la mettait tout à coup. Sentiment d'autant plus renforcé lorsqu'il remit en question son journalisme. Elle pinça les lèvres et le rouge commença à lui monter aux joues. Alors en réponse... Elle s'indigna. Elle fronça les sourcils et prit une voix bien plus aigue. Les sentiments que pouvaient également éprouver Richard, Shannon ne les aurait pas compris pour la simple et bonne raison que l'amour était quelque chose, selon elle, de totalement superficiel. Elle n'en comprenait pas bien le sens car elle ne s'était jamais retrouvée dans cette situation. Richard dominait réellement la soirée et ce, sans forcer !

– Comment aurais-je pu deviner ! Vous portez votre alliance alors que vous n'êtes plus marié !

Qui a parlé de manque de tact ? Elle aurait pu s'excuser ! Se confondre en excuses ! Mais elle se sentait si mal qu'elle avait à nouveau actionné son mécanisme de défense. A l'approche du serveur, son visage ne se décrispa pas et elle le regarda à peine.

– Une eau plate, s'il vous plaît.

Elle reporta son attention sur Richard, la bouche ouverte d'incompréhension. Elle leva les mains pour joindre le geste à la parole.

– Je ne comprends pas ! Ca n'a pas de sens ! A quel moment pensiez-vous que ce petit détail m'échapperait ? Je tiens à vous informer, très cher, que je ne suis pas femme à devenir maîtresse ! Et qu'à un moment donné, ce renseignement m'aurait semblé particulièrement utile dans la mesure où il semblerait que vous m'ayez invitée à un rendez-vous galant sans même vous donner la peine de vous enquérir, au préalable, de ma propre vie privée !

Elle redressa les épaules et prit soudainement son verre sans quitter Richard des yeux. Elle tourna finalement la tête, les lèvres toujours pincées et le menton haut de fierté.

– Cependant, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses les plus sincères pour mon indélicatesse.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Cela m’apprendrait à vouloir être plus aimable que je ne l’aurais dû ! Moi qui ne voulais appesantir la situation j’avais déclenché une sorte de tornade folle furieuse qui me renvoyait mon veuvage à la figure comme si je l’avais fait exprès. Il ne manquait plus que ça et pour le coup j’étais à deux doigts de vraiment me mettre en colère. Mais en même temps cette situation paraissait tellement grotesque ! Une fois de plus, le serveur s’échappa sans demander son reste avant de revenir déposer une grande bouteille d’eau avec autant de délicatesse que s’il évoluait en terrain miné. Manifestement c’est ce qu’il se passait. Je soupirais avant de me passer une main dans les cheveux, un geste qui m’octroyait quelques secondes de plus pour pouvoir réfléchir convenablement. La première fois qu’elle avait réagis comme ça, c’était lorsque je l’avais invité à dîner. Selon moi, il s’agissait plus d’une réaction de défense qu’une véritable remise en cause mais cela ne changeait rien à la nature des mots prononcés. Même sous le coup de la colère. Je préférais donc laisser passer un instant la tempête. Retenant les paroles acerbes que j’aurais eu droit de prononcer, je soupirais avant de plisser un peu le front. Je n’étais pas doué pour amadouer les animaux sauvages, mon propre chat tolérait à peine ma présence chez moi… Cependant, je voulais croire qu’elle n’était pas aussi mauvaise qu’elle le montrait. Un peu perdu sans doute. Comme moi. Comme nous tous.

- Pourquoi vous agacez-vous de la sorte ? Si cette alliance est à mon doigt ce n’était pas pour vous mentir. De toute manière vous mentir sur quoi ? Il y a un quart d’heure vous me reprochiez de vous inviter pour des raisons professionnelles et maintenant vous me reprochez d’être un goujat lors d’un rendez vous galant… N’y a-t-il aucune demi-mesure dans votre système de valeur ?

Je ne voulais pas rentrer dans son jeu. Je faisais en sorte de rester le plus calme possible. Ma voix s’était posé et je parlais avec sérénité. Je voulais que les lèvres plissées de Miss O’Dair se décrispe, qu’elle retrouve son sourire et que nous dînions simplement entre adulte cultivé. Mais avant cela je ne pouvais pas tout accepter non plus.

- Je suis encore marié. Même après quatre ans, je le suis toujours. Et je n’ai ni envie, ni besoins de maîtresse ou de quoi que soit d’autre. Je voulais juste dîner, est ce que c’est difficile pour vous de le concevoir ?

Je soupirais avant de conclure, un peu malgré moi.

- C’est à vous de me pardonner mais vous comprendrez que des excuses comme ça, je ne peux pas les accepter. Je n’ai pas envie de manquer de respect à mon épouse en acceptants des mots dispensés de mauvaise grâce.

Finalement je saisis ma fourchette et mon couteau.

- Sur ce, je vous souhaite un bon appétit.

Peut-être que ce dîner aller tourner plus court que prévu finalement. Si elle se levait et partait je le comprendrais parfaitement. Mais je ne ferais rien pour la retenir. Toute journaliste ou femme qu’elle soit, je ne pouvais pas capituler à tout non plus.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
A nouveau, elle eut l'impression d'être une gamine prise la main dans le sac. Elle baissa les yeux en l'écoutant. Il n'y avait pas réellement de demi mesure avec Shannon. Pas avec des inconnus. C'était une femme entière qui avait beaucoup de retenue mais surtout trop de passion. Conviée ici sans trop en comprendre la raison, il ne s'agissait pas de subir mais de trouver un équilibre. Richard était un challenge. En voilà un qui ne semblait pas être ce qu'il montrait et ça l'intéressait. Professionnellement. S'il y avait du bien à dire sur la Waleman, quelque chose qui puisse rappeler au monde que l'être humain existe encore derrière l'argent et la nécessité, elle voulait être la première à l'écrire. Elle voulait avoir l'honneur de son nom en haut de l'article. Oui, il était difficile à concevoir qu'il puisse uniquement vouloir dîner. Ce qui, en réalité, lui allait parfaitement. Sortir de temps en temps, autrement que pour le travail lui convenait totalement. Il ne lui paraissait simplement pas évident qu'il puisse ne vouloir... Que dîner. Parler travail, faire quelques tentatives, l'amadouer, pourquoi pas. Mais simplement profiter de sa compagnie ?

Shannon tordit les lèvres alors que Richard fermait la discussion en portant son attention sur son assiette. Tout ce temps, Shannon n'avait rien dit. Sans le vouloir, il lui avait rappelé son père qu'elle aimait aussi tendrement qu'on pouvait admirer un parent. Tout ce qu'elle faisait, c'était pour lui. Elle voulait le rendre fier. Alors quand il grondait, il était comme Richard. Il ne criait pas, mais s'exprimait de façon sincère et franche. Et Shannon redevenait cette petite fille de 9 ans qui n'osait plus rien dire. Elle resta muette encore quelques secondes et finalement, elle se pencha sur la table en prenant une voix plus douce.

– Je suis désolée.

Elle se saisit de ses couverts en silence mais avec une grande lenteur et un certain silence. Et puis, au bout d'un moment, elle reprit.

– Je vous reprochais de m'avoir invitée pour des raisons non-professionnelles... Si j'avais compris cela dès le départ, j'aurais peut-être refusé l'invitation et ainsi évité ce terrible malentendu.

Elle avait retrouvé sa voix calme et sa tenue légendaire. Toutefois loin de sa froideur impénétrable, elle semblait à présent marcher sur des oeufs. Si Richard n'avait pas élevé la voix, Shannon l'entendait encore crier dans sa tête. Elle releva enfin les yeux sur lui alors que sa cuillère revenait dans son assiette.

– Mais je suis sincèrement désolée. Pour votre femme. J'aurais dû le savoir, je ne suis juste... Peut-être pas aussi fouineuse que j'en ai l'air et peut-être que je préfère que les gens me parlent d'eux, eux-mêmes. Je n'aimerais pas que l'on apprenne les déboires de ma vie à travers les journaux ou les sites internets, les oui-dires, les rumeurs... Si j'avais quelque chose à dire, j'aimerais le dire moi-même, de vive-voix et à la personne qui mérite de les entendre. Ceci doit sûrement expliquer pourquoi j'ai... omis ce détail.

Et elle replongea le nez dans sa soupe.
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Richard Aberline
Richard Aberline
J’avais commencé à attaquer mon assiette lorsqu’elle se remit à parler. J’étais soulagé qu’elle ne se sauve pas à toutes jambes et d’autant plus lorsque je compris que l’orage était passé. Je n’étais pas quelqu’un de mauvaise foi et j’admettais ma part de responsabilité dans ce qui venait de se passer. Je comprenais la position délicate dans laquelle je l’avais mise mais aussi pourquoi elle avait déformé mes propos. Elle comme moi, nous vivions dans une partie de la ville qui vous faisait rarement de cadeaux et où la vie privée était quelque chose que l’on protégeait avec soin pour mieux la préserver. La mort d’Helaine n’avait pas fait les articles de tous les journaux. J’étais parvenu à limiter l’affaire, n’avait accordé d’interview à personne et avait prit quelques jours pour partir loin de Megalopolis et laisser retomber les ardeurs. Elle n’était que la victime lors de la rixe, son nom de jeune fille avait été cité et moi j’étais resté seul à vivre. Ses parents m’avaient remercié d’avoir épargné la mémoire d’Helaine en la préservant des journalistes douteux qui aurait pu se servir de cela contre moi. Elle n’avait jamais voulu être médiatisé, et j’avais tout fait pour respecter son vœux jusqu’au bout. Je relavais la tête de mon assiette pour croiser le regard de Shannon. Elle semblait gênée à présent. Moi, ma colère était passée et quand elle s’était excusée pour la seconde fois, j’avais définitivement fermé le chapitre. Lorsqu’elle eu finit de parler, je lui laissais quelques instants avant de reprendre la parole.

- Merci Shannon.

Je savais que je risquais une nouvelle fois de la mettre sur la défensive. Mais si elle voulait vraiment entendre des choses venant de moi, je ne pouvais qu’enlever un peu de barrière entre nous. Laisser définitivement de côté le conventionnalisme professionnel pour être encore un peu plus libre de parler comme je le souhaitais.

- C’est de ma faute si vous avez mal interprété mes propos. Je ne voulais pas vous piéger mais vous ne pouviez pas savoir non plus. L’information n’a pas été relayée dans la presse et j’ai tout fait pour protéger son nom et sa mémoire. Elle n’a jamais voulu faire la une des journaux.

Je retournais à mon assiette un instant avant de poursuivre sans relever la tête.

- Elle est morte au cours d’une rixe dans la ville basse. En voulant protéger un enfant qui se faisait agresser. Elle n’aurait pas dû être là-bas à ce moment là, mais les coïncidences ne sont pas toujours heureuses.

Finalement, levant le menton, je croisais le regard de la jeune femme. Un sourire un peu triste, sans doute, sur le bout des lèvres.

- Je ne voulais simplement pas vous accabler avec un deuil que je ne suis pas encore capable de faire.

Tout en parlant, j’avais l’impression d’entendre ma voix de loin. Comme si c’était un autre que moi, un instant, qui avait prit possession de mon corps. Je me rendais compte à quel point j’étais loin maintenant de l’image du responsable modèle, ambitieux et professionnel que m’avait collé Jack Waleman en me propulsant en tête d’affiche. Mais je me faisais aussi la réflexion que parler ainsi ne m’étais pas arrivé depuis très longtemps. Ce monde dans lequel nous vivions, je le voulais meilleur tout en sachant qu’aujourd’hui il était impossible de le purifier complètement de ses tares. J’avais construits tout autour de moi des remparts fermement défendu qui ne toléraient l’entrée de personne à l’intérieur de ma grotte. Non pas que je voulu m’enfermer avec les souvenirs d’Helaine pour seule consolation, mais plutôt que je ne voulais plus jamais ressentir cette douleur au fond de moi. Ce vide et ce silence provoqué par une absence que l’on avait pas prévu. Non, je ne voulais plus jamais avoir mal. J’avais conscience qu’en parlant ainsi à Shannon, j’ouvrais un infime passage vers moi-même. Mais si la peur demeurait quelque part tout au fond, je me sentais soulagé aussi de pouvoir parler peut-être plus librement et avec moins de retenu qu’à l’ordinaire. Retrouvant un sourire un peu plus franc, je désignais mon assiette du bout de mon couteau.

- En tout cas, je ne sais pas pour vous, mais moi c’est absolument délicieux !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Richard était décidément loin de l'homme que Shannon avait imaginé. Une énorme erreur de jugement qu'elle mettrait du temps à se pardonner. Ce n'était pas tellement son genre mais il fallait croire que Megalopolis la changeait. Tous ces corrompus, tous ces effrayés de la vie à l'extérieur. Ils cherchaient tellement le succès, la gloire, à tout prix que Shannon avait parfois du mal à se concentrer sur la véritable information de la ville. Elle lui sourit alors qu'il tournait déjà la page sur cette anecdote embarrassante. D'un naturel finalement empathique mais sans jamais le montrer, Shannon aurait bien posé sa main sur celle de Richard, pour l'apaiser comme elle le ferait avec ses neveux. Mais la bienséance lui rappelait qu'il était encore trop inconnu d'elle pour se permettre une telle gestuelle qu'elle qualifiait d'intime. Cependant, le regard y était. Shannon était aussi froide en politique que chaleureuse dans les mondanités. Elle savait faire la différence mais dans sa vie privée, qui était-elle ? Avait-elle seulement une vie privée ? Il semblerait que ce fut le cas, ce soir-là. Si Richard désirait une simple soirée en compagnie d'autre chose qu'un robot ou qu'un perroquet répéteur, alors il l'aurait.

Shannon acquiesça en souriant un peu plus à sa question. C'était effectivement délicieux, elle n'avait pas souvenir d'avoir mangé aussi "frais" depuis longtemps ! Elle se remit à manger mais les paroles de Richard tournèrent dans sa tête comme quelque chose qui avait fait un bris de glace, quelque part au fond de son esprit. Elle cherchait ce qui aurait pu l'intriguer à ce point pour ne pas revenir sur sa femme et la question qui lui brûlait les lèvres. Si Richard ne souhaitait plus en parler alors elle respecterait ce choix. Néanmoins, elle ne comprenait toujours pas pourquoi il portait encore cette alliance ! Shannon n'avait jamais perdu qui que ce soit, sinon un chien quand elle était enfant. Alors dans son questionnement, elle se demanda depuis quand sa femme avait dû disparaître et la réponse la percuta de plein fouet. Elle laissa tomber sa cuillère dans son assiette sous la surprise, le bruit de porcelaine la faisant elle-même sursauter, et la reprit tout en levant les yeux sur Richard. Quelque chose anima Shannon et elle se mit à parler très vite et avec ses mains.

– Mais je m'en souviens ! Je venais d'arriver à Megalopolis, j'avais fait un bref passage à Chicago et Boston avant de venir ici. Mes supérieurs se fichaient bien de mon accent, vous savez combien l'Angleterre est assez décriée par l'Alliance parce qu'elle refuse de prendre parti. Bref, je ne sais pas si vous avez connu les mêmes déboires que moi à votre arrivée mais en plus d'être une femme, mon principal souci a été de me faire respecter en tant que reporter ! C'était assez incroyable, d'ailleurs, ils étaient tellement suffisants à l'époque alors qu'aujourd'hui, ils délaissent de nouvelles recrues au sang frais parce qu'ils sont persuadés que je suis la seule à pouvoir couvrir tel ou tel événement, comme ce gala de charité dont nous parlions plus tôt.

Elle s'essuya la bouche et baissa les mains avant de reprendre, les yeux dans la vague.

– C'était un de mes premiers articles, je m'en souviens bien, maintenant. On m'envoyait en Ville Basse pour relater d'un... - elle moulina du poignet - "fait divers". C'était avant l'exécution de Howard Stenton, dans ces eaux-là. Je crois... Que c'est un des événements qui a poussé Liberation à agir. Je n'ai jamais pu parler à leur leader, je n'ai jamais réussi à mettre la main dessus alors que j'aurais tant de questions à lui poser, mais... On m'a donc envoyée là-bas comme on enverrait un stagiaire faire le café. Je me souviens uniquement du nom de cette femme parce que j'ai passé des heures et même toute la semaine, je crois, à chercher sa famille pour en savoir plus, mais je me heurtais à tellement de murs et de portes ! Mes supérieurs ont commencé à s'énerver et m'ont ordonné de laisser tomber, que ce n'était qu'une... rixe au milieu d'autres, que la Ville Basse en regorgeait, de toute façon. Alors quand Liberation a agi, je n'ai pas attendu qu'on me donne le sujet. Je l'ai pris. J'ai tout écrit, j'ai... Fait ma couverture et je me suis attirée des ennuis mais à partir de là, ils ont jugé qu'il fallait clairement être folle pour être à ce point obsédée par Liberation et comme tout le monde en avait passablement la trouille, ils m'ont laissée faire.

Elle releva enfin les yeux sur lui et cligna des paupières avant d'acquiescer.

– C'était une femme courageuse d'après les pauvres propos que j'ai réussis à recueillir. J'aurais aimé lui rendre un meilleur hommage qu'un simple article.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je pensais la discussion close et je savourais mon plat avec contentement. Je me rendais au moins une fois par semaine dans ce restaurant et je n’avais jamais été déçu. D’autre part, j’étais heureux que Shannon apprécie autant que moi le repas. Le bruit de vaisselle me fit lever les yeux vers elle et je la regardais étonné. Elle parlait un peu vite, laissant les mots sortir au fur et à mesure de ses pensées et de ses souvenirs. Je pris soin de ne pas l’interrompre, de plus en plus surpris à mon tour par ce qu’elle me racontait. Comment une ville aussi grande que Megalopolis pouvait regorger de pareilles coïncidences ? Personnellement, je n’avais pas ouvert un seul journal pendant les trois mois qui suivirent le décès d’Helaine et même plus tard, je n’avais jamais voulu savoir ce qu’on avait bien pu en dire. J’avais limité l’accès à l’information et protégé de toutes mes forces notre intimité. Le reste n’avait eu aucune importance. Machinalement mes doigts jouaient avec l’alliance toujours à mon doigt. Il était pour moi comme un talisman. Le souvenir de ce que nous avions été mais surtout de ce que nous souhaitions pour nos enfants.

A l’évocation de Libération, je restais songeur. Moi-même, lorsque ma décision avait été prise, j’avais eu besoins de plusieurs semaines pour trouver comment les contacter et plusieurs autres pour arriver à le faire. J’avais lutté à faire céder les barrières de méfiances qui les entouraient pour parvenir à obtenir d’eux un semblant de confiance, tout du moins un même projet. Mon alliance était aussi ma dernière limite. Celle qui me rappelait que je ne pouvais pas tout faire au nom de la vengeance, que je ne devais pas tout gâcher. Relevant les yeux sur Shannon je pris le temps de l’observer un instant. Elle n’était plus sur la défensive et me regardait avec empathie, sans jugement et sans pitié. J’inspirais profondément comme pour me donner un peu de contenance. Avant de chercher son regard en souriant.

- Elle s’appelait Helaine Moore. Elle est née à Washington et lorsque Megalopolis a été établie, elle est venue s’installer dans la ville médiane. Elle était en train de terminer de brillantes études de médecine lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous nous sommes mariés très rapidement. Aucun de nous n’avait de doutes sur nos sentiments et nous ne voulions plus perdre une minute à vivre sans l’autre. Une fois diplômé, elle a refusé toute les propositions des grands hôpitaux et a préféré donner de son temps et de son cœur dans un dispensaire de la ville basse. Là-bas, elle y soignait les enfants défavorisés, les laissés pour compte. Tout ceux dont personne d’autre ne voulait se soucier.

Je laissais quelques secondes à Shannon, pour assimiler toutes les informations que je venais de lui transmettre. Machinalement, je baissais la tête vers mon assiette.

- Elle s’est retrouvé au milieu d’un affrontement, un soir, alors qu’elle sortait du travail. Une énième dispute entre positifs à bout de souffle et négatifs fanatiques. Un enfant c’est retrouvé également au milieu de cette histoire. Lorsqu’elle l’a vue, elle a voulu s’interposer entre lui et un type qui brandissait une arme, elle a juste eu le temps de se mettre devant l’enfant avant qu’il ne se fasse tirer dessus. Elle lui a sauvé la vie…

Je relevais la tête et croisa le regard de la jeune femme. Je me sentais mélancolique, mais je me rendais compte aussi à quel point j’étais toujours aussi fier du geste qu’elle avait accomplis. Elle avait donné sans se soucier des conséquences. Qui pouvait se vanter de pouvoir en faire de même ?

- Vous avez raison. Elle était courageuse et le meilleur hommage que vous ayez pu lui faire, c’était de ne rien dire. Helaine ne l’aurait pas apprécié. Il n’y avait rien d’héroïque, elle a simplement fait ce qui lui semblait juste. Mon alliance porte ce souvenir et il m’aide à ne pas oublier ce qu’elle était et pourquoi j’œuvre aujourd’hui.

Moi-même j’avais mis du temps à l’admettre. Longtemps, j’étais resté en colère contre elle, pour ce qu’elle me faisait subir en m’abandonnant. Mais j’avais finis par comprendre que si elle n’avait pas sauvé cet enfant, elle ne se serait plus jamais regardée dans une glace sans avoir honte de ce qu’elle avait pu faire. C’était aussi pour cela que je l’avais aimé.

- Je ne sais pas si cela a inspiré Libération. Ce que je sais, c’est qu’ils sont les rares, aujourd’hui, à chercher de véritables solutions. Même si leurs manières ne sont pas toujours les plus protocolaires.

Même s'il était un peu tard à présent, elle aurait eu tout le fin mot de cette histoire. Les réponses aux questions qu'avait suscité un de ses tous premiers sujets.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon n'avait eu l'idée d'enclencher le moulin à paroles que Richard s'apprêtait à devenir. Néanmoins passionnée par chacun des sujets qu'elle avait traités, surtout à ses débuts en Amérique du Nord, il donnait au proverbe "tout vient à point..." sa sublime preuve de vérité. Alors en l'écoutant, Shannon s'est mise à sourire un peu plus au fur et à mesure de ses paroles. C'était comme une conclusion à une histoire triste. Shannon n'avait pas "rien" écrit. Elle avait défendu le point des Positifs, même si de manière assez souple pour ne pas s'attirer trop de foudres. Ce n'était pas tellement que le journal était contre les Positifs mais il n'était pas pour non plus et s'attachait à une parfaite neutralité de la part de ses journalistes. Aussi, son article sur Liberation avait été passé au crible et celui de la femme de Richard diminué, revu et corrigé. Toute passionnée et investie que Shannon pouvait être, elle n'avait pas le droit de l'être pour le journal. Même son blog en ligne était surveillé par la United car elle était aujourd'hui une journaliste émérite et suivie en bien comme en mal. De là à ce qu'ils lui collent un garde du corps. Quoique se la jouer Whitney Houston n'était pas pour lui déplaire, encore qu'elle serait d'autant plus détestable, sûrement.

Quand il eut fini, Shannon ne se départit pas de son sourire en dévisageant son interlocuteur. Il confirmait seulement ses souvenirs mais il faisait aussi bien plus que ça. Elle acquiesça doucement en reposant ses couverts, une fois son assiette vide. Elle ouvrit la bouche dans une inspiration et hésita quelques secondes avant de relever les yeux sur Richard.

_ Merci.

Une histoire inachevée rendait souvent Shannon assez malade. Il lui permettait de fermer un chapitre qu'elle n'avait pas oublié. Tout de même quelque peu gênée par la situation d'être l'invitée d'un homme se considérant toujours marié, elle était contente qu'ils se connaissent si peu, aussi ne voyait-il pas la distance qu'elle installait naturellement entre eux. Autrement dit, Richard prenait la place d'un contact, d'un collègue, et bientôt peut-être, celui d'un ami. Mais Shannon ne laisserait pas de place à quoi que ce soit d'autre si toutefois l'idée les avait déjà traversés l'un comme l'autre. Qu'ils le veuillent ou non, c'était un homme et une femme après tout ! Quant à Liberation, Shannon avait ses propres idées et profita d'être "en privé" pour se lâcher un peu, ne pouvant le faire au travail et sa famille ne connaissait rien de ce groupe. Elle plissa le nez en laissant le serveur les débarrasser après un temps.

_ Je ne suis pas certaine que Liberation trouve de véritables solutions. Leurs agissements engendrent des manifestations, des soulèvements qui nuisent à la tranquillité de la ville. Si la United tend à conserver si religieusement sa neutralité, Liberation commence à menacer cet équilibre. Je garde mes fonctions parce que je sais ce qui est bon pour la ville et ce ne sont sûrement pas des articles enflammés comme certains de mes collègues s'y risquent. Ils y ont laissé leur matricule. Liberation est un danger, quand bien même ils obtiennent des résultats, ils n'ont tout de même pas hésité à prendre des vies. Et dans notre monde, effondré ou non, chaque homme a droit à son procès. Ce n'est pas parce que ce pays n'a pas totalement aboli la peine de mort, pour ne pas dire qu'il la réinstauré dans sa quasi intégralité, au passage, qu'il faut à tout prix les soutenir dans leurs actes. Richard, on parle de plus en plus de terrorisme, ce qui est une idée fortement négative ! Si je comprends leur point de vue, je ne peux les défendre. Et je pense sincèrement que--

Shannon s'immobilisa dans ses gestes en réalisant qu'elle se comportait comme lors d'une émission de télé. En tant que chroniqueuse politique de la United Medias, elle était parfois amenée à animer des débats en présence de personnes bien placées du gouvernement. Elle eut un sourire d'excuse et ferma les yeux une seconde.

_ Désolée. Le travail n'est pas qu'une partie de ma vie, c'est... D'accord, c'est peut-être toute ma vie...
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je ne savais pas très bien pourquoi j’en avais tant dis. Mais à présent je me sentais mieux. Je me rendais compte aussi que j’avais sûrement mis de la distance en parlant ainsi de mon histoire. Nous n’étions pas assez proche pour que cela passe pour une confession d’amitié, ni assez éloigné pour qu’il puisse s’agir simplement d’une interview sur une vieille histoire. Nous étions à présent tout deux entre deux chaises, il était temps de clore le sujet. Les remerciements de Shannon le firent à merveille. Notre serveur sembla revenir avec un peu plus de bonne volonté lorsque nos assiettes furent vides. L’ambiance c’était tout de même nettement améliorée et la jeune femme semblait songeuse.

Quand elle reprit la parole au départ du garçon de salle, je l’écoutais en silence. Plus elle parlait et plus elle reprenait son habit de journaliste. Je ne lui en voulais pas, bien au contraire. Shannon donnait vie à ses mots et je me laissais emporter par son argumentation. J’entendais bien ses propos, je les partageais en partie mais je ne pouvais m’empêcher de songer à ma propre implication. L’idée que ces hommes étaient capable d’en éliminer d’autres, aussi facilement que l’on écrase une punaise, me répugnait. Mais d’un autre côté, ils n’hésiteraient jamais à prendre des décisions, qui même pénibles, pourraient s’avérer primordiale pour changer ce monde. Enfin, est ce qu’il s’agissait de ma propre opinion ? Ou bien de ce que je voulais me convaincre ? Lorsque Shannon s’excusa de ses manières, je relevais les yeux sur elle en souriant.

- Vous êtes quelqu’un de très passionné par son métier. C’est une qualité que j’apprécie beaucoup. Et puis il s’agit plus d’une discussion d’idée que d’un débat politique.

Je soupirais en croisant les mains devant moi.

- Que reste t-il comme solution aujourd’hui ? Avons-nous vraiment le choix de nos actes? Parce que nous avons perdu le contrôle, le pouvoir d’aujourd’hui cherche à tout diriger de manière précise et millimétrée parce que c’est rassurant. Mais comment pourrions nous vivre durablement de cette manière ? L’agent Yu à tout changé. La perception que nous avions de l’espèce humaine et de son évolution est devenue une lutte pour la survie de l’espèce. Etre négatif ou positif est comme un gage de qualité ou de réprobation. Qui pourrait avoir suffisamment de charisme et de pouvoir pour parvenir à changer les choses en profondeur ? Pour rallier l’opinion publique à sa cause et faire passer des lois et des décisions qui permettrait à chacun d’obtenir l’égalité, les libertés et les devoirs qui lui sont due ? Parce que c’est de cela dont il s’agit avant tout n’est ce pas ? Qu’un pouvoir radicaliste succède à un autre ne changera rien tant que des décisions bonnes pour tous ne pourront être prises. Libération essaye de changer les choses à sa manière. Ils ne sont ni les premiers ni les derniers. Je crois que le terme de terrorisme est un peu fort. Car je suis persuadé que les personnes contre lesquels ils luttent ne sont pas beaucoup plus reluisantes et mènent peut-être même des actions encore moins louables qu’eux. Quoiqu’il en soit… ce sont des choses sur lesquelles nous ne pouvons que spéculer !

Je croisais le regard de Shannon en souriant. Finalement il s’agissait peut-être de politique. Mais je pensais chaque mot. Libération, l’Underground, l’actuel pouvoir politique… Qui possédaient les bonnes réponses aux questions que chacun était en droit de se poser ? Tant que la population de Mégalopolis ne serait pas en mesure de s’accepter dans sa globalité rien de bon ne pourrait être créé. L’économie, l’éducation, la santé, les relations internationales… Tout ça passait en second plan aujourd’hui. La seule question, la véritable question qu’il y avait encore à se poser, était encore de savoir qu’elle place il restait à occuper pour s’en tirer sans avoir à en payer le prix fort.
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Les joues de Shannon s'empourprèrent et elle baissa les yeux en jouant avec un couvert pour dissimuler ses couleurs. Elle avait envie de débattre avec quelqu'un sur le monde actuel. Quelqu'un d'intelligent et de remarquable, quelqu'un qui n'avait pas peur de dire ce qu'il pensait, tout en écoutant l'opinion des autres, attentif et intéressé. Elle nourrissait un désir particulier de l'avoir dans son émission un soir. Elle y tenait à son exclusivité. Elle voulait être celle qui avait animé le débat entre les prochains candidats des élections de Polis District. Son sourire s'effaça et elle se redressa en réalisant ce qui traversait son esprit. Ce n'était pas son but initial mais l'idée venait de pousser dans sa tête, et puis une autre pour l'accompagner, et encore une autre. Egoïstement, Shannon venait de voir sa carrière s'envoler dans son esprit mais elle était suffisamment maligne et intelligente pour savoir, avant d'imploser dans l'espace par anticipation, qu'il serait bien mal venu de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

En réfléchissant brièvement, elle retrouva son sourire et leva les bras pour joindre ses deux mains et y poser son menton sur ses doigts croisés. Elle lui offrit un regard chargé de suspens, comme si elle s'apprêtait à lui dire quelque chose de très important ou de crucial.

– Qu'est-ce que vous comptez faire maintenant ? Je veux dire... Vous êtes en haut de pas mal d'échelles, avez-vous des projets ? Je parie que vous n'êtes pas de ce genre qui attend que les choses se passent sans désir d'évolution. Que faites-vous des autres échelles à votre disposition ?

J'ai haussé les sourcils en le dévorant des yeux. Dans ma tête, une scène prenait forme et c'était toute ma carrière que je voyais se dessiner dans l'écran interne de mes envies. Une carrière qui m'était néanmoins inspirée par lui. Des hommes influents et politiques, j'en avais croisé beaucoup, je m'étais intéressée à nombre d'entre eux mais Richard avait autre chose. Il avait... Ce qu'il manque à notre gouvernement : un but, une raison, un hommage. Ce qu'il m'inspirait était unique et s'il m'avait tout juste intéressée plus tôt de par sa position, à présent, son potentiel devenait mon obsession.
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Richard Aberline
Richard Aberline
La voir ainsi prendre des couleurs me fit sourire tandis que je l’écoutais avec attention. Je discernais bien, malgré l’air détaché de ses questions, les calculs et les enjeux qu’elle pouvait bien mettre derrière. J’avais invité une jeune femme à ma table, mais je ne pouvais la dissocier de la journaliste. J’en avais bien conscience à présent et je ne me laisserais plus prendre comme au début de notre repas. Si sa réaction m’amusait un peu, je ne savais pas vraiment quoi lui répondre. J’étais PDG de ma propre multinationale, investisseur et conseiller principal auprès de la Waleman, je cumulais déjà plus de soixante heures de travail par semaine et je ne prenais jamais de vacances. Gravir les échelons oui, mais quand s’arrêter et au détriment de quoi d’autre ? Je n’avais jamais rêvé de toucher le ciel, pourtant je n’en étais plus très loin aujourd’hui. Alors quoi ?

- Et bien, on ne peut pas dire que je n’ai pas quelques idées…

Je haussais un sourcil d’un air entendu.

- Cependant, je n’ai plus assez d’heure à donner et j’ai toujours eu horreur de déléguer les choses auxquelles je suis très attaché. Hors là, tout ce que je fais et j’entreprends me semble important… Mon investissement au sein de la Waleman comme tout le reste.

Lui souriant de plus belle, je laissais le serveur nous tendre la carte des desserts avant de poursuivre d’un ton amusé.

- Mais, il me semble que vous ayez vous-même deux ou trois idées derrières la tête non ? Des pistes qui pourrait m’orienter, me convaincre ?


Quelle possibilité d’avenir plus florissant encore aurait pu m’attendre ? La place de PDG de la Waleman ? Je m’en préserverais bien même si on me le proposait. Si je réalisais quotidiennement le potentiel que pouvait avoir la multinationale, les petites manigances de Jack Waleman me gardaient bien de toute ambition. J’avais le sentiment qu’une ombre, dangereuse et terriblement proche planait au dessus de l’entreprise et quelle finirait un jour où l’autre par éclater en orage. Cette idée là, ne me disait rien qui vaille. Si je possédais le pouvoir économique, il ne me manquait plus que le pouvoir politique pour compléter mon tableau de chasse. Étrangement cette idée me rebutait autant qu’elle m’attirait. Le pouvoir autant quel qu’il soit était toujours source d’ambition et de corruption. Mais le pouvoir politique lui, démultipliait tout démesurément. Je ne voulais pas être un homme se détachant de sa vie réelle pour débattre sur des vies dont il ne maitrisait ni les tenants, ni les aboutissants.

Repliant la carte devant moi, je relevais la tête vers Shannon. Elle semblait toujours si sûr d'elle et de ses convictions. J'en étais presque admiratif. Une jeune femme, si jeune, si belle et si déterminée valait vraiment la peine que l'on s’intéresse à elle. Au risque d'y laisser quelques plumes au début!

- Leurs macarons sont vraiment à tomber par terre, vous devriez gouter !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
– Et bien...

Shannon laissa le serveur débarrasser et leur tendre la carte des desserts. Bien sûr qu'elle avait des idées ! Elle fut même étonnée que Richard ne nourrisse pas plus d'ambition. A son conseil, elle s'illumina d'un sourire et ne pris même pas la peine de regarder autre chose.

– Dans ce cas, je vous fais entièrement confiance ! Je m'en remets à vos goûts experts !

Elle passa donc sa commande et reporta son regard sur Richard une fois seuls. Elle croisa les bras sur le bord de la table et lui sourit à nouveau avant de hausser les épaules. Pourquoi cela lui semblait aussi naturel et évident mais pas à Richard ?

– Vous êtes un homme d'affaire. Doué, intelligent et intègre à vous écouter. Vous êtes à une place où vous ne semblez pas imaginer tout ce que vous seriez capable d'accomplir. Megalopolis a besoin d'un homme comme vous. Quelqu'un de passionné, capable de faire ce qu'il faut et avec la ferveur dont vous faites montre ! Les appels à candidatures pour le poste de sénateur ne vont pas tarder à se lancer. Vous avez toutes vos chances ! Vos motivations sont nobles, si vous n'aviez désiré que le pouvoir, vous ne seriez que l'ombre de Jack Waleman, ce qui n'est pas le cas, je me trompe ? Imaginez...

Elle redressa le menton et ouvrit les mains, embrassant le destin de son interlocuteur comme si c'était le sien. Il ne s'agissait pas là que d'une carrière, après tout. Bien sûr, Shannon y gagnerait plus qu'elle n'y perdrait, et quand bien même elle prendrait l'échec comme personnel, sa foi en Richard était si grande qu'elle ne laissait aucune place au doute. Mais il y avait aussi sa volonté de voir un homme capable à la tête de cette ville pleine de promesses.

– Vous n'appartenez pas qu'à la Waleman, ni uniquement à votre entreprise. Imaginez tout ce que vous pourriez faire pour cette ville. Pour tous ces citoyens. Les temps changent, Richard, et les gens avec. Nous sommes assis sur une plaque tournante depuis que la Waleman a racheté le PRD et revu les lois. Les citoyens attendent, ils sont hagards. Ils ont besoin d'un meneur, de quelqu'un pour leur dire quoi faire et comment. Ils ont besoin d'avoir confiance en une personne hautement placée, quelqu'un qui leur redonnera espoir. Vous êtes cette personne, j'en suis persuadée. Vous êtes altruiste, séduisant, engagé, la tête froide. La ville aurait tort de croire que vous la conduirait dans le mur. Une ombre plane au dessus de la Waleman depuis trop longtemps. Pourtant, cette enseigne détient le pouvoir sur Megalopolis et les gens ne savent plus quoi penser ! Vous n'avez jamais songé à ça ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
La ferveur de Shannon me surpris autant qu’elle me fit sourire. Je ne parvenais plus véritablement à différencier la femme de la journaliste tant son discours engagé vibrait presque de passion. Ses pensées et ses conclusions volaient plus vite qu’un drone en mission et son empressement me faisait presque tourner la tête. Croisant son regard je ne pouvais tout de fois m’empêcher de sourire, un brin sarcastique. Oubliait-elle que quelques heures auparavant elle me cataloguait dans la rubrique des pleins au as prétentieux et pervers ? Peut-être que mon antipathie politique relevait d’un manque d’ambition, toute fois je ne perdais pas non plus la réalité des yeux. Miss O’Dair pouvait bien penser de belles paroles, cela ne changerait rien au destin de Megalopolis.

- Shannon… Je suis la Waleman. Tout du moins une partie de son image publique. Presque plus que son propre président Jack Waleman. Quand bien même l’entreprise est à son nom. Je ne maîtrise ni les tenants, ni les aboutissants des rumeurs sombres courant sur la société. Si je me présentais à de telles élections, aux yeux de tous, ce ne sera qu’un aboutissement de la Waleman avec une main mise absolue sur Megalopolis. Qu’elle légitimité y trouverais-je ?

Haussant les épaules, je poursuivais d’un ton un peu sombre.

- Je ne suis pas la Waleman et je ne veux pas l’être, mais si je souhaite porter haut tout ce qu’il y a de bon en elle. Mais je ne veux rien lui devoir. Le comprenez-vous ? Au final, j’aurais bien trop à y perdre. Ce que je suis, ne suffira pas à changer l’opinion des gens. Qui suis-je pour parvenir à les convaincre ?

Croisant le regard de Shannon, je partageais soudain avec elle un sourire espiègle, laissant planer doucement un accent un peu trop prononcé, juste pour l’effet de scène, tout en me penchant vers elle.

- Et puis, Miss, qui voudrait d’un Anglais pour diriger des Américains ?

Ma naturalisation remontait à plus de 10 ans maintenant. Lorsque nous étions arrivés sur le sol américain, Mère avait effacé sur le papier toute trace de nos origines. J’avais pris cela comme un déshonneur. J’étais fier de mes origines, de ce que notre famille avait construit pas à pas, la mort de Père… Le serveur nous apporta nos desserts alors que je la regardais toujours comme un gamin de 15 ans fier de sa mauvaise blague. Richard Aberline… Sénateur de Megalopolis… Rivolution… La voix de ma sœur avait résonné dans ma tête comme une moquerie acerbe. Plantant presque rageusement ma petite cuillère dans mon macaron à la framboise, je relevais la tête vers Shannon.

- Et pourquoi pas finalement ?
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon étudia le visage de son interlocuteur le temps que sa pensée évoluait dans sa tête, son sourire grandissant au fur et à mesure sur ses lèvres. Elle avait le sens de la compétition, plus que n'importe qui au sein de sa rédaction. C'est ce qui la rendait invincible et aussi très admirée. Shannon savait toujours ce qu'elle faisait et comment elle le faisait. Les questions qu'il se posait, elle savait comment y répondre. Elle ne le quitta des yeux qu'un instant pour remercier le serveur d'apporter le dessert. Lorsqu'il se pencha vers elle, elle cligna des paupières. Ce n'était pas totalement faux, un Anglais à la tête de Megalopolis, une des villes les plus américanisées du pays aujourd'hui ? Mais Shannon ne doutait pas un instant de la force de Richard, certes parmi les arrogants plein aux as, mais un arrogant qui la fascinait depuis des mois maintenant. Elle avait toujours perçu chez lui ce côté "différent". Ce n'était pas un arriviste, il lui avait toujours semblé trop "vrai" pour ça. Il était proche des autres, trop charmant et en même temps toujours sur la réserve. Le temps qu'il doute, Shannon en rajouta une couche.

– Vous n'êtes pas Waleman, ni la Waleman. Justement. Vous êtes vous. Vous n'êtes qu'un actionnaire de la Dynamics. Il ne tient qu'à vous de prouver votre valeur et de montrer qui vous êtes réellement. Richard, sachez que je n'accorde jamais d'intérêt aux personnes sans importance ou sans potentiel. Je crois sincèrement que vous pouvez faire du bien à cette ville.

Et alors qu'il s'éveillait à ses propres compétences, le sourire de Shannon grandit un peu plus, sur le même ton espiègle que lui. Elle releva le menton fièrement lorsqu'il sembla abdiquer.

– Si vous acceptez de jouer le jeu, je peux vous mettre au challenge d'un petit sondage pour évaluer votre popularité auprès des citoyens. De là, vous pourrez décider si... Oui ou non j'ai misé sur le bon cheval.

"Miser sur le bon cheval" était peut-être une expression un peu trop brute mais c'était finalement la vérité. Elle pariait cher sur Richard, elle était peut-être même la première à le faire ainsi. Et Shannon ne se trompait jamais. Ce n'était pas avec Richard qu'elle allait commencer.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Engloutissant mon premier morceau de macaron dans un sourire j’écoutais Shannon me prêcher un brillant avenir politique. Elle me mettait volontairement ou non au défit et je n’avais jamais été du genre à me débiner. Honnêtement, la politique ne m’avais jamais semblait être une évolution professionnelle probante. Cependant que perdais-je à mettre ma « popularité » en jeu ? Dans le pire des cas, je ne redeviendrais que l’actionnaire principal de la Waleman. Un héritier parmi d’autres, sans histoire et qui n’intéresserait nullement les tabloïdes. Et puis si finalement Megalopolis semblait s’intéresser à moi, alors peut-être qu’effectivement je serais en mesure de m’impliquer à part entière dans la construction de mon rêve. A part un peu de temps à consacrer à Miss O’Dair, je n’avais rien d’autre à perdre. Et quelque chose me faisait penser qu’un peu de temps entre ses mains avait tendance à se transformer en or. Dès lors qui faisait grâce à qui de ses talents ? Je me le demandais bien…

- Je vois que tout est déjà prêt pour la campagne !

Souriant à Shannon, j’avalais un nouveau morceau de macaron avant de poursuivre sur le même ton.

- Cher Shannon vous avez en face de vous l’étalon gagnant !


Finalement, son enthousiasme m’entraînais avec elle et je voulais bien la suivre où elle désirerait m’emmener. Shannon était belle, motivée et au combien convaincante. Pour quelqu’un comme moi qui passait le plus clair de son temps dans son bureau ou dans l’immensité vide de son appartement, ce dîner avait quelque chose de rassurant. J’avais l’impression pour la première fois depuis longtemps de faire partie de ce monde autrement qu’au travers de mon travail. La jeune femme m’ouvrait une porte que j’avais gardé ferment verrouillé pour ne plus jamais rien ressentir. Mais sa désinvolture et sa franchise passaient sur mes résolutions comme un char d’assaut en plein raide. Elle avait une idée et ne souffrirait pas qu’on lui résiste. Je ne lui résisterais pas. Tout d’abord parce que mon éducation me l’interdisait et puis parce que j’avais hâte de voir où cela me conduirais.

- A vous d’être un bon jockey entouré de bon parieur!
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon pouffa de rire en rougissant légèrement des pommettes. Quand elle voulait quelque chose ou qu'une idée lumineuse lui traversait l'esprit, le reste suivait naturellement, comme une évidence. Quant à Richard, son expression manqua d'étouffer la journaliste dans son macaron. Une main devant la bouche, elle toussa et évita les postillons avant de relever les yeux sur Richard, rouge écarlate jusqu'aux oreilles. Sans se démonter, Shannon se redressa et déglutit sa bouchée avant de sourire, magnifique en toute circonstance.

– Me voilà bien heureuse de faire de l'équitation depuis des années !

Et le rouge se propagea jusqu'à ses épaules. Le sujet "sexe" n'était pas, pour ainsi dire, un des préférés de Shannon. Elle en jouait assez régulièrement dans ses relations, se voulant charmante et parfois un brin audacieuse, mais aussi à l'écran. C'était ainsi qu'elle s'attirait des faveurs, des sourires, de bonnes relations et faisait ainsi jouer son réseau. Shannon était une femme bien perçue, tout en subtilité qui ne semblait jamais aguicheuse mais toujours charmante - et charmée. Mais dans le privé, les choses étaient différentes et Richard avait permis à cette femme plus naturelle de se dévoiler quelque peu au court du dîner.

Pour reprendre contenance, Shannon se racla la gorge et cligna des paupières. Elle inspira profondément et sorti alors de son sac un carnet et un stylo dans lequel - bien organisé - elle commença à gribouiller.

– Nous devrions en discuter sérieusement un jour. Le midi, j'ai plus de temps. Ou sur un weekend ! Nous pourrions imaginer quelques slogans et parler de quelques plans d'attaque. Je pense avoir des idées, il faut que je les mûrisse avant de vous les proposer. Je pense que nous devrions jouer sur votre charme et votre côté naturel. C'est ce que les gens recherchent. Un peu de vérité, moins de superflus. Vous devrez incarner cet espoir ! Ou ! Je sais...

Elle releva un index fier et un sourire éclatant.

– Je vais faire de vous l'homme que toutes les femmes voudront épouser. - Elle dodelina de la tête en roulant des yeux. - Au moins, conquérir le coeur de cette ville !
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je la regardais, de plus en plus amusé par ses réactions. Elle avait volontairement refusé de donner trop d’importance à sa plaisanterie et s’était protégé derrière un flot de parole quasi interrompu. Plus elle parlait et plus je la trouvais belle et touchante. Il y avait quelque chose d’étrange et de mystérieux chez la jeune femme qui m’intriguait de plus en plus. Bien camouflé derrière son sourire à toute épreuve, elle semblait se protéger de tout ce qui aurait pu la toucher directement. Qu’avait-elle bien pu vivre pour avoir besoins de s’isoler ainsi ? L’observant sans rien dire, je soutenais son regard tout en me réjouissant intérieurement de pouvoir à nouveau partager un repas avec elle. Si sa dernière remarque pouvait manquer un peu de délicatesse, je ne lui en tenais pas rigueur. Je sentais bien qu’elle ne pensait pas à mal et que son unique objectif à présent était de faire de moi l’homme le plus adulé de tout Megalopolis. L’idée me paraissait si grosse et improbable que j’en aurais bien ris moi-même. Cependant je ne voulais pas la vexer. Et puis, elle n’avait pas tout à fait tord. Je m’étais engagé auprès de Libération parce que je voulais trouver des solutions que je ne pouvais trouver seul. Ce que me proposait Shannon, c’était de pouvoir tracer ma propre voie. Changer les choses à ma manières et selon mes propres idées, mes rêves et mes compétences. Une mission à ma portée que je pouvais mener à terme sans honte et sans remord.

Et après ?

Après, les cartes seraient entre mes mains et il ne resterait plus que moi pour conduire Megalopolis sur le chemin de la réconciliation. Elaine m’avait souvent répété que j’étais seul à pouvoir changer les choses pour faire ce que je croyais être juste. Shannon m’en donnait les moyens. Je n’étais pas un homme de peu de foi, sans ambitions ni combativité. Je me rendais bien compte que je m’étais endormi dans le confort de ma vie. J’étais un chef d’entreprise comblé, un homme d’affaire sans faille, un héritier à marier (pour Mère) et un homme bien seul au fond. Reposant ma cuillère sur la table, je dévisageais Shannon l’espace d’un instant. Elle semblait avoir tout planifié pour les 6 mois à venir en l’espace de quelques secondes. Écartant tout facteur de risque d’une certitude sans faille. Au fond de moi, je crois que je n’avais pas envie de décevoir une femme comme elle.

- Faites de moi et de mon image ce que vous voulez Shannon… Cependant…

Je laissais planer quelques secondes de silence le temps de formuler clairement ma pensée.

- Ce que nous entreprendrons, nous le tiendrons jusqu’au bout, peut-importe les difficultés à dépasser. Mais surtout, je continuerais toujours de parler à ma convenance et selon ce en quoi je crois. Pas de discours préparé d’avance, pas de compromis sur le fond et la forme… Ce que je veux porter, je l’ai au fond de moi et je ne le transformerais pas. Pour aucun enjeu politique quel qu’il soit !

Je m’étais fait un peu trop sérieux sans doute pour conclure cet excellent dessert, mais il y avait des choses sur lesquelles je ne pouvais fléchir. J’étais né ainsi. Conciliant mais borné. Si Shannon voulait m’emmener devant le sénat, je la suivrais, mais pas au prix de mon âme. Je valais mieux que cela. Megalopolis me prendrait comme telle ou ne me prendrait pas. Mais cela, nul ne pouvais le prévoir maintenant.

- Même pour une jeune femme aussi charmante que vous chère Shannon !


J’avais retrouvé mon sourire. Et ne pu m’empêcher de conclure par un clin d’œil malicieux. La voir rougir encore un peu… faisait partie de ces petites choses qui n’avait pas de prix mais qui faisait toujours un bien fou !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Et il continuait. A croire que Richard lancé, il n'était qu'un moulin à flatteries. Shannon pinça les lèvres dans un sourire qu'elle tentait de forcer. Mais ce qu'elle ne put retenir furent les taches rosées qui se dessinèrent sur ses lèvres. Ce n'était pourtant pas ce qu'elle voulait, ni ce qu'elle demandait. Non, elle n'envisageait pas de travailler seule, encore moins d'agir seule. Elle était là pour l'aider, le soutenir, elle était son coup de boost, sa motivation quand il perdait la sienne, sa foi quand il perdait espoir. Du moins était-ce ce qu'elle comptait être pour lui. Mais pour le reste, il était celui avec les idées, l'ambition. Elle avait juste les moyens de le porter, de donner du corps à ses mots et tout ce qu'il avait à offrir. Shannon s'avérait peut-être parfois opportuniste mais elle savait toujours ce qu'elle faisait. Aussi, à son petit laïus, elle hocha vivement la tête, ou la secoua en fonction de ses réponses, les yeux ronds et le regard vif. Quand bien même il était sérieux, l'excitation montait au creux de sa poitrine et les battements de son coeur accéléraient.

– Mais surtout, je continuerais toujours de parler à ma convenance et selon ce en quoi je crois. - Bien sûr ! - Pas de discours préparé d’avance, - Non ! Absolument pas ! - pas de compromis sur le fond et la forme… - Enfin peut-être parfois quelques phrases arrangées, de ci de là... - Ce que je veux porter, - Je ne mets pas en doute votre goût ! Mais autorisez-moi à vous dire que le jaune est une couleur particulièrement insultante ! - je l’ai au fond de moi - Absolument. - et je ne le transformerais pas. - J'y compte bien ! - Pour aucun enjeu politique quel qu’il soit ! - Exactement !

Shannon lui sourit, bien heureuse d'être sur la même longueur d'onde que lui. Et elle rougit un peu plus encore à sa nouvelle flatterie. Cette fois pourtant, elle eut un rire en plissant le nez et baissant les yeux sur sa serviette qu'elle lissait sur le bord de la table. Elle pencha la tête et haussa les sourcils, se voulant espiègle mais avec une voix douce.

– Richard, je crois que vous avez un peu trop abusé du vin, ce soir.

Elle releva le menton dans une profonde inspiration et porta un regard pensif sur l'un des serveurs dans le fond de la salle.

– Je ne suis pas... Comme vous. Je n'ai pas les mêmes contacts, ni la même aisance. Je n'ai sûrement pas la même ambition que vous, ni la même vision des choses. Je n'ai jamais cherché à interviewer Jack Waleman. Il n'est pas celui qui m'intéresse. Il n'est pas celui avec les idées... Je suis là pour relier les points entre eux, pour tracer des lignes. - Elle replongea ses yeux dans ceux de Richard et lui sourit. - Vous êtes ces points.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Elle acceptait tout, je ne relevais pas sa remarque sur le jaune ni sur les phrases arrangées, tout ça viendrait en son temps. Shannon le verrait d’elle-même qu’il n’était pas utile de discuter de ces choses là. Si je portais l’image de l’homme qu’elle voulait montrer au monde, la jeune femme comprendrait vite que je n’en resterais pas moins un homme d’affaire. Les compromis et moi n’étions pas en très bon termes.

Jetant un coup d’œil au verre de vin que je n’avais même pas finis, je lui offris mon plus beau sourire, fier de ma sobriété et peut-être un peu aussi de mon arrogante insolence. Pourtant lorsqu’elle évoqua Jack, l’ombre au tableau redescendit soudain sur mes épaules et je me retrouvais une fois de plus confronté à ce que je redoutais vraiment. Savoir formuler les bonnes questions afin d’avoir accès aux bonnes réponses. Shannon me proposait un avenir politique, mais me permettrait-elle de trouver une faille dans la carapace de mon « patron ».

- Jack Waleman a bien plus d’idées qu’il n’y paraît ! Tout dépend de ce que vous chercher à savoir et de ce qu’il est prêt à vous dire.

Haussant un sourcil amusé vers elle, je poursuivis d’un ton neutre, feignant l’indifférence.
- J’aurais bien ajouté deux ou trois choses mais vous allez encore dire que j’abuse du vin. Pourtant, chère Shannon, vous avez bu plus que moi !!

Je jetais un œil à son verre vide et saisissant la bouteille lui proposais d’en reprendre un peu. Non, ce n’était pas de l’incitation ! Une simple galanterie de gentlemen anglais. J’avais peut-être était naturalisé, je n’en reniais pas pour autant ma bonne éducation ! D’autant plus avec une compatriote du même acabit.

- Il y a des fois où je laisserais bien celui que je suis au placard pour vivre un peu plus la vie des autres. L’ambition et les idées ne vous épargnent pas de mauvais moments passés dans les bars lorsque l’on vous en veut !


Certes, je n’avais pas vraiment grand-chose à faire dans les bars de la ville basse. Cependant, pour une fois que j’avais souhaitais un peu de distraction j’avais finis par me retrouver au milieu d’une bagarre qui m’avait presque valu une luxation de la mâchoire. Si je m’entretenais physiquement, je n’étais pas un spécialiste des arts martiaux ou autres techniques de self-défense, cependant plus j’y pensais et plus je me disais qu’il serait peut-être temps de m’y mettre. Libération semblait prêt à bouger et je n’avais pas envie de me regarder me faire battre sans pouvoir réagir en cas de pépin. De la boxe ? Pourquoi pas ? Et puis un homme sportif au sénat… Voilà de quoi faire rêver toutes les ménagères de Megalopolis !

- Ce que nous nous préparons à faire est un challenge. Une véritable aventure qui nécessite une véritable confiance entre nous…

Je haussais un sourcil entendu avant de poursuivre d’un ton détaché comme on lirait un bulletin météo.

- Vous qui connaissez à présent mes idées et mes ambitions… Dites moi quelque chose sur vous que j’ignore. Histoire d’équilibrer la balance.

Me rasseyant dans le fond de mon siège, je la toisais toujours d’un œil espiègle.

- Et ne me la faite pas à l’envers je vous prie ! A valeur égale ! Vous en conviendrez de l’honnête du deal !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon n’avait eu de cesse que de rougir. Encore et encore. Elle sourit en pinçant les lèvres. Elle n’avait bu qu’un verre, après tout. Poliment, elle plaça une main entre son verre et la bouteille. Elle n’était pas non plus âme à gâcher mais un verre lui suffisait largement. Elle n’était pas tellement faible face à l’alcool mais il lui montait vite à la tête. Fumer, boire, voilà bien deux vices qu’elle ne possédait pas. Mais elle en avait d’autres, après tout. Néanmoins, elle n’oublia pas de le remercier, par pure politesse et aussi parce qu’elle était bien éduquée.

– Que faites-vous dans des bars, Monsieur Aberline ?

Curieuse, intriguée mais avant tout malicieuse, Shannon lui offrit un sourire digne de ceux qu’elle donnait à la télévision. Charmeur et emplis de scandale avec sa pointe de charisme. Mais elle continua de l’écouter. Encore. Elle aimait sa façon de penser, sa vision des choses et son intégrité. Oui voilà, c’était son intégrité qui l’attirait tant. Elle but ses paroles sans un mot, respectueuse avec un léger sourire restant en coin. Le fait qu’il parle de challenge allumait des étoiles dans ses yeux. Quant à une relation de confiance, les lèvres de Shannon s’étirèrent un peu plus. Il était de plus prometteur. Sa demande signifiait indirectement qu’elle possédait déjà sa confiance. Ne restait qu’à Richard d’obtenir la sienne. Et Shannon n’était pas quelqu’un qui accordait facilement son attachement. Non par méfiance, quoiqu’un peu, mais surtout car elle ne connaissait pas l’homme derrière l’homme d’affaire.

Sa demande la surprit, d’ailleurs. On ne lui demandait que rarement de parler d’elle-même. Elle haussa les sourcils et se sentit soudainement bien bête : que dire ? Shannon était un livre ouvert. Dans la mesure où personne ne posait les questions, elle n’avait jamais eu à parler d’elle.

– Et bien...

Pour quelqu’un qui passait régulièrement à la télé, le micro et le devant de la scène semblèrent tout à coup la rendre bien muette. Elle ne voulait pas non plus retirer son habit parfait. Elle n’avait pas envie qu’il la voit comme une femme d’intérieur, pas autrement que la Shannon de la télé ou celle qu’il avait en face de lui. Il était bien trop pour ça. Elle avait une image à préserver.

– Je ne sais pas trop, c’est une demande bien étrange ! Quelque chose vous ignorez ? Mais que savez-vous, plutôt ! Je suis issue d’une très grande fratrie ! Ma soeur aînée fait du droit. Ma cadette se la joue rebelle pour se faire remarquer car elle est la seule à ne pas avoir entrepris de grandes études comme nous autres. Je suis celle du milieu ! Celle qui passe plus de temps à régler les problèmes avec diplomatie qu’à s’occuper des siens. Ca, c’est quelque chose vous ignorez, je le sais. Mais je n’ai pas plus croustillant ! Je ne suis pas quelqu’un de secret, je n’ai pour ainsi dire rien à cacher ! Dites-moi plutôt ce que vous voulez savoir, ce serait plus simple, vous ne pensez pas ?

Finalement, elle reprendrait bien un verre de vin pour terminer cette soirée. Jusque quelques gouttes pour marquer le coup. D’un poignet souple et élégant, elle lui en fit la demande silencieuse avec un léger sourire en coin.

– Et n’essayez pas de me tourner la tête, Richard. C’est inutile. Vous avez déjà mon vote.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je haussais les épaules d’un geste désinvoltes. Ce que je faisais dans les bars ? A peu prêt sauf y boire un verre ces derniers temps ! Un sourire en coin, je croisais le regard d Shannon.

- Je m’aère les idées mais il semblerait que ça ne convienne pas à tout le monde ! A peine le temps de boire un verre, de discuter avec la chanteuse du groupe qui jouait ce soir là et un bonhomme m’est tombé dessus sans raison… Mon costume ne lui plaisait pas manifestement !

Depuis ce jour là, je n’avais pas remis les pieds dans un bar de la ville basse. J’évitais le quartier soigneusement et je me consacrais d’avantage à mes affaires. Non pas que j’avais peur de me faire agresser, mais je ne voulais pas provoquer de problème. Surtout, je ne voulais personne d’autre à ce genre de problèmes.

A ma question suivante, Shannon semblait soudain beaucoup moins perspicace, voir peut-être même un peu gênée. Lui laissant le temps de formuler ses mots, je ne disais rien, attendant simplement qu’elle trouve le fil conducteur. Je tentais d’imaginer trois têtes blondes dans un jardin, il y a quelques années. L’image me fit sourire. Si ses deux sœurs avaient à un caractère semblable au sien, la famille O’Dair n’avait pas du s’ennuyer souvent lorsqu’elles toutes les trois à la maison ! J’avais une sœur également, mais nos relations n’avaient jamais été celle d’une famille normale. Tous distant, tous si froid que j’enviais bien souvent les rires amusés qui perçait parfois par la fenêtre de ma chambre d’enfant. Ce temps perdu dans des leçons particulières, des cours de piano et de bonne conduite, ce n’était pas un temps que l’on pouvait récupérer en grandissant. On m’avait forcé à devenir un adulte bien avant l’heure et je n’étais pas encore prêt à le pardonner.

- Pourquoi avez-vous choisi d’être journaliste ?


Je l’aurais tout aussi bien vue dans un habit d’avocate, tirée à quatre épingles et plaidant férocement pour son client. Cette jeune femme était bien sous tout rapport, professionnelle, convenable et dévouée. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qu’il se cachait derrière ce masque. Se levait-elle le matin en enfilant un sweet trop grand, pieds nus dans le canapé et un bol de céréales sur les genoux ? Ou bien commençait-elle par s’habiller, soigneusement, vérifiant chaque détail comme pour être sûr que son rôle serait tenu à la perfection ? Je n’y pensais pas dans un but intéressé, mais je me disais que ce genres de détails aurait pu m’en dire plus sur sa personnalité, su Shannon, derrière le Miss O’Dair… Mais je sentais bien aussi que si je lui posais directement ce genre de question, elle risquait de se fermer comme une huitre et je n’aurais rien gagné dans la manœuvre…

- Et qu’est ce qui vous motive le plus ?

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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Pour Shannon, son choix de carrière était une immense question. Si seulement Richard savait qu'il n'y avait pas que trois têtes blondes, serait-il encore envieux ? Shannon éclaira son visage d'un sourire et haussa les épaules.

_ Sûrement pour les mêmes raisons que vous avez choisi votre voie. Quelque chose d'assez naturel, j'imagine. J'aime la vérité, j'aime écrire, j'aime faire découvrir les choses, les gens. Je refuse de me contenter d'un paysage que l'on m'impose tous les jours. Je veux offrir de nouvelles perspectives, un nouveau regard sur notre monde actuel. Le journalisme représente tout ça pour moi. Le vrai journalisme. Celui duquel on attend l'information au coeur de l'action. Je n'ai malheureusement pas le cran, comme certains, de m'en aller dans des contrées plus risquées que Megalopolis, je n'ai pas les épaules pour faire le reportage de ce qui se passe ailleurs, j'entends par là, la réalité. Parce que j'estime qu'il n'y a pas que la guerre dans notre monde, il y a aussi des choses que les gens considèrent facilement comme insignifiant. Comme la tragédie de votre épouse. Ou votre ascension au sommet de la ville.

Elle posa son index sur la table pour appuyer ses paroles et sa voix repartit dans les flammes et la ferveur. Shannon avait des choses à dire et elle ne se gênait pas pour le faire. De ça, elle n'avait pas peur, pour ça, elle ne manquait pas de cran.

_ C'est CA, qui est important, aussi. C'est CA que je veux montrer aux gens. Je veux leur rappeler qu'avant de vivre dans un monde où l'ADN est omniprésente, ou le doute transparait dans tous les visages, je veux qu'on se rappelle et que l'on prenne en compte que malgré tout, nous sommes toujours des êtres vivants, dans une vie qui n'est pas courte. La vie, c'est long. Et c'est difficile. Et il nous faut vivre avec, surmonter ses obstacles. Je veux que les gens vivent, tout simplement sans pour autant être noyés, rendus sourds par une dose d'informations abrupte, souvent déformée, amplifiée, exagérée ! Tout ça pour le scandale d'une affaire qui leur fera croire qu'ils sont vivants au détriment d'une autre personne.

Elle reprit son verre entre ses doigts et haussa les épaules en secouant la tête. Elle se redressa et leva son autre main.

_ La plupart de mes collègues sont motivés par l'argent. Le pouvoir, ce genre de choses. Ils sont tous si convaincus qu'ils détiennent la domination de la ville parce qu'ils sont le visage de l'information. Ils se voilent la face. Ils ne représentent qu'un visage qui divulguent des faits grotesques, détournés et extrêmement négatifs. C'est cette puissance de frappe que j'essaye d'équilibrer.

Elle porta son verre à ses lèvres en moulinant du poignet avant de reprendre.

_ Heureusement, il y en a d'autres comme moi dans cette tâche, même si parfois... C'est tout de même un peu pesant de se sentir la seule aussi investie. Il m'arrive de me demander si les gens ne se complaisent pas dans la situation du monde actuel.

Elle roula même des yeux, visiblement lassée.

_ Tous ces... sourires, ces courbettes, j'ai parfois l'impression de devoir me prostituer pour avoir raison de mes exigences. Comme ce photographe.

Elle reposa son verre et croisa les bras sur la table en se repenchant vers Richard, ponctuant à nouveau ses phrases par un index appuyé sur la table.

_ Je l'ai vu débarquer un jour chez nous pour vendre des photos. De très bonnes photos, il saisissait véritablement ce que je voulais voir. Mais poru des raisons économiques et j'en passe, ou tout simplement parce qu'ils avaient autre chose à faire, ils l'ont laissé partir ! Alors je me suis renseignée sur lui. C'est un artiste de talent avec la tête sur les épaules. Je sais reconnaître du potentiel quand j'en vois un. Par tous les diables ! - Elle porta une main à son front en fermant les yeux - Je me suis demandée combien d'argent j'allais devoir leur agiter sous le nez et qui j'allais devoir chevaucher pour leur faire entendre raison ! J'ai cru que je leur demandais de baisser leur slibard sur la voie publique ! - Elle rouvrit les yeux sur Richard. Bizarrement, quand les allusions venaient d'elle, pas une seule pointe de rougeur sur les joues - J'ai voulu ce photographe. Je me suis battue pour lui. Mais aujourd'hui, mes articles saisissent précisément ce que je veux montrer, ce que je veux prouver mais aussi dénoncer. Pour un simple photographe ! Les gens ont peur de la vérité. La force, aujourd'hui, c'est cette vérité. C'est mon arme. Et je compte bien m'en servir.

Cela répondait-il suffisamment à ses questions ?
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Richard Aberline
Richard Aberline
Je l’écoutais sagement, hochant simplement la tête lorsque je partageais son point de vue ou que j’appréciais sa façon de voir les choses. Je ne sais pas pourquoi, mais en cet instant j’avais véritablement le sentiment d’être proche d’elle. Shannon me faisait partager quelque chose qui lui tenait très à cœur, mais également sa vision du monde, sa façon de penser et de vouloir les choses. C’était une femme très forte et déterminée et je me reconnaissais parfois dans ses remarques. Nous luttions pour la même chose. De manière différente et chacun à notre échelle mais la lutte restait la même et je comprenais parfaitement son désarrois autant que sa ferveur. Le serveur nous scrutait du coin de la salle, nous faisions partis des derniers clients et s’il ne souhaitait pas nous mettre à la porte, nous proposer des cafés et nous entendre dire non l’aurait sans doute soulagé un peu. Lorsque Shannon finit de parler, il s’approcha de nous avant que je ne puisse répondre.

- Monsieur Arbeline… Miss O’Dair… Un café pour finir ?

- Cela ira pour moi je vous remercie ! Shannon ?

Laissant la jeune femme répondre, le serveur s’en retourna aussi vite. Me retrouvant à nouveau seul avec la jeune femme je cherchais son regard, un sourire amical sur le visage. Les coudes sur la table, je liais mes mains entre elles, posant mon menton dessus. Ce n’était pas bien élevé ni fort convenable, mais je n’avais pas le sentiment d’avoir besoins de faire des efforts. Je n’étais qu’un homme ce soir, j’avais laissé le reste au vestiaire.

- Quand vous parlez ainsi cher Shannon cela me donne presque envie de vous embrasser !

Je la dévisageais sans rougir, soutenant son regard sans malice aucune. C’était plus un aveu qu’une taquinerie.

- Tant de détermination et d’ardeur… Je suis admiratif et je sens bien que cela dépasse le simple professionnalisme. Vous êtes quelqu’un de très passionné. Et ce sont ces gens là qui portent le monde, à bout de bras, mais qui sont capable d’ouvrir l’esprit des plus réfractaires. Peut-être serions nous moins influençable s’il y avait plus de journaliste comme vous pour nous parler de la réalité et de la vérité. L’information préconçue et prédigérée est beaucoup moins indigeste et incite à moindre réflexion… Mais nous cantonne dans un conformisme et une absence de réflexion personnelle affligeants.

Glissant mon regard dans celui de Shannon, je me sentais vraiment bien en cet instant.

- Vous… Vous êtes comme la dernière bulle dans un bocal à poisson… Salvatrice !

Un brin malicieux je ne pu m’empêcher d’en dire plus.

- Laissez-moi-vous raccompagner chez vous ! Je ne souffrirai qu’on me vole la dernière bulle de cette soirée !


BOUM BOUM BOUM:
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[CLOS] [Richard/Shannon] Avec mes sentiments les plus distingués De_1 [CLOS] [Richard/Shannon] Avec mes sentiments les plus distingués De_2
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Shannon refusa poliment le café. Autant pour soulager le serveur en fin de service, que parce qu'elle comptait dormir un peu cette nuit. Shannon n'était pas vraiment café, de toute façon. Elle préférait le thé ou une bonne tisane. Elle était déjà suffisamment électrique pour ne pas avoir besoin de rajouter de la caféine dans son sang et risquer l'hyperactivité chronique. La position de Richard ne la choqua en aucun cas. Ils n'étaient pas à la télé, ni en meeting, ils ne signaient pas un contrat de la haute importance, ils étaient juste assis, autour d'une table, pour dîner, en tout bien tout honneur. Du moins, selon elle. Qu'il ait "presque" envie de l'embrasser la fit rire en baissant les yeux pour dissimuler sa gêne, mais elle en fut également légèrement déçue. Elle trouvait "presque" le "presque" de trop. Shannon était quelqu'un de plutôt franc et quand elle désirait quelque chose, elle n'aimait pas passer par quatre chemins. Elle était plutôt claire et précise. Un peu comme Richard sans le... "presque".

Elle releva les yeux dans les siens, conservant son sourire mais ne rougissant plus. Il était décidément gonflé de flatteries et pendant un temps, elle ne sut pas s'il s'agissait de drague subtile ou bien de profonde sincérité innocente. Il y avait sûrement un peu des deux. Il avait au moins une façon de la flatter originale. Shannon ne put se souvenir de la dernière fois qu'elle avait reçu autant de compliments - certains même un peu perceptibles entre les lignes. D'autant plus de la part d'un homme. Néanmoins, elle fut également déçue. Elle aurait aimé qu'il soit différent. Peut-être un peu moins "rapide". Il ne lui avait pas vraiment laissé beaucoup de temps de réflexion. A peine l'avait-il vue qu'il l'avait invitée au restaurant. Maintenant, il avait "presque" envie de l'embrasser, il la comparait ensuite à un bocal à poissons avant de proposer de la raccompagner chez elle pour profiter encore de sa présence ! Au milieu, elle n'était toutefois pas en reste pour avoir enclenché l'idée d'une campagne politique dans un même temps. Aussi, elle ne s'offusqua ni se braqua. Peut-être avait-il un rythme plus soutenu de ce dont elle avait l'habitude, mais elle se devait de reconnaître qu'elle n'était pas en reste !

Finalement, elle en conclut que ce qui les traversait n'était ni plus ni moins qu'une aise salvatrice, comme il le disait si justement. Car elle dut bien s'avouer qu'elle aussi se sentait plutôt bien. Si leur rencontre était un peu chaotique au démarrage, Shannon baissait doucement certaines gardes afin de laisser à Richard le loisir de ne pas se contenter d'une journaliste frigide, directive et quelque peu obtus. C'était ainsi qu'elle se percevait. Mais elle ne désirait en aucun cas masquer son caractère. Alors elle se leva, récupéra sa veste et son sac, souriant de plus en plus. Elle se pencha vers lui, jouant de son regard dans le sien de la même façon que ses flatteries l'enrobait depuis quelques minutes d'une sacrée dose de sucre.

– Je serai ravie que vous me raccompagniez chez moi, Monsieur Aberline, mais je vous invite à laisser votre audace, votre propre détermination et votre ardeur au chaud dans votre pantalon. Je ne souffrirai d'aucun manque de retenue de la part de votre... braguette.

Et elle sourit un peu plus. Peut-être était-elle encore plus malicieuse que lui en cette instant. Eut-elle même un léger rire. Elle était joueuse, tout autant que lui, à n'en point douter. Voilà ce qui plaisait le plus en Richard. Il avait le sens du challenge raffiné. Elle ne sentait pas qu'il lui était tellement supérieur, plus son égal, et en même temps, elle ne ressentait aucun désir de domination comme cela pouvait être le cas avec d'autres. Non, Richard n'était pas comme les autres. Elle ne ressentait pas le besoin d'être meilleure que lui. Elle voulait seulement qu'il soit meilleur que les autres.

Alors, elle lui tendit la main pour qu'il se lève à son tour. Shannon était peut-être distinguée et une femme bien élevée, mais elle n'était pas non plus une princesse.

Spoiler:
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Richard Aberline
Richard Aberline
Saisissant la main de Shannon, je reculais ma chaise et me levais à mon tour, lui tendant mon bras en bon gentleman. Me retrouvant nez à nez avec la belle journaliste, je me penchais légèrement vers son oreille en souriant.

- Mon ardeur n’aura qu’à bien se tenir dans ce cas !

Je laissais un instant Miss O’Dair pour m’acquitter de notre repas. Le serveur me félicita pour une aussi charmante compagnie et j’espérais bien que cela puisse se reproduire prochainement. Ce soir, je n’enviais plus la solitude et le silence de mon appartement. J’avais envie d’autre chose. Shannon était une femme impétueuse, pleine de bon sens et d’une intelligence aiguisée. Jusqu’où parviendrons-nous à aller ensemble ? Que nous réservaient les prochains mois ? J’appréciais sa compagnie pour ce qu’elle était, sans en demander plus, sans chercher moins. Dans mon milieu, à mon rang, il y avait bien peu de femme. Je m’en désolais un peu car à mon sens, elles étaient bien plus malines en affaire que nous autres. Cependant, les hommes de pouvoir n’acceptaient pas vraiment que des femmes puissent leur être supérieur. Mais entre Shannon est moi, je ne ressentais aucun besoins, de l’un ou de l’autre d’assoir une quelconque autorité. Un homme et une femme… Rien d’autre.

Rejoignant la jeune femme, nous sortîmes du restaurant puis de l’immeuble. J’avais prit soin de prévenir mon chauffeur de nous attendre devant l’entrée. Je faisais rarement appel à ses services, préférant de loin la marche à pied. Cependant je ne savais pas où habitait Miss O’Dair et je ne voulais pas passer pour un homme de demi-mesure. Je la raccompagnerais comme il le fallait et jusqu’au pied de sa porte. Pour le reste, le message avait été très clair et je n’étais pas sûr d’avoir envie de l’offusquer. Quoique… J’avais un peu le sentiment que mon « presque » avait été de trop. Qui n’aurait pas eu envie d’embrasser une femme pareille ? Après tout… Il y avait bien d’autres intermédiaires avant d’arriver aux histoires de braguettes… Et sans vouloir paraître prétentieux, je voulais bien me vanter de maîtriser deux ou trois choses sur le sujet ! Ouvrant la portière à Shannon, je la laissais monter avant de me glisser à ses côtés.

- A quelle adresse faut-il vous raccompagner ?

Je trouvais cela plus délicat que de lui demander directement où elle vivait. Après tout, elle était encore libre de me mener en bateau et de préférer conserver le mystère sur sa vie privée. D’un autre côté, j’étais très curieux de découvrir où la jeune femme pouvait bien vivre. Après, je me contenterais surement d’un baiser délicat posé sur le dos d’une main. La galanterie anglaise… J’avais hâte de débuter cette campagne finalement !
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Shannon O'Dair
Shannon O'Dair
Richard possédait tout du gentleman. Charmant, charmeur, galant, flatteur et cela plaisait plutôt bien à Shannon. Elle lui sourit en baissant le menton à sa promesse et le laissa aller payer leur note sans oser se poser la question du prix pour un repas ici. Shannon n'était pas pauvre, ni même franchement modeste, elle gagnait plutôt bien sa vie, sa famille aussi et s'en trouvait assez bien à l'abri du besoin. mais elle était aussi près de ses sous. On ne savait jamais ce qui pouvait arriver et l'arrogance ne faisait pas totalement partie de ses défauts. Si quelqu'un devait jeter des billets de banque à l'eau, ce ne serait pas elle. Elle reprit le bras de Richard au creux de sa main, alliant son élégance à la sienne. En s'installant dans la voiture, elle sourit un peu plus. Elle s'était attendue à quelque chose de plus sommaire comme de la marche à pieds. Elle ne vivait pas si loin, finalement, depuis qu'elle avait déménagé. La nuit était plutôt agréable et Richard l'était tout autant, alors raccourcir un moment comme celui-ci... Mais elle estima que peut-être la marche, ce n'était pas son truc. Il ne courrait sûrement pas pour le prochain marathon qu'elle organiserait sur les bords de la Ville Médiane pour une nouvelle cause d'enfants malades. Elle lui indiqua sa rue, à quelques pâtés de maisons, réalisant qu'à pieds, cela devait sûrement faire une petite trotte. Un petit quartier résidentiel dans une vieille architecture propre de Philadelphie, des appartements ressemblant à des maisons dans une rue calme. Avec des arbres. Et des voitures dans des garages. Shannon était pleinement consciente de la chance qu'elle avait et s'acharnait chaque jour à la mériter.

En cinq minutes, ils furent chez elle, un chien aboyant au loin. Shannon sursauta lorsque sa portière s'ouvrit à son grand étonnement. Bien qu'issue d'une famille aisée, elle n'en était pas au point d'avoir un chauffeur comme celui-ci ! Elle pouffa d'un rire léger avant de s'extirper de la voiture en remerciant le gentilhomme, attendant que Richard la rejoigne. Elle leva les yeux vers une fenêtre éclairée et devina que l'ombre qui venait de passer était celle de sa co-locataire Hannah. Elle baissa le regard, reportant son attention sur Richard, remettant son sac à son épaule et elle sourit d'autant plus.

– Voilà, c'est chez moi. Ce n'est pas... Un grand palace mais c'est à moi. - Elle le dévisagea quelques secondes avant de reprendre. - Merci Richard, pour cette soirée improvisée. Ce fut bien agréable, je dois le reconnaître. Je tiens à nouveau à m'excuser pour tout à l'heure, pour ainsi dire, je ne suis pas d'une grande aise face aux hommes... Dirons-nous.

Faisant référence à son comportement face aux compliments de Richard en début de repas, elle rougit légèrement en baissant les yeux. C'était probablement la chose la plus sincère et la plus intime qu'elle lui ait confiée depuis qu'elle était entrée dans son bureau. Et si Richard songeait à un quelconque malaise ou événement au cours de sa vie, il serait sûrement déçu d'apprendre qu'il n'en était rien. Shannon était une personne des plus ennuyeuses à qui rien n'était arrivé. Elle était juste ainsi. Entière.
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Richard Aberline
Richard Aberline
Nous nous étions éloignés des grands building de la ville haute pour rejoindre un quartier plus résidentielle de Philadelphie. Ici, on aurait presque pu se croire à la campagne et la vie devait y être bien agréable. J’emboitais le pas à Shannon lorsque mon chauffeur nous ouvrit la portière et je la rejoignis devant chez elle. Je ne sais pas quel genre de vie elle pouvait mener, ni s’il faisait bon vivre ici, cependant la tranquillité du quartier me fit un drôle d’effet nostalgique. Je fuyais ma propre maison autant que faire se peut, travaillant d’ arrache pied pour ne pas avoir à m’occuper des détails personnels. Ici, il y avait de la vie tout simplement et se détail me fit apprécier Shannon d’autant plus. Je lui rendis son sourire d’un hochement de tête.

- Votre quartier à l’air très agréable. Vous avez de la chance de pouvoir vivre ici, à l’écart de la grande ville.

Je baissais la tête un instant, ce n’était pas à elle d’avoir des remords. Je ne l’avais pas aidé.

- Shannon, vous n’avez pas à vous excuser. J’aurais du être plus clair dès le départ. J’ai passé une très agréable soirée en votre compagnie et j’espère pouvoir profiter à nouveau de votre présence très bientôt.

Lui saisissant la main, j’y déposais un baiser chaste et sans ambiguïté, en vrai gentleman.

- Vous savez ou me trouver Miss O’Dair. Passez une agréable une nuit.

Tournant les talons, je remontais dans la voiture, adressant un dernier sourire à Shannon avant de fermer la portière. Lorsque mon chauffeur redémarra je me fis la réflexion qu’il était trop tôt pour analyser tout les évènements de ce soir. En l’espace d’un repas j’avais presque conclu un accord de campagne, trouvé une sorte d’allié politique et convaincue une jeune femme magnifique de faire confiance à ma bonne foi. Que pouvais-je bien attendre d’elle à présent ? Ce qu’elle accepterait encore de me donner sans nul doute.
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[CLOS] [Richard/Shannon] Avec mes sentiments les plus distingués
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